• C’est clair qu’on aurait dû aller ailleurs, ronchonna Derek. Ici, avec les gosses, les chiens et tous les autres – il jeta un regard noir aux joueurs de volley qui ponctuaient chaque point gagné par de grands cris de joie – pas moyen d’être tranquille. Ils ont tout foutu en l’air.

    Meredith sourit parce que, comme à chaque fois qu’il était contrarié dans ses projets, il en faisait une montagne. Elle voulut le rassurer. Mais non, pas du tout. Le pique-nique était vraiment génial. Et là, on a un beau soleil. Il fait magnifique. On passe un super moment, non ?

    Derek se renfrogna un peu plus. Si tu le dis. Il s’allongea sur le dos, les deux mains derrière la tête, et regarda en direction du ciel.

    Meredith comprit qu’il boudait. Derek, soupira-t-elle. Comme il ne bougeait pas, elle s’allongea près de lui, son corps collé au sien. Pourquoi tu réagis comme ça ?

    Il tourna enfin la tête vers elle. Tu n’es pas la seule à avoir besoin d’être rassurée, Meredith. Moi aussi.

    Mais…

    Il ne la laissa pas aller plus loin. J’ai peur. Il se tourna sur le côté pour lui faire face. J’ai encore et toujours peur, mais plus de la même manière, lui dit-il sur le ton de la confidence. Maintenant, j’ai peur que tu ne m’aimes plus. Ou plus assez. J'ai peur que ton amour ne suffise pas à faire renaitre ton désir pour moi. Alors, j’ai besoin que tu me rassures. Il plongea son regard dans celui de la jeune fille, tout en lui caressant ses longs cheveux blonds. J’ai besoin que tu ne détournes pas les yeux quand je suis nu – elle comprit qu’il faisait allusion à la scène de l’hôpital – ou que tu ne me repousses pas à chaque fois que ma main frôle ta poitrine. Je sais que tu ne veux pas faire l’amour pour le moment mais j’ai besoin de savoir que, malgré tout, tu as toujours envie de moi. Il secoua légèrement la tête. On ne peut pas aimer sans désirer, Meredith. En tout cas, moi, je ne peux pas et je ne crois pas que ce soit différent pour toi. Alors, si tu n’as plus envie de moi…

    Elle le fit taire d’un baiser. Qu’est-ce que tu te mets en tête ? le réprimanda-t-elle avec une voix pleine de tendresse. Bien sûr que j’ai envie de toi. Elle crut bon d’insister en voyant qu'il faisait une moue dubitative. Vraiment. Comme avant. Elle vint plaquer son bassin contre celui de son amant. Si tout à l’heure, j’ai détourné le regard, c’est parce que quand je t’ai vu – elle rosit un peu – j'ai eu envie de toi. Terriblement. Si je t’ai repoussé, c’est parce que j’ai eu peur de ne pas pouvoir résister.

    Et si tu ne l’avais pas fait, ça aurait été un problème ? demanda Derek avec de grands yeux étonnés.

    Non, pas un problème, mais c’est juste que… Meredith prit une profonde inspiration. Je t’aime et j’ai envie de toi, vraiment, je te le jure, mais il y a encore quelque chose qui me retient.

    Quelque chose ? La sentant tendue, Derek lui donna un petit baiser sur la joue.

    Oui. Les larmes envahirent subitement les yeux de Meredith. Il y a eu d’autres filles, Derek. Il y a eu quelqu’un d'autre entre nous et si j’ai pardonné, je n’arrive pas encore à l’oublier. Sa détresse bouleversa Derek et renforça sa culpabilité. Il l’avait blessée et ne savait plus comment faire pour la convaincre que l'écart qu'il avait commis n'avait pas autant d'importance qu'elle lui accordait et surtout, que cela n’arriverait plus jamais. Il lui semblait que tous les mots qu’il pourrait dire sonneraient creux. Il se contenta de la serrer fort contre lui. Alors j’attends, poursuivit-elle en s’agrippant à lui. J’attends que quelque chose, quoi, je ne sais pas, mais un déclic, quelque chose, n’importe quoi se produise qui me permette de tirer un trait et d'aller vraiment de l'avant.

    Très bien, murmura-t-il, le cœur lourd de lui avoir fait tant de mal alors qu'elle était déjà tellement vulnérable. J’attendrai aussi, bien sûr. Je t’aime, alors j’attendrai tout le temps qu’il faudra. Ce n’est pas un problème. Il déposa un tendre baiser sur ses lèvres.

