• Mais tu vas réussir, répliqua Mark avec assurance. On va tout faire pour. Bon, regarde maintenant - il lui désigna le levier de vitesse - la position D, c’est pour avancer, R, pour faire marche arrière et P, pour s’arrêter.

    Meredith fronça les sourcils. Et le N ?

    N, c’est la position pour un arrêt temporaire. Et là, ce sont les différentes vitesses. Tu as compris ?

    Je crois, oui, murmura-t-elle.

    Mark lui adressa un sourire rassurant. Ecoute, c’est simple. Il lui prit la main et la posa sur le levier, gardant sa main dessus pour lui montrer les manipulations. Pour avancer, tu mets le levier sur D. Pour t’arrêter à un stop, tu mets sur N et pour t’arrêter totalement, tu mets sur P.

    Meredith secoua la tête. D’accord, j’ai compris.

    Alors, vas-y. Mets le moteur.

    Une expression de panique apparut sur le visage de la jeune fille. Quoi, déjà ?

    Mark émit un petit rire malicieux. Ben oui, on ne va pas y passer la nuit non plus. Démarre et fais avancer la voiture.

    D’une main hésitante, Meredith tourna la clef dans le démarreur et après avoir mis le levier de vitesse en position D, elle appuya énergiquement sur l’accélérateur. La voiture vrombit et fit un bond en avant. Meredith poussa un petit cri de frayeur qui fit rire son professeur. Pourtant, j'ai fait comme tu as dit, se justifia-t-elle.  

    Oui, mais tu as appuyé trop fort sur l'accélérateur. Mark lui pressa délicatement l'épaule. Mais c'est normal de faire des erreurs quand on apprend. Détends-toi et recommence, mais cette fois en appuyant plus doucement sur la pédale. Elle lui obéit et la voiture avança lentement sur quelques mètres. Bravo, tu roules ! s’extasia Mark qui était on ne peut plus fier de son élève, laquelle était rose d'excitation et de contentement. Bon, maintenant, tu vas t'arrêter comme si tu étais à un stop. N’oublie pas ce que je t’ai dit, lui recommanda-t-il.

    Après quelques secondes de réflexion, Meredith mit le levier de vitesses sur la position N. La voiture continua pourtant d’avancer. La jeune fille paniqua à nouveau. Dis-moi ce que je dois faire, Mark, cria-t-elle. Elle ne veut pas s’arrêter.

    Appuie sur le frein, lui conseilla-t-il. Voilà, très bien… doucement. Il vit à son expression qu’elle était démoralisée. La connaissant, il était même à craindre qu'elle doute de ses capacités. Désolé, c’est ma faute, s’excusa-t-il. J’ai oublié de te dire que tu devais freiner en même temps. Je suis nul comme prof.

    Bah, je suis nulle comme élève, alors, on fait la paire ! rétorqua Meredith.

    Mark lui donna un léger coup de coude. Mais arrête de te dévaloriser tout le temps ! Moi, je trouve qu'on forme une formidable équipe, tous les deux. La meilleure ! Bien que dubitative, elle le remercia d'un sourire. La leçon se poursuivit par des allers et retours le long de la route, Mark la faisant rouler de plus en plus vite, avec quelques marches arrière pour l’expérience. Petit à petit, Meredith se détendit, osant même vers la fin se tourner vers son moniteur, en quête d'une approbation. Il n’était pas peu fier de ses progrès et ne manqua aucune occasion de la féliciter. C’est bon, tu peux t’arrêter, déclara-t-il après une heure, alors qu’ils étaient plus ou moins revenus à leur point de départ.

    Déjà ? s'étonna Meredith qui s'attendait à ce qu'il lui fasse faire d'autres choses.

    Mais, oui, tu sais conduire maintenant ! s’exclama-t-il. Bon, évidemment, tu dois encore apprendre à faire les manœuvres mais à part ça, tu sais démarrer la voiture, la faire avancer, l’arrêter, récapitula-t-il. Que veux-tu de plus ? C’est ça, conduire !

    C'est plus simple que ce que je pensais, avoua Meredith. Elle lui fit un grand sourire. T’es pas mal comme prof, finalement !

