• Oui, mais pour le moment, il n’est pas prêt, insista Mark. Tu vois, il est tellement aveuglé par la haine qu’il éprouve pour son père qu'il le tient pour responsable de tout ce qui s'est passé.

    D’une certaine façon, il n’a pas tort, argumenta la jeune fille. Sa mère avait très certainement un trouble mental à la base mais vivre avec ce type n’a sûrement rien arrangé.

    Mark hocha la tête. Et à l’inverse, même si le père Shepherd était une vraie pourriture, ça ne devait pas être facile tous les jours de vivre avec sa femme.

    Mais ils n'ont jamais pensé à la faire soigner ? s'étonna Meredith. Ils étaient tous médecins dans cette famille. Tu ne vas pas me dire que personne ne s’est rendu compte qu’elle avait besoin d’aide !

    Ouais mais comme je viens de te le dire, Derek a toujours été dans le déni en ce qui concerne sa mère. Et pour ce qui est de son père, ça l'arrangeait peut-être d'une certaine manière. Elle était plus facile à manipuler. En plus, ce type avait un ego monstre. Pas du genre à admettre publiquement que sa femme était dérangée. Et de toute façon, dans notre milieu, c’est le genre de choses qu’on préfère dissimuler. Toujours sauver les apparences, quelles que soient les circonstances, énonça Mark avec emphase, l’index levé vers le ciel.

    Meredith le regarda avec une expression moqueuse. Ah ça, elles ont été sacrément sauvées, tes apparences ! A côté de tout ce qui s’est passé, le borderline, c’est que dalle ! ironisa-t-elle. Mark émit un petit rire espiègle. Le cœur de Meredith s’emballa subitement lorsqu’elle vit que Derek levait enfin la tête vers elle. Comme quelques-uns de ses assistants l’imitaient, elle résista à l’envie de lui faire un signe, comme elle l’avait fait au début, et se contenta de lui décocher un sourire des plus éclatants. A nouveau, elle devina à son regard qu’il souriait lui aussi. La seconde suivante, il se penchait légèrement devant une infirmière afin qu’elle lui pose sur la tête des lunettes dont chaque verre était muni d’une sorte de petite loupe. Il reprit ensuite sa place près de sa jeune patiente avant de tendre sa main vers une infirmière qui lui remit immédiatement une espèce de stylet relié à un fil. Le voir ainsi, à la tête d’une équipe qui lui obéissait au doigt et à l’œil, impressionnait fortement Meredith. Jusqu’à ce jour, Derek n’avait été pour elle que son petit ami, un très bel homme, un peu léger et superficiel, qui sautait au-dessus de la portière de sa belle voiture de sport pour impressionner les filles. Certes, elle savait qu’il était neurochirurgien, qu’il était même assez renommé. Cependant, ce n’était que des mots qui n’évoquaient rien de très précis pour elle. Mais, aujourd’hui, le personnage venait de prendre une tout autre dimension. Celui qui n’était jusqu’alors qu’un prince charmant venait de se métamorphoser en un véritable dieu. Ce qui n’était pas sans poser un problème à Meredith. Était-elle digne d’un dieu ? Abigail… elle était comment ? Mark fronça les sourcils. Je veux dire, elle était jolie ?

    Il fit la moue. Ouais. Ouais, elle était pas mal, mais ce n’était pas mon genre. Du tout !

    Pourquoi ?

    C’est comme ça. Elle ne me plaisait pas, c’est tout. Un petit machin tout sec, sans formes. Mark fit une grimace qui amena un sourire sur les lèvres de Meredith. Je n’ai jamais compris ce que Derek lui avait trouvé, grommela-t-il. Elle n’était pas son genre non plus.

    Mais il en était amoureux, objecta Meredith avec un petit pincement au cœur.

    Ouais, confirma Mark. Foutue connerie tout de même !

    Est-ce que tu crois… Meredith s’arrêta soudain, hésitant à formuler la question qui la taraudait depuis des semaines maintenant. Est-ce que tu crois qu’il l’a aimée plus qu’il ne m’aime ? Oh bien sûr, Derek l’avait assurée du contraire, affirmant même qu’elle était l’amour de sa vie, mais elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver encore un doute. Comment elle, petite vendeuse de pâtisseries actuellement sans emploi et sans talent particulier, au physique plutôt banal, pouvait-elle rivaliser avec la brillante et très certainement ravissante étudiante en médecine ? Rien ne plaidait en sa faveur. Son seul atout par rapport à Abigail était une poitrine un peu plus opulente. Ce n’était pas avec cela qu’elle tiendrait la distance !