    Elle le lui rendit aussitôt. Je t’aime aussi. Elle mit sa paume contre la joue du chirurgien. Je ne joue pas, Derek, je te le jure. J’ai envie de toi mais j’ai juste besoin d’un peu de temps.

    Prends tout le temps que tu veux. Il mit dans son sourire tout l’amour qu’il éprouvait pour elle. Du moment que je suis avez toi, je suis heureux. Le reste, je peux m’en arranger.

    Et moi, je ne regarderai plus ailleurs quand tu seras nu, promit-elle avec un air ingénu.

    Mmm ! Intéressant, ça, plaisanta Derek en la prenant dans ses bras, avant de parsemer son visage de tendres baisers. Bébé, tu viens de dire qu’il y avait eu quelqu’un d’autre entre nous, lâcha-t-il tout à coup. Je sais que tu l’as ressenti comme ça et d'une certaine façon, tu as raison, je le sais, mais je voudrais te dire que dans mon esprit, ça n’était pas le cas. Ça ne l’a jamais été. Il n’y a jamais eu personne entre nous. Il n’y a jamais eu que toi. Même quand j'étais avec cette femme, même si j'ai essayé de toutes mes forces, je n'ai pas réussi à t'oublier, pas une seconde. Tu as toujours été entre nous. Ce que j'ai fait ce soir-là – il n’évoqua volontairement que sa dernière aventure, parce que pour lui, les deux autres n'avaient pas été de vraies infidélités – c’était juste une terrible erreur de ma part et ça n’arrivera plus jamais, je te le jure. Meredith n’eut pas l’ombre d’un doute quant à sa sincérité. Oui, tout cela n’avait été qu’un regrettable incident de parcours et bientôt, elle en était certaine, elle n’y penserait plus. Bientôt, il n’y aurait plus d’ombre entre eux, plus de fantôme, et elle pourrait être à nouveau tout à lui. Réconfortée par cette perspective, elle se lova contre lui. Ils restèrent encore un long moment blottis l’un contre l’autre, n’éprouvant plus le besoin de parler, seulement de sentir la présence, la chaleur rassurante de l’autre, et d’échanger quelques baisers, jusqu’au moment où le bipeur de Derek les ramena à la réalité, en leur annonçant que Tiffany était en train de se réveiller et que le chirurgien était attendu à la clinique dans les plus brefs délais.