    Je n'ai aucun mérite, c'est toi qui as tout fait, objecta-t-il. En voyant la lueur de doute dans son regard, il se demanda pourquoi elle n’avait pas plus confiance en elle. Lui qui était pourtant dur et exigeant, ne lui trouvait aucun défaut. Tu as tous les talents, Mer, dit-il avec fougue. Et ça me fait chier que tu en doutes !

    Merci. Elle appuya la tête contre son épaule.

    De rien. Tout le plaisir a été pour moi, chuchota-t-il en lui effleurant les cheveux avec ses lèvres. Oui, c’était un plaisir d’être avec elle, et il avait bien l’intention de prolonger ce bonheur. Ça te dit de te promener le long de la plage avant de rentrer ? Meredith accepta avec joie. Elle n'avait aucune envie de rentrer chez elle pour passer la soirée avec Cristina et Izzie. Tu n’as pas froid ? Si tu veux, je peux te passer ma veste, proposa Mark après qu'ils soient sortis de la voiture.

    La jeune fille, qui admirait le paysage, tourna légèrement la tête pour lui répondre. Non, il fait encore bon. De toute façon, j'ai mon imper. Elle regarda l’océan et sa cohorte de pélicans qui tournoyaient au-dessus de la plage. Quelques surfeurs faisaient montre de leurs talents sur les vagues et des couples d’amoureux se promenaient, main dans la main, sur le sable. En les voyant, elle ne put s’empêcher de penser à Derek. Où était-il maintenant ? Que faisait-il ? Pourquoi ne lui avait-il donné aucune nouvelle ? A nouveau, son moral fut en berne et elle allait demander à Mark de la ramener chez elle lorsque son téléphone sonna. Elle le sortit de son sac et son cœur bondit dans sa poitrine quand elle vit le nom affiché sur l'écran. C’est Derek ! dit-elle simplement. Allo…


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  • C’est moi, dit Derek en entendant la voix douce de Meredith. Il avait attendu la fin de la journée pour l’appeler, en espérant que la leçon de conduite dont lui avait parlé Mark l’absorberait tellement qu’elle n’aurait pas le temps de discuter. Moins ils parleraient, mieux ce serait. Bien qu'il ait pris conscience de ses sentiments et de l'inefficacité de sa méthode pour les faire disparaitre, il n'avait pas encore décidé du sort de leur relation. Par ailleurs, il était envahi par trop d’émotions contradictoires qu’il se sentait incapable de maitriser. Discuter avec Meredith, c'était courir le risque de faire exploser ces émotions et de faire plus de mal à la jeune fille qu’il ne lui en avait déjà fait, ce qu'il ne voulait pas. Je ne te dérange pas ? lui demanda-t-il.

    Bien sûr que non. Tu ne me déranges jamais, murmura-t-elle, le cœur battant. Elle était tellement heureuse qu’il l’ait enfin appelée. Toute la journée, elle avait redouté que son silence prolongé ne soit le signe de la fin de leur relation mais maintenant qu'elle entendait sa voix, elle était rassurée et elle n’avait plus qu’une envie, qu’il lui dise qu’il avait envie de la voir. Il n'était même plus question des excuses qu'elle avait pourtant eu l'intention d'exiger pour la façon dont il s'était comporté avec elle. 

    Malgré toutes les promesses qu’il s’était faites, sa curiosité fut la plus forte. Et la voiture, ça se passe bien ? Tu t’en sors ?

    Oui, pas trop mal, enfin, je crois, répondit Meredith, pleine d’entrain, tant elle était soulagée parce qu’enfin ils retrouvaient un semblant de communication. En tout cas, Mark a l’air satisfait. Il m’a même dit que je pouvais passer le permis quand je voulais. D'après lui, je suis prête.

    L'évocation de son meilleur ami, ce traitre qui le lâchait à un moment critique, accentua la mauvaise humeur de Derek. Alors, si Mark l’a dit, répondit-il avec aigreur. Il coupa court. Bon, j'appelle pour te dire que je dois partir à Miami. Je viens d’apprendre que je devais assister à un important congrès médical, débita-t-il sur un ton nerveux.

    Ce n'était pas du tout ce à quoi Meredith s'attendait. Oh d'accord ! Derek contracta sa mâchoire en percevant la déception dans son intonation. Et tu pars maintenant ? s'enquit-elle.

