• Ils s’assirent sur le banc, Meredith, toute droite, les yeux fixés sur la maison, Derek, de travers, la jambe légèrement repliée sur le banc, pour être totalement tourné vers son ex petite-amie. Tendu à l’extrême sous ses dehors décontractés, il attendit qu’elle ouvre le feu. Elle continua à regarder devant elle, tout en faisant rouler la tige de la tulipe entre ses doigts, commençant déjà à regretter d’avoir accepté ce tête-à-tête qui la mettait mal à l’aise. Je ne peux pas, murmura-t-elle soudain. Je sais ce que tu attends mais je ne peux pas. Derek eut l’impression que son cœur se brisait en mille morceaux. Si Meredith refusait de lui parler, d’évoquer ce qui les avait séparés, comment allaient-ils pouvoir se retrouver ? Je sais… je sais que tu veux discuter de nous, poursuivit-elle, la voix éraillée par l'émotion. Et on devrait le faire, c’est vrai, mais - elle tourna enfin la tête vers lui – quand je suis arrivée ici, j’ai passé les quatre premiers jours à pleurer. Plongé dans ses yeux, il se mit à trembler. Après, j’en ai parlé à Momsy et j’ai pleuré de nouveau, bien sûr. Ensuite, il y a eu tes messages - elle soupira profondément - et j’ai encore pleuré. La culpabilité que Derek ressentait lui fit baisser la tête. Et maintenant, la mort de Momsy… La voix de la jeune fille se brisa soudain. Derek releva les yeux et vit qu’elle luttait de toutes ses forces pour ne pas craquer. Il voulut lui prendre la main mais elle la retira aussitôt. Je n’ai presque pas arrêté de pleurer depuis que je suis ici, Derek, et si on se met à parler de ce qui s’est passé, je vais recommencer. Et franchement, j’en ai marre de pleurer. En plus, demain, il y a l’enterrement. Elle essuya rapidement une larme qui menaçait de couler. Alors, là, tu vois, je voudrais parler de quelque chose qui ne me fasse pas pleurer.

    On peut parler de ce que tu veux, dit fébrilement Derek, heureux qu’elle ne mette pas simplement fin à leur aparté. Il était prêt à tout, à disserter de la culture du riz en Chine même, dont il ne savait pourtant rien, pourvu que Meredith reste avec lui.

    Elle le remercia avec un léger sourire avant d’observer dans le plus grand silence, Jackson qui venait de sortir des écuries, en tirant Spitfire derrière lui, pour le mener dans son enclos. Après quelques minutes qui lui permirent de reprendre le contrôle d’elle-même, elle se tourna à nouveau vers Derek. Je peux quand même te poser une question ? l’interrogea-t-elle avec un peu d’embarras.

    Bien sûr !

    Je te préviens, tu vas sûrement trouver que je suis horriblement curieuse.

    Elle eut subitement un air mutin et espiègle qui fit sourire Derek. Maintenant, elle semblait presque détendue et il en fut soulagé. Il ne supportait plus cette tension qui existait entre eux et qui lui donnait parfois l’impression que Meredith avait peur d’être avec lui. J’adore les filles horriblement curieuses, prétendit-il. Alors, c’est quoi, cette fameuse question ?

    Eh bien… Elle s’arrêta quelques secondes avant de reprendre. Je sais que ça ne me regarde pas mais j’ai remarqué certains trucs depuis que je suis arrivée ici et ça m’intrigue. Je sens qu’il y a quelque chose mais je ne parviens pas à savoir ce que c’est. Derek sourit de la voir si volubile. J’ai demandé à Taylor mais elle ne sait pas non plus, lui confia-t-elle en fronçant les sourcils. Et pourtant, elle, elle est toujours au courant de tout. Une vraie fouine ! commenta-t-elle avec un petit rire. Alors voilà, je me lance, hein !

