• En temps normal, Derek aurait apprécié l’inquiétude de Meredith et il en aurait même joué. Mais elle était trop fragile et l’enjeu trop important. Non. Elle a déménagé peu après mon arrivée, ce qui m’a bien arrangé au demeurant, répondit-il franchement. Je ne suis pas très bon dans le service après-vente. Il vit que son humour n’avait pas fait mouche et que Meredith restait toujours aussi inquiète. Bébé… je te jure que cette fille n’a pas du tout compté pour moi, pas plus que les autres d’ailleurs. Je ne reconnaitrais même pas la plupart d’entre elles si je devais les croiser dans la rue aujourd’hui.

    Et Madelina, tu la reconnaitrais ? demanda-t-elle sur un ton sec.

    Derek soupira. Meredith… je me…

    Elle le coupa dans son élan, comme si ce qu’il allait lui dire ne l’intéressait pas. Tu me fais visiter ? Surpris par son intonation presque guillerette qui contrastait totalement avec l’expression dure, presque méchante, qui avait été la sienne quelques secondes plus tôt, il la regarda avancer dans le living d’un pas sautillant, sa tête s’agitant dans tous les sens, très nerveusement. Elle se retourna brusquement. Eh bien, tu ne fais pas le guide ?

    Si, bien sûr. Il la rejoignit avec l’impression qu’une crise pouvait éclater à tout moment. Le problème était qu’il n’était pas en mesure de la prévoir et surtout, il n’était pas certain de pouvoir la désamorcer. Il était clair que sa méconduite lui avait fait perdre beaucoup de son pouvoir d’influence sur Meredith. Là, tu as la cuisine, dont je ne me sers pas souvent, je l’avoue, précisa-t-il avec un petit sourire. Et puis, la salle de séjour.

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    Meredith fit quelques pas dans la pièce avant de se tourner vers Derek, en le dévisageant avec attention. Au fond, elle ne le connaissait pas vraiment. A chaque fois qu’elle avait pensé à l’endroit où il vivait, elle avait imaginé un intérieur très moderne, tout en verre et acier, un peu froid comme il savait l’être parfois. Quelque chose de luxueux aussi, assez tendance, snob pour tout dire. Or, maintenant qu’elle était là, elle constatait que c’était simple, dépouillé même, et elle trouvait l’ensemble assez sympa et chaleureux. Elle reprit son avancée, se penchant légèrement au-dessus de la rambarde qui protégeait des escaliers menant vers l’étage du dessous, avant d’aller jusqu’à la fenêtre pour regarder à l’extérieur. Des péniches et plus loin des bateaux, à perte de vue. Je ne t’imaginais pas dans un tel endroit, lui avoua-t-elle enfin. Je te voyais dans quelque chose de plus… – elle le regarda en faisant une grimace un peu embarrassée – de moins…

    Bohème ? avança Derek avec un sourire amusé.

    Meredith sourit aussi. C’est ça. Au fond, tu es bien moins conventionnel que je ne le croyais. Elle se pencha pour passer délicatement la main sur un coffre en osier qui faisait office de table de salon. C’est beau, ça. Et c’est original. Elle revint lentement vers le chirurgien. Et en bas, qu’est-ce qu’il y a ?

    Le bureau, les chambres… Tu veux voir ?

    Bien sûr ! Elle le précéda dans l’escalier et déboucha dans une pièce qu’elle identifia immédiatement comme le bureau. A nouveau, elle fut frappée par la simplicité des lieux. Une table, un ordinateur qui n’était même pas du dernier cri, un bureau, quelques chaises qui semblaient avoir été mises là pour ne pas encombrer ailleurs… Sans faire aucun commentaire, elle passa dans l’autre pièce, une chambre au décor encore plus minimaliste que le bureau.

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    C’est ta chambre ? s'enquit Meredith, en se fustigeant intérieurement de se sentir aussi émue.

    Non, c’est la chambre d’ami. Derek afficha soudain un large sourire. L’expression convient tout à fait d’ailleurs puisqu’il n’y a que Mark qui ait dormi ici, quand il était trop bourré pour rentrer chez lui.