    Non, non, pas tout de suite. En fait, je pars demain soir et je reviens dans trois jours, expliqua-t-il en espérant qu’elle allait se contenter de cette précision. Cette conversation, pourtant d’une banalité affligeante, lui demandait des efforts quasiment surhumains. Dire qu'il y avait seulement quelques jours, ils nageaient dans le bonheur et maintenant, ils en étaient à ne plus savoir que se dire. Il en était le premier malheureux mais ne voyait pas comment revenir en arrière.

    Meredith poussa un soupir de soulagement. Ah ça te laisse un peu de temps quand même ! Elle espérait lui faire ainsi comprendre qu'elle voulait le voir avant son départ. Certes, il aurait été plus simple de le lui dire franchement mais elle ne voulait pas avoir l'air de quémander un rendez-vous.  

    Pas tant que ça, en fait. Tendu, Derek entreprit de se justifier. Il faut que je prépare mon intervention pour la conférence et je ne te parle même pas des interventions. Je vais devoir caser en deux jours ce que j’aurais dû faire en cinq. Un véritable marathon. Enfin, voilà, je ne crois pas que j’aurai le temps de te voir avant mon départ, lâcha-t-il enfin.

    Désappointée, Meredith sentit un poids peser sur son cœur. Mais tu vas quand même pouvoir passer à la boutique ? Il faut bien que tu manges tout de même.

    Derek leva les yeux au ciel. C'était tout à fait ce qu'il craignait avant de l'appeler, qu'elle pose des questions, qu'elle insiste pour le voir, qu'elle essaie de le faire changer d'avis. Ni à la boutique ni ailleurs ! répliqua-t-il sèchement. Tu ne te rends vraiment pas compte de tout ce que j'ai à faire.

    Ce qui était une simple déconvenue se mua en colère chez la jeune fille. Elle en voulait à Derek non seulement de lui annoncer son départ par un simple appel téléphonique que manifestement il n’avait pas l’intention de trop prolonger, mais également envers elle, pauvre sotte, qui s'était fait encore une fois des illusions sur les intentions de son amant. Une chance qu'à Aspen tu as dit que tu voulais qu'on se voie plus souvent ! lui rappela-t-elle sur un ton perfide. Pour le moment, c'est plutôt le contraire. Elle essuya les larmes de rage qui commençaient à couler de ses yeux.   

    Mark fronça les sourcils. Il n’en était pas certain, vu la distance à laquelle il se trouvait, mais il lui semblait que Meredith pleurait. Il tendit le cou pour tenter d’en voir plus mais la jeune fille se tourna, ne lui présentant plus que son profil. Il fit un pas en avant, prêt à accourir à la moindre alerte. Bon sang, que pouvait bien lui dire Derek ? Quoi que ce soit, cela ne ressemblait pas aux excuses qu’il l’avait encouragé à présenter. Ne restait plus qu'à espérer que son ami n’avait pas eu le mauvais goût de choisir le téléphone pour confesser son infidélité et mettre un terme à la relation. Meredith ne s’en relèverait pas, à coup sûr. N’osant approcher, Mark trompa son impatience en faisant deux pas à droite, deux à gauche, sans jamais quitter son amie des yeux.

    Je suis chirurgien, Meredith, pas fonctionnaire ! riposta froidement Derek. Je ne fais pas toujours ce que je veux.

    Meredith ricana. Ce n’est pas ce que tu m’as laissé entendre depuis que je te connais. Il y a des jours où tu as passé plus de temps à la boutique que dans ta clinique. En fait, tu ne fais jamais que ce que tu veux quand ça t’arrange. Enervée, elle haussa légèrement le ton. Dans tous les cas, tu aurais pu avoir au moins la correction de m’annoncer ça en face plutôt qu’au téléphone !

    Même si, en son for intérieur, Derek savait qu’elle avait raison, il n’apprécia pas qu’elle se permette de lui faire la leçon. Estime-toi heureuse que je t’aie prévenue ! aboya-t-il. Parce que franchement, rien ne m’y obligeait. Je n’ai aucun compte à te rendre. On n’est pas marié à ce que je sache ! Sur ces derniers mots prononcés avec hargne, il mit fin à la conversation. Celle-ci avait tourné exactement comme il l’avait redouté, pleine de rancœur et de reproches. Il fit quelques pas dans son salon avant de donner un violent coup de pied dans un meuble. Tout se passait de travers, rien n’allait comme il l’aurait voulu. Ses amours, ses amitiés, tout foutait le camp et il ne savait pas du tout comment faire pour tout remettre d’aplomb. Dans ces conditions, ce séjour à Miami tombait à pic.


