• Mark referma la porte de la chambre qu'il avait occupée et tressaillit en découvrant Taylor qui, adossée au mur d’en face, arborait un air dépité. T’es là, toi, murmura-t-il en regardant autour de lui, comme s’il était pris en faute.

    L'adolescente avisa d’un air hostile le sac de voyage qu’il tenait à la main. Tu t’en vas, c’est ça ?

    Oui, il le faut. Mes patients m’attendent. Je ne peux pas rester plus longtemps.

    Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ? demanda-t-elle sèchement.

    Mark eut l’air embarrassé. Un peu des deux, je crois.

    Il avança mais Taylor le retint par le bras alors qu’il passait devant elle. Et nous ?

    Il hocha la tête. Il n’y a pas de nous, Taylor.

    Ce n’est pas vrai. Tu ne peux pas dire ça. Elle sentit ses yeux picoter. Je sais qu’il y a quelque chose. Sa voix se brisa soudain.

    Mark réalisa alors à quel point elle avait pris leur flirt innocent au sérieux et il se sentit vraiment mal à l’aise. Il déglutit avec peine. Je suis désolé si mon attitude a pu te faire croire que…

    Les yeux de Taylor lancèrent des éclairs. Oh ça va ! Ne me prends pas pour une conne en plus, cria-t-elle d’une voix aigüe. Je sais que je n’ai rien imaginé et que si

    Craignant que ses éclats de voix n’alertent les autres habitants de la maison, Mark rouvrit prestement la porte de sa chambre et poussa la jeune fille à l’intérieur, presque brutalement. Très bien, jouons cartes sur table, décréta-t-il sur un ton vif, en laissant tomber son sac à terre. Si ça ne tenait qu’à moi, tu serais déjà nue sur ce lit – il montra à la jeune fille le grand meuble qui trônait dans la pièce – et je te ferais des choses dont tu ne soupçonnes même pas l’existence. Elle sourit et il vit l’espoir illuminer ses yeux. Et après ?

    Après ? On recommence, répliqua-t-elle, toute en provocation.

    Non, on ne recommence pas, s’emporta Mark. Je ne suis pas le genre de gars qui recommence. Je ne suis pas le genre de gars qui reste avec la même fille.

    Taylor émit un petit rire quelque peu suffisant. Ça, c’est parce que tu n’as jamais eu une fille comme moi ! Si on était ensemble, tu n’aurais plus envie d’aller voir les autres.

    Mark ne put s’empêcher de sourire devant tant d’assurance. Cette fille, malgré son jeune âge, ne s’en laissait pas conter. Si ses talents dans un lit équivalaient son art de la réplique, cela devait être un festival. Il poussa un profond soupir de regret autant que de résignation. Peut-être mais… tu as dix-sept ans et moi…, dit-il, à court d’arguments.

    Oh j’t’en prie ! On s’en fout de ça ! clama Taylor en venant se coller à lui. Elle se mit sur la pointe des pieds pour accrocher ses bras autour du cou du chirurgien.

    Il les retira avec douceur et fit quelques pas en arrière. Moi pas. Tu me plais, c’est vrai, reconnut-il. Tu me plais beaucoup. Mais je pourrais être ton père et être ensemble…ce serait malsain. Taylor jeta les yeux au ciel. Ce discours, elle l’avait déjà tellement entendu. Sa mère, Momsy, Jackson, Meredith, tout le monde lui serinait ces mêmes propos à l’infini. Mark ignora sa réaction. J’ai fait une promesse, poursuivit-il, et…

    Taylor l’interrompit avec vivacité. A ta grand-mère. Je l’aimais vraiment beaucoup et je ne veux pas paraître irrespectueuse mais quoiqu’on fasse, elle n’en saura rien !

    Mais, moi, je le saurai, répondit Mark. Je ne lui ai jamais menti et si je devais le faire maintenant, je ne pourrais plus me regarder en face. Alors, même si je dois le regretter jusqu’à la fin de mes jours, il ne se passera rien entre nous. Il ramassa son sac et se dirigea vers la porte.

    Je n’aurai pas toujours dix-sept ans, tu sais, lui lança Taylor d’une voix étranglée. Dans quatre ans…

    Mark se retourna et lui sourit tristement. Dans quatre ans, j’aurai quarante ans et je ne t’intéresserai plus. Tu auras eu plein de mecs d’ici là. Tu m’auras oublié, assura-t-il sans arriver pourtant à se départir du mince espoir qu’il se trompait.

    C’est ce qu’on verra, fanfaronna Taylor alors qu’il quittait la pièce, avant de s’écrouler sur le lit qu’elle frappa de ses poings, pour extérioriser sa rage.

