• La colère de Meredith, qui n'était d'ailleurs pas dirigée contre Mark, retomba d’un coup. Quelles que soient les circonstances, il arrivait toujours à trouver les mots et les gestes pour la réconforter. Elle avait particulièrement apprécié qu’il prenne son parti contre celui de Derek, alors que celui-ci était son meilleur ami et depuis bien plus longtemps qu’elle. Oui, elle avait beaucoup de chance d’avoir trouvé un ami aussi fidèle mais cette certitude n’atténuait en rien la tristesse qui était la sienne devant l’attitude injustifiée de l’homme qu’elle aimait. Quel con ! marmonna-t-elle pour elle-même.

    Mark la prit par les épaules pour la faire sortir de la pièce. Allez, viens, murmura-t-il avec toute la tendresse qu’il éprouvait pour elle, en la tenant étroitement contre lui. Tout va s’arranger, ne t’en fais pas. Revenu sur la terrasse, il lui présenta galamment une chaise pour qu’elle s’y installe. Tu vas commencer par manger un peu, exigea-t-il. Après, on pourra discuter. Pendant qu’elle s’asseyait, il se tourna vers la boutique et claqua des doigts à plusieurs reprises pour attirer l'attention d'Alex qui observait les passants depuis le seuil de la boutique. Rends-toi utile, apporte-nous du café chaud, dit-il au jeune homme qui venait vers lui.

    Meredith le gronda gentiment. Il n'est pas un animal. Ce n'est pas gentil de claquer des doigts pour l'appeler.

    Mark s’assit à côté d’elle, rapprochant au maximum sa chaise de la sienne. Qu’est-ce que tu aurais voulu que je fasse ? Des courbettes ? Je n’ai pas envie de faire des efforts avec ce type, Mer. C’est un connard ! asséna-t-il d’un ton sans réplique. Mange, allez, mange ! Il lui tendit un muffin au chocolat. Mords-moi là-dedans. Comme elle soufflait pour marquer son agacement, il insista en prenant un air sévère qui n'était pas vraiment convaincant. Tu ne te lèveras pas tant que tu ne l’auras pas terminé, de toute façon. Meredith se mit à rire et prit le gâteau dans lequel elle mordit à belles dents. Mark ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce qu'elle ait avalé la dernière miette du muffin. Tiens, prends-en encore un, lui proposa-t-il en lui tendant la corbeille en osier.

    Elle la repoussa en secouant la tête. Non, non merci, mais je ne pourrais plus rien avaler. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais rien mangé. J’ai déjà fait un énorme effort pour te faire plaisir.

    OK, alors, je n’insiste plus. Mark reposa les pâtisseries sur la table et prit la main de la jeune fille entre les siennes. Tu n’étais pas sérieuse quand tu as dit que tu n'irais pas à l’université ? Pas à cause de cette histoire de permis tout de même ? C’est rien, ça, Mer, juste un détail. Quand je pense à ce que tu as fait avec mes recherches… Ce permis, tu vas l’obtenir sans problèmes, c'est sûr. Il lui adressa un sourire complice. Tu es tellement douée pour tout.

    Faudrait déjà que je trouve quelqu’un qui veuille bien m’apprendre à rouler, répliqua-t-elle. Et c'est clair que je ne dois pas compter sur Derek pour ça !

    Faudrait peut-être que tu demandes à la bonne personne, répondit Mark avec un petit sourire malicieux.

    Meredith le regarda, pleine d’espoir. Tu parles de toi ? Tu voudrais bien ?

    Comme si tu ne le savais pas !

    Touchée par son offre, Meredith posa la tête contre l'épaule de son ami. Merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Tu es toujours là pour moi quand j'en ai besoin. Elle se redressa et plongea ses yeux dans ceux de Mark. En plus, c’est moi qui devrais te remonter le moral. Tu as d’autres choses à penser pour le moment qu’à mes petits problèmes. Les larmes lui montèrent aux yeux à la pensée du drame auquel il allait sans doute devoir bientôt faire face.