    Vas-y, l'encouragea Derek, à nouveau submergé par une vague de tendresse. En ce moment, elle lui faisait penser à une adolescente tout excitée de pouvoir colporter un ragot croustillant. Il aurait cloué au pilori n’importe quelle femme ayant le même comportement. Mais une fois qu’il s’agissait de Meredith, il avait toutes les indulgences. Elle aurait pu continuer sur le même mode futile jusqu’au lendemain, il l’aurait écoutée avec délectation.

    Qu’est-ce qui se passe entre Mark et Jackson ? lâcha-t-elle enfin en guettant la réaction de Derek avec anxiété. Comme il se contentait de la regarder avec étonnement, mais sans une once de désapprobation, elle se sentit libre de continuer. J’ai bien vu qu’ils s’évitaient tous les deux, et Jackson est très agressif à chaque fois qu’il parle de Mark. Ils se détestent, c’est évident, mais je ne comprends pas pourquoi. Je voulais le demander à Mark mais avec la mort de sa grand-mère… Alors – elle fit une petite grimace sensée exprimer sa désolation d’être aussi indiscrète – c’est à toi que je le demande. Tu es son meilleur ami. Je suis sûre que tu es au courant.

    Derek n’hésita qu’une seconde. Certes, ce n’était pas son habitude de divulguer les secrets des autres, et certainement pas ceux de Mark mais là, il avait l’occasion de prolonger ce moment avec Meredith, de rester tout près d'elle, de lui parler, de la regarder à loisir, de profiter de sa présence tout simplement. Contre cela, il le reconnaissait sans peine, l’argument de sa loyauté envers Mark ne pesait pas bien lourd. De plus, c’était la première fois depuis leur rupture que Meredith s’adressait volontairement à lui. Il ne pouvait pas la repousser. De toute façon, il aurait fait n’importe quoi pour rentrer dans ses bonnes grâces. Je ne pense pas qu’ils se détestent vraiment, commença-t-il. C’est juste que… Il s’arrêta de parler pour savourer le bonheur qu’il ressentait de voir la jeune fille, les joues roses et les yeux brillants, tout entière suspendue à ses lèvres. Bon sang, que c’était bon !

    C’est juste que quoi ? demanda-t-elle, frémissante d’impatience.

    Mais c’est vrai que tu es horriblement curieuse ! s’exclama Derek avec un petit rire. Elle lui tira la langue et il dut se faire violence pour ne pas lui sauter dessus pour l'embrasser. Jackson est le frère de Mark, enfin, son demi-frère, révéla-t-il enfin.

    Stupéfaite, Meredith lui agrippa la main, à la jointure du poignet et il dut résister à l’envie de nouer ses doigts aux siens. C’était, depuis qu’ils s’étaient revus, le premier contact physique voulu par elle et il était hors de question de la décourager de recommencer en se montrant trop entreprenant. Son frère, balbutia-t-elle. Mais… comment… qui… Allez, Derek, dis-moi, l’implora-t-elle.


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  • Derek ne se fit pas prier pour donner satisfaction à la jeune fille. Jackson est le fils de la mère de Mark. Tu sais sûrement qu’elle couchait avec un peu n’importe qui ? Meredith acquiesça d'un signe de tête. Le père de Jackson travaillait à l’Hacienda, précisa Derek. Ils se sont rencontrés ici, je suppose, et… enfin, tu devines la suite. Manque de bol, elle est tombée enceinte. Meredith lui lâcha la main et il regretta de ne plus sentir sa peau contre la sienne. Cela lui avait tellement manqué, plus que le sexe finalement. Dans l’immédiat, il ne voulait rien d’autre que de passer simplement du temps avec elle et ne plus la quitter.

    Et Momsy ? Et Mark ? Comment est-ce qu’ils ont réagi ? le questionna-t-elle, abasourdie par cette histoire.

    Mark et moi, on était encore gamins. Alors évidemment, on n’a pas tout compris, reconnut Derek. A l’époque, tout ce qu’on a remarqué, c’était que ses parents se disputaient beaucoup, enfin, plus que d’habitude, et que Momsy était de très mauvaise humeur. On s’est tenu à carreau pendant tout un temps, se souvint-il avec un sourire attendri. Bien plus tard, on a appris que le père de Mark était prêt à accepter l’enfant, comme s’il était le sien. Mais il y avait un problème. Le père du bébé était Afro-Américain.