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  • Cela faisait des heures qu’Anne Grey guettait le retour de sa fille. Dans l’obscurité de sa chambre, allongée sur son lit, elle gardait les yeux grands ouverts sur le plafond, tressaillant à chaque voiture qui passait dans la rue. Après le départ précipité de Meredith, elle avait essayé de la joindre sur son téléphone portable mais, après être tombée plusieurs fois systématiquement sur la messagerie vocale, elle avait renoncé. Le reste de la journée s’était écoulé dans l’angoisse. Meredith était dans un tel état en quittant la maison ! Bien sûr, Anne avait deviné que la jeune fille était partie pour retrouver son Derek de malheur. Le fait qu’elle ne soit pas revenue depuis ne pouvait signifier que deux choses. Soit le chirurgien s’était rendu aux arguments d’Anne – honnêtement, elle en doutait – il avait rompu et Meredith, désespérée, errait en ville comme une âme en peine… dans le meilleur des cas. Soit il était resté sourd à ses prières – beaucoup plus vraisemblable – et le couple avait passé la journée ensemble, à faire Dieu sait quoi. Maintenant, Anne rongeait son frein en pensant à ce que son mari aurait dit de cette situation. Il était tellement protecteur avec sa petite fille. Anne n'avait aucune difficulté à se souvenir des rêves et des ambitions qu'il avait pour Meredith et bien entendu, un individu comme le Dr Shepherd n’en faisait pas partie. Brad n’aurait pas voulu de cet homme pour sa fille. Malheureusement, il n’était plus là et c'était à elle qu'incombait la lourde tâche de veiller sur leur fille et éventuellement de la protéger d'elle-même. Cependant, était-elle prête à se brouiller avec sa seule enfant ? Non, bien sûr. De plus, pouvait-elle, devait-elle la protéger de tout ? Ne valait-il pas mieux parfois laisser Meredith faire des erreurs pour qu'elle en tire des leçons ? Anne en était là dans sa réflexion quand, tout à coup, un fort vrombissement de moteur, ressemblant à celui d’un bolide, troubla le silence de la nuit et vint mourir devant la maison. Elle sauta hors du lit et se précipita à la fenêtre. Ce fut avec un immense soulagement qu’elle vit sa fille descendre d’une voiture de sport pour se jeter dans les bras de Derek. Au moins, elle était vivante ! Après avoir suivi du regard, à travers les rideaux, les amoureux qui marchaient vers la maison, tendrement enlacés, Anne sortit de sa chambre. Tapie dans l’obscurité, elle guetta les bruits dans l’entrée. Elle entendit presque immédiatement la porte s’ouvrir, ainsi que des chuchotements entrecoupés de petits rires étouffés. L’ennemi était donc dans la place. Anne se demanda un instant quelle attitude elle devait adopter. Se montrer et mettre le chirurgien dehors – ce qui déclencherait immanquablement un esclandre de la part de Meredith, et sans doute un nouveau départ, peut-être définitif cette fois – ou bien inviter Derek à boire un café et papoter avec lui de tout et de rien – inimaginable pour le moment : Anne n’avait nulle envie de se montrer aimable avec l’homme qui avait fait souffrir son enfant – ou encore jouer la carte de la discrétion ? Cette dernière option lui sembla la plus appropriée. Toutefois, si elle ne voulait pas que le couple s’aperçoive de sa présence, elle comptait bien, elle, satisfaire sa curiosité, justifiant cette dernière par son désir tout maternel de protéger sa fille. Elle marcha à pas de loups jusqu’au palier. Retenant son souffle, elle s’adossa au mur et fléchit légèrement les genoux pour tenter de voir, à travers les barreaux de la rambarde, ce qui se passait à l’étage du dessous. Grâce à la lueur des lumières de l’extérieur, elle distingua sa fille appuyée contre le mur et devant elle, sur elle, même, aurait-elle pu dire, le chirurgien qui l’embrassait fougueusement. Tout dans leur attitude témoignait d’une intimité physique qui mit Anne mal à l’aise. Oh bien sûr, elle n’était pas assez naïve pour croire qu’en ayant une liaison avec cet homme, son enfant était toujours vierge. Toutefois, c’était une chose de s’en douter, c’en était une autre de le constater de ses propres yeux. Le baiser cessa enfin et Anne tendit l’oreille pour essayer de comprendre ce que les amants se disaient à mi-voix.

    Reste, supplia Meredith, les deux mains accrochées à la taille de Derek.

    Celui-ci secoua la tête. Non, ce ne serait pas correct vis-à-vis de ta mère. Sans s’en rendre compte, Anne poussa un soupir de soulagement. Au moins, ce type avait un peu de décence. Jamais elle n’aurait pu fermer l’œil en sachant que dans la chambre d’à-côté, son bébé était en train de… Frissonnant de dégoût, elle chassa l’image qui s’imposait à elle.

    Pourquoi pas correct ? s’étonna Meredith. Puisqu’on ne fait rien. Ne comprenant pas ce que cela voulait dire, Anne fronça les sourcils.

    Oui, mais ça, elle ne le sait pas, rétorqua Derek. Si je suis là demain matin, ça nous mettra tous mal à l’aise. On va se sentir obligé de lui donner des explications qu’elle ne croira pas. J’aime autant éviter ça. Anne le vit se pencher vers Meredith et l’embrasser.

    Ce fut avec étonnement qu’elle entendit sa fille insister avec une voix câline. Tu pourrais rester et partir avant qu’elle se lève.

    Comme un voleur ? répliqua Derek. C’est hors de question. Je n’ai pas envie de me cacher. Je t’aime et je veux faire les choses correctement. Il caressa la joue de son amie. Il faut que tu lui parles, bébé. Je lui parlerai aussi, encore, s’il le faut. Mais en attendant qu’elle m’accepte, je ne peux pas m’imposer chez elle. Anne fut agréablement surprise d’entendre ce raisonnement. Sans le savoir, Derek venait de marquer un point. 

    Mais j’ai pas envie que tu t'en ailles, geignit Meredith. Anne n’entendit pas ce que le chirurgien lui répondait. Elle le vit seulement prendre la jeune fille dans ses bras et lui donner un autre baiser qui lui sembla durer une éternité. Et puis, il y avait ces mains qui volaient sur le corps de sa fille, caressant tantôt une hanche, tantôt une fesse, avant de venir se poser sur un sein pour l’étreindre. Et Meredith qui ne le repoussait pas mais, au contraire, se tendait vers lui comme si elle voulait le provoquer.