    Mark souffla. Mer…

    Elle joignit ses mains en un geste de prière. Réponds-moi, je t’en prie. J’ai besoin de savoir.

    Tu as tort de te poser ce genre de questions. Ce qu’il a vécu avec elle il y a douze ans ne peut pas être comparé avec ce qu’il vit avec toi maintenant. Mark soupira. Si tu espères que je vais te dire qu’il ne l’aimait pas, alors tu vas être déçue. Parce qu’il était amoureux, comme on peut l'être à vingt ans et que c’est la première fois que ça compte vraiment. Je n’ai jamais compris pourquoi, répéta-t-il, mais il en était amoureux. C’était sérieux. Il pensait qu’il ferait sa vie avec elle. Meredith baissa la tête et il comprit qu’elle essayait de lui cacher les larmes qui commençaient à envahir ses yeux. Il s’en voulut de lui asséner la vérité aussi maladroitement. Il lui prit une main qu’il serra entre les siennes. C’était il y a très longtemps, Mer. Il l’obligea à relever la tête. Aujourd'hui, c’est toi qu’il aime. Aussi sincèrement qu’il a aimé Abigail mais pas du tout de la même façon. C’est plus profond, parce qu’il a vécu des choses et qu’il a plus de maturité. Il t’aime vraiment, à la folie, et rien d’autre ne devrait plus compter pour toi.  

    Je sais mais… j’ai l’impression de ne pas faire le poids face à elle, tu comprends ? Envahie par le découragement, Meredith lutta pour ne pas laisser couler ses larmes. Qu’est-ce qu’il peut bien me trouver, Mark ? geignit-elle.


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  • Mais tu es cent mille fois mieux que cette salope ! s’emporta Mark, contrarié que Meredith puisse encore douter d’elle-même. Et je ne parle pas seulement du physique. Non, franchement, Meredith, tu déconnes ! Cette manie que tu as de toujours te rabaisser ! Il la prit par les épaules pour l’attirer contre lui. Tu as tout pour plaire à Derek justement. Non seulement tu es jolie, ravissante même, insista-t-il, mais en plus, tu es honnête. Après tout ce qu’il a vécu, c’est ce qu’il veut, une personne en qui il peut avoir toute confiance, qui soit droite et sincère, qui ne lui mente pas. Quelqu’un qui lui dise ce qu’elle pense ! Quelqu’un qui a des principes et qui s’y tient ! Voilà ce qu’il veut. Et c’est parce que tu es tout ça que tu lui plais autant. Il resserra un peu plus fort son étreinte. Sur ce plan, tu vaux des millions d'Abigail et il en est parfaitement conscient. Il n'a aucun regret, crois-moi. 

    Tu en sûr ? chuchota Meredith en reniflant.

    Mark fit mine d’être choqué. Hé ! C’est mon meilleur ami, clama-t-il d’une voix forte. On a grandi ensemble. Il me raconte tout et ce qu’il ne me dit pas, je le devine. Je sais ce qu’il pense et comment il fonctionne. Alors, quand je te dis que ce mec est raide dingue de toi, c’est que c’est vrai. Les yeux pleins d’espoir que Meredith dirigea vers lui le firent fondre. Tu sais, ce qu’il a fait pour toi, il ne l’aurait pas fait pour elle, certifia-t-il d’une voix tout en douceur. Te courir après comme il l’a fait, te supplier de revenir… Il secoua la tête. Il ne l’aurait jamais fait pour elle. Bien trop fier. Mais pour toi, il a mis sa fierté de côté et ça, crois-moi, ça veut tout dire. Ça veut dire qu’il t’aime vraiment plus que tout. 

    Merci, murmura Meredith, rassurée. Elle se pelotonna contre lui. Mark avait toujours su trouver les mots qui l’apaisaient et la rassuraient. Il était vraiment le meilleur ami qu’elle puisse avoir. Elle s’en voulut subitement de s’être éloignée de lui ces derniers temps et d’avoir ainsi relégué leur amitié au second plan. Et toi, ça va ? demanda-t-elle avec des accents de culpabilité.

    Ouais, ça va, répondit-il sobrement.

    Et tes amours ?