    En sortant de la maison, Mark aperçut Jackson qui discutait avec Derek, à côté du Hummer. Derek vit son ami et en parut contrarié. Manifestement, il espérait quelqu’un d’autre. Il jeta son sac dans le coffre de la voiture. Mark rejoignit les deux hommes. Eh bien voilà, dit-il en plaçant son bagage à côté de celui de Derek. Il se tourna vers son demi-frère. Donc, on fait comme on a dit… 

    Jackson hocha la tête. Je t’enverrai un rapport mensuel et…

    Mark leva sa main droite. Pas la peine ! Je te fais confiance assura-t-il. Tu as fait du bon boulot ici. Y a pas de raison que tu ne continues pas. Autant étonné que touché, Jackson lui tendit sa main qu’il serra. Et si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver. Mark remarqua alors que Derek ne tenait pas en place. Qu’est-ce que tu as ? s’enquit-il.

    Gêné par la présence de Jackson, Derek hésita quelques secondes avant de répondre. J’ai demandé à Meredith de rentrer à San Francisco avec nous. Mark haussa les sourcils. Je ne sais pas ce qu’elle a décidé, soupira Derek.

    Jackson se voulut rassurant. T’en fais pas. Je te l’ai dit l’autre jour, elle va repartir avec toi.

    Derek eut une moue dubitative. En revenant de leur promenade, malgré son insistance, Meredith était restée muette sur ses intentions. Une fois arrivée à l’Hacienda, elle s’était enfermée dans sa chambre et il ne l’avait plus revue. Il regarda une fois encore en direction de la maison. Je devrais peut-être aller voir…


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  • Derek fit un pas en avant mais Mark lui posa la main sur l’épaule pour le retenir. Elle viendra bien toute seule. Derek ne bougea plus, soufflant longuement. Il regarda sa montre. Bientôt 17h30, l’heure qu’il avait indiquée à Meredith comme celle de son départ. Elle ne va quand même pas nous laisser partir sans nous dire au revoir, s’exclama soudain Mark. Derek le fusilla du regard. Ce n’était pas ce qu’il avait envie d’entendre. Il commençait néanmoins à se résigner lorsqu’une silhouette apparut dans l’entrée. Il se redressa, fou d’espoir, mais ses épaules retombèrent d’un coup lorsqu’il vit qu’il ne s’agissait que de Frances. 

    Elle vint vers eux en souriant mais son sourire ne parvenait pas à cacher qu’elle était affligée. Ces jeunes gens avaient rendu vie à cette maison, au moment même où celle qui en était l’âme l’avait quittée. A quelques minutes de leur départ, Frances redoutait que l’Hacienda ne plonge dans la tristesse. Vous voilà bientôt partis alors ? demanda-t-elle avec un air faussement réjoui qui n’arrivait pas à donner le change.

    Oui, il est temps de retrouver nos vies ! répondit Mark sur le même ton. Et de vous rendre votre tranquillité aussi. Nous vous avons suffisamment dérangée.

    Oh non ! Ça a été un plaisir de vous recevoir, vraiment, et j’espère que vous reviendrez.

    Comptez-y, promit Mark sans grande conviction. Cette dame était vraiment charmante. Mais revenir dans cette maison sans y retrouver sa grand-mère ne le tentait pas. Sans parler du danger qu’il y aurait à se retrouver sous le même toit que Taylor la tentatrice. Comme pour lui donner raison, celle-ci surgit sur la terrasse. Elle descendit les escaliers, comme l’aurait fait une meneuse de revue à Broadway, en dardant sur Mark des regards tantôt langoureux, tantôt enflammés. Gêné, il se détourna, craignant que l’attitude de l’adolescente ne fasse naitre chez les autres des soupçons qui n’avaient pas lieu d’être. Pour se donner une contenance, il feignit de ranger les bagages dans le coffre, les mettant côte à côte, les déplaçant pour les remettre à leur place initiale. Cependant, quoi qu’il fasse, il sentait peser sur lui le regard insistant de Taylor. Il avait l’impression d’être une proie sur laquelle un fauve allait fondre d’un moment à l’autre. D’habitude, le fauve, c’était lui. Ne supportant plus cette inversion des rôles, il se rapprocha de Derek qui, sans quitter la maison des yeux, échangeait poliment quelques mots avec Frances. Qu’est-ce qu’on fait ? s’inquiéta Mark. On attend encore ou… Il ne termina pas sa phrase. En voyant les traits crispés de son ami se détendre brusquement, il sut que Meredith venait de faire son apparition. Il se retourna.

    Effectivement, elle se tenait sur la terrasse, très droite, un peu raide même, malgré le poids des bagages qu’elle tenait à bout de bras. Derek se précipita. Merci, murmura-t-il simplement en la soulageant de quelques sacs. Elle ne répondit pas mais sourit à Jackson qui venait prêter main-forte au chirurgien. Elle descendit les marches jusqu’à se trouver face à Taylor.