    Meredith hocha doucement la tête. L’enfant ne serait pas blanc et tout le monde saurait, murmura-t-elle.

    Oh tout le monde savait déjà ! Derek soupira. Tout San Francisco était au courant des frasques de Jane Sloan mais ils faisaient semblant de ne rien savoir. Tandis qu’avec un bébé de couleur… plus moyen de donner le change. Alors, Momsy s’en est mêlée. Elle a dit à son fils qu’il était hors de question qu’il accepte ça. Elle l’a poussé à divorcer mais il a refusé. Il était fou de sa femme, il ne pouvait pas vivre sans elle. C’est pour ça qu’il acceptait tout d’elle, même de la partager. Derek avait toujours ressenti un vague mépris pour Andrew Sloan. Un brave homme, certes, plein d’esprit et d’humour, un architecte talentueux, un intellectuel brillant, mais une vraie loque une fois qu’il était devant sa femme. Derek avait toujours estimé que le père de Mark avait accepté bien trop de choses inadmissibles. Mais maintenant qu’il était amoureux de Meredith, il comprenait mieux ce qu’on pouvait ressentir quand l’être aimé vous échappait. La fierté ne représentait plus grand-chose dans ces moments-là. Ne comptait plus que l’essentiel, garder celle sans laquelle on savait ne pas pouvoir être heureux.

    Qu’est-ce qui s’est passé alors ?

    Je te l’ai dit, nous, on était petit. On ne faisait pas trop attention à ce qui se passait. Tout ce dont je me souviens, c’est que la mère de Mark a disparu un long moment et que Mark était très content d’avoir son père rien que pour lui, se rappela Derek. Puis, elle est revenue comme si de rien n’était mais Andrew, le père de Mark, il aimait toujours sa femme, je crois, mais… quelque chose s’était cassé. Il a commencé à boire, à boire vraiment beaucoup. Après quelques années, elle a demandé le divorce et lui… lui, l’alcool l’a tué. Il soupira, repensant à ce triste jour où Mark avait forcé la porte de son père, dont il n’avait plus de nouvelles depuis quelques jours, pour trouver son cadavre gisant au milieu des bouteilles de bourbon.

    Meredith poussa un soupir plein compassion. Pauvre Mark. Ce que Derek venait de lui apprendre, lié à ce que Momsy lui avait raconté, en disait long sur le genre d’enfance que Mark avait vécue. Et cela devait être sensiblement la même chose pour Derek. Comment croire en l’être humain et en sa bonté lorsqu’on avait grandi dans un tel environnement familial ?

    Ça a été compliqué pour lui à l’époque, concéda Derek. Il aimait beaucoup son père.

    Meredith commençait à reconstituer le puzzle mais elle avait besoin de quelques pièces encore, pour tout comprendre. Et Jackson dans tout ça ?

    Derek allongea le bras, pour le poser sur le dossier du banc. S’il tendait légèrement les doigts, il pourrait toucher les cheveux de Meredith. Il en avait tellement envie. Et elle était si belle, avec son visage illuminé par les rayons du soleil qui perçaient à travers les branches de l’arbre. Il aurait donné tout ce qu’il avait pour pouvoir ne fût-ce qu’enfouir son nez dans la chevelure de son amie. Il avait tellement de choses à lui dire, autres que les secrets de famille de Mark, mais puisqu’elle n’était pas prête à les entendre, il patienterait le temps qu’il faudrait. Il est arrivé à l'Hacienda, il avait environ six ans, reprit-il. Son père venait de mourir. Il sourit en voyant le front de Meredith se plisser. A sa naissance, Jackson avait été confié à son père. Ne me demande pas les détails, je ne les connais pas, lui dit-il pour devancer sa question. Je sais seulement que le type l’a élevé, puis il s’est marié, il a eu un deuxième fils et puis, il est mort avec sa femme dans un stupide accident de voiture.

