• La nuit qui suivit son explication avec Derek, Mark ne dormit pour ainsi dire pas, tant il était la proie d’émotions diverses et variées. Entendre son meilleur ami avouer son amour pour Meredith l’avait bouleversé à un point qu’il n’aurait pu dire. Déjà parce qu’ils n’avaient pas l’habitude, tous les deux, de parler de telles choses. L’amour, les sentiments, ce qu’on avait dans la tête et dans le cœur, ils gardaient ça pour eux, en général. Mais surtout, le fait d'avoir maintenant des certitudes quant à ce que Derek éprouvait pour Meredith interdisait à Mark d’encore former quelque espoir que ce soit au sujet de la jeune fille. C'était moins douloureux que ce qu'il avait redouté, vraisemblablement parce qu'il avait toujours su, au fond de lui, qu’il n’avait aucune chance. Ça n'avait jamais été sur lui que Meredith posait ce regard chaviré, ni de lui dont elle parlait avec cette voix si douce qui se cassait quand elle évoquait certains moments. Ce n’était pas lui qu’elle voulait, tout simplement. Alors, il n’avait pas le choix. Il devait cesser d’être l’amoureux transi pour redevenir l’ami fidèle que, en tout état de cause, il n’avait jamais cessé d’être aux yeux de Meredith. Bien sûr, ses sentiments n’allaient pas disparaître du jour au lendemain. Il avait même tendance à croire que, à moins d’un miracle, ils étaient ancrés en lui jusqu’à son dernier jour mais à défaut, il continuerait de faire semblant. Au fond, ça ne lui avait pas si mal réussi jusqu’à présent. Personne, à part Callie, ne connaissait la vérité et il savait que son amie garderait le secret.

    Il sortit de son lit avec le sentiment - ô combien rare pour lui - d’avoir bien agi. Car il ne doutait pas que son intervention de la veille avait tout arrangé. Maintenant que, grâce à lui, Derek avait admis qu’il aimait Meredith, il allait se rendre compte que lutter contre ses sentiments était vain et, forcément, il mettrait fin à ses errances. Il avouerait son amour à la principale intéressée qui allait enfin avoir le bonheur qu'elle méritait amplement. Cette perspective atténuait un peu la tristesse de Mark d’avoir renoncé à ses rêves d’amour fou. Résolu à se consacrer désormais à son rôle d'ami, et pourquoi pas de mentor, il regarda sa montre pour estimer le temps qui lui restait avant sa première intervention et fut ravi de constater qu'il avait largement le temps de donner une nouvelle leçon de conduite à sa protégée.

    De son côté, Meredith n'avait pas réussi à fermer l'œil non plus. L'attitude de Derek à son égard et les propos blessants qu'il avait eus l'avaient non seulement blessée mais ils avaient surtout insinué en elle la peur d'une rupture imminente. Toute la nuit, la jeune fille avait réfléchi aux arguments qu'elle pourrait opposer à son amant afin de le convaincre de lui donner une autre chance. Le matin était arrivé sans qu'elle en trouve qui lui semble assez forts pour inverser la tendance. Elle se leva avec la certitude que son couple vivait ses dernières heures. Savoir que son monde allait s'écrouler sans pouvoir rien faire pour l'empêcher était un sentiment horrible qui lui donnait la nausée. Elle s'habilla à la hâte, sans prendre le temps de se maquiller tant elle était pressée de quitter la maison, en espérant que le travail lui permettrait d'oublier un peu ses soucis. Elle venait juste de sortir de chez elle pour aller prendre le bus - pas envie de subir la compagnie de ses collègues, pas envie de parler, pas envie de faire semblant - quand elle vit le Hummer de Mark se garer le long du trottoir et son chauffeur en sortir. Elle alla à sa rencontre. Qu'est-ce que tu fais là ?

    Je t’ai amené ton carrosse, répondit-il après l'avoir embrassée sur la joue. Il lui tendit les clés de son véhicule.

    Tu veux que je roule avec ta voiture ? demanda-t-elle. Il acquiesça d'un signe de tête. Elle regarda l'imposante automobile avec un air craintif. Hier, tu disais qu'elle n'était pas pratique pour apprendre à conduire et aujourd'hui, tu veux que je roule avec ?