    Elle était tellement généreuse qu'elle pensait toujours aux autres avant de penser à elle. Comment Derek pouvait-il ne pas se rendre compte de la chance qu’il avait eue de tomber sur une fille comme elle ? C’était le genre de rencontres qu’on ne faisait qu’une fois dans sa vie et cet idiot était en train de tout gâcher ! Ne pleure pas, Mer, supplia Mark. Si tu pleures, je vais devoir te prendre dans mes bras pour te consoler et les gens vont jaser. Ça va ruiner ta réputation.

    Meredith essuya ses yeux d'un revers de la main en pouffant de rire. T’es bête !

    Mark lui sourit avec un air satisfait. Mais je parviens à te faire rire. Mission accomplie ! Je préfère te voir rire que pleurer, lui confia-t-il, heureux d’avoir su trouver les mots qui avaient chassé ses tristes pensées. Et ne t’inquiète donc pas pour ton permis. Avec moi comme prof, tu vas le passer les doigts dans le nez.

    Merci. J'ai envie de prouver à Cristina que je ne suis pas aussi débile qu'elle le croit, avoua Meredith. Et puis, depuis que je suis arrivée ici, je n'ai pas vécu grand-chose de bien, à part ma rencontre avec toi et Derek, alors j'ai envie d'avoir quelque chose de positif, tu comprends ? Mark opina de la tête. Il venait de réaliser que, contrairement à ce que Derek et lui avaient imaginé dans un trop grand élan d’optimisme, elle ne s’était pas totalement remise du drame qu’elle avait vécu. Elle était encore fragile et le moindre incident pouvait la plonger dans le désespoir, c’était perceptible. Il ne permettrait pas que cela se produise. Non, rien ni personne ne lui ferait encore du mal, il serait là pour y veiller. Je dois retourner travailler, dit-elle en se mettant debout.

    Mark l'imita. Tu peux bien rester encore un instant.

    Non, il vaut mieux que j'y aille. Ça fait deux fois que Cristina passe sa tête à la porte. Je n'ai pas envie de subir ses remarques encore une fois.

    Mark lui caressa la joue. Ne t’en fais pas. Si elle te dit quoi que ce soit, elle aura affaire à moi. Il l'embrassa sur le front et lui adressa un clin d’œil complice avant de reprendre le chemin de la clinique.


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  • Mark ouvrit la porte des vestiaires et s’arrêta net sur le seuil en découvrant Derek, torse nu, qui était en train de revêtir sa tenue de chirurgien. Derek regarda en direction de la porte qui venait de s’ouvrir et se figea en reconnaissant son ami. Les deux hommes se défièrent du regard avant de se détourner, chacun de son côté, se tournant même ostensiblement le dos, agissant comme si l’autre n’existait pas.

    Derek n’acceptait pas que Mark se pose en défenseur de la morale et de la vertu, alors qu’il était exactement comme lui. De plus, Mark n’avait-il pas été le premier à se moquer de lui, quand il avait commencé à sortir avec Meredith, parce qu’il ne voulait plus avoir d’autre relation qu’elle ? Et maintenant qu’il avait peut-être changé d’avis, Mark le lui reprochait ! Mais de quel droit ? Bien sûr, Derek savait à quel point Mark appréciait désormais Meredith et l’amitié qu’il éprouvait pour elle. Mais de là à fouler aux pieds tout ce qui avait existé entre eux ! Depuis qu’il avait quitté la boutique, les dernières paroles de son ami résonnaient sans cesse dans son esprit. J’ai changé de côté. Trente-cinq ans d’amitié quasiment réduits à néant parce que Mark s’était mis en tête de protéger une fille qu’il ne connaissait que depuis trois mois ! Derek n’en revenait pas. Il finit de s’habiller, se murant dans un silence de plus en plus pesant, son ressentiment grandissant au fil des secondes. Après avoir rangé ses affaires dans son casier, il en referma la porte d’un geste rageur en la faisant claquer bruyamment, avant de sortir, la tête haute, la mine agressive, le regard fixé devant lui pour ne pas avoir l’air de chercher celui de Mark. Il était à peine sorti de la pièce que celui-ci lâchait un retentissant "connard" plein de hargne.