    La routine. Depuis son retour de Santa Rosa, il passait toutes ses nuits en galante compagnie, jamais la même bien entendu. Tous les soirs, il quittait la clinique et allait trainer en ville, jusqu’à ce qu’il trouve celle qui allait égayer sa soirée. Quoique égayer fusse un bien grand mot. En dehors de l’acte sexuel, il ne trouvait plus aucun plaisir dans ces relations sans lendemain. Et même parfois, le sexe s’avérait très décevant. S’il s’obstinait, c’était tout simplement pour ne pas être seul. Avant, il avait Derek mais maintenant que celui-ci était casé, il se sentait un peu abandonné. Quant à Callie, elle s’était mise en tête de trouver l’âme sœur et, pour cela, de s’inscrire à tous les speed dating que la ville comptait, ce qui allait la rendre forcément moins disponible.

    Et cette fille dont tu m’as parlé ? La façon dont Mark la regarda indiqua à Meredith qu’il ne voyait pas ce à quoi elle faisait allusion. Tu sais, à Aspen. Celle qui avait un copain. Et dont tu es secrètement amoureux, précisa-t-elle après avoir hésité à le faire. Mark lui avait fait cette confidence dans un moment d’abandon. Elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise en la lui rappelant.

    Il se souvenait parfaitement de cette conversation où il lui avait avoué ce qu’il ressentait pour elle, sans qu’elle se doute un instant qu’elle était celle dont il parlait. Ah cette fille-là ! dit-il avec un sourire à la fois énigmatique et triste. Eh bien, elle est toujours avec son copain.

    Meredith posa sur lui un regard empli de compassion. Oh Mark, je suis désolée.

    Il leva légèrement les épaules. Bah, faut pas. C’est comme ça. C’est la vie. Il fut surpris par la bouffée d’émotion qui l’envahissait. Lui qui avait cru que ses sentiments pour Meredith s’étaient, non pas évanouis – un amour aussi fort ne pouvait jamais disparaître tout à fait – mais affaiblis, il réalisait qu’il n’en était rien.

    Mais est-ce que tu lui as parlé au moins ? s’enquit Meredith, un léger reproche dans la voix parce qu’elle connaissait déjà la réponse.

    Mark haussa les sourcils. Pour quoi faire ? Elle est très amoureuse de ce mec et c’est réciproque. Pourquoi veux-tu que je lui parle d’un truc qui ne l’intéresse pas ?

    Ça, tu n’en sais rien ! martela Meredith en plantant son regard dans celui de Mark.

    Allons, Mer… Il laissa échapper un soupir. Elle n’a jamais vu en moi qu’un ami et elle ne verra jamais rien d’autre. Et c’est très bien comme ça ! affirma-t-il avec conviction, en espérant que cela suffirait à dissuader la jeune fille d’insister.

    Moi, je trouve qu’elle a le droit de savoir ! s’enferra-t-elle, bien décidée à avoir le dernier mot.

    Le sujet, pour le moins épineux, finit par rendre Mark nerveux. Et moi, je suis certain que ça ne l’intéresse pas de savoir ! dit-il sur un ton un peu cassant.

    Alors, tu abandonnes ? Comme ça ? s'indigna Meredith. Elle s’était fait de Mark l’image d’un homme coriace et opiniâtre et le fait qu’il renonce aussi facilement au grand amour la décevait beaucoup.

    Ouais, comme ça ! Il fit mine de s’absorber dans l’observation de l’opération, en espérant que Meredith l’imiterait. Il commençait à regretter amèrement d’avoir accepté de lui tenir compagnie. La prochaine fois, je m’abstiendrai, pensa-t-il.


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  • Alors, c’est que tu ne l’aimes pas vraiment ! conclut Meredith, sans cacher qu'elle était dépitée.

    S’il y avait une chose que Mark n’était pas prêt à tolérer, c’était qu’elle remette en cause l’amour qu’il lui portait, le seul qui ait fait battre son cœur d’ailleurs. Mais si, je l’aime vraiment ! s’emporta-t-il. Mais ça ne me mène nulle part. Devant cet affligeant constat, sa hargne retomba comme un soufflé. Alors, je me suis fait une raison. Son intonation était lasse, comme découragée, et Meredith eut mal au cœur en voyant la tristesse assombrir ses yeux. Quand je les vois tous les deux, je sais qu’ils sont faits pour être ensemble.