    Ce fut d’ailleurs lui qui se recula en premier. Je ferais mieux de partir maintenant.

    Meredith hocha lentement la tête. Reste encore un peu.

    Mais laisse-le partir, bon sang, fulmina sa mère. On ne va pas y passer la nuit non plus !

    Derek soupira. Chérie… Le reste se perdit dans les cheveux de Meredith. Anne vit que celle-ci nouait ses mains dans la nuque de son amant pour lui donner un baiser des plus passionnés. La petite fille innocente de jadis était devenue une femme amoureuse et pleine de désir. Pour la première fois depuis qu’elle espionnait le couple, Anne se sentit gênée et aussi un peu coupable. Elle recula de quelques pas mais revint à son poste d’observation en entendant un gémissement. Elle aperçut Derek qui se libérait des mains de son amie. On se voit demain, dit-il d’une voix qu’Anne trouva anormalement rauque. Après un dernier baiser, il ouvrit la porte et se retourna vers Meredith juste avant de sortir. Et jusque-là, n’oublie pas que je t’aime à la folie.


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  • Meredith resta un moment immobile, tournée vers la porte qui venait de se refermer sur son petit ami, les bras serrés sur sa poitrine, comme si elle le retenait encore contre elle. Lorsqu’elle se retourna, son visage fut brièvement éclairé par la lumière du réverbère qui se trouvait devant la maison et Anne fut bouleversée de voir à quel point il était rayonnant. La jeune fille se dirigea d'un pas léger vers la cuisine en fredonnant ce tube de Whitney Houston qui était sa chanson préférée et Anne sut avec certitude qu’elle ne ferait plus rien pour obtenir que sa fille se sépare du chirurgien. Manifestement, Meredith était au comble du bonheur et, même si Anne ne comprenait pas vraiment comment, il semblait bien que Derek Shepherd en était le principal artisan. Elle attendit quelques minutes avant de rejoindre sa fille. Quand elle entra dans la cuisine, Meredith se versait un verre d’eau en chantonnant. And I will always love you… I will always love you… You, you, my darling you… Mmm… En entendant du bruit derrière elle, la jeune fille se retourna et se rembrunit en découvrant sa mère. Oh c’est toi. Je t’ai réveillée ?

    Anne la regarda affectueusement. Non, je ne dormais pas de toute façon. Elle se tut, attendant que sa fille lui dise quelque chose. Mais celle-ci resta muette en regardant son verre, sans doute pour signifier qu’elle n’avait guère envie de discuter. Anne décida pourtant de lui tendre une perche. Le Dr Shepherd t’a raccompagnée ? Immédiatement sur la défensive, Meredith répondit par un signe affirmatif de la tête. C’est gentil de sa part, dit doucement Anne.

    Surprise, Meredith releva la tête. Elle s’attendait à des reproches, tout au moins à une diatribe contre son petit ami, mais certainement pas à ce qui ressemblait presque à un compliment. Elle repensa à ce que Derek lui avait dit quelques minutes plus tôt, qu’elle devrait plaider leur cause auprès de sa mère, et elle se demanda si ce n’était pas le moment idéal. C’est un homme bien, Maman, commença-t-elle d’une voix vibrante. Même s’il ne m’a pas quittée comme tu le lui as demandé, c’est un homme bien. Sans rien dire, Anne s’assit à la table. Il est extraordinaire, poursuivit Meredith. Aujourd’hui, il a sauvé la vie d’une petite fille de six ans qui avait une énorme tumeur au cerveau. Tu te rends compte ?

    Anne sourit devant tant d’enthousiasme. C’est magnifique, reconnut-elle. Mais tu sais, je n’ai jamais remis en cause ses compétences de chirurgien, ni même l’homme qu’il est. Il s’est montré charmant avec moi, lorsqu’il a fallu me renseigner au sujet de ta tante. Même si je le soupçonne maintenant de ne l’avoir fait que par intérêt, plaisanta-t-elle pour alléger l’atmosphère qu’elle sentait encore lourde. Mais en tant que compagnon et peut-être un jour, le père de tes enfants, je ne sais pas si… Elle laissa la fin de sa phrase en suspens.

    Tu ne le connais pas, Maman, riposta Meredith.