    Mais comment Jackson est-il arrivé chez Momsy ? s’enquit Meredith, sidérée par ce récit.

    Elle a appris la mort de son ancien employé et… Le visage de Derek fut inondé par une soudaine tendresse. C’était une grande dame, vraiment une grande dame. Malgré tout ce que la naissance de Jackson représentait pour sa famille, elle s’est dit qu’elle ne pouvait pas le laisser. C’était le demi-frère de son petit-fils, tu comprends ?

    Meredith hocha la tête, les yeux pleins de larmes. Elle regrettait de n’avoir pas été au courant de tout cela avant le décès de Momsy, elle ne l’en aurait que plus aimée. Et Nick ? demanda-t-elle tout en devinant déjà la réponse.  

    Elle ne pouvait pas sauver Jackson et envoyer son frère à l’orphelinat. Alors, elle les a recueillis tous les deux, expliqua Derek, en suivant des yeux Jackson qui sautait au bas d’un cheval. Et elle les a élevés. Je crois même qu’avec le temps, elle les a aimés un peu comme s’ils étaient ses petits-fils, eux aussi.

    Et c’est ça que Mark n’a pas supporté, conclut Meredith en observant Jackson, elle aussi.


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  • Derek se tourna vers Meredith en secouant la tête. Non, ce n’est pas de la jalousie. Mark a toujours su qu’il avait une place à part dans le cœur de Momsy. Ce qui se passe, c’est qu’à chaque fois qu'il voit Jackson, il pense à ce qui est arrivé à son père. C’est après la naissance de Jackson qu’Andrew a plongé dans la dépression, et qu’il s’est mis à boire. Alors, Mark se dit si que sa mère n’avait pas eu cet enfant, les choses auraient été différentes. Pour lui, Jackson est en quelque sorte responsable de la mort de son père.

    Meredith eut un léger sursaut. Mais c’est dégoutant ! s’indigna-t-elle, prenant garde toutefois de ne pas parler trop fort, pour ne pas être entendue du jeune métis qui travaillait toujours devant les écuries. Jackson n’était qu’un enfant. Il n’y pouvait rien, le pauvre.

    Je sais. Derek soupira. Andrew Sloan était un homme charmant mais c’était un faible. Plutôt que d’essayer de s’en sortir, il passait des journées entières à pleurer sur son sort, avec toujours un verre à la main. Le nombre de fois où Mark l’a retrouvé complètement bourré… Il n'était qu'un ado, ça n'était pas facile à vivre. Malgré tout, il adorait son père. Et quand celui-ci est mort, ça a été très dur pour lui. Le chirurgien plongea ses yeux dans ceux de Meredith. Tu vois, parfois, quand tu vis un drame, que c’est trop difficile à accepter, tu as besoin de trouver un coupable.

    Elle flaira que ces mots, qui semblaient coller parfaitement à l’histoire de Mark, avaient un sens caché, qui concernait le passé de Derek. Puisqu’ils en étaient à se lancer des messages subliminaux, elle n’allait pas se priver. Je veux bien, Derek, mais si tu as besoin d’un coupable pour te sentir mieux, autant prendre le bon ! Je ne sais pas si la vengeance soulage – son expression traduisait très clairement qu’elle en doutait – mais s’il faut vraiment en passer par là… autant s’en prendre à la personne qui vous a fait du mal, pas à un pauvre innocent qui a eu comme seul tort d’être là au mauvais moment. Elle lut dans le regard de Derek que son discours avait fait mouche.

    Tu as mille fois raison, murmura Derek, rongé par le remords. Le problème, c’est qu’on ne se rend compte de ça qu’après. Quand on est en colère…

    Meredith lui coupa sèchement la parole. Oh ne me parle pas de colère, Derek ! Je sais ce que c’est, crois-moi. Pourtant, je n’ai jamais pensé que cette colère me donnait le droit de blesser mon entourage.