    Oui, parce qu'aujourd'hui, tu sais conduire, affirma Mark en la poussant doucement vers le Hummer. Allez, chauffeur ! Je dois être à la clinique dans moins d’une heure. Stressée par ce nouvel impératif, Meredith prit place derrière le volant en essayant de se rappeler tout ce que Mark lui avait appris la veille. Après avoir adapté le siège et les rétroviseurs à sa convenance, elle démarra, les membres raides et la sueur au front. Ce n'est que dans les tout derniers kilomètres qu'elle se détendit et qu'elle réalisa même qu'elle éprouvait du plaisir à conduire. Quant à Mark, il la couvait du regard, fier de ses progrès, remarquant avec satisfaction qu’il n’avait eu que peu de remarques à lui faire. D’ailleurs, il ne se priva pas de la féliciter dès qu’elle arrêta le véhicule devant le Sweet Dream. Bravo, Mer ! C'est super. Tu t’es débrouillée comme un chef.

    C'est vrai ? Tu le penses vraiment ?

    Mais oui ! Combien de fois faudra-t-il que je te le dise ? s’écria-t-il en lui étreignant fébrilement l'avant-bras. Ce permis, tu peux le passer demain, tu l’auras, et haut la main !

    Que Dieu t’entende ! En tout cas, si je l’ai, ce sera grâce à toi. Alors, merci. Après l'avoir embrassé sur la joue, elle mit la main sur la portière. Il faut que j’y aille, les autres ne vont pas tarder à arriver. Au moment où elle allait s’extirper du véhicule, elle aperçut le capot avant d’une voiture familière qui venait d’entrer dans la rue. Elle se raidit instantanément.

    Mark remarqua son attitude et suivit son regard pour voir ce qui la troublait autant. Il aperçut la Porsche au moment où elle tournait pour pénétrer dans le parking de la clinique. Il ne t'a pas appelée ? s'enquit-il d'une voix pleine de compassion. La gorge serrée, Meredith secoua la tête. Mark soupira. Putain, Derek, qu’est-ce que tu attends ? Un coup de fil, ça n’est pas compliqué, tout de même, pensa-t-il. Il ne nous a pas vus, prétendit-il avec plus d’assurance qu’il n’en ressentait. Sinon, il serait venu.

    Je ne crois pas, non, dit Meredith d’une toute petite voix. Il ne veut plus me voir. Il ne veut plus de moi.

    Qu’est-ce que tu vas encore t’imaginer ? Ça n’a rien à voir. Mark posa une main rassurante sur l’épaule de son amie. T’en fais pas, va. Il sait qu’il a mal agi et comme c’est pas facile pour lui de s’excuser…

    Elle se tourna vers lui, pleine d'espoir. Tu le penses vraiment ?

    Mais oui, c’est sûr. Laisse-lui le temps, Mer, lui conseilla-t-il. Il va revenir, j’en suis certain. Que n’aurait-il pas fait ou dit pour que le chagrin disparaisse de ce beau visage ?


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  • Et si on fêtait ça ? proposa soudain Mark, obéissant à une impulsion.

    Meredith eut l'air perplexe. Fêter quoi ?

    Mark la regarda comme si la réponse était évidente. Ton permis de conduire, tiens !

    Amusée par son enthousiasme, elle sourit. Je ne l’ai pas encore, au cas où tu l’aurais oublié.

    Mark balaya l’argument du revers de la main. Puisque je te dis que ça ne sera qu’une formalité ! Alors pourquoi attendre ? Tu es d'accord ? Un petit restaurant, rien que tous les deux.

    Meredith soupira. Mark, je sais que tu fais ça pour me remonter le moral mais…

    Il l'interrompit aussitôt. Non, je fais ça parce que j’ai envie de faire un très bon repas dans un établissement élégant et agréable, et que c’est triste de manger tout seul. Voilà pourquoi je veux que viennes avec moi. Une sortie sympa entre amis, crut-il bon de préciser, fort de ses toutes récentes résolutions. Le jour où je t'ai invitée au Masa's, tu t’es évanouie sur le trottoir et ça m’a laissé un goût amer. Il insista. Allez, Mer, je t’en prie. Laisse-moi te prouver qu’on peut passer une soirée avec moi sans dommages, conclut-il avec un sourire espiègle.