    Et ta chambre ? insista Meredith avec le sentiment obscur et étrange qu’elle saurait qui il était vraiment une fois qu’elle aurait vu l’endroit où il dormait. Il sortit de la pièce et elle le suivit, le cœur battant, avec l’étrange impression qu’elle allait pénétrer dans un lieu sacré. Derek ouvrit une porte et s’effaça pour la laisser entrer.

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    Une fois encore, Meredith fut surprise par la décoration. Les murs peints en blanc, des poutres en bois foncé qui soutenaient le plafond, un petit tapis en fausse fourrure blanche au bout du lit, d’imposantes lampes de chevet dont la couleur était coordonnée à celle des coussins qui gisaient sur le lit, un fauteuil original qui juxtaposait un coffre en bois, des livres entassés pêle-mêle sur les étagères d’un petit meuble… A nouveau, elle ne put que constater combien c’était différent de l’image qu’elle s’était faite. C’était simple, décontracté et néanmoins classe. Elle s’assit sur le bord du lit et passa lentement, plusieurs fois, sa paume sur la couette recouverte d'une simple housse blanche, ses yeux suivant le mouvement de sa main. Elle les releva en même temps qu’elle mettait fin à sa caresse. Un jour, Mark m’a dit que tu ne ramenais jamais aucune femme chez toi.

    Il ne t’a pas menti. Derek vint s’asseoir à ses côtés, pendant garde toutefois de ne pas être trop proche, comme s’il avait peur de l’effaroucher. Personne n’était encore jamais venu ici, à part Mark. Et ma femme de ménage. Elle a quarante-cinq ans et elle n’est pas du tout mon genre. Meredith resta imperturbable. Elle a de la moustache, se sentit-il obligé de préciser. Alors, tu vois…

    Cette fois, elle daigna sourire. Elle était heureuse qu’il se soit enfin décidé à l’amener chez lui mais en même temps, elle n’arrivait pas à s’ôter de l’esprit qu’il ne l’avait fait que parce qu’il voulait la faire fléchir en frappant un grand coup. Elle le connaissait assez pour savoir qu’il était prêt à tout pour remporter la bataille qu’ils étaient en train de se livrer. Pourquoi m’avoir fait venir chez toi, Derek ? Tu joues ton dernier va-tout ?


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  • Derek secoua la tête. Je sais que c’est l’impression que ça donne mais je te jure que ce n’est pas le cas. Il avança sa main, jusqu’à ce que le bout de ses doigts frôle ceux de Meredith. Tu te souviens, après notre dernière nuit dans la maison de Mark. Le jour où… Elle inclina légèrement la tête. Oui, elle ne se souvenait que trop bien de la journée où tout s’était arrêté pour elle. Ce matin-là, je me suis arrêté dans ce drugstore pour t’acheter la pilule, poursuivit-il.

    Oh je l’ai prise ! Ne t’en fais pas pour ça. Meredith se leva précipitamment, comme si soudain leur proximité lui était insupportable, et elle alla s’asseoir sur une chaise qui faisait face au lit.

    Derek souffla bruyamment. Que tu l'aies prise ou pas, je m’en fous, Meredith. Sincèrement, je m’en fous. Ce n’est pas de ça dont je veux te parler. Quand je me suis arrêté dans ce drugstore, j’avais une idée précise en tête. Il darda sur elle des yeux débordants de tendresse. J’avais prévu de te ramener à la péniche, ce soir-là. Je voulais te montrer où je vivais et… - il s’arrêta, subitement ému, s’étonnant de sentir les larmes picoter ses yeux – je voulais te dire que je t’aimais, reprit-il d’une voix rauque. Et que j’avais besoin que tu fasses partie de ma vie. Vraiment, sans réserve cette fois. Mais je n’en ai pas eu le temps et maintenant, évidemment, ça ressemble à une séance de rattrapage, déplora-t-il dans un soupir.

    Non, je sais que tu es sincère. Elle aussi était émue et, pour le cacher, elle regarda autour d’elle. C’est joli. Tu as beaucoup de goût. C’était banal, c’était plat, mais elle ne savait que dire d’autre qui ne soit pas trop révélateur de son état d’esprit.