    Mark était partagé entre deux pôles. Il ne pouvait s’empêcher de penser que si Derek recommençait à fréquenter les bars et les clubs à la recherche d’aventures d’un soir, il serait forcément moins disponible pour Meredith. Peut-être qu'alors la jeune fille se lasserait d’attendre son amant et remarquerait enfin l’amour que lui portait son meilleur ami. Mais d’un autre côté, Mark n’était pas dupe. Même si elle réalisait un jour les sentiments qu’il avait pour elle, cela ne changerait pas grand-chose, du moins pas à son avantage. Le fait est qu'elle semblait totalement envoûtée par Derek. Malheureusement, si les infidélités de ce dernier se prolongeaient, arriverait immanquablement le moment où elle en aurait connaissance. Et ce jour-là, elle ne sortirait pas indemne d’une telle affaire. Après la trahison de George, celle de Derek la dévasterait, sans doute à tout jamais. Alors, vaut mieux oublier ça tout de suite, se dit Mark. Il repensa à la scène du matin et jura. Non content de tromper sa petite amie, Derek la rendait responsable de ses actes. C’était peut-être ce que Mark admettait le moins. Il ne comprenait pas que Derek se montre aussi injuste avec la jeune fille, alors que, Mark en aurait mis sa main au feu, il en était fou amoureux. Mark connaissait son ami, son histoire, il savait ce qui avait fait de lui cet homme dur, mais cette fois, il estimait que Derek avait été trop loin et il ne parvenait pas à lui trouver des excuses. C’est déçu et exaspéré qu’il quitta les vestiaires à son tour.

    Durant la matinée, les deux hommes se croisèrent dans les couloirs en s'ignorant royalement, se retrouvant parfois au chevet de certains de leurs patients, n’échangeant que des informations purement professionnelles quand ils y étaient vraiment obligés, s’installant chacun à un bout de la table lors d’une réunion à laquelle ils avaient été conviés à participer. Leur mésentente était tellement évidente qu’elle devint rapidement le sujet de conversation principal du personnel. Les plus anciens de la clinique se souvenaient que, de tout temps, ces deux-là avaient toujours été les meilleurs amis du monde, partageant tout, même leurs conquêtes, prenant immanquablement le parti de l'autre, se soutenant dans les coups durs, de véritables complices, quelles que soient les circonstances. Rien ni personne n’avait jamais réussi à entamer cette amitié sans failles. C’était ce qui rendait la situation d’autant plus intrigante.

    Pendant la tournée de ses patients, Mark avait eu beaucoup de mal à se concentrer sur les dossiers que ses collaborateurs lui avaient présentés. Il n’avait cessé de penser à Meredith, à l’état dans lequel elle devait être, aux questions qu’elle devait nécessairement se poser. Il était certain que, après tout ce qu’elle avait vécu, l’attitude de Derek n’avait pu que la fragiliser un peu plus et qu’elle devait vraisemblablement se remettre, elle, en question et, qui sait, se croire responsable de qui arrivait. Cela, il ne pouvait le tolérer. Après avoir pesé le pour et le contre, il décida d’aller voir Derek afin d'essayer de lui faire entendre raison, du moins en ce qui concernait la scène du matin. Il parcourut la clinique jusqu’à ce qu’il trouve son ami dans une salle d’examen, en train d’examiner les résultats d’un scanner. Il referma la porte derrière lui et entra directement dans le vif du sujet. Est-ce que tu as appelé Meredith ?