    Il en aurait fallu bien plus pour dérider la jeune fille qui hocha la tête. Je voudrais tellement pouvoir te faire plaisir, vraiment, mais je n’ai pas le cœur à faire la fête. Ni même à manger. J'ai l'estomac complètement noué. Je ne ferais que te gâcher la soirée sans parler de l'argent que tu dépenserais pour rien. Elle posa ses doigts sur la bouche du chirurgien qui s’apprêtait à parler. Parfois, il vaut mieux être seul que mal accompagné, Mark. Je t’assure, c’est préférable que je ne vienne pas. Ce soir, je rentre chez moi et je commence à étudier le code de la route. Autant battre le fer tant qu’il est chaud, dit-elle sans aucun entrain. Et après ça, un bon bain chaud, un thé et je me mettrai au lit. Au moins, quand je dors, je parviens à ne pas penser à tout ça, prétendit-elle. Elle ne rêverait pas du permis de conduire, c’était certain, mais elle savait d’ores et déjà que, comme la nuit passée et celle d’avant, et encore celle d’avant, Derek viendrait hanter ses songes. Il était là, tout le temps, dans sa tête, à défaut d’être encore dans sa vie.

    Mark parvint à lui cacher sa déception et maudit encore une fois son ami qui, même absent, arrivait à leur pourrir l’existence. Comme tu veux. Mais au cas où tu changerais d’avis…

    Je sais où te trouver, oui. Meredith lui adressa un sourire contrit. Faut vraiment que j’y aille maintenant. Elle sortit de la voiture sur un dernier baiser et pénétra dans la boutique. Une fois la porte refermée, elle s’y adossa en fermant les yeux. Mark avait-il raison quand il disait que Derek ne les avait pas vus ? Elle en doutait fortement. Cela faisait deux jours que, excepté son appel pour lui signifier son prochain départ, Derek ne s'était pas du tout manifesté. Avant, pas un jour ne se serait passé sans qu’il vienne à la boutique, à un moment ou à un autre, mais là, il l’évitait, c’était évident. Le problème, c'est qu'elle ne comprenait pas du tout pourquoi. Elle repensa soudain à la conversation qu’elle avait eue avec Mark, à Aspen, au sujet de l’amour. Il n’avait alors évoqué que les aspects positifs, quand l’amour que l’on éprouvait était payé de retour. Mais il avait omis de lui parler de la peine que l’on ressentait quand l’autre vous faisait mal, de la souffrance infinie qui s’emparait de vous quand il vous blessait, de cette horrible sensation de n’être plus rien quand il vous tournait le dos. Cela ne faisait plus maintenant aucun doute dans son esprit. Pour qu’elle ait aussi mal, il fallait qu’elle éprouve bien plus que du désir pour Derek. Elle l’aimait, de tout son cœur, de tout son corps, de toute son âme.

    Sa réflexion prit fin quand on frappa à la porte. Elle se retourna et découvrit Cristina qui la regardait d’un air sévère. Si tu pouvais nous laisser entrer, ce serait sympa. Meredith lui ouvrit la porte en tentant de se composer en même temps un visage normal afin que ses camarades ne puissent pas deviner ses problèmes. Mais l'expression désapprobatrice de Cristina lui fit comprendre qu’elle n’arrivait pas à donner le change. Pour éviter de devoir s’expliquer, elle se réfugia dans l’arrière-boutique. Ah ben, c’est encore la joie, dirait-on, souffla Cristina à l’intention d’Izzie qui la suivait. Je te parie cent billets que Juliet a des problèmes avec son Romeo.

    Lequel ? dit méchamment Izzie, tout en surveillant du coin de l’œil Alex qui sortait de la voiture les cageots contenant les tourtes et les pâtisseries qu’elle avait préparées la veille.

    Ah ça ! Les deux peut-être. Cristina eut un petit rire satisfait. Voilà ce qui se passe quand on monte deux chevaux à la fois. On se casse la figure. Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire.