    Et toi, tu es sûre de bien le connaitre ? lui demanda posément Anne. Elle n’était plus animée par la colère. Elle voulait seulement comprendre la passion qui animait sa fille. Après quelques mois, tu sais qui il est vraiment ?

    La réponse fusa, catégorique. Oh oui !

    Vraiment ? Anne regarda Meredith avec désolation. Elle risquait de lui faire de la peine mais elle ne pouvait lui cacher la vérité. Est-ce que tu sais qu’il est sorti avec toi à la suite d’un pari ?

    Meredith leva les yeux au ciel. Bien sûr que je le sais ! Depuis le début. Je suis au courant du pari, et de tout le reste. Et je m’en fous. Il n’est plus comme ça. Il a changé, assura-t-elle en défiant sa mère du regard. Evidemment, tu n’as eu que la version d’Izzie et de Cristina…

    Sa mère ne la laissa pas continuer. A ce propos, je leur ai demandé de partir. Meredith écarquilla les yeux de stupéfaction. Oui, confirma Anne avec calme. Je n’ai pas du tout apprécié la façon dont elles m’ont parlé de toi. Elles m’ont dit des choses horribles que je n’ai pas pu croire. Ces filles pensaient-elles vraiment la convaincre en lui racontant que Meredith se débauchait en compagnie des deux chirurgiens, passant de l’un à l’autre sans état d’âme ? J’aurais compris qu’elles mentent pour te couvrir, mais pas pour te nuire. De vraies amies n’auraient jamais fait ça. Alors, j’ai estimé qu’elles n’avaient plus rien à faire chez nous et je leur ai donné jusqu’à la fin de la semaine pour se trouver autre chose.

    Qu’est-ce qu’elles t’ont dit sur moi ? demanda Meredith avec avidité.

    Anne haussa légèrement les épaules en hochant la tête. Rien qui vaille la peine d’être répété. Elle fit signe à sa fille de prendre place à la table, en face d’elle. Tu es mon enfant et je te connais. Je sais qu’il y a des choses que tu ne ferais jamais. Meredith lui adressa un sourire plein de reconnaissance. Je sais aussi que tu es une idéaliste et que, trop souvent, tu vois les gens comme tu voudrais qu’ils soient et peut-être que ton Derek…

    Non, s’exclama Meredith en s’asseyant. Je sais qu’il est sincère quand il me dit qu’il m’aime. Il y a des regards qui ne trompent pas. Et il a fait des choses pour moi qu’il n’aurait jamais faites pour d’autres. C’est son meilleur ami qui me l’a dit. Anne sourit de la voir, comme quand elle était enfant, se référer à d’autres personnes pour appuyer ses dires. Allons, Maman, s’emporta soudain Meredith, irritée par ce sourire qu’elle trouvait trop condescendant. Est-ce que tu l’as bien regardé ? Il est magnifique. Il peut avoir toutes les femmes qu’il veut, des bien plus belles que moi, des plus expérimentées, des plus intelligentes. Des femmes qui seraient plus à l’aise dans son milieu que je ne le suis. Mais c’est moi qu’il a choisie. Alors, pourquoi à ton avis ?

    Mais parce qu’il t’aime, ma chérie, affirma tranquillement Anne. Désarmée, Meredith la regarda avec un air presque suspicieux. Mais oui, je t'assure, insista sa mère. Hier, je lui ai demandé ce qui lui plaisait en toi. Je m’attendais à ce qu’il me parle de ta beauté ou de ta jeunesse mais il ne m’a pratiquement cité que des traits de ta personnalité. J’avoue que j’ai apprécié. Et la façon dont il m’a parlé de toi… oui, il t’aime vraiment, je n’ai aucun doute à ce sujet. Néanmoins, ça ne l’a pas empêché de te tromper, laissa-t-elle tomber après un petit silence.


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  • Excédée parce que sa mère avait toujours les mêmes arguments, Meredith souffla bruyamment. Pfft ! C’est derrière nous, tout ça, maintenant. J’ai pardonné.