    Pour quoi faire ? demanda Derek avec agressivité, sans cesser de regarder ses clichés.

    Pour t’excuser, tiens ! éructa Mark. Quelle question !

    Si Derek avait espéré, en voyant son ami entrer, qu’il était venu tenter une réconciliation, il avait été déçu dès les premiers mots. Mais qu’en plus Mark ne soit venu que pour lui infliger encore une fois une de ses pseudos leçons de morale l’agaça prodigieusement. Qu'on veuille lui faire remarquer ses défauts et démontrer ses torts lui était insupportable. Mark le savait et le fait qu’il le fasse malgré tout, avec autant d'insistance, Derek le prit pour de la provocation pure et simple. M’excuser ? ricana-t-il en se tournant enfin vers son ami. Et de quoi donc ?  

    De quoi ? De ton petit numéro de ce matin ! s’exclama Mark, énervé par tant de mauvaise foi. Tu ne crois pas qu’après la peine que tu lui as infligée, c’est le moins que tu puisses faire ?

    La peine que je lui ai infligée ! répéta Derek sur un ton emphatique. Tout de suite les grands mots ! Ce n’était jamais qu’une banale dispute, Mark.


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  • Tellement banale qu’elle en a pleuré après que tu sois parti, révéla Mark. Nom de dieu, ne me dis pas que ça ne te fait rien !

    Derek serra les dents. Bien sûr que ça lui faisait quelque chose ! Il était malade rien que d’y penser. Mais il était tellement orgueilleux qu’il lui était impossible de le reconnaître. Ce n’est pas ma faute si elle dramatise, grogna-t-il.

    Mark eut l'air abasourdi. Ah bon, elle dramatise ? Si tu le prends comme ça, alors, je laisse tomber !

    Mais je ne te demande rien d’autre, s’écria Derek, en levant les yeux au ciel, comme s’il était soulagé que son ami ait enfin compris ce qu’il attendait de lui. Combien de fois t’ai-je demandé de ne pas te mêler de nos affaires ? Ce qui se passe entre Meredith et moi ne regarde qu'elle et moi. Et ton amitié pour elle ne te donne pas tous les droits ! se dépêcha-t-il d’ajouter en voyant son ami ouvrir la bouche pour répliquer.

    Mais ça me donne le droit de la protéger de ta connerie ! cria Mark, furibond. Est-ce qu’au moins tu te rends compte du mal que tu lui as fait ? Et je ne parle pas de celui qu’elle aura si elle…

    Derek ne le laissa pas s'exprimer. Maintenant, tu me fais vraiment chier, Mark ! répliqua-t-il avec force. Et pourtant, oui, il savait que Mark avait raison. Il avait remarqué la réaction de Meredith, ses yeux pleins de larmes, la déception qu’elle avait éprouvée face à sa méchanceté. Il aurait aimé être capable de réagir autrement mais ce n’était pas possible. Il était conscient de ses torts mais il aurait préféré crever plutôt que de les admettre à haute voix.

    Oui, ça, quand on pointe tes erreurs du doigt, ça te fait chier, forcément, ironisa Mark.

    C’est ça, c’est ça… Mister Perfect ! Derek s’assit à une table et feignit de ne plus faire attention à son ami.

    Celui-ci hocha la tête. Oh non, je ne suis pas parfait ! Loin de là ! Mais moi, au moins, je ne suis pas mesquin. Derek releva aussitôt la tête. Oui, mesquin, insista Mark. Tu as bien entendu. Parce que ce tu lui as dit à propos de ta Porsche…. Il regarda son ami avec incrédulité. Tu y tiens donc tant que ça, à ta putain de carrosserie ?

    Je m’en fous complètement, grommela Derek. Mais ça ne sert à rien de lui apprendre à conduire avec une bagnole qui n’est pas automatique.