    Meredith revint dans la pièce et, sans accorder aucune attention au duo, sortit sur la terrasse avec de quoi dresser les tables. Elle savait qu’elle était le sujet de la conversation mais elle ne voulait pas faire le plaisir à ses camarades de leur montrer que cela l'affectait. De toute façon, elles pouvaient bien penser ce qu’elles voulaient. Ça m'est complètement égal, pensa-t-elle. J'ai d'autres chats à fouetter pour le moment.

    Cristina la surveilla pendant quelques minutes derrière la vitre. En tout cas, ça ne la rend pas heureuse d’être amoureuse, déduisit-elle de son observation. Je préfère franchement être comme je suis, seule et sans attaches. Et quand ça me chatouille, je sors et je me tape un mec que je me dépêche d’oublier dès le lendemain. Pas d’emmerdes, pas de prises de tête inutiles ! Rien que le plaisir !

    Izzie sourit à Alex qui venait d'entrer, les bras chargés. Et pourquoi pas du plaisir à répétition ? dit-elle en s’adressant plus à lui qu’à Cristina. Si c’est bien, je vois pas pourquoi on ne recommencerait pas. Il suffit de faire le bon choix, minauda-t-elle en espérant que le jeune homme comprendrait le message.


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  • L’heure du déjeuner arrivait à sa fin. Meredith était en train de prendre note de la commande de ses derniers clients lorsqu’un vrombissement familier de moteur lui fit tourner la tête vers la rue. Elle vit la voiture de Derek passer si rapidement qu’elle se demanda si elle n’avait pas une hallucination. Mais il était évident que non. La Porsche venait effectivement de passer à toute vitesse devant la boutique, comme si Derek avait voulu éviter qu'on puisse voir que c'était lui au volant. Meredith ne comprenait plus du tout le comportement de son amant, pas plus qu'elle ne comprenait sa colère et son mutisme. Même pas un coup de fil, rien ! Puisqu'il était passé devant la boutique, pourquoi ne s'y était-il pas arrêté, ne fut-ce que pour lui dire bonjour et lui souhaiter une bonne journée ? Elle avait maintenant la preuve qu'elle ne s'était pas trompée au matin, quand elle avait dit à Mark que Derek ne voulait plus la voir. Désespérée, elle tenta de se concentrer à nouveau sur la commande, écrivant d’une main tremblante le nom des plats. Un nouveau bruit de moteur et un crissement de pneus la fit se retourner à nouveau. Les yeux écarquillés de surprise, elle vit la Porsche qui se garait à moitié sur le trottoir, en empiétant presque sur la terrasse, et Derek en jailliir comme un diable sort de sa boite.

    Cristina se campa au milieu de la salle, les deux mains sur les hanches. Mais qu’est-ce que c’est encore que… Elle n'en dit pas plus, préférant se taire plutôt que de provoquer un nouvel esclandre devant les clients. Que ce maudit chirurgien fasse ce qu’il avait à faire et s’en aille rapidement ! Et tant qu’il y était, qu’il emmène l’autre, là ! De toute façon, Meredith n’était bonne à rien aujourd’hui, le sourire en berne et les yeux au bord des larmes. Tu parles d’une pub ! C’est pas comme ça qu’on va augmenter le chiffre d’affaires, pensa Cristina en soufflant bruyamment.

    Derek s’arrêta à la porte de la boutique, son regard passant au-dessus de tout pour venir s’accrocher à celui de Meredith. Ils ne surent pas combien de temps ils étaient restés là, à se regarder intensément, la bouche légèrement ouverte pour trouver un peu d’air, jusqu’à ce que Derek se décide à traverser la salle. Il rejoignit la jeune fille en quelques enjambées. Sans un mot, il leva la main, dessinant le contour de son visage sans toutefois le toucher, s’enhardissant à le frôler du bout des doigts au deuxième passage, avant de poser délicatement la main sur sa joue. Il s’approcha d’elle jusqu’à toucher sa bouche et, heureux de ne pas être repoussé, ferma les yeux, appréciant la douceur de ses lèvres, avançant doucement les siennes pour amorcer un baiser. Il passa la main dans sa nuque qu’il étreignit entre ses doigts nerveux et se mit à lui bécoter la bouche, d’une commissure à l’autre.