    Oui, je te reconnais bien là. Anne planta son regard franc dans celui de sa fille. Le pardon est une chose, Meredith, mais après ? Je veux dire, vous n’en êtes qu’au tout début de votre histoire et il te trompe déjà ? Après seulement quelques mois. Que se passera-t-il dans dix ou quinze ans, lorsqu’une certaine routine se sera installée dans votre couple ? Si déjà maintenant l’amour et le désir qu’il a pour toi ne lui suffisent pas, alors…

    Ça n’a rien à voir avec ça. Meredith soupira en se demandant comment elle allait pouvoir justifier, en quelques mots, le comportement de Derek. Elle décida d’aller à l’essentiel. Il y a douze ans, il a surpris sa petite amie en train de faire l’amour avec son père. Et juste après ça, sa mère qu’il adorait l’a tenu pour responsable et elle s’est suicidée pratiquement sous ses yeux. Anne resta imperturbable. Ces révélations ne l’étonnaient pas outre mesure. Il y avait chez Derek Shepherd un air sombre et tourmenté, une sorte d’aura tragique qui ne pouvait résulter que de drames comme celui dont Meredith venait de parler. Alors, il s’est juré de ne plus jamais aimer personne, pour ne plus souffrir, continuait à expliquer la jeune fille. Quand il est tombé amoureux de moi, il a eu peur parce qu’il avait l’impression que ça le rendait vulnérable. Me tromper, ça a été sa façon de se rassurer, de se dire qu’il gardait le contrôle. Elle regarda sa mère avec angoisse, espérant avoir atteint son but.

    C’est terrible, ce qu’il a vécu, admit Anne. Ça n’a pas dû être facile pour lui, concéda-t-elle encore. Mais tu ne crois pas justement que, parce qu’il savait ce que c’était de souffrir par amour, il aurait dû t’épargner le même genre de souffrances ? Quand on aime vraiment quelqu’un, on ne veut pas lui faire du mal.

    Meredith rejeta aussitôt l’accusation. Il n’a jamais voulu me faire du mal, Maman. Je n’étais pas censée apprendre ce qu’il avait fait et…

    Sa mère l’interrompit aussitôt. Donc, il comptait te le cacher ! s’indigna-t-elle. Te mentir !

    Oui, reconnut Meredith. Il allait me mentir parce qu’il avait peur de me perdre. Il s’était rendu compte qu’il avait fait une terrible erreur et il savait qu’il ne recommencerait pas.

    C’est toujours ce qu’ils disent, lui fit remarquer sa mère avec un peu d’aigreur.

    Oui, mais pas Derek. Meredith soupira encore une fois. Je ne suis pas aussi naïve que tu le crois, Maman. Je sais qu’il n’est pas un ange mais il est honnête et il est sincère et… Les larmes envahirent soudain ses yeux. Quand j’ai appris qu’il m’avait trompée, ça m’a fait tellement mal, dit-elle d’une voix un peu tremblante. Je ne voulais plus entendre parler de lui. C’est pour ça que je suis partie à Santa Rosa. Mais il a insisté, insisté. Plus je le repoussais, plus il s’accrochait. Jamais je n’aurais cru pouvoir lui pardonner ce qu’il m’a fait mais quand il m’a raconté son histoire… C’est tellement horrible, tout ce qu’il a vécu ! s’écria-t-elle avant de prendre une grande inspiration pour refouler l’émotion qui menaçait de la submerger. Alors, oui, je sais que ça n’excuse pas tout. Je sais qu’il a mal agi et qu’il m’a fait payer pour la faute d’une autre et même si j’ai pardonné, je n’ai pas oublié. Elle fit une petite grimace avec sa bouche, si poignante que sa mère sentit son cœur se serrer. On est de nouveau ensemble mais tout n’est pas arrangé entre nous, j’en suis consciente. Je l’aime et je veux être avec lui. Pourtant, malgré ça, je le repousse encore d’une certaine façon. La tristesse déserta tout à coup le regard de Meredith pour faire place à l’espoir et à la confiance. Mais tout au fond de moi, je sais. Je suis sûre que nous allons surmonter tout ça parce que…. Elle avança la main au-dessus de la table pour prendre celle de sa mère. Tu te souviens quand j’étais petite ? Je racontais à tout le monde qu’un jour, je rencontrerais mon prince charmant et que je saurais au premier regard que ce serait le mien. Touchée par ce souvenir lointain, Anne opina de la tête. Les deux femmes échangèrent un sourire ému. Ça s’est passé comme ça, Maman. Quand j’ai rencontré Derek, j’ai su immédiatement qu’il était mon prince. Je sais que tu ne comprends pas, qu’il n’est pas celui dont tu rêvais pour moi. Les épaules de Meredith se soulevèrent légèrement. Mais tout ce que tu pourras dire n’y changera rien. Je l’aime et je veux être avec lui, répéta-t-elle avec douceur.