    Alors pourquoi tu ne lui as pas dit ça plutôt ? s'étonna Mark. Derek haussa les épaules. En tout cas, elle va pouvoir compter sur moi pour lui apprendre à conduire, et pas plus tard que ce soir, annonça Mark

    C’est très bien, se borna à répondre Derek. Pour être tout à fait honnête, il se sentait vaguement soulagé à l’idée de ne pas avoir à inventer un prétexte quelconque pour ne pas voir Meredith. Non pas qu’il n’en ait pas envie, loin de là. Cela ne faisait qu’une journée qu’il avait pris du recul vis-à-vis de la jeune fille mais le manque d’elle était déjà quasiment intolérable. Malgré tout, il ne se sentait pas le courage d’affronter son regard lourd de reproches et encore moins de lui mentir. Très bonne idée, dit-il encore, en baissant à nouveau les yeux sur son dossier.

    Ah je veux bien le croire, persifla Mark. Ça t’arrange, certainement. Il ouvrit la porte. Tu vas avoir ta soirée libre pour courir les putes, conclut-il avec amertume, la main sur la clenche.

    Surtout, n’oublie pas ton auréole en sortant, riposta Derek, sans même le regarder. Il sut que son ami était sorti en entendant la porte se refermer avec fracas. Il se leva et, avisant un plateau rempli de divers instruments, le saisit pour l’envoyer voler avec force contre le mur. Le bruit fut assourdissant, pas suffisamment cependant pour couvrir le cri de rage que Derek poussa. Un groupe d’infirmières qui passait devant le couloir s’arrêta devant la salle, l’air stupéfait, se demandant qui avait un tel accès de colère. Elles eurent la réponse lorsque Derek ouvrit la porte violemment. Les infirmières comprirent à son expression qu’elles allaient faire les frais de sa colère. Le chirurgien leur donna immédiatement raison. Qu’est-ce qu’il y a ? Vous ne m’avez jamais vu ? Vous n’avez rien à foutre ? Il se mit à crier à la cantonade. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui travaille dans cette foutue clinique ? Le visage fermé, il se dirigea à grandes enjambées vers les ascenseurs.

    C’est vraiment la fin des vacances, murmura une des infirmières avec une pointe de regret dans la voix.

    Une demi-heure plus tard, Derek sortit du bureau de Richard Webber, avec la sensation que sa journée venait subitement de s’éclairer. Son patron lui avait demandé de remplacer un de ses confrères qu'un problème d'ordre familial empêchait de se rendre à Miami pour participer à une conférence qui devait réunir les meilleurs neurochirurgiens du pays. Il avait accepté sans l'ombre d'une hésitation. Ce congrès n'aurait pas pu mieux tomber. Il allait lui permettre de mettre de la distance, quelques cinq mille kilomètres en fait, entre Meredith et lui. Puisqu’il était mal à l’aise avec elle maintenant, puisqu’il n’osait même plus la regarder en face, il valait mieux l’éviter. L'idée qu'il avait maintenant une bonne excuse pour ne plus la revoir pendant quelques jours avait un peu allégé le sentiment d'oppression qu'il ressentait depuis la scène à la boutique. Toutefois, en repartant vers son bureau, il réalisa qu’il devrait encore jouer la comédie pendant deux jours. Il soupira, ces deux jours risquaient bien d’être les plus longs de sa vie.