    Il ne s’étonna pas de n’obtenir aucune réaction. Il savait que Meredith attendait autre chose qu’un baiser mais il ne pouvait pas, pas maintenant. Déjà, il ne comprenait pas trop pourquoi il avait fait marche arrière alors qu’il était déjà au bout de la rue. Le manque d’elle était horrible mais il ne savait pas, jusqu’à il y a quelques minutes, qu’il l’était à ce point. Il était passé devant la boutique en roulant à toute allure pour éviter de ne fût-ce qu’entrevoir la silhouette de son amie et malgré cela, il n’avait pas résisté au besoin de la voir, impérieux, intense, plus fort que tout, qui l’avait saisi. Voilà pourquoi il était revenu sur ses pas et pourquoi il n’avait plus aucune envie de partir. Honteux de sa faiblesse, il laissa échapper un soupir puis, n’y tenant plus, entrouvrit les lèvres pour livrer le passage à sa langue, afin qu’elle puisse se délecter des lèvres de la jeune fille et en apprécier la saveur.

    Meredith s’était promise, lorsqu’elle reverrait Derek après sa scène de l’autre jour, d’être forte et de ne pas lui pardonner facilement son attitude. Mais ce n’était qu’un vœu pieux. En fait, elle s’était fait avoir dès qu’il était apparu à la porte de la boutique. Il l’avait eue dès son premier regard. Elle avait oublié tout le reste et même tous ceux qui les entouraient. Ces yeux-là lui avaient dit tout ce qu'elle voulait entendre à ce moment-là. "Pardonne-moi, ne me laisse pas, j'ai besoin de toi, aime-moi, je ne peux pas me passer de toi" Comment aurait-elle pu résister à un tel appel au secours ? Parce que c’en était un, même s’il n’était pas exprimé avec des mots. Et maintenant que Derek était là tout contre elle, complètement perdu, elle le sentait bien, comment aurait-elle pu le repousser ? Il avait quinze ans de plus qu’elle mais en ce moment, l’enfant, c’était lui. Il n’était plus qu’un petit garçon désespéré en manque d’amour. Elle cessa de réfléchir et entrouvrit ses lèvres à son tour.

    Le chirurgien sentit son cœur bondir dans sa poitrine, tellement fort qu’il en gémit. Il commença à embrasser vraiment la jeune fille, ses mains lui enserrant son fin visage, pinçant ses lèvres entre les siennes, les léchant avant d’aspirer doucement sa langue dans sa bouche, pour la sucer tendrement dans un concert de petits soupirs de bien-être et de désir, avant qu’elles ne voltigent toutes les deux dans une danse sans fin. Le bout de ses doigts massant le cuir chevelu de son amie, juste derrière les oreilles, Derek interrompait parfois son baiser pour lui mordiller les lèvres, tout en se demandant comment il avait pu tenir aussi longtemps sans l’embrasser, la caresser, l’aimer… Ce fut à regret qu’il s’écarta, les yeux troubles d’une étrange émotion qu’il ne se rappelait pas avoir déjà ressenti. Mais il fallait qu’il parte très vite s’il ne voulait pas être tenté de prendre Meredith dans ses bras et de l’emmener loin d’ici, dans une chambre où il lui ferait l’amour des heures et des heures. C’était trop tôt. Mark avait raison, il devait mettre de l’ordre dans ses idées mais, avec la jeune fille à proximité, il était incapable de réfléchir. Miami tombait à point nommé. Ce voyage de quelques jours lui fournirait le recul nécessaire, du moins il l’espérait.

    Il recula de deux pas et, ses yeux plantés dans ceux de Meredith, refit le geste qu’il avait eu en arrivant près d’elle, ses doigts venant lui effleurer la joue en une douce caresse. Il esquissa un sourire maladroit où il essaya de faire passer tout le regret qu’il avait de lui avoir fait de la peine et de la quitter. Il fit rapidement volte-face pour ne plus voir les yeux noyés de larmes dans lesquels il lisait tellement d’incompréhension et de douleur. Il repartit comme il était venu, sans avoir prononcé un mot, ne s’apercevant même pas qu’il était suivi par les regards ébahis de ceux auxquels il venait de donner un spectacle aussi poignant.