    Meredith, gémit-il. Je ne…

    Elle devina qu’il allait profiter de l’occasion qu’elle venait de lui donner, sans trop y réfléchir, pour tenter à nouveau de discuter de leur situation. Je te parle de Mark, là, se dépêcha-t-elle de préciser, tout en détournant le regard pour ne pas croiser les yeux désespérés qui se posaient sur elle. Dans cette histoire, la seule coupable, c’est sa mère. Alors, c’est moche qu'il fasse payer Jackson pour une faute qu’il n’a pas commise. Il n’a pas demandé à naître, lui, et il n’a pas choisi ses parents non plus. Tu devrais le dire à Mark.

    Derek eut mal de se sentir rejeté une fois de plus. C’était comme si elle niait leur histoire et ce qu’ils avaient été l’un pour l’autre. Je le lui ai déjà dit, Meredith, lui apprit-il avec un ton plus cassant qu’il ne l’aurait voulu. Il était tellement frustré. Pas plus tard qu’il y a une demi-heure.

    Eh bien, répète-le-lui ! lui asséna-t-elle sans se laisser impressionner par sa soudaine mauvaise humeur. Toi, il t’écoutera. Il t’écoute toujours. Elle s’adoucit aussi soudainement qu’elle s’était énervée. Il est tout seul maintenant. Bien sûr, tu es là mais… Jackson est son frère. Il est sa seule famille. C’est important, la famille, Derek.

    Tout dépend de la famille, allégua-t-il sur un ton plein de colère. Il le regretta aussitôt. Il n’avait pas le droit de se montrer dur avec elle, déjà à cause de ce qu’il lui avait fait, et aussi parce qu’elle ne pouvait pas avoir la moindre idée de ce que c’était que de grandir au sein de familles telles que lui et Mark les avaient connues. Excuse-moi. Tu as raison pour Mark et Jackson. La famille, c’est important. J’essaierai de raisonner Mark, promit-il.

    Meredith le remercia d’un sourire et il se sentit fondre devant tant de beauté. Tout à coup, il vit une coccinelle qui atterrissait sur les cheveux blonds de la jeune fille. Attends, ne bouge plus. Il posa son index devant le coléoptère, attendant patiemment qu’elle monte dessus.

    Mais qu’est-ce que tu… ?

    Chuuuut ! souffla-t-il doucement. Il retira son doigt et montra l’insecte rouge à pois noirs à son amie. Tu sais ce qu’on dit à propos des coccinelles ? se renseigna-t-il avec un sourire facétieux. Meredith secoua la tête. On dit que celui qui aperçoit une coccinelle doit se dépêcher de faire un vœu, pour qu’elle l’emporte au ciel avec elle, lui apprit Derek en ne quittant pas la bête des yeux. Comme ça, on a plus de chances qu’il se réalise. Il releva la tête pour regarder la jeune fille avec adoration. Fais un vœu, Meredith.

    Et toi ? chuchota-t-elle, troublée par cette fièvre avec laquelle il la contemplait.

    Oh j’en ferai un aussi, susurra-t-il. Je ne vais pas laisser passer l’occasion, tu peux en être sûre. Les yeux plantés dans ceux de Meredith, il prononça son vœu intérieurement. Faites qu’elle m’aime encore assez pour me pardonner et que tout redevienne comme avant, parce que je ne peux pas vivre sans elle.

    Faites que je trouve la force de lui pardonner et que tout redevienne comme avant, parce que je l’aime plus que tout, se dit Meredith en y mettant toute la force de sa conviction. La coccinelle s’envola et ils la suivirent du regard tandis qu’elle montait vers le ciel, emmenant avec elle leur plus grand espoir.