    Pourtant, je n’ai pas fait grand-chose. Je voulais juste que ce soit fonctionnel. Je n’ai ni le temps ni l’envie de me prendre la tête avec des problèmes de déco, confessa Derek. Pour ce que j’y suis en même temps… Ses yeux se promenèrent à travers la pièce. Ça manque certainement d’un peu de chaleur, comme toutes les maisons où on ne vit pas vraiment. Il regarda son amie à la dérobée. Peut-être qu’une touche féminine…

    Nous n’en sommes pas encore là, répliqua-t-elle en souriant. Quoiqu’elle en dise, elle aimait qu’il ne s’avoue pas vaincu.

    Tu ne peux pas m’en vouloir d’essayer, se défendit-il, soudain plus détendu. Quand elle souriait, son visage s’illuminait et il retrouvait alors un peu de la Meredith d’avant, d’avant le malheur. Il refusait de croire que cette époque était totalement révolue.

    Il se leva du lit et fit deux pas en direction de la jeune fille, avec ce petit sourire charmeur qu’elle connaissait si bien et auquel elle résistait toujours difficilement. Pour l’éviter, elle quitta sa chaise et alla jusqu’à la fenêtre. Il n’y avait rien à voir, à part le mur de la péniche voisine. Elle repartit vers la petite bibliothèque et fit semblant de s’intéresser aux livres. Quand tu es allé au drugstore, ce jour-là, tu as acheté des trucs, lâcha-t-elle soudain en feuilletant machinalement un ouvrage sur la Seconde Guerre Mondiale. Tu as refusé de me dire ce que c'était, tu as dit que c'était une surprise. Je peux savoir maintenant ?

    Derek vint s’adosser au mur, juste à côté du meuble devant lequel elle se trouvait, dans l’espoir qu’elle daignerait lui accorder un peu d’attention. Eh bien, ça faisait partie de l'idée que j'avais en tête. Elle me semblait bonne à l’époque mais maintenant, avec le recul, les évènements… Je ne sais pas. Ça n’a plus le même impact. Ça risque même de te sembler stupide.

    Meredith referma enfin le livre et le reposa là où elle l’avait pris. Laisse-moi en juger par moi-même, tu veux bien ? dit-elle en se tournant vers Derek.

    Puisque tu insistes. Ce fut presque avec réticence que le chirurgien se dirigea vers une porte qui donnait sur une autre pièce. Curieuse de découvrir cette partie qu’elle ne connaissait pas encore, Meredith le suivit avec empressement. Elle arriva dans la salle de bains qui la surprit par sa grandeur, mais surtout son originalité. C’était sans aucun doute la pièce la plus sophistiquée de la demeure. D’un côté, il y avait une grande baignoire ovale et de l’autre, une douche à l'italienne. Entre les deux, en guise de lavabo, une vasque ronde en grès qui reposait sur une armoire en bois exotique. Deux meubles du même bois complétaient le mobilier.

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    Derek ouvrit un de ces meubles et en retira le fameux sac en papier auquel il n’avait pas touché depuis le jour fatidique. C’est ridicule, ça n’a plus aucun sens, grogna-t-il en le tendant de mauvaise grâce à Meredith.

    Elle l’examina d’abord sommairement, ses yeux plissés s’écarquillant peu à peu en découvrant le contenu. Après avoir jeté un regard intrigué à Derek qui semblait tout penaud, ce qui la fit sourire malgré elle, elle retourna dans la chambre et alla se rasseoir sur le lit. D’une main dont elle s’efforçait de maîtriser le tremblement – ma pauvre fille, tu es débile de t’affoler pour si peu – elle commença à retirer les objets un à un. Une brosse à dents, un tube de dentifrice, du shampoing, des produits de beauté et de soin pour le visage et pour le corps et deux grands flacons de parfum, "Coco Mademoiselle" et "Miss Dior". Elle ne les connaissait pas, mais le nom de leurs créateurs, de célèbres couturiers français, évoquaient pour elle le luxe et le chic parisien.