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  • Après s’être enfui de la boutique, Derek était remonté dans sa voiture, roulant à tombeau ouvert jusqu’à la péniche, juste pour jeter quelques affaires dans une valise avant de revenir à la clinique, où il n’avait plus guère quitté le bloc opératoire, pratiquant intervention sur intervention, ne s'accordant pratiquement aucun moment de répit, tant pour ne pas penser à ce qui s’était passé avec Meredith que pour éviter de croiser Mark qui lui aurait sans doute encore fait profiter de ses discours moralisateurs. Il voulait faire le vide, ne plus penser à rien. En s’absorbant dans les cerveaux de ses patients, il avait essayé d’oublier ce qu’il y avait dans le sien et il s’estimait heureux d’y être presque parvenu par moments. Il avait quitté la clinique au petit matin pour se rendre directement à l’aéroport d’où il s’était envolé pour Miami. Epuisé, à bout de nerfs, il avait dormi durant les six heures qu'avait duré le vol.

    Maintenant, il était à la réception du Doubletree Grand Hotel, attendant qu’on lui remette les clefs de sa chambre. Les organisateurs du congrès n'avaient pas trop mal fait les choses en choisissant ce luxueux établissement qui offrait de nombreuses commodités à ses clients, telles une salle de sports ou une piscine extérieure. Malheureusement, Derek n’aurait guère le temps d’en profiter, les conférences devant se succéder les unes aux autres. Nonchalamment accoudé au comptoir, il avait déjà entraperçu quelques-uns des intervenants, parmi les plus éminents de ses confrères, Patterson de Boston, Hemmings de New York, Cunningham de Dallas. Rien que la crème de la neurochirurgie des Etats-Unis !

    Il commençait à s’impatienter lorsqu’il entendit une voix claire derrière lui. Mais c’est Derek Shepherd que je vois là !

    Il se retourna et vit une superbe femme, grande et élancée, aux longs cheveux blonds bouclés, vêtue d’un élégant tailleur pantalon de couleur ivoire, qui s’avançait vers lui, un sourire radieux sur les lèvres. Bien qu’il ne l’ait plus vue depuis des années, il la reconnut immédiatement et s’avança vers elle, sincèrement heureux de la retrouver. Jenna ! Jenna Wise ! Si je m’attendais à te voir ici !

    Elle le rejoignit, les sourcils froncés et la moue boudeuse, pour lui donner une légère tape sur le bras. Toujours aussi goujat à ce que je vois ! Elle darda sur lui un regard qui était censé exprimer son dépit mais qui ne parvenait pas à cacher tout le plaisir qu’elle avait à le revoir. Comme si je n’avais pas ma place dans ce congrès ! Je suis neurochirurgienne tout comme toi, je te le rappelle, et pas la plus mauvaise.

    Derek la serra dans ses bras en riant. Quel mauvais esprit tu me prêtes !

    Oh non, pas du tout ! Je te connais trop bien. Après l’avoir embrassé sur la joue, Jenna se recula pour l'observer avec un air satisfait indiquant qu'elle avait arrêté de faire semblant d'être contrariée. Tu n’as pas changé depuis toutes ces années. Combien maintenant ? Cinq, six ans ?

    Six, je crois. Au mariage de Melinda et Jack, précisa Derek. Ils s’étaient connus sur les bancs de la faculté de médecine et avaient fait partie du même groupe d’amis mais ils s’étaient perdus de vue au moment de leur internat et depuis, ils ne se retrouvaient plus qu’à de très rares occasions. Il prit Jenna par le coude pour revenir vers le comptoir où l’attendait le réceptionniste.

    Une chance qu’il y ait la presse pour me donner de tes nouvelles ! dit Jenna avec un léger reproche dans l'intonation. J’ai lu tes derniers exploits avec Mark, les siamoises que vous avez séparées. Félicitations !

    Bah c’était pas grand-chose ! affirma Derek, faussement modeste. Il prit la clef qu’on lui tendait. Et toi, tu travailles toujours à Seattle avec ton père ?