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  • A peine Meredith avait-elle coupé le contact qu’elle bondit hors de la voiture. Avec Taylor, elle venait de passer deux heures qui lui avaient parues interminables, dans les magasins de Santa Rosa, afin de trouver une tenue pour l’enterrement de Momsy. D’habitude, elle appréciait ces petites escapades en ville, mais celle-ci avait été une véritable corvée. Maintenant, elle était impatiente – oui, impatiente était le mot, et elle en était la première étonnée – de retrouver Derek. Ils étaient restés longtemps, en-dessous de l’arbre, à discuter de tout et de rien, et elle s’était surprise à rire aux éclats lorsque Derek avait évoqué quelques-uns des mauvais tours que Mark et lui avaient joués à Momsy. Lorsque Taylor était venue la chercher pour la séance de shopping, Meredith avait eu beaucoup de mal à s’arracher à son banc. A présent qu’elle était de retour, elle n’avait rien de plus pressé que de retrouver Derek et de reprendre leur conversation là où ils l’avaient laissée. Elle se rua dans la maison, avec Taylor sur les talons, et s’arrêta net dans l’entrée, en entendant un rire féminin qu’elle ne connaissait pas. Après avoir échangé un regard intrigué avec son amie, elle avança vers le salon d’où venait ce rire auquel répondait maintenant celui de Derek. Elle sentit aussitôt l’irritation la gagner. Elle fit son entrée dans la pièce d’un pas décidé et se raidit en découvrant la scène. Derek était assis sur le divan, avec à côté de lui une jeune femme qui lui avait posé une main sur le bras. Deux heures, deux petites heures, et Meredith le retrouvait déjà en train de faire le joli cœur.

    Les deux hommes se levèrent en la voyant entrer et Mark vint aussitôt vers elle. Ah Mer ! Il la prit par le coude et l’amena vers l’autre jeune femme qui s’était levée, elle aussi. En passant devant lui, Meredith jeta un regard carrément hostile à Derek qui haussa les sourcils d’étonnement. Elle détourna aussitôt la tête pour faire face à celle qui lui tendait la main avec un grand sourire. Une trentaine d’années, la silhouette élancée, des cheveux bruns coupés à la garçonne, discrètement maquillée, habillée simplement mais avec distinction, l’ensemble était des plus agréables et attestait d’un certain niveau d’aisance financière, ce qui ne fit qu’accroître l’énervement de Meredith. Elle eut à nouveau la sensation de ne pas pouvoir rivaliser. Mer, je te présente Lindsay, une amie d’enfance, annonça Mark avant de se tourner vers l’autre femme. Lindsay, voilà Meredith, une amie que nous avons connue à San Francisco.

    Enchantée de faire votre connaissance, dirent en chœur les deux femmes, sans aucune sincérité de la part de Meredith.

    Et la jeune demoiselle, là-bas, c’est la fille de la dame de compagnie de ma grand-mère, ajouta Mark en désignant vaguement Taylor à laquelle Lindsay adressa un léger signe de tête.

    S’lut, grommela l'adolescente, vexée d’être considérée comme une quantité négligeable. Pour bien marquer son dépit, elle alla se poster à sa place habituelle, la fenêtre d’où elle pouvait surveiller tout ce qui se passait à l’avant de la maison. Il était hors de question qu’elle se mêle à la conversation si c’était pour qu’on la traite comme une gamine.

    Lindsay se rassit et, en la voyant sourire de toutes ses dents blanches à Derek, Meredith pensa immédiatement à un requin. Elle n’était pas objective, elle le savait, mais en être consciente ne l’empêcha pas de ressentir une énorme aversion pour cette femme et la façon dont elle regardait son voisin. Elle alla s’asseoir à côté de Mark parce que cela lui offrait une vue imprenable sur l’autre couple. J’étais justement en train de dire à Mark et Derek comme j’étais heureuse de les revoir, lui expliqua Lindsay. Ce n’était pas du tout prévu que je vienne maintenant à Santa Rosa mais ma fille est tombée malade. Et comme je dois absolument aller demain à New York, je l’ai amenée chez ma mère. Le sourire rayonnant de Lindsay disparut pour faire place à une mine attristée que Meredith taxa intérieurement d’hypocrite. Et c’est là que j’ai appris pour Momsy. C’est un si grand malheur ! Lindsay poussa un long soupir tout en enveloppant Mark d’un regard plein de compassion. Alors, j’ai accouru pour venir présenter mes condoléances à Mark et – le chagrin disparut instantanément de son visage pour faire place à un sourire des plus radieux – surprise ! s’écria-t-elle. Je retrouve Derek, après toutes ces années. C’est fantastique, non ? Elle posa à nouveau sa main parfaitement manucurée sur le bras du chirurgien, qui ne réagit pas.