    Installé en face d’elle, sur la chaise, Derek la regardait faire, le ventre noué par l’angoisse. Il s’attendait à la voir éclater de rire devant l’absurdité de son présent. Ah il était joli, le cadeau ! Des produits d’hygiène corporelle ! Il repensa à l’excitation qu’il avait ressentie le jour où il les avait achetés, à son envie de voir la fin de la journée arriver rapidement, pour pouvoir les offrir à Meredith et surtout lui expliquer ce que cela signifiait pour lui. Maintenant, ce n’était plus que de banals produits achetés dans un drugstore de quartier. Le geste avait perdu toute signification. Sa connerie et sa lâcheté avaient tout gâché. C’est grotesque, marmonna-t-il. C’est même risible.


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  • Je ne trouve pas, répondit Meredith avec douceur. C’est plutôt mignon. Elle retira le bouchon du flacon de "Coco Mademoiselle" et répandit quelques gouttes du parfum sur l’intérieur de son poignet, qu’elle porta ensuite à ses narines. Ça sent merveilleusement bon. Elle fixa son ex de son regard à la fois candide et pénétrant. Qu’est-ce que tu voulais me dire avec tout ça, Derek ?  

    Encouragé par son attitude, il se mit à parler. Il y a eu ce soir où je t’ai retrouvée au Gravity, et puis notre dernière nuit à la maison de la plage et ce moment où tu m’as dit que tu m’aimais. C’était la première fois que tu me le disais, lui rappela-t-il avec une voix enrouée qui dénotait son émotion. Elle hocha la tête, sans chercher à cacher les larmes qui envahissaient ses yeux. Si je ne t’ai pas dit que je t’aimais aussi, c’est parce que je… Il hésita un instant, craignant de ne pas s’exprimer correctement. C’est quelque chose que je n’ai presque jamais dit, Meredith. Pour moi, c’est lourd de sens. Je ne voulais pas avoir l’air de le dire par obligation. Je t’aime, oui, moi aussi. Tu vois le genre. Je voulais que, quand je te le dirais, ce ne soit pas banal. Parce que quand, toi, tu l’as dit, c’était tout sauf ça. Quand tu m’as dit que tu m’aimais, je me suis senti libre comme je ne l’avais jamais été. La jeune fille étouffa un sanglot et il quitta sa chaise pour venir s’agenouiller devant elle. Je n’ai plus eu envie de lutter contre ce que j’éprouvais. Et ce que j’éprouvais… – il prit timidement la main de son amie – c’est que je pouvais enfin faire tomber toutes ces barrières que j’avais élevées pour me protéger. Cette péniche – ses yeux firent le tour de la chambre – c’est mon antre, mon jardin secret. Je n’y ai jamais admis personne, à part Mark. Doucement, il s’enhardit à jouer avec les doigts de Meredith. Ce matin-là, à la maison de la plage, quand tu m’as dit je t’aime – ses lèvres s’étirèrent en un doux sourire ému – j’ai su que je voulais que tu viennes ici. C’était ça, mon idée au drugstore. Te dire qu’on n’avait plus besoin de se voir à l’hôtel ou à la maison de la plage, qu’on pouvait se retrouver ici. Je t’aurais fait de la place dans les armoires, pour que tu y mettes quelques affaires. Comme ça, tu n’aurais pas été obligée de rentrer aussi souvent chez ta tante. Et tous ces trucs – il fit un geste vers les produits qu’elle avait éparpillés sur l’édredon – c’était pour que tu te sentes ici comme chez toi. C’était ma façon de te dire que je t’aimais et que tu comptais pour moi.

    Meredith l’avait écouté en silence, buvant chacune de ses paroles. Il venait de lui dire ce qu’elle rêvait d’entendre depuis le premier jour de leur relation. Il était certain que, lorsque Derek Shepherd se décidait à parler d’amour, c’était tout sauf ordinaire. Cependant, aussi beaux que soient ces mots, ils ne suffisaient pas à répondre à toutes les interrogations qui la minaient depuis qu’elle avait surpris les confidences faites à Callie. Si tu m’aimes autant que tu le dis, comment as-tu pu coucher avec ces femmes ? lui demanda-t-elle, la voix tremblotante des pleurs qu’elle avait de plus en plus de mal à contenir.