    Oui, on ne change pas une équipe qui gagne, tu es bien placé pour le savoir. Jenna regarda sa montre. Une fois installé, que dirais-tu si on se retrouvait au bar de l’hôtel, pour boire un verre et évoquer le bon vieux temps ? Derek accepta l'invitation avant d’embrasser sa camarade et de suivre le groom vers les ascenseurs. Une heure plus tard, il était assis à une table, au fond du bar, près d’une fenêtre donnant une vue imprenable sur la baie de Biscayne, lorsque Jenna fit son entrée, vêtue d’une robe bleue qui mettait ses formes en valeur. Il lui fit signe et se leva pour l’accueillir. Tu es splendide, déclara-t-il en lui donnant une tendre accolade.

    Tu n’es pas trop mal non plus, répliqua-t-elle, se demandant toutefois s’il pensait vraiment ce qu’il lui avait dit car, pour ce qu’elle s’en souvenait, ce n’était pas son genre de faire des compliments.

    C’est sincère, assura Derek, comme s’il avait senti qu’elle éprouvait quelques doutes. Comment se fait-il que nous ne soyons jamais sortis ensemble, à la fac ? s’étonna-t-il en tirant une chaise pour qu’elle puisse s’y asseoir. A l’époque, il avait couché avec à peu près toutes les filles du campus. Comment avait-il pu négliger celle-ci alors qu’elle avait toujours fait partie de son clan restreint d’intimes ?

    Parce que tu avais déjà beaucoup trop à faire avec toutes celles qui te couraient après, répondit Jenna avec un petit rire. Et puis, je n’étais pas ton genre. Trop sage, trop studieuse, pas assez délurée…

    Quelque chose me dit que tu as changé. Ils rirent tandis que Derek faisait signe au serveur. Champagne ? 

    Volontiers. Jenna croisa ses longues jambes, attirant sur celles-ci le regard connaisseur de Derek tandis qu’il passait sa commande. J’ai halluciné en lisant tous ces articles sur ce que vous aviez fait, toi et Mark, lui apprit-elle après le départ du serveur. Après toutes ces années, vous êtes toujours ensemble. C’est fou, ça !

    Il sourit. Pas tellement, je trouve. On se connait depuis l’enfance, on a toujours tout fait à deux. Mark était la seule personne au monde en qui il avait toute confiance, parce que jamais au grand jamais, il ne l’avait trahi. Il est comme un frère pour moi, bien plus que ça même. Il regarda le serveur poser leurs deux coupes de champagne sur la table et en prit une en main qu’il éleva en l'air. A nos retrouvailles !


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  • Jenna leva son verre. A nos retrouvailles ! Ils burent une gorgée de champagne. En parlant de ça, reprit-elle. Il y a un an environ, j’étais à Denver pour un symposium de neurochirurgie. Elle regarda son compagnon avec un air légèrement moqueur. J’étais étonnée de ne pas t’y voir d’ailleurs.

    Je n'avais pas été invité, répondit Derek en souriant. Je n’étais pas le bienvenu à l’époque. Je ne le suis toujours pas d’ailleurs, rectifia-t-il. Mais disons que maintenant, je suis devenu incontournable.

    Modestie, quand tu nous tiens, plaisanta Jenna avant de redevenir sérieuse. Enfin, donc, à Denver, j’ai revu Abigail. Abigail Parker, crut-elle bon d’ajouter. Elle nota aussitôt avec étonnement les membres qui se raidissaient légèrement, la mâchoire qui se contractait, le regard qui se faisait plus dur.

    Inutile de préciser. J’avais compris, dit froidement Derek, les doigts serrés nerveusement autour de son verre.

    Derek… je… je suis… je suis désolée, balbutia Jenna au comble de l’embarras. Si j’avais su… Il y a si longtemps. Je pensais que cette histoire était derrière toi, maintenant, se justifia-t-elle.

    Elle l’est. Jusqu’à un certain point, reconnut Derek.