    Oh oui ! Une véritable aubaine ! déclara Meredith avec une ironie mordante dont elle ne se rendit pas compte, pas plus qu’elle ne vit les lèvres de Derek s’étirer en un petit sourire moqueur. Elle trouvait l’attitude de cette femme totalement indécente, compte tenu des circonstances. Comment osait-elle qualifier celles-ci de fantastiques alors qu’il s’agissait de la mort d’un être humain ? Mais je vous ai interrompus, fit-elle semblant de regretter. De quoi parliez-vous donc ? demanda-t-elle en se tournant vers Mark. Elle évitait soigneusement de s’adresser à Derek, de peur d’exploser. Il se pavanait tout sourire dans son canapé, manifestement heureux d’avoir retrouvé cette amie qu’il avait plus que certainement sautée. Une de plus ! se dit Meredith avec aigreur.

    Oh de choses et d’autres, répondit prudemment Mark qui avait perçu, depuis qu’elle s’était installée à côté de lui, à quel point elle était tendue et il ne fallait pas être particulièrement futé pour en comprendre la raison. De vieux souvenirs d’enfance, des trucs comme ça…

    C’était le bon temps, laissa tomber Derek, en souriant généreusement à Lindsay, tout en observant du coin de l’œil la réaction de Meredith. Il se sentit tout guilleret de la voir se raidir un peu plus. On était jeune, insouciant. Ce pique-nique… – il sourit plus largement encore – c’était vraiment un grand moment.

    Oh tu avais été vache tout de même ! lui reprocha gentiment Lindsay, en le couvant d’un regard à la fois amusé et indulgent. Le pauvre Arnie ! Elle se mit à rire et Meredith eut envie de la gifler. Cette conversation mystérieuse, tout en allusions, qu’eux seuls pouvaient comprendre, l’énervait au plus haut point. Elle avait la désagréable impression que Lindsay le faisait exprès, pour lui faire sentir qu’elle était de trop. Oh et ce barbecue, quelques jours après, chez Janice…


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  • Lindsay eut un petit rire de gorge qui horripila Meredith. C’est à ce barbecue que tu m’as embrassée pour la première fois, tu te souviens ?

    Comment l’oublier ? susurra Derek, enchanté de voir les yeux de Meredith étinceler de colère. Ça aussi, c’était vraiment un grand moment.

    Oh c’est gentil, ça, minauda Lindsay.

    C’était plus que ne pouvait en supporter Meredith. Sans même s’excuser auprès de ses compagnons, elle se leva et alla rejoindre Taylor qui observait Nick en train de tondre la pelouse. Quelle conne, celle-là ! grogna-t-elle entre ses dents. Regarde-la qui se trémousse comme une pouff !

    Une chance que le ridicule ne tue pas ! rétorqua Taylor qui, elle non plus, n’appréciait pas cette intruse qui venait parader sur son territoire.

    Et l’autre naze, là, qui n’arrête pas de lui sourire ! Meredith détourna rapidement la tête en voyant que Derek l’observait. Il ne fallait surtout pas qu’il pense qu’elle s’intéressait à lui.

    Manifestement, elle lui a laissé un très bon souvenir, railla Taylor.

    Ça me rend malade ! enragea Meredith. Il me jure qu’il a changé mais, maintenant, il la drague sous mon nez. Elle n’en pouvait plus de voir Derek faire le beau, adresser à une autre des sourires et des regards qu’elle voulait pour elle, seulement pour elle. Cet après-midi, elle avait passé deux heures magnifiques avec lui, pendant lesquelles il lui avait semblé retrouver un peu de leur ancienne complicité. Elle avait été triste de devoir le quitter et elle avait eu l’impression que c’était un sentiment partagé. Elle s’était dépêchée de revenir et pourquoi ? Pour assister à ça ! Il n’est même pas gêné, remarqua-t-elle, découragée.