    Voilà, on y était ! La grande explication, la confession, le mea culpa… Derek appréhendait ce moment autant qu’il l’attendait. Se justifier n’était pas ce qu’il faisait de mieux – toujours son foutu orgueil – mais, maintenant que Meredith semblait prête à entendre ses arguments, il allait se faire violence pour avoir une chance de la convaincre et de la récupérer. Cela faisait trop longtemps qu’ils étaient dans une impasse. Il s’assit à ses côtés. Au tout début… je n’étais pas vraiment impliqué, je l'avoue. J’étais bien avec toi mais je n'envisageais pas du tout que ça s'inscrive dans la durée. Pour moi, ce n’était pas sérieux, nous deux. Et quand j’ai réalisé que ça commençait à le devenir… j’ai paniqué, reconnut-il, son regard planté dans celui de Meredith. J’ai voulu me convaincre que ce que je m’étais juré tenait toujours, que je n’avais pas changé, que je n’étais pas vraiment attaché à toi. J’ai couché avec ces femmes parce que… Il cessa brusquement de parler pour tenter de se remémorer quelles avaient été ses motivations à l’époque. Qu’avait-il cherché auprès de ces inconnues ? Du plaisir, de l’oubli, du réconfort ? Non, certainement pas. Je voulais seulement garder le contrôle, confessa-t-il. Il eut mal au cœur en voyant les larmes de la jeune fille couler sur son visage. Comme cela devait être douloureux pour elle de l’entendre dire qu’il avait commencé par bafouer leur relation, alors qu’elle s’y était investie totalement ! Pourtant il était obligé d’en passer par-là pour lui faire comprendre à quel point il avait évolué. Alors oui, je t’ai trompée, juste pour me prouver que j’étais toujours le même. Mais ce n’est arrivé que deux fois, ajouta-t-il immédiatement, s’accrochant à l’espoir que le nombre peu élevé de ses erreurs jouerait en sa faveur. Parce qu'à chaque fois, j'ai trouvé ça pathétique, horrible même, et surtout, ça me faisait me sentir vraiment mal vis-à-vis de toi. C'est comme ça que j'ai réalisé que je n’avais plus envie de ce genre de relation. Je n'avais plus envie de trahir ta confiance. Et c'était tellement mieux avec toi, alors… Il avança la main vers le visage de Meredith et lui prit une mèche de cheveux pour la faire glisser entre ses doigts. Ensuite, il y a eu ton agression qui m’a fait prendre conscience de tant de choses. Il s’emballa peu à peu. Puis, notre séjour à Aspen. Ça a été le plus beau moment de toute ma vie. Etre avec toi vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ça a vraiment été une révélation. Mais on est rentré et tu n’as pas voulu rester avec moi.

    Meredith l'interrompit sur un ton plein d'amertume. Et tu as été contrarié, alors tu t’es vengé. Elle se souvenait parfaitement des scènes que Derek lui avait faites parce qu’elle insistait pour rentrer chez sa tante et reprendre le travail à la boutique. Parce qu’elle n’avait pas cédé à ses prières, il avait voulu la punir. Pour cela, il n’avait pas lésiné sur les moyens : colère, bouderie, reproches immérités, fuite à Miami et, comme point d’orgue, Madelina.

    Non, protesta-t-il énergiquement. Je ne me suis pas vengé. Ce n’est pas du tout ça. Il prit le visage de Meredith entre ses mains pour qu’elle ne puisse pas se détourner de lui. C'est vrai que je n'ai pas compris pourquoi tu voulais repartir directement chez toi, et encore moins pourquoi tu ne voulais pas qu'on passe la soirée ensemble. Et c'est vrai que je me suis senti rejeté. Mais à aucun moment, je n'ai voulu me venger. Ça ne m’est même pas venu à l’idée, je te le jure. C'est juste que… Il déglutit avec peine. Me retrouver seul, sans toi, ça a été terrible. Je suis revenu ici et pour la toute première fois, je m'y suis senti mal, pas à ma place, comme si… je ne sais pas comment t'expliquer ce que j'ai ressenti. C'était comme si je n'étais plus rien sans toi. C’est comme ça que j’ai pris conscience que je t’aimais. Et ça, ça m’a fait peur, mais tellement peur !  


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  • C’est donc si terrible d’être amoureux de moi ? questionna Meredith d’une toute petite voix, en se dégageant de son étreinte.