    Jenna opina lentement de la tête pour montrer qu'elle le comprenait. Tu sais, elle regrette…

    Il leva la main en l’air pour la faire taire. Non, Jenna, je t’en prie. Il avait mis tant d’énergie à enfouir cette histoire au plus profond de lui, arrivant même presque à l’oublier avec les années. Pourquoi, ces derniers temps, tout se mettait en place pour la faire ressortir ? Je ne veux pas en parler. Ça ne m’intéresse pas de savoir ce qu’elle t’a dit ou ce qu’elle pense. Ses regrets… Il haussa légèrement les épaules. De toute façon, rien de ce que tu pourrais me dire ne changera ce que j’ai vécu. Il darda sur Jenna ses yeux bleus où elle s’étonna d’encore lire tant de douleur, toutes ces années après. Rien n’effacera le mal qu’on m’a fait.

    Elle se pencha vers lui pour lui poser une main amicale sur le bras. Je sais que tu as beaucoup souffert et je sais tout ce que tu as perdu mais… Elle aussi, elle l’a payé très cher, Derek.

    Il ricana. Vraiment ? Aussi cher que moi ?

    Je crois, oui, dit Jenna d'une voix douce en se redressant. Elle aussi a tout perdu. Malgré lui, Derek lui jeta un regard intrigué. Il y a un peu plus d’un an, son mari et son fils unique sont morts dans un accident de voiture. Ils ont brûlé vif, lui révéla-t-elle. Tu n’en as rien su ?

    Touché malgré lui par l’annonce de ce drame qui avait si durement affecté celle dont il avait été jadis amoureux, Derek hocha la tête avec un air grave. Non, je n'étais pas au courant. C’est horrible. Personne ne mérite de vivre ça, je suppose.

    Effectivement. Tu sais, elle a pris conscience de…

    A nouveau, il l’interrompit. Ecoute, Jen, je suis désolé pour elle. Sincèrement. Mais je ne veux pas parler d'elle. De tout ça. Il lui adressa soudain un sourire désarmant, alliant à la fois candeur et malice. Si tu veux vraiment évoquer ce qu’on a raté dans le passé, suis-moi dans ma chambre. Ce n’était que de la pure provocation. Certes, Jenna était une belle femme, intelligente et plus que désirable. Mais il savait maintenant qu’elle, pas plus que les autres, ne pourrait lui faire oublier celle qui lui avait mis la tête et le cœur à l’envers.

    Derek Shepherd ! Jenna éclata de rire. Vous n’avez pas changé ! Toujours aussi franc et direct ! Elle le regarda un instant en secouant la tête, ne revenant pas de la proposition qu’il venait de lui faire. Et terriblement indélicat aussi !

    Et terriblement indélicat, approuva-t-il en souriant, étonné de ressentir du soulagement à l'idée de ne pas devoir la repousser. Alors, qu’est-ce que tu en dis ? insista-t-il, juste par jeu.

    Nan ! s’écria Jenna, amusée par son insistance. Tu as raté le coche à la fac. Tant pis pour toi !

    Justement. Ce serait bête de ne pas réparer cette erreur, s'entêta Derek tout en étant certain maintenant que cela ne prêterait pas à conséquence.

    Jenna lui donna une petite tape sur le bras. Je te rappelle que je suis mariée.

    Derek hocha la tête. Je sais, j’ai assisté à ton mariage.

    Eh bien, sache que mon mari me rend très heureuse et que je l’aime vraiment beaucoup. Tu n’as aucune chance, Derek, conclut Jenna en plissant son nez en une grimace amusante. Dire que près de douze ans plus tôt, elle aurait donné n’importe quoi pour qu’il s’intéresse à elle ! Et maintenant que cela se produisait, c’était elle qui n’en voulait plus.

    Il la regarda affectueusement et aussi avec respect. Il n’avait pas souvent l’habitude d’essuyer un refus et certainement pas pour un tel motif. En général, la plupart des femmes oubliaient leur conjoint lorsqu’il leur manifestait de l’intérêt. Tant pis ! Dis-moi, si tu n’avais pas été mariée, est-ce que… Il évita en riant la nouvelle tape qu’elle voulait lui donner et fit signe au serveur de leur resservir deux coupes.

    Et toi ? s’enquit Jenna avec curiosité.


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