    Anne regarda sa fille, toujours la même et pourtant si différente. Une autre coupe de cheveux, un léger maquillage, des vêtements simples, certes, mais d’une coupe impeccable… Il ne restait plus grand-chose de l’adolescente un peu empotée d’antan. Cependant, le changement était plus profond. Meredith avait cette assurance de la femme qui aime et qui se sait aimée. Tu crois que tu seras vraiment heureuse avec lui ? lui demanda Anne en étreignant la main de Meredith. La jeune fille hocha la tête avec un sourire devenu subitement serein. Je l’espère de tout cœur, ma chérie. Je n’ai jamais voulu que ton bonheur et si ton bonheur s’appelle Derek Shepherd, eh bien… Anne leva les yeux au ciel. Je ferai avec. Je pourrais peut-être même l’apprécier s’il se montre à la hauteur. Comprenant qu’elle avait remporté la partie, Meredith eut un petit rire joyeux. En voyant ses yeux qui pétillaient, Anne ne put qu’espérer que sa confiance ne serait pas trahie encore une fois. Nous continuerons cette conversation tout à l’heure, annonça-t-elle en se levant. Maintenant, je vais me coucher. Ta tante est dans une phase difficile pour le moment. Il faudra que j’en parle à ton petit ami d’ailleurs. Elle ouvrit ses bras à sa fille qui vint se jeter dedans. Bonne nuit, ma chérie.  

    Bonne nuit, Maman. Meredith regarda sa mère s’éloigner avec le sentiment qu’elle avait énormément de chance. Elle s’était préparée à faire la guerre et elle n’avait même pas dû livrer une bataille. Elle se rassit pour penser à tout ce qui s’était passé en seulement quelques jours et, pour la première fois depuis longtemps, elle s’autorisa à croire que sa vie allait être enfin ce qu’elle avait toujours espéré. Elle regretta que Derek ne soit pas là pour partager ce moment avec elle. Tout à coup, elle ressentit le besoin d’entendre sa voix. Elle se rua dans l’entrée pour prendre son téléphone dans son sac. Ses doigts tremblaient tandis qu’elle composait le numéro du chirurgien. C’est moi. Je voulais juste te dire que moi aussi, je t’aime à la folie. Et aussi, je viens de parler à Maman et tout est arrangé.


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  • Assise devant le miroir de la vieille coiffeuse en chêne de sa tante, Meredith jeta un coup d’œil à l’horloge et paniqua en voyant l’heure. Derek allait arriver d’une minute à l’autre et elle n’était même pas encore habillée. Elle tenta de maitriser le tremblement de sa main afin de terminer de se maquiller. L’enjeu était bien trop important, elle ne pouvait pas se permettre d’être en retard. En effet, ce soir, elle devait assister à la cérémonie de remise du prix Harper Avery, une sorte d’Oscar de la médecine, si elle avait bien compris ce que Derek lui avait expliqué quelques jours plus tôt, lorsqu’il l’avait invitée à l'accompagner. Et non seulement, l’élite de la chirurgie serait présente mais en plus, Derek avait une chance, bien qu’infime selon lui, de remporter ce prix. Si jamais c’était le cas, tous les yeux seraient braqués sur lui et donc, par ricochet, sur sa compagne. Meredith estimait qu’elle devait être à la hauteur pour ne pas lui faire honte. C’est pour cette seule raison qu’elle avait accepté de prendre sa carte de crédit pour régler ses achats. Car hors de question bien entendu qu’elle remette la robe qu’elle avait portée au gala. Quand elle avait envisagé cette possibilité, Derek avait protesté énergiquement, arguant du fait que sa petite amie ne pouvait pas porter la même tenue à chaque réception. Il la voulait éblouissante et, pour cela, il était prêt à y mettre le prix. Il avait même insisté pour qu’elle ne regarde pas à la dépense. Crédit illimité ! Meredith était donc partie faire la tournée des boutiques d’Union Square, avec sa mère en qualité de conseillère, bien que très rapidement Anne se soit interrogée sur son utilité car, à chaque fois qu’elle donnait son avis, sa fille le balayait d’un revers de la main. Chaque robe était soit trop soit pas assez. Jusqu’au moment où, dans une boutique de Geary Street, Meredith était tombée sur la robe de princesse dont elle rêvait. Tout en soie et en broderies, de couleur rose perle, avec une petite traine et un jupon échancré jusqu’à la cuisse qui dévoilait la jambe à chaque pas, c’était une véritable merveille. Meredith avait eu le coup de foudre. Malheureusement, le prix exorbitant l’avait découragée et elle s’était résignée à trouver autre chose. Elle avait déambulé deux heures dans le magasin sans plus rien trouver qui lui plaise, pour revenir finalement à son premier choix, consciente qu’elle n’arriverait plus à s’imaginer dans une autre robe que celle-là. Malgré les protestations de sa mère, qui l’invitait à se montrer plus raisonnable, elle avait décidé d’appeler Derek pour lui demander son avis.