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  • Meredith regarda son téléphone avec un air hébété, avec la sensation que son univers venait d'exploser. Quand elle releva la tête vers Mark, les larmes inondaient déjà son visage. Il la rejoignit aussitôt. C'était Derek ? Elle acquiesça d'un signe de tête. Quoiqu’il t’ait dit, ça ne vaut pas la peine que tu te mettes dans cet état, Mer, fit remarquer Mark avant de la prendre dans ses bras. Son calme apparent contrastait avec le volcan qui bouillonnait en lui. La colère qu’il avait éprouvée le matin envers Derek n’était rien comparée à celle qu’il ressentait maintenant. Il ne savait pas vraiment ce que son ami avait dit mais la réaction de Meredith était suffisamment éloquente pour qu’il imagine le pire. A nouveau, il craignit que Derek n’ait avoué ses fautes au téléphone et pendant quelques secondes, il éprouva quasiment de l'antipathie envers celui qu’il avait toujours considéré comme un frère. Comment pouvait-il être aussi goujat avec une fille aussi gentille, aussi adorable, aussi mignonne, aussi… aussi tout ? Cependant, il n'était peut-être pas le seul à blâmer. Mark ne pouvait s'empêcher de penser qu’il avait probablement eu une très mauvaise idée de pousser son camarade dans ses retranchements. Sans doute Meredith venait-elle d’en faire les frais.

    Celle-ci poussa un gros soupir. Il va partir, annonça-t-elle sur un ton légèrement mélodramatique.

    Perplexe, Mark haussa les sourcils. Comment ça, il va partir ? Que Derek ait décidé de rompre, oui, c'était logique d'une certaine façon, vu le personnage, mais qu'il ait choisi de tout envoyer valser par la même occasion, c'était difficilement imaginable.

    Meredith prit un air désespéré. Il doit assister à un congrès de médecine à Miami. Il part demain.

    Ah ce n’est que ça ! s’écria Mark avec un soulagement évident. Il lui donna un léger coup sur l’épaule. Vous, les nanas, faut toujours que vous en fassiez des tonnes. J’ai cru qu’il avait rompu avec toi et qu'il plaquait tout dans la foulée.

    Tout non mais moi, ça ne m'étonnerait pas, lui confia-t-elle avec une expression désabusée. Elle lui prit le bras et ils commencèrent à marcher. Il m'a dit qu'il n'aurait pas de temps pour moi avant son départ, même pas pour venir à la boutique. Alors, j'ai un peu râlé et il s'est énervé en disant qu’on n’était pas marié et qu’il n’avait pas de comptes à me rendre ! expliqua-t-elle d’une voix mal assurée. Elle leva de grands yeux où pouvait se lire tout le chagrin du monde et Mark eut mal au cœur. Je ne comprends pas pourquoi il est comme ça depuis notre retour, se plaignit-elle. Tu le sais, toi ?

    Bien sûr qu’il le savait ! Mais pouvait-il lui dire que son mec avait repris ses anciennes habitudes et qu'il sautait tout ce qui bouge ? Non, bien sûr. Non pas qu'il ait encore envie de prendre la défense de Derek ou d'être son complice, et cela l'ennuyait de ne pas être tout à fait honnête avec Meredith, mais il était hors de question d'être celui qui lui ferait plus de mal qu’elle n’en avait déjà. Il décida donc de rester vague. Bah, tout ce que je sais, c’est qu’il est sacrément con ! Je suppose qu’il traverse une mauvaise passe. Alors, crois-moi, c’est pas plus mal si tu ne le vois pas pour le moment. Il lui donna un léger coup de coude. Laisse-le donc aller à Miami. Là-bas, il va s’emmerder comme un rat mort et en revenir en courant. Malheureusement, son trait d’humour n’eut pas l’effet escompté et Meredith ne se départit pas de son air chagriné. Bon, maintenant, tu as deux solutions, claironna Mark. Soit tu te pends, soit tu viens t’amuser avec moi. A ta place, je choisirais la deuxième option.

    Elle le regarda d’un air soupçonneux. Qu’est-ce que tu entends par s’amuser ?