    Comme Derek et moi.

    Le sourire de Mark se teinta de désespoir. Oui, comme Derek et toi. Il regarda la main de Meredith qui venait de saisir la sienne et la serrait de toutes ses forces. Elle ne m’aimera jamais, pas comme je le voudrais. Je suis son ami et rien de plus. Il releva les yeux vers celle qui venait de raviver tout ce qu’il s’efforçait de refouler depuis des semaines. Si je lui avouais ce que je ressens, je risquerais de perdre son amitié et ça… ça, je ne veux pas. Cette fille n’est pas pour moi, Mer. C’est dommage mais c’est comme ça. Ça ne servirait à rien de m’acharner, sauf à me rendre plus malheureux encore. En plus, je connais son copain. Un peu, mentit-il. C’est un brave gars. Ce ne serait pas correct si j’essayais de lui voler sa copine.

    Meredith le regarda avec affection. Quand je pense que tout le monde te prend pour un salaud ! Il sourit. Il faudrait quand même que tu te décides un jour à leur montrer qu’ils se trompent, lui suggéra-t-elle.

    Il se contenta de hausser les épaules. L’avis des autres lui importait peu du moment qu’elle savait qui il était vraiment. Ils arrêtèrent de parler pour se concentrer à nouveau sur l’intervention. Très vite, pourtant, Mark fut distrait par une idée qui le mit très mal à l’aise. Meredith et Derek semblaient désormais ne plus avoir de secret l’un pour l’autre. Si jamais la jeune fille rapportait cette conversation à son petit ami, celui-ci s’étonnerait de ne pas être au courant. Il commencerait par reprocher à son ami de lui avoir caché quelque chose d’aussi important. Ensuite, il l’interrogerait pour connaitre le fin mot de l’histoire et il ne lui faudrait sans doute pas plus de quelques minutes pour sentir le coup fourré. De là à ce qu’il devine tout ce que cela cachait, il n’y avait qu’un pas que Mark ne voulait certainement pas voir franchi. Euh… dis, ce truc… avec cette fille. Meredith opina de la tête. Je n’en ai parlé à personne, même pas à Derek. Y a que toi qui es courant et… enfin, j’aimerais vraiment que ça reste entre nous. Son air penaud n’était pas feint. Il s’en voulait non pas de mentir à Meredith – ce n’était pas le cas puisque Derek n’était effectivement pas au courant – mais de travestir la vérité.

    Ne t’en fais pas. Ce sera notre secret. Meredith se rapprocha de lui pour lui planter un baiser sur la joue. Et pour le reste, je suis sûre qu’un jour tu rencontreras la femme de ta vie.

    A nouveau, Mark sentit sa gorge se serrer sous l’effet de l’émotion. Ouais… on verra.

    C’est tout vu ! clama Meredith. Tu es un type génial. N’importe quelle femme serait heureuse d’être avec toi. Il faut juste que tu leur laisses une chance. Et ce n’est pas en changeant de copine tous les jours que…

    Mark lui coupa la parole. Je croirais entendre ma grand-mère, plaisanta-t-il avec énormément de tendresse dans la voix.

    Je prends ça comme un compliment, répliqua Meredith. Ils se sourirent et, cette fois, ce fut Mark qui se pencha vers elle pour l'embrasser sur la joue. La jeune fille s’accrocha à son bras, en pensant à la chance énorme qu’elle avait de s’être fait un ami tel que lui. Il méritait d’être heureux, lui aussi. Tu as eu des nouvelles de Taylor depuis qu’on est revenu de Santa Rosa ? laissa-t-elle tomber après un long moment de silence.

    Pourquoi tu demandes ça ? s’inquiéta Mark tout en feignant d’être détaché.

    Comme ça. Meredith lui jeta un regard en coin. Elle te plaît bien, non ?

    Il la visa d’un œil soupçonneux. Il est où, le piège ?

    Y en a pas ! assura-t-elle. Vous vous plaisez, vous vous entendez bien, alors voilà…

    C’est pas toi qui m’as interdit de m’intéresser à elle ? 

    Meredith acquiesça. Oui, mais en y réfléchissant bien… Tu sais, si j’avais eu dix-sept ans quand j’ai rencontré Derek, je ne crois pas que ça aurait changé quoi que ce soit. Pas pour moi en tout cas et, à mon avis, pas pour lui non plus. Elle guetta la réaction de Mark.