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  • Durant le reste de la journée, Meredith exécuta son travail machinalement. Plongée dans ses pensées, elle ne prêta même pas attention aux messes basses de Cristina et Izzie qui, évidemment, n'avaient rien perdu de la scène qui s'était déroulée sur la terrasse. La seule chose qui préoccupait la jeune fille, c'était d'essayer de comprendre pour quelle raison Derek avait réagi de cette façon mais elle avait beau y réfléchir, elle n'en voyait aucune de valable. Ce qui la minait aussi, c'est qu'elle ignorait si cette dispute aurait des conséquences sur leur couple. Derek était tellement excessif parfois ! Et s'il décidait de la quitter ? L'espace d'une seconde, elle avait envisagé de lui téléphoner pour tâter le terrain, voir quel était son état d'esprit, tenter une réconciliation, mais elle s'était vite ravisée, estimant que ce n'était pas à elle de faire le premier pas. Alors, elle avait guetté l'appel ou du moins un message de son amant. Au fur et à mesure que les heures s'écoulaient, elle avait dû se faire une raison, il ne se manifesterait pas. Petit à petit, la tristesse avait fait place à la colère. Elle n'avait rien fait de mal alors, il n'avait pas le droit de la traiter comme une coupable. Au contraire, il aurait dû comprendre que ce n'était pas facile pour elle non plus et la soutenir. Après tout, il était le premier à l'inciter à reprendre ses études et à ne se laisser influencer par personne quant à son choix de vie. Personne sauf lui apparemment ! Ah qu'il était agaçant quand il agissait comme si tout tournait autour de lui ! Enervée, Meredith résolut de se montrer froide et distante quand elle se retrouverait en sa présence, afin de lui faire comprendre qu'elle n'était pas disposée à tout accepter de sa part.

    De son côté, Mark était de bien meilleure humeur. La perspective de donner une première leçon de conduite à Meredith et donc de passer quelques heures avec elle le réjouissait. Cependant, un problème se posait à lui et il était de taille : le Hummer. Ce n’était pas le véhicule idéal pour apprendre à conduire, surtout quand on était petite et frêle comme Meredith. L'imaginer au volant de son char d'assaut suffisait à Mark pour comprendre qu'elle ne se sentirait pas en confiance et que cela ruinerait la leçon. Il traversait le hall de la clinique en envisageant de louer une voiture qui serait plus à la taille de la jeune fille quand il remarqua trois jeunes infirmiers qui discutaient devant la machine à café. Dans un mouvement impulsif, il les rejoignit. Dites donc, les garçons, commença-t-il, ce qui fit sursauter les jeunes gens qui ne l'avaient pas vu venir. Y en a-t-il un parmi vous qui ait une voiture ? Un des trois garçons leva timidement la main. Quel modèle ? l’interrogea Mark.

    Une Ford Mustang GT de 1999, répondit le jeune homme d'une voix mal assurée, en essayant de se souvenir quelle bêtise il avait pu commettre avec sa voiture qui lui attire les foudres du chirurgien.

    Très bien, ça fera l’affaire, décréta Mark. J’en ai besoin pour la soirée. Il mit la main à sa poche pour en sortir son portefeuille d'où il extirpa un billet de cent dollars. Voilà pour le dédommagement. Je suppose que c’est suffisant.

    Euh… oui, je pense, balbutia l’infirmier, sans oser demander en quoi sa vieille guimbarde pourrait être utile au chirurgien, lui qui était l'heureux propriétaire d’une petite merveille de technologie. Ou alors, vous gardez vos cent dollars et moi, je garde votre Hummer jusque demain, proposa-t-il soudain, au grand étonnement de ses camarades qui ne lui connaissaient pas un tel toupet. On ferait un échange en quelque sorte.

    Son aplomb amusa Mark. Ho ne rêve pas non plus ! répliqua-t-il en souriant. En temps normal, il n'aurait peut-être pas été aussi conciliant mais l'idée qu'il allait damer le pion à Derek en apprenant à conduire à sa petite amie le faisait planer. Bon, alors, tu le prends, ce billet, ou je dois m’adresser à quelqu’un d’autre ? bougonna-t-il pour tout de même sauver sa réputation. Le jeune homme s'empressa de prendre l’argent et remit sa clef de voiture en échange. Après s'être fait expliquer où se trouvait le véhicule, Mark le remercia d'une tape sur l'épaule et s’éloigna en sifflotant.