    Il lui fit faire demi-tour pour repartir vers la voiture. A vingt minutes d’ici, sur la côte, il y a une sorte de fête foraine avec plein d’attractions pour ados. Ça devrait te plaire. C’est de ton âge, après tout, ajouta-t-il sur un ton moqueur.

    Meredith sourit enfin. Et comme tu as quinze ans d'âge mental, tu vas aimer ça aussi.

    Il lui saisit la main dans un éclat de rire et lui fit parcourir en courant les quelques mètres qui les séparaient de la Ford. Allez, grimpe ! l’invita-t-il en lui ouvrant la portière. Et oublie tout ! La boutique et tes horribles copines, Derek et Miami. A partir de maintenant, on fait la fête. Cependant, tourmentée par ses problèmes, Meredith garda le silence durant tout le voyage, ce que Mark respecta. Ce n'est qu'en arrivant à la fête foraine et en voyant la foule présente que la jeune fille se dérida un peu. Alors qu’est-ce que tu as envie de faire ? lui demanda-t-il alors qu'ils pénétraient dans le parc.

    Tout. J'adore ce genre d'endroit, répondit-elle avec entrain. Cinq minutes plus tard, elle l'entrainait dans la Maison des Horreurs. Ils déambulèrent dans les couloirs où ils croisèrent divers personnages qui étaient censés les terrifier mais qui n’arrivèrent qu’à les faire sourire. Ils arrivaient en vue de la sortie quand un squelette surgit devant eux avec un rire sadique. Mark s'interposa entre lui et Meredith qui pouffa de rire. Mais quel courage ! Tu es prêt à te battre avec un faux squelette, se moqua-t-elle.

    Lève la tête, lui suggéra Mark dans un murmure. Elle obéit et aperçut une énorme tarentule qui tombait droit sur elle. Elle poussa un hurlement et se jeta dans les bras de son ami. Il écarta l'insecte d’un revers de la main et, tout en maintenant Meredith contre lui, l’emmena vers la sortie. Alors qu'est-ce tu as envie de faire maintenant ? On peut faire une autre attraction ou alors, on peut aller manger quelque part, proposa-t-il une fois qu'ils furent dehors.

    Était-ce la faute de la fausse araignée, toujours est-il que l'enthousiasme initial de Meredith était retombé et qu'elle n'avait maintenant plus qu'une envie, rentrer chez elle. Elle s'en voulait parce qu'elle se sentait ingrate, mais rester là, même avec Mark, lui était devenu subitement insupportable. Ses yeux étaient pleins de larmes quand elle se tourna vers lui. Je suis désolée, je sais que tu es venu ici pour moi mais…

    Il termina la phrase à sa place. Mais tu préférerais rentrer. Le soulagement qu’il lut dans ses yeux lui apprit qu’il avait raison. Il maudit Derek pour l’emprise qu’il avait sur la jeune fille et dont il faisait un si mauvais usage. Pas de problèmes, ma belle. On s'en va.

    Comme à l'aller, le voyage se fit dans le silence, chacun étant perdu dans ses pensées, toujours les mêmes. Pourquoi Derek ne m’aime-t-il pas comme je l’aime ? se demandait Meredith.

    Pourquoi ne m’aime-t-elle pas moi plutôt que l’autre ? s’interrogeait Mark.

    Merci d’avoir été là pour moi ce soir, lui dit Meredith après qu'il se fut garé devant chez elle. Et désolée de ne pas avoir été de très bonne compagnie. Elle soupira. Je m’en veux d’être tellement tributaire de Derek mais c’est plus fort que moi. Je suis stupide, je sais, mais je n'arrive pas à faire autrement.

    Mark lui prit la main et lui embrassa l’intérieur du poignet. Tu n’es pas stupide, Mer, juste amoureuse.

    Dans mon cas, ça veut dire un peu la même chose ! bougonna-t-elle.

    Et tu voudrais que je te tombe amoureux ? grommela Mark. Je suis bien mieux comme je suis.

    Je vais finir par le croire ! Meredith se pencha vers lui pour l'embrasser sur la joue. Merci pour tout. Je te tiens au courant. Elle se dépêcha de sortir de la voiture et rentra chez elle après avoir salué une dernière fois son ami d'un signe de la main.