    Je suppose que non, concéda-t-il avec un petit sourire.

    Meredith lui fit part de son raisonnement. On tombe amoureux d’une personne pour ce qu’elle est, et l’âge n’a rien à y voir. Le principal, c’est d’être bien ensemble. Alors, si toi et Taylor... ben, moi, je serais d’accord.

    C’est gentil. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour être honnête, depuis son retour, Mark n’avait guère pensé à l'adolescente, comme si l’éloignement avait rompu le charme qui s’était créé à Santa Rosa.


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  • Mais ça pourrait le devenir, argua Meredith. Un simple coup de fil et…

    Je n'ai pas l'intention de l'appeler.

    Toi non, mais moi, je pourrais.

    Il est hors de question que tu te mêles de ça ! décréta Mark. Il se mit à rire en voyant son air désappointé. Ecoute, c’est sympa de vouloir m’aider mais je ne suis pas sûr que c’est ce que je veux. C’est vrai qu’elle me plait bien, la petite, reconnut-il. Elle est jolie, sympa, délurée et, au lit, ça doit être une affaire. Mais elle est très jeune et j’aurais peur de lui faire du mal. Il vit au regard de Meredith qu’elle ne comprenait pas très bien ce qu’il voulait dire. Je me connais, Mer. Les relations sérieuses et moi… Il fit la moue. Ma grand-mère a quasiment vu naître cette gamine. Jackson la considère comme sa petite sœur. D'une certaine façon, elle fait partie de la famille. Si je décidais d'avoir une relation avec elle, il faudrait que ce soit sérieux, très sérieux. Et je ne suis pas sûr d'en avoir vraiment envie. Alors… Il fit un geste vague de la main.

    D’accord. Je comprends. En tout cas, sache que la seule chose qui compte pour moi, c'est que tu sois heureux et si ça doit être avec Taylor… Meredith s'arrêta net de parler parce qu'elle venait de remarquer, dans la salle d’opération, une certaine agitation qui lui semblait suspecte. Elle pointa l’index vers le bas. Mark, qu’est-ce qui se passe ? Il suivit la direction indiquée par son doigt et sembla contrarié par ce qu’il vit, ce qui n’échappa pas à la jeune fille. Mark, qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogea-t-elle avec nervosité.

    J’sais pas, prétendit-il pour ne pas l’effaroucher. Il se leva et alla rallumer le haut-parleur.

    Asystolie, cria le médecin qui assistait Derek.

    La voix nerveuse de ce dernier résonna dans la galerie. Commencez la réanimation. Dépêchez-vous. Dépêchez-vous, bon sang, vociféra-t-il parce que son collègue n’allait pas assez vite à son goût. Meredith se leva d’un bond et se colla à la vitre, en y plaquant la paume de ses mains. Elle poussa un petit cri quand Derek poussa violemment son assistant sur le côté et entreprit le massage cardiaque à sa place. Donnez-lui 1mg de Xylocaïne par intraveineuse, ordonna-t-il sèchement à son assistant lequel s’exécuta immédiatement, sans résultat. Tout en poursuivant le massage, Derek s’adressa à sa patiente. Allez, Tiffany. Reste avec moi. Il faut que tu restes. Tu ne peux pas abandonner.

    Haletante, Meredith se tourna vers Mark. Il va la sauver, n’est-ce pas ? Il resta silencieux.

    Aide-moi, Tiffany. Bats-toi, nom de dieu ! s’époumona Derek.

    Comprenant que les choses risquaient de dégénérer, Mark décida de prendre les choses en main. Il était hors de question de laisser Meredith assister en direct à la mort de l’enfant. Il la prit d’autorité par la main. Viens.

    Elle était morte de peur et ses jambes tremblaient tellement qu’elle avait l’impression qu’elle allait s’effondrer mais elle ne pouvait envisager de quitter la galerie. C’eut été comme abandonner Derek. Non, je veux rester, ânonna-t-elle. A ce moment, Derek leva les yeux et, tout en poursuivant le massage, fit comprendre à son ami, d’un mouvement brusque de la tête, qu'il était temps de faire sortir Meredith.