    Mais bien sûr que c’est terrible ! s’exclama Derek. Tu ne peux pas comprendre, bébé. Son regard se teinta d’une tendresse infinie et sa voix se fit tellement douce que la jeune fille en frissonna. Tu es une petite fille qui croit que l’amour est forcément magnifique et source de bonheur, comme il l’a été pour tes parents. Et c’est génial que tu penses ça, parce que ça veut dire que la vie t’a épargnée. Mais moi, je sais à quel point l’amour peut être cruel et comme il peut faire souffrir. Elle le foudroya du regard. Comment osait-il lui dire cela ? Non, elle n’était plus cette gamine pleine d’illusions dont il parlait. A cause de lui, elle savait aussi maintenant que l’amour pouvait être synonyme de malheur. Moi, je le sais parce que je l’ai vécu, continua Derek sans se rendre compte du mécontentement que faisait naître son discours. C’était tellement horrible que je me suis juré que ça ne se reproduirait plus jamais. Il soupira. Alors oui, ça a été terrible de réaliser à quel point je t’aimais parce que ça remettait tout en question, parce que t’aimer, c’était le risque de souffrir à nouveau. Je me suis dit qu’en reprenant ma vie d’avant, à me taper n’importe qui, j’arriverais à te sortir de ma tête et à ne plus t’aimer.

    Et donc, tu t’es tapé Madelina ! aboya Meredith. Ce seul prénom avait le pouvoir de la rendre hystérique. Elle l’associait à des images insoutenables, Derek, son Derek, s’ébattant joyeusement dans les bras de cette femme, lui prodiguant exactement les mêmes caresses que celles auxquelles elle aussi avait eu droit, et criant de plaisir comme il le faisait avec elle.

    Rongé par le remords, il hocha lentement la tête. Oui et je me le reprocherai jusqu’à la fin de mes jours. Parce que ça a sali notre histoire et surtout, ça t'a rendue malheureuse. En plus, ça n’a servi à rien, sauf à me confirmer ce que, au fond, je savais déjà. Je t'aime et quoi que je fasse, ça ne changera pas. Il fit mine de lui caresser la joue mais elle se recula à l’approche de sa main. Il n’insista pas. Elle était en colère et il le comprenait. Il estimait même avoir de la chance qu’elle daigne l’écouter. Il savait que, s’il avait été à sa place, il ne l’aurait pas fait. C’est ce que j’expliquais à Callie quand tu nous as surpris, insista-t-il. Je lui disais que je voulais vraiment être avec toi, qu’il n’était plus question d’une relation libre.

    Meredith ne put retenir un ricanement. Relation libre ! Il n’en avait jamais été question pour elle. Loin de là ! Elle avait plutôt été son esclave, se soumettant au moindre de ses désirs, les devançant même. Elle eut soudain l’impression d’étouffer. Est-ce qu’on peut ouvrir la fenêtre ? Je… j’ai chaud.

    Bien sûr. Derek se précipita pour ouvrir la fenêtre. Ça va, bébé ? s’inquiéta-t-il en la voyant pâle et tremblante. Tu veux boire quelque chose ? Elle inclina la tête et ferma les yeux en signe d’assentiment. Il se rua hors de la pièce pour remonter à l’étage. Il s’apprêtait à lui redescendre un verre d’eau lorsqu’il la vit surgir en haut de l’escalier. J’allais arriver, voyons, la gronda-t-il tendrement en lui tendant son verre.

    Elle but une grande gorgée d’eau glacée et se sentit instantanément mieux. Elle expira longuement avant de boire un peu à nouveau. Elle posa le verre sur la table et marcha à pas lents jusqu’à la grande porte-fenêtre qui menait à la terrasse. La nuit était tombée et les lumières des péniches se reflétaient sur l’eau. Quelques petits voiliers voguaient vers le port de plaisance, tandis qu’un canoë passait devant la péniche pour accoster un peu plus loin. Le jour où tu devais m’amener ici, tu avais prévu de me parler de tout ça ? demanda-t-elle subitement, sans quitter son poste d’observation. De tes… – elle s’empêcha juste à temps de prononcer une grossièreté – tes aventures ?