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  • Derek était assis dans son salon, en train de compulser une revue de neurochirurgie, sans réussir à y fixer son attention. La brève conversation qu’il avait eue, deux heures plus tôt avec Meredith, se répétait inlassablement dans sa tête et il pouvait encore entendre la déception et la tristesse dans la voix de la jeune fille. Il s’en voulait terriblement d’avoir été si dur avec elle, parce qu'elle ne le méritait pas. Le mieux serait sans doute de mettre un terme à leur relation. Meredith serait plus heureuse sans lui. Mais renoncer à elle était au-dessus de ses forces. Il ne pouvait pas être pleinement avec elle, parce que ça signifiait se laisser aller à des sentiments qu’il avait bannis de son cœur depuis une éternité, mais il ne pouvait pas non plus imaginer vivre sans elle. Il en était là de sa réflexion quand des coups violents furent frappés à la porte de sa maison flottante, le faisant sursauter. Il devina qui venait l’importuner à cette heure tardive et se dirigea vers l’entrée, les sourcils froncés de contrariété.

    Il avait à peine entrouvert la porte que Mark la poussait à fond et entrait sans y être invité. Il faut qu’on parle, éructa-t-il, l’air menaçant et les yeux étincelants de colère

    Derek se crispa, les poings serrés, prêt à riposter à la moindre provocation. Je n’ai pas envie de parler, Mark. Ni d’écouter tes leçons de morale. Quant à ta façon d’entrer ici…

    Mark lui coupa sèchement la parole. Rien à foutre ! Il le regarda avec un air incrédule. Je n’arrive pas à croire que tu aies fait ça !

    Quoi encore ? aboya Derek.

    J’étais avec Meredith quand tu l’as appelée ce soir, lui apprit Mark. Est-ce que tu te rends compte de l’état dans lequel votre conversation l’a mise ?

    Pourquoi ? Parce que je serai absent pendant trois jours pour un congrès ? Derek leva les yeux au ciel sous l’effet de l’exaspération. Ce n’est pas ma faute si tout tourne au drame avec elle. Il repartit vers le salon, laissant sa porte ouverte, comme pour inviter Mark à repartir.

    Celui-ci la referma en la claquant violemment et suivit son ami. Pas le congrès mais ta façon de le lui annoncer et tout le reste… les gonzesses que tu te tapes. Il fut stupéfait de voir son ami s’asseoir et reprendre son magazine pour le feuilleter comme si de rien n’était.

    Ça, elle ne le sait pas, à moins que tu n’aies été trop bavard, laissa tomber Derek d’un ton qui se voulait détaché, mais qui cachait mal son angoisse que ses soupçons se vérifient.

    Mark s’assit dans le fauteuil qui faisait face au sien. Non, je n’ai rien dit mais, de toute façon, elle finira par l’apprendre. Il se pencha en avant, pointant vers son camarade un doigt menaçant. Si tu en as marre de cette fille, Derek, alors dis-le-lui. Laisse-la tomber !

    Derek lui jeta un regard hostile. La laisser tomber ? ricana-t-il. Ça t’arrangerait bien, hein ! Tu pourrais enfin essayer de te la faire. C’est ce que tu espères depuis le début.

    Cette fois, Mark ne chercha nullement à nier. Au point où ils en étaient arrivés tous les deux, de toute façon, peu lui importait que Derek devine ses sentiments pour Meredith. Et quand bien même ! Peu importe avec qui elle sortira après toi puisque tu n’en as plus rien à foutre !

    Derek se releva brusquement, venant se planter devant son ami, les poings serrés. C’est vraiment ce que tu crois ? cria-t-il. Comme pour éviter de se laisser aller à la violence qu’il sentait monter en lui, il s’éloigna pour se planter devant la fenêtre. Tu crois vraiment que je n’en ai plus rien à foutre d’elle ? Il ferma les yeux et le visage de Meredith lui apparut aussi nettement que si elle avait été devant lui. Il les rouvrit aussitôt, le cœur désespéré. Si seulement ça pouvait être vrai, Mark, dit-il d’un ton las. Tu ne peux pas imaginer comme j’aimerais ne plus penser à cette fille. Ne plus me demander ce qu’elle fait quand je ne suis pas là, ne plus sourire bêtement quand j’entends sa voix à l’autre bout du téléphone. Il revint s’asseoir en prenant soin d’éviter le regard de son ami. Ne plus trembler quand elle me sourit. Ne plus avoir envie de lui faire l’amour partout et tout le temps. Ne plus me sentir perdu quand elle n'est pas là. Ne plus… ne plus l’aimer tout simplement, soupira-t-il. Il osa enfin relever la tête, le regard éperdu de détresse. Voilà, je l’ai dit. Tu es content ?