    Mark tira légèrement sur le bras de la jeune fille. Tu vois, il veut que tu t’en ailles, lui aussi. Elle ne bougea pas, le regard fixé sur Derek qui poursuivait le massage cardiaque tout en hurlant des ordres à son équipe. Meredith, il essaie de lui sauver la vie, lui rappela Mark. En restant ici, tu ne l’aides pas. Il doit se battre pour la petite et, pour ça, il doit rester concentré. Mais si tu restes là, il va penser à toi et à ce que tu ressens. A ce moment-là, Derek regarda à nouveau en direction de la galerie. Meredith réalisa alors que Mark avait raison et le suivit sans plus discuter. Ils descendirent l’escalier dans le plus grand silence. Ils marchaient dans le couloir quand Meredith se mit à pleurer. Mark la prit immédiatement dans ses bras. Ne t’en fais pas. Ça va aller, lui garantit-il, en passant outre son sacro-saint principe de ne jamais promettre ce dont il n’était pas absolument sûr.  

    C’est ma faute, chouina-t-elle contre son torse. Je n’aurais jamais dû accepter d’assister à cette opération.

    Mark la gronda tendrement en lui caressant les cheveux pour la calmer. Tu dis des bêtises ! Ça n’a rien à voir avec toi. L’intervention est très risquée. Ça se serait passé, avec ou sans toi.

    Elle leva vers lui un visage ruisselant de larmes. Il va la sauver, n’est-ce pas ?

    Cette fois, il mesura ses propos. Il va faire tout son possible en tout cas.

    Tu ne peux rien promettre, c’est ça ?

    Mark lui sourit tristement. Je voudrais tellement mais non, je ne peux pas. Il la prit par la taille. Viens. Faut pas rester ici. Elle se laissa aller contre lui pour avancer. Ils débouchaient du couloir lorsque le bipeur de Mark sonna. Le chirurgien s’assombrit un peu plus en consultant son appareil. Ah merde ! pesta-t-il. Va falloir que je te laisse. Une patiente en post-op’ qui a des problèmes. Je vais faire le plus vite possible, déclara-t-il devant le regard affolé de son amie. Il était plus qu’embêté de la laisser seule mais il n’avait guère le choix.


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  • Mark se demandait où installer Meredith jusqu’à son retour – dans son bureau, celui de Derek ou la salle d’attente ? – quand il remarqua, dans le petit bureau qui se trouvait derrière eux, une infirmière qui était en train de classer des documents dans des dossiers. Il ouvrit la porte si brusquement que la jeune femme faillit en laisser tomber ses papiers. Elle lui lança un regard noir qui ne lui fit ni chaud ni froid. J’ai besoin de toi, lui annonça-t-il tout de go. Tu vas accompagner cette demoiselle dans la salle d’attente et tu vas rester avec elle jusqu’à ce que je revienne.

    Meredith n’était plus une inconnue pour le personnel de la clinique. Pratiquement tous savaient qu’elle était la petite amie du peu commode Derek Shepherd. Et mon travail ? objecta l'infirmière, peu enthousiaste à l’idée de jouer les dames de compagnie. Comme tout le monde ici, elle se souvenait que le précédent passage de Meredith avait coûté la place, sans qu’on en connaisse la raison, à trois collègues des plus compétentes et elle n’avait aucune envie de faire partie des prochains licenciements.

    Ben, tu le reprendras après, grogna Mark. Tes papiers ne vont pas s’envoler.

    Mark, c’est ridicule ! intervint Meredith qui avait bien vu que la requête de son ami contrariait beaucoup l'infirmière. Je ne suis plus une gamine, je peux rester seule un moment. En plus, Madame a sûrement mieux à faire qu’à me servir de baby-sitter. Cette remarque lui valut un sourire reconnaissant de l’intéressée. Et puis, tu ne vas pas rester absent si longtemps que ça, n’est-ce pas ? demanda-t-elle au chirurgien avec des yeux implorants.

    J’espère que non, répondit-il avant de se tourner vers l’infirmière. Bon, alors, tu la conduis à la salle d’attente et tu veilles à ce qu’elle ne manque de rien. Moi, je fais le plus vite possible, promit-il encore une fois à Meredith. Le temps de lui faire un baiser sur la joue et il partait déjà à grandes enjambées.