    La réponse fusa, franche et même un peu sèche. Non.

    Meredith pivota pour faire face à Derek. Donc, tu étais prêt à bâtir notre relation, dont tu veux soi-disant qu’elle soit sérieuse, sur le mensonge ! s’insurgea-t-elle.

    Oh Meredith ! Je t’en prie ! Sois honnête. Si je t’en avais parlé, tu m’aurais quitté sur le champ. Et moi, je ne voulais pas te perdre. Je n’avais pas le choix !

    C’est de l’abus de confiance ! accusa-t-elle.

    Derek leva les bras au ciel. Tout de suite les grands mots ! Ça n’a pas compté pour moi, alors je ne voyais pas l’utilité de te mettre au courant. Ce qu’on ignore ne fait pas mal ! conclut-il avec aplomb.

    Meredith ricana avec mépris. Belle mentalité !

    Ne joue pas les étonnées, riposta Derek. Je t’avais prévenue, ne dis pas le contraire !

    Les yeux de la jeune fille s’arrondirent de surprise. Ah bon ! Première nouvelle !

    Depuis le début, je te dis que je ne suis pas quelqu’un de bien, rappela Derek. Combien de fois ne t’ai-je pas répété de ne pas tomber amoureuse de moi, que j’étais un salaud qui te ferait souffrir ? Mais tu n’as pas voulu le croire ! Il fut frappé par les yeux magnifiques de la jeune fille, des yeux qui étincelaient de colère, et il se sentit fondre. Je le voyais dans ta façon de me regarder, avec tellement de confiance, se souvint-il avec une intonation plus douce, presque câline. Comme si… comme si j’étais un héros. Il soupira à nouveau. Personne ne m’avait jamais regardé comme ça avant. Dans tes yeux, j’avais l’impression d’être quelqu’un d’exceptionnel. Comment aurais-je pu renoncer à ça ?

    Il avait raison. Elle l’avait toujours vu comme un prince charmant, son prince, et il s’avérait qu’il n’était qu’un homme, comme tous les autres. La désillusion n’en était que plus grande. Et sans doute parce qu’elle n’avait plus grand-chose à perdre à ce niveau, elle se décida à poser la question qui la tourmentait depuis le début de la journée. Et si on parlait de Callie ?


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  • Derek sut ce qui allait suivre et qu’il ne pourrait pas y échapper. Il chercha juste à gagner un peu de temps, quelques secondes de répit encore. Quoi, Callie ?

    Taylor pense que tu as couché avec elle. C’est vrai ? Meredith avait à peine terminé sa phrase qu’elle connaissait déjà la réponse. Elle l’avait lue dans ses yeux. Et pourtant, elle ne put s’empêcher d’espérer qu’elle se trompait.

    Derek maudit Taylor la finaude qui, non contente de voir tout ce que les autres ne voyaient pas, ne savait pas tenir sa langue. Pendant une seconde, il songea à nier. Après tout, pourquoi pas ? Meredith n’avait aucune preuve, juste les soupçons d’une lycéenne qui ne connaissait même pas les intéressés. S’il le voulait vraiment, il pourrait sans doute la convaincre qu’elle se trompait. Pourtant, il choisit de dire la vérité. Comme elle le lui avait fait remarquer quelques minutes plutôt, s’il voulait avoir la chance d’avoir une vraie relation avec elle, il ne pouvait pas la bâtir sur le mensonge. Oui. Oui, c’est vrai. Mais c’était avant toi. Il se laissa tomber dans un fauteuil, espérant, sans trop d’illusions toutefois, qu’elle viendrait l’y rejoindre.

    L’aveu n’avait rien de surprenant et, pourtant, Meredith en fut choquée. Est-ce qu’il y a un moment, depuis qu’on se connait, où tu as joué franc jeu avec moi ? Hors d’elle, elle commença à arpenter le living dans sa largeur. Parce que là, j’ai vraiment l’impression que tu n’as pas arrêté de me mentir.

    Je ne t’ai jamais menti ! prétendit Derek avec du culot. Je ne t’ai rien dit, c’est différent.

    Oh génial ! Tu joues sur les mots maintenant.