    Même s’il ne s’agissait pas, à proprement parler d’une révélation, Mark fut désarçonné par l’aveu de Derek. Ce dernier n’avait pas l’habitude de se laisser aller à de telles confidences, surtout lorsqu’elles avaient pour effet de révéler ses faiblesses. Je pense qu’on a tous les deux besoin d’un verre, soupira Mark. Il se leva et alla derrière le bar, sans toutefois rien y faire, toujours interloqué par ce qu’il venait d’entendre. Il regarda son ami qui se prenait la tête dans les mains. Alors tu l’aimes ? répéta-t-il, après un moment de silence, comme si, malgré toutes les preuves évidentes, il avait besoin de le dire à voix haute pour que cela devienne vraiment réel. Derek se releva et hocha lentement la tête. Mark se décida enfin à remplir deux verres du bourbon le plus fort que son ami possédait. Cette confession faite à contrecœur venait de mettre un terme définitif à tous ses espoirs. Du moment que Meredith aimait Derek et que la réciproque était vraie, il n’y avait plus rien à attendre. Donc, tu l’aimes. Alors pourquoi tu te mouches avec les doigts quand tu as un mouchoir propre dans ta poche ? demanda-t-il, décidé maintenant à pousser son ami dans ses retranchements.

    Malgré lui, Derek ne put s’empêcher de sourire. Tu as toujours eu le sens de l’image, toi.

    Ça ne répond pas à ma question, dit Mark en lui tendant son verre. Hein ? Il reprit sa place dans le fauteuil. Pourquoi tu te tapes toutes ces nanas dont visiblement tu n’as rien à faire alors que tu as la chance d’avoir une fille telle que Meredith ?

    Derek haussa les épaules, désabusé. Parce que je veux que ça cesse ! Je veux redevenir celui que j’étais avant. Il vida son verre à moitié et fit une grimace sous l’effet de l’alcool qui lui brûlait la gorge.


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  • Il te plait tant que ça, ce mec-là ? ironisa Mark avant de, lui aussi, faire couler le bourbon dans sa gorge, espérant qu’au passage l'alcool ferait disparaître l’amertume qui était en train de le submerger. Lui qui aurait tant aimé avoir l'amour de Meredith devait renoncer à ses rêves et Derek, qui l'avait, n'en voulait pas. La vie était vraiment mal faite.

    Il a au moins le mérite de ne pas avoir d’états d’âme, bougonna Derek dont les yeux se teintèrent de désespoir. Il sait ce qu’il veut. Il ne se met pas dans tous ses états en entendant le rire d’une gamine de vingt ans ou en respirant son parfum.

    Tu vas peut-être me trouver borné mais je ne vois franchement pas où est le problème, insista Mark après avoir bu une nouvelle gorgée de son whisky. Tu l’aimes, elle t’aime…

    Oh pitié ! Arrête ça, supplia Derek, avec une grimace exprimant son dégoût. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ? C’est ça que tu proposes ? Il secoua la tête avec horreur. Je ne veux pas de cette guimauve.

    Excuse-moi mais il y a des supplices bien pires sur terre, bougonna Mark. Voilà l’autre qui faisait la fine bouche ! Vivre heureux avec Meredith et lui faire beaucoup d’enfants, il aurait donné sa vie pour que ce bonheur lui soit permis.

    Mark, je ne peux pas ! Je ne veux pas ! asséna Derek avec toute la force du désespoir.

    Excédé, Mark leva les yeux au ciel. Pourquoi ? A cause de cette salope d'Abigail ? Derek lui jeta un regard furibond. Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? s’emporta Mark. Tu ne crois pas qu’après tant d’années le sujet ne devrait plus être tabou ? Il y a dix ans, je t’ai juré de ne plus jamais t’en parler et j’ai tenu parole mais… Il laissa un gros soupir s’échapper de ses lèvres. Est-ce que tu crois vraiment que cette conne vaut la peine que tu t’interdises encore de vivre pleinement et d’être heureux ? Sa voix reprit une intonation amicale, à la limite de la tendresse. Je sais ce que tu as vécu, Derek. J’étais là, j’y ai assisté en direct mais je pense qu’il est temps que tu passes à autre chose. Meredith ne ressemble en rien à cette garce et ce serait l’insulter que de prétendre le contraire.