    L’infirmière fit signe à la jeune fille de la suivre. Elles marchèrent côte à côte, sans parler – elles étaient aussi embarrassées l’une que l’autre et ne savaient pas comment briser la glace – jusqu’à ce qu’elles arrivent devant une salle aux immenses baies vitrées qui donnait une vue splendide sur la ville. Voilà, vous pouvez attendre là, dit l’infirmière en désignant quelques sièges vides. Si vous voulez quelque chose à boire, il y a un distributeur, là, plus loin, précisa-t-elle en pointant le doigt vers sa gauche. Et si jamais vous avez besoin de moi, je serai dans le bureau, ajouta-t-elle par acquit de conscience. Valait mieux être sympa avec la créature des patrons ! 

    Merci, répondit Meredith, désespérée à l’idée de devoir attendre seule dans ce milieu hostile à tous les niveaux. Elle détestait les hôpitaux parce que, dans la plupart des cas, ils étaient synonymes de maladie et de mort. Par ailleurs, elle ne pouvait ignorer les regards pleins de sous-entendus et les messes basses que déclenchait à chaque fois sa présence. Il était évidemment qu’en raison de son statut de petite amie de, elle n’était pas la bienvenue. C’est Derek qui abuse mais c’est moi qui trinque, se dit-elle avec amertume en s’installant sur une chaise. Après avoir regardé un instant le paysage dont la beauté la laissa relativement indifférente, elle prit un magazine sur la petite table qui se trouvait à côté d’elle. Malheureusement, il s’agissait d’une revue médicale dont le premier article, "Gamma globulines antitétaniques et médicaments dérivés du sang", la découragea dès les premières lignes. Elle n’y comprenait rien. La page suivante n’était guère plus réjouissante. "Cancer du côlon : les bénéfices insoupçonnés des statines" Quelle drôle d’idée de mettre ce genre de lecture dans la salle d’attente d’une clinique, pensa Meredith. Rien de tel pour saper le moral ! Elle échangea cette revue ô combien rebutante contre le dernier People Magazine, nettement plus accessible. Hélas, les nouvelles excentricités de Paris Hilton ou la vingtième cure de désintoxication de Lindsay Lohan ne parvinrent à la distraire, pas plus que l’article sur la nécessité pour Britney Spears de se faire poser de toute urgence de nouvelles extensions capillaires. Tout cela était tellement dérisoire par rapport à ce qui était en train de se jouer dans la salle d’opération. Elle referma le magazine et regarda sa montre avant de s’intéresser aux personnes qui l’entouraient. Isolées ou en groupe, de tous les âges, la mine sombre pour la plupart, elles attendaient vraisemblablement qu’on vienne les rassurer sur le sort d’un de leurs proches. Elle-même était tellement stressée parce qu’une petite fille, qui lui était totalement étrangère, risquait de mourir qu’elle avait du mal à comprendre comment ces gens arrivaient à tenir le coup. Pour ne pas paraître trop curieuse, elle tourna la tête pour observer les allées et venues du personnel. Ceux-là, en revanche, ne semblaient pas le moins du monde démoralisés. Ils passaient et repassaient, en faisant de temps en temps une halte devant le distributeur de boissons qui semblait être le lieu de toutes les réunions, et on entendait leurs rires ponctuer leurs conversations, ce qui laissa supposer à Meredith que ces dernières ne devaient pas être professionnelles. Elle se lassa assez vite de tout ce spectacle. Un nouveau coup d’œil à sa montre lui permit de constater que le temps ne passait pas. Il lui sembla que cela faisait une éternité que Derek était entré en salle d’opération. Son inquiétude monta d’un cran. Après une nouvelle demi-heure, elle n’y tint plus. Elle se leva pour repartir vers le bureau où normalement, l’infirmière devait être toujours en train de classer ses dossiers. Elle y était, effectivement. Meredith frappa un coup discret à la porte avant d’entrer. Excusez-moi mais… Elle s’arrêta, ne sachant trop comment formuler sa demande. Elle savait que le moindre de ses mots serait répété et jugé et elle ne voulait pas donner matière aux commérages. Cependant, le regard mi-interrogateur, mi-moqueur de l’infirmière lui indiqua qu’elle serait, de toute façon, la risée de tous si elle ne poursuivait pas. Le Dr Shepherd est en salle d’opération et ça me semble tellement long. Est-ce que c’est normal ?

    Je crois bien, répondit l’infirmière. Les interventions en neuro sont toujours assez longues. Vous voulez que je me renseigne ? proposa-t-elle, plus pour se faire bien voir que par réelle amabilité.

    Oh si ça ne vous dérange pas, ce serait vraiment gentil, s’exclama Meredith avec un grand sourire plein de gratitude.


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