    Le chirurgien, qui était concentré sur la préparation de l’intervention qu’il devait effectuer une heure plus tard, avait rapidement interrompu la description dithyrambique dans laquelle sa petite amie s’était lancée. Si cette robe te plait, achète-la, lui avait-il conseillé.

    Oui, je l’adore. Elle est magnifique mais…

    Prends-la, avait-il insisté avec une voix particulièrement suave.

    Derek… Meredith avait hésité, embarrassée de devoir encore une fois aborder le sujet de l’argent. Elle coûte…

    Derek ne l’avait pas laissée parler. On s’en fout.

    Mille sept cent quarante-quatre dollars et quatre-vingt-dix-neuf cents, avait-elle quand même lâché dans un souffle. C’est très cher.

    La précision de la jeune fille quant au prix de la robe avait fait sourire Derek. Bébé, je me moque de ce que ça va coûter. Si cette robe te plait vraiment, si c’est celle-là que tu veux, alors prends-la.

    Tu es sûr ? avait encore demandé Meredith, un sourire émerveillé sur les lèvres parce qu’elle savait qu’il ne changerait pas d’avis.

    Absolument sûr ! Je veux que tu te fasses plaisir, bébé. Et n’oublie pas d’acheter les chaussures qui vont avec la robe, avait recommandé Derek avant de raccrocher.

    Il dit que si elle me plait, je dois la prendre et qu’il se moque de ce que ça va coûter, avait répété Meredith à sa mère, les yeux brillants d’excitation.

    Il est si riche que ça ? avait ânonné Anne, stupéfaite qu’on puisse débourser une telle somme sur base d’une simple conversation téléphonique de quelques minutes, pour une robe à usage pratiquement unique que, de surcroit, on ne voyait pas de ses propres yeux. Meredith avait confirmé d’un signe de tête avant d’appeler la vendeuse pour les essayages. Anne l’avait suivie machinalement, un peu sonnée, parce qu’elle venait de réaliser que désormais sa fille ne faisait plus partie du même monde que le sien. Une heure plus tard, les deux femmes quittaient la boutique avec la robe, des escarpins Brian Atwood qui valaient presque aussi cher que cette dernière mais qui, heureusement, étaient soldés à moitié prix et une magnifique paire de boucles d’oreilles sur laquelle Meredith avait flashé. Celle-ci riait nerveusement en montant dans le taxi – il n’était pas question de prendre les transports en commun avec une telle fortune – et elle avait passé tout le trajet le nez plongé dans ses sacs, ne se lassant pas d’admirer ses achats. Quant à Anne, sa tête lui tournait à l’idée que sa fille avait dépensé en un après-midi ce qui lui aurait permis de nourrir une famille pendant quelques mois. Elle se réjouissait de son bonheur, bien sûr, mais elle ne pouvait s’empêcher de la trouver un peu superficielle, nouveau travers dont elle accusait Derek, évidemment.

    Après avoir mis un peu de blush sur ses joues, Meredith tourna la tête pour admirer, une fois encore, sa robe qui pendait, accrochée à un cintre, à la porte de son armoire. Cela faisait presque une semaine qu’elle imaginait le regard émerveillé de Derek lorsqu’il la découvrirait dans sa robe de bal. Toutes les nuits, elle rêvait de ce moment, ainsi que de celui où son amoureux recevait le prix tant convoité, sous les applaudissements d’une assistance en délire. Ensuite, il revenait vers elle, son trophée à la main, pour l’emmener sur la piste de danse où ils tournoyaient sans fin sous les regards admiratifs et quelque peu envieux des autres convives. Bien sûr, ce n’était qu’un rêve mais cette soirée, Meredith en avait le pressentiment, se finirait en apothéose pour eux.


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