    Derek soupira. Je n’ai jamais dit ça. Je sais qu'elle n’est pas comme… Même après plus de dix ans, il lui était encore pénible de prononcer ce prénom. Comme ça. Le problème n’est pas là. Il vida ce qui restait dans son verre.

    Il est où, alors ?

    Elle va me faire souffrir, murmura Derek. Oh pas maintenant et peut-être pas volontairement, mais un jour…

    Mark haussa légèrement les épaules tout en levant ses yeux vers le plafond. Tu n’en sais rien, ça.

    Derek se passa la main sur le visage avant de se lever pour remplir leurs verres. Allons donc ! Il faut être lucide. Elle est fan de Justin Timberlake, j’aime les Clash et les Foo Fighters. Elle adore les fast-foods et moi, je ne fréquente que les restaurants sélects. Il revint poser le verre plein devant Mark et s’affala à nouveau dans son fauteuil. Je n’arrête pas de critiquer les vêtements bon marché qu’elle achète et elle me prend pour un vieux snob parce que je ne choisis que des marques.

    Ça, elle n’a pas tout à fait tort, persifla Mark.

    Derek eut un sourire triste. Peut-être. Il secoua doucement la tête. On n’a rien en commun, Mark, et je ne te parle même pas de la différence d’âge. J’ai quinze ans de plus qu’elle, lui rappela-t-il, dépité.

    Et tu t’en es rendu compte récemment ? se moqua Mark. Elle, elle le sait depuis le début. Ça ne l’a jamais dérangée. Et puis, quinze ans, c’est pas la mer à boire tout de même.

    Derek prit un air dubitatif. Ça ne la dérange pas maintenant mais dans dix ans… Elle sera encore une magnifique jeune femme et moi, je serai presque un vieillard. Mark sourit devant cette exagération. Je ne veux pas attendre le moment où elle me plaquera pour un mec de son âge, conclut Derek en baissant la tête.

    Mais votre amour, commença Mark.

    Derek ne le laissa pas aller plus loin. L’amour… Sa voix s’étrangla. Parlons-en ! Ça n’apporte que souffrance et torture. J’ai assez vu les dégâts que ça fait. Il darda sur Mark un regard douloureux. Rappelle-toi ton père, comment l’alcool l’a tué parce qu’il aimait ta mère. Mark baissa la tête à ce souvenir douloureux. Et ma propre mère, poursuivit Derek dont la voix se fit plus cassante, qui a tout sacrifié, ses enfants, sa vie même, pour un salaud qui n’a fait que l’humilier. Et moi… oui, moi, se mit-il à crier presque, regarde l’homme que je suis devenu parce qu’un jour j’ai été amoureux. Il secoua énergiquement la tête de gauche à droite. Alors, non, non, non, ça ne m’arrivera plus.

    Ouais eh bien, il est un peu tard pour dire ça, clama Mark en se tapant la cuisse droite avec sa main grande ouverte, avant de se lever. Alors maintenant, tu vas devoir faire avec. Parce que, moi, il est hors de question que je reste là, à te regarder faire du mal à Meredith sans rien dire. Donc, tu vas profiter de ton séjour à Miami pour remettre de l'ordre dans tes idées. Il faut que tu arranges ça, Derek. Il jeta un dernier regard à son ami qui ne réagit pas. Et si tu ne le fais pas, alors…

    Alors, quoi ? dit Derek à nouveau plus agressif.

    Alors, la prochaine fois que je viendrai ici, ce ne sera plus pour une conversation amicale, mais pour te foutre mon poing dans la figure, promit Mark sur un ton décidé. Pourtant, ça me désolerait, crois-moi, mais je n’hésiterais pas une seconde. Alors au nom de notre amitié, Derek, ne m’oblige pas à faire ça. Et si ce n’est pas pour moi, fais-le au moins pour Meredith. Sans même attendre une réaction, il repartit vers l’entrée. Penses-y si tu l’aimes autant que tu le dis, cria-t-il encore, avant de sortir.

    Encore plus que ça, chuchota Derek en se maudissant parce que les larmes lui montaient aux yeux.


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