    Je vais faire une course, annonça Meredith après avoir passé la serpillère dans la salle principale. Elle prit son sac et sortit d'un pas décidé, motivée par une toute nouvelle volonté, celle de ne plus se laisser abattre et de prouver à Derek qu'elle pouvait très bien se débrouiller sans lui. Elle remonta le boulevard sur un bon kilomètre avant de bifurquer sur Divisadero Street, poursuivant son chemin jusqu'à ce qu'elle arrive devant une librairie. Quelques minutes plus tard, elle en ressortit le sourire aux lèvres en serrant un livre sur sa poitrine. Elle était presque arrivée à la boutique quand une voiture la klaxonna. Elle se retourna vivement, s'apprêtant à invectiver celui qui osait ainsi l'importuner, quand elle reconnut Mark au volant d’une vieille Ford Mustang noire

    Hey Miss ! la héla-t-il en arrêtant la voiture à son niveau.

    Meredith s’approcha en souriant. C'est quoi, ce vieux tacot ? demanda-t-elle en passant la tête à la vitre de la portière pour embrasser la joue de son ami. Tu en as eu marre de ta voiture ?

    Mark fit semblant d'être choqué. Renoncer à mon bijou pour cette caisse ? Jamais de la vie ! En fait, je l'ai empruntée pour ta première leçon de conduite.

    Meredith se vexa un peu à l'idée qu'il ait jugé utile d'emprunter cette vieille voiture, dont la carrosserie était cabossée par endroits, pour lui apprendre à conduire. Toi aussi, tu as peur pour ta voiture ? dit-elle sur un ton un peu amer. Bonjour la confiance !

    Elle s'écarta de la voiture et Mark devina qu'elle allait tourner les talons. Il la retint par la main. Arrête de dire des conneries ! Elle le fusilla du regard ce qui le fit rire. Je m'en tape, moi, de ma voiture. Mais pour une première leçon, cette bagnole sera plus pratique que mon tank, tu ne crois pas ?

    Un peu gênée, Meredith rougit légèrement. J'avais pas pensé à ça, reconnut-elle.

    Il lui sourit tendrement. Allez, va chercher tes affaires, princesse. Ton carrosse t’attend.


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  • Meredith repartit en courant vers la boutique. Le temps de prendre son imperméable, elle était prête à s'en aller. Je vais prendre ma première leçon de conduite, annonça-t-elle sur un ton provoquant. A plus. Elle courut jusqu’à la Ford.

    Ça, c'est par rapport à ce que tu lui as dit ce matin, nota Izzie à l'intention de Cristina. Elle va vouloir te prouver qu'elle est capable de réussir.

    Cristina fit une moue dédaigneuse. Pour le permis, peut-être, mais pour l'unif, c'est autre chose. Elle l'a pas encore, son diplôme, crois-moi.

    Mais t'imagine, si elle l'obtient ? insista Izzie. Elle universitaire et nous, vendeuses ?

    Ça n'arrivera pas, t'inquiète ! affirma Cristina. Et puis, on n’est pas des vendeuses, mais des chefs d’entreprise.

    Alex avait écouté l'échange avec intérêt. A vrai dire, il ne comprenait pas vraiment ce que ces deux-là reprochaient à Meredith qui, franchement, n’était pas dérangeante. Elle ne rechignait pas à la tâche et n’avait jamais un mot plus haut que l’autre. Quant au fait qu’elle couche avec les deux chirurgiens en même temps, il ne voyait pas quel était le problème. Au contraire. Quand il y en avait pour deux, il y en avait pour trois et il ne désespérait pas d’être ce troisième homme un jour. Mais dans l’immédiat, il avait d’autres projets et, pour cela, il était hors de question qu’il se heurte aux deux patronnes. Vous savez ce qu’on dit chez moi ? lança-t-il avec un grand sourire en se rapprochant d'Izzie. On dit qu’à force de vouloir péter plus haut que son cul, on se fait un trou dans le dos. Izzie, à qui il venait de pincer les fesses, gloussa en faisant papillonner ses cils. Toi, ma caille, je te donne pas trois jours avant d'atterrir dans mon lit, pensa Alex en lui renvoyant un regard qui se voulait conquérant.