    Chassez le naturel, il revient au galop ! laissa tomber Taylor avec mépris. Elle jeta un regard furibond au trio qui s’esclaffait une fois encore. Et quand est-ce qu’elle va arrêter de rigoler, la vieille ?

    On dirait une hyène ! renchérit Meredith, heureuse d’avoir une alliée. La comparaison fit pouffer de rire les deux filles. C’était si bon de pouvoir se moquer de l’ennemie.

    Hé ! Regarde là-bas qui arrive, chuchota soudain Taylor, en pointant discrètement du doigt une voiture qui remontait l’allée. Ça, ça risque d’être bien plus intéressant que Miss Pétasse qui se pâme avec ses deux fans. On devrait peut-être aller faire un tour du côté des écuries.

    Bien plus tard, en y réfléchissant, Meredith se retrouva incapable de comprendre sa réaction. Elle avait simplement obéi à une impulsion sans se demander si c’était bien ou mal, sensé ou stupide. Elle l’avait fait parce que cela lui avait semblé être la seule chose à faire pour damner le pion à Derek et sa conquête. Oh Jonas, s’écria-t-elle après avoir reconnu le conducteur. Elle haussa le ton pour être certaine d’être entendue de tous. Il est enfin là ! Il m’a tellement manqué. Elle s’élança hors de la pièce, captant au passage les regards stupéfaits de Derek et Mark.

    C’est qui, Jonas ? se renseigna Lindsay avec curiosité.

    Le petit chéri de Meredith, tiens ! répondit Taylor qui avait deviné le but poursuivi par sa camarade. Terriblement contrarié, Derek la rejoignit à la fenêtre, pour voir Meredith qui courait à toutes jambes vers un jeune homme dont elle hurlait le prénom.

    Jonas, Jonas… je suis là. Heureusement pour Meredith, Derek était trop loin pour voir la stupéfaction s’inscrire sur le visage de Jonas lorsque la jeune fille se jeta sur lui. Je vais tout t’expliquer, mais là, maintenant, j’ai juste besoin que tu me prennes dans tes bras. Toujours aussi sidéré, Jonas – qui n’avait rencontré Meredith que deux fois – referma mollement les bras autour de ses épaules. Mieux que ça ! gronda-t-elle. Serre-moi fort.

    Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? murmura Jonas qui ne voyait vraiment pas où cette fille, dont il ne savait que très peu de choses, voulait en venir.

    Meredith comprit qu’elle lui devait un début d’explication si elle voulait qu’il joue le jeu. Normalement, il y a un homme qui nous observe depuis la maison. Elle sentit que Jonas relevait la tête pour vérifier ses dires. Non, ne regarde pas, lui ordonna-t-elle. Il ne doit pas se douter. Je veux qu’il s’imagine des trucs, tu comprends ?

    Ah fallait commencer par ça ! s’exclama Jonas, amusé. Allez, viens par ici, chérie. Avec un petit rire, il enlaça la jeune fille par la taille. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Meredith se serra contre lui et l’emmena, avec un grand sourire, vers les écuries. Elle n’avait pas besoin de regarder derrière elle pour savoir que Derek n’avait rien perdu du petit numéro qu’elle venait de faire. C’était comme si elle sentait le poids de son regard dans son dos.

    Effectivement, le chirurgien était toujours à la fenêtre, trop énervé pour avoir remarqué ce que cette scène avait d’étrange. Tout ce qu’il avait vu, c’était Meredith, sa Meredith, qui se jetait dans les bras d’un jeune blanc-bec. Mais d’où il sort, ce guignol ? demanda-t-il dans un chuchotement, sans attendre vraiment de réponse. Tout cela ne ressemblait pas à Meredith. Elle était droite et intègre, pas le genre à sortir avec un homme en en aimant un autre. Et s’il y avait une chose dont il était certain, c’est qu’elle l’aimait encore. Il l’avait lu dans ses yeux, cet après-midi, pendant qu’ils discutaient sur le banc. Alors, à quoi rimait tout ceci ? Je ne comprends plus rien, avoua-t-il, dépité.


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