    Les grands airs offusqués de Meredith, son ton acerbe, son entêtement à ne pas vouloir comprendre ce qu’il tentait de lui dire, tout commençait à agacer sérieusement Derek. Qu’est-ce que tu aurais voulu, Meredith ? répliqua-t-il sèchement. Que je te parle de toutes les filles que j’ai sautées depuis mes seize ans ? Même si je le voulais, j’en serais incapable. Quand je te dis que je ne me souviens pas d’elles, ce n'est pas du pipeau, c'est la vérité !

    Et Callie, tu ne te souviens pas d’elle non plus, sans doute ? rétorqua Meredith en venant se camper devant lui, les poings fermés sur ses hanches.

    Il se leva pour lui faire face. Pourquoi est-ce que je t’aurais parlé d’elle plus que des autres ? s’énerva-t-il. On a baisé ensemble et c’est tout. Il avait sciemment utilisé ce verbe pour qu’elle comprenne la différence qu’il y avait avec elle. Et de toute façon, c’était avant toi, argumenta-t-il encore, en espérant, sans trop y croire, que cela mettrait fin au débat.

    Enervée par sa mauvaise foi, Meredith haussa le ton. Tu m’as dit que tu ne couchais jamais deux fois avec la même fille. Encore un mensonge !

    Donc, c’est le nombre de fois qui te tracasse ? se mit à crier Derek en se blâmant de lui avoir, un jour, donné cette information. Tu veux un décompte, c’est ça ? Oui, j’ai couché plusieurs fois avec elle. En quoi est-ce si important ? Il était tellement énervé que ses mains tremblaient. Il ressentit le besoin de boire quelque chose de fort. Il partit à la cuisine pour se servir un verre de bourbon.

    Meredith le regarda s’éloigner avec un air scandalisé. Comment pouvait-il être aussi inconséquent ? C’est important parce que ça veut dire que ce n’était pas une aventure comme avec les autres. Tu as eu une relation avec elle.

    Il souffla bruyamment. Pfft ! N’importe quoi ! Depuis quand baiser une nana de temps en temps, ça fait une relation ? Il but une longue gorgée et l’alcool lui brûla la gorge tandis que son regard courroucé visait la jeune fille. Comment était-il possible d’être d’aussi mauvaise foi ? Et comment pouvait-elle accorder autant d’importance au passé ? Bien sûr, il s’était mal conduit et pas un instant, il n’avait cherché à le nier. Mais il ne pouvait admettre qu’elle lui reproche ce qu’il avait fait avant elle. Pourtant, malgré cela et parce qu’il l’aimait plus que tout, il voulut se justifier encore une fois, pour tenter de la convaincre enfin. Callie n’a jamais été ma petite amie.

    Ça, c’est toi qui le dis, s’entêta Meredith.

    Mais bon sang ! jura Derek en tapant son verre sur la table de travail de la cuisine. Pourquoi tu ne veux pas comprendre ce que je te dis ? Il n’y avait pas de sentiment entre nous, juste du cul. C’était facile avec elle. Pas besoin de grands discours, de plan drague ou de justification après. Quand je n’avais personne d’autre sous la main, j’allais chez elle. Point barre !

    Meredith eut une moue dégoutée. C’est sordide !

    Je n’ai jamais prétendu le contraire ! objecta avec force le chirurgien. Mais c’est le passé et si tu n’es pas capable d’accepter que j’ai vécu avant toi… Subitement las de ce règlement de comptes, il ne termina pas sa phrase.

    Meredith vint se mettre de l’autre côté de la petite paroi qui séparait la cuisine du salon. Je ne suis pas stupide, Derek. Je sais que je suis loin d’être la première dans ta vie et qu’il y a eu beaucoup d’autres femmes. Elle prit le verre qu’il avait déposé et le fit tourner entre ses doigts. Les inconnues dans les hôtels, les fellations vite fait dans la voiture, les parties à trois avec Mark, je sais tout ça et je me doute qu’il y a eu bien d’autres choses. Elle haussa légèrement les épaules. Je l’accepte. Je peux l’accepter parce que c’est le passé justement. Et je n’ai pas besoin de connaitre les détails. Mais Callie !


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