    Dans la voiture, à peine installée, Meredith se jeta au cou de Mark. Merci d'avoir accepté d'être mon professeur. Et merci aussi de supporter mes mouvements d'humeur. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

    Mark lui fit un clin d'œil. Hé oui ! Qu’est-ce que tu veux, je suis le meilleur ! Il lui prit la main et la serra brièvement avant de redémarrer. Pour ta leçon, je connais une petite route qui longe l’océan, y a pas un chat par là. Qu'est-ce que tu en penses ?

    Oh moi, je te fais confiance, répondit Meredith. Elle tapota sur le livre qu’elle tenait toujours serré contre elle. Tu as vu, j’ai même acheté un bouquin sur le code de la route. Je vais l'étudier jusqu'à ce que je sois incollable, promit-elle.

    Le plus chiant, c'est d'apprendre par cœur les peines de prison encourues et le montant des amendes pour chaque infraction, lui indiqua Mark. Sinon, pour t'aider, il y a des sites qui offrent des tests gratuits en ligne et des vidéos.

    Ah super ! Et ça se passe comment l'examen ?  

    Pour commencer, tu vas devoir passer un test de vision. Juste lire des lignes de lettres pour prouver que tu as une bonne vue, expliqua Mark. Ensuite, il y a le test écrit sur les règles de conduite et les signaux routiers. Une quarantaine de questions, si je me souviens bien. C'est pas compliqué. Certaines questions sont même ridicules, du genre que faites-vous si vous recevez un texto quand vous êtes au volant, petit a, il faut toujours répondre immédiatement aux texto, c’est important, petit b, vous ne lirez le texto qu’une fois arrêté et en sécurité. Meredith s'esclaffa. J'exagère à peine, certifia Mark.  

    Si toutes les questions sont comme ça, je ne devrais pas avoir de mal pour réussir l'examen, déclara Meredith, un peu rassurée par la description de son ami. Et pour l'examen pratique ?

    Franchement, rien de sorcier non plus. Pour commencer, l'examinateur va te demander de tester les clignotants, les feux de stop, le klaxon, le frein à main et aussi de lui montrer si tu sais où est l'allumage des feux de croisement, le désembuage et des trucs comme ça. Tu vas devoir faire les signes à la main pour tourner à gauche, à droite, et t’arrêter. Après ça, il va te faire faire une marche arrière en ligne droite, un créneau, un demi-tour et pour finir, le tour du pâté de maisons avec quelques stops et un changement de file, conclut Mark. Ça dure vingt minutes grand maximum. 

    Meredith fit une petite moue de satisfaction. En effet, ça n'a pas l'air trop compliqué.

    Mark arrêta la voiture sur le bas-côté de la route. Voilà, on y est. Meredith constata qu'il avait raison. Il n'y avait pas de circulation, seules quelques personnes se promenaient le long de la plage. Mark se tourna vers elle. Tu es prête pour ta première leçon ? Partagée entre l'excitation et l'appréhension, elle acquiesça d'un signe de tête. Très bien, alors, prends ma place, proposa Mark. Ils sortirent du véhicule et en firent le tour pour échanger leurs sièges. Mark sourit en la voyant, les mains crispées sur le volant et regardant droit devant elle. De toute évidence, elle était tendue. Bon alors, ça, c'est le volant et ça, le levier de vitesses. La pédale, là, c’est l’accélérateur et celle-là, c'est le frein.

    Meredith lui lança un regard noir. Oui, ça, je sais. Je ne suis pas tout à fait débile tout de même.

    Il lui posa la main sur le bras avec un sourire penaud. Je sais. Je cherchais seulement à détendre l’atmosphère.

    Oui, je sais, je suis tendue, admit-elle. Mais c'est important pour moi d'avoir le permis, Mark. Je veux le réussir.   


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