    Alors, tu t’en vas aussi, constata la lycéenne, dont l’expression traduisait la plus totale incompréhension.

    Il le faut. Je ne peux pas rester plus longtemps, commença Meredith, des larmes inondant subitement ses yeux.

    Pourquoi ? demanda Taylor avec agressivité. Personne ne te chasse. Tu pourrais rester si tu voulais. D’abord Mark, Meredith ensuite, c’en était trop pour elle. Elle avait l’impression que les deux l’abandonnaient et elle ne comprenait pas pourquoi. Sa lèvre inférieure se mit à trembler.

    Meredith la prit dans ses bras. J’aurais voulu rester, chuchota-t-elle à son oreille. Mais Derek, il m’a demandé de rentrer avec lui. Cela lui avait pris du temps pour se décider. Elle était restée enfermée dans sa chambre, tout l’après-midi, réfléchissant à la requête, presque une prière, formulée par Derek, pesant le pour et le contre, évaluant les possibles conséquences. Est-ce que le suivre à San Francisco signifiait qu’elle était prête à reprendre leur relation ? Était-elle capable de lui pardonner ? Pourrait-elle lui refaire confiance ? Pouvaient-ils tout recommencer à zéro ? Que se passerait-il si cela ne marchait pas ? Elle n’avait pu répondre à aucune de ces interrogations. La seule conclusion à laquelle elle était arrivée, c’était qu’elle devait tenter sa chance, le tout pour le tout. Je l’aime, avoua-t-elle à son amie, toujours dans un murmure. Il faut que j’essaie.

    Taylor s’écarta, les yeux inondés de larmes qui ne se décidaient pas à couler. OK. Mais si jamais ça ne marche pas, tu reviens, d’accord ?

    Meredith secoua énergiquement la tête. Promis. Elle reprit son amie contre elle. Oh tu vas tellement me manquer. Par-dessus son épaule, elle s’adressa à Frances et Jackson. Vous allez tous me manquer. Sa voix s’étrangla d’émotion. C’est tellement dur de vous quitter. C’est à ce moment que Murphy sortit de la maison. En voyant Meredith qui s’était si bien occupé de lui pendant son séjour, il aboya avant de courir vers elle. Elle éclata en sanglot et le prit dans ses bras pour le couvrir de baiser.

    Derek commença à craindre qu’elle ne change d’avis. Allons, ce n’est pas si loin, San Francisco, argumenta-t-il. Tu reviendras. Si tu veux, je te conduirai. Elle acquiesça d’un signe de tête en redéposant le chien à terre.

    Mais oui, bien sûr, enchaîna Jackson. De toute façon, il faut que tu reviennes pour Bluebelle. C’est ton cheval maintenant. Emue, Meredith se jeta dans ses bras, Je suis vraiment contente de te connaitre, Mer, dit-il à voix basse. Prends soin de toi.

    Derek avança vers Frances. Il avait vraiment hâte maintenant de partir, d’emmener Meredith loin de cette maison, de l’avoir rien que pour lui. Tandis qu’il remerciait la gouvernante pour son accueil, Mark approchait gauchement de Taylor. Ils s’étaient dit tout ce qu’ils avaient à se dire quelques minutes plus tôt. Ils se contentèrent donc de se donner une accolade à laquelle ils mirent fin assez vite. Mark tendit la main à Jackson tandis que Meredith reprenait Taylor dans ses bras. Parce qu’elle sentait son courage l’abandonner, elle s’arracha à l’étreinte pour monter dans la voiture. Elle fit semblant de fouiller dans son sac pour ne pas voir Taylor trouver refuge dans les bras de Jackson. Mais lorsque la voiture démarra, ce fut plus fort qu’elle. Elle se retourna et agita sa main, ne quittant pas ses amis du regard jusqu’à ce que la voiture franchisse la porte de la propriété. Elle eut alors l’impression qu’elle venait de tourner une page et elle sanglota à nouveau.


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  • Lorsque le Hummer s’arrêta devant l’immeuble, Mark leva la tête vers le dernier étage où se trouvait son loft. Bon, me voilà chez moi. Il se tourna vers ses amis. Je vous aurais bien invités à monter pour boire un verre mais j’imagine que vous avez mieux à faire. Il sourit en voyant Meredith rougir et se dit que le fait qu’elle ne proteste pas était de bon augure pour Derek. Tu viens me chercher demain matin ? demanda-t-il à ce dernier.

    Derek ne réfléchit que quelques secondes avant de porter la main à sa poche. Prends plutôt la Porsche. On échangera demain, à la clinique.

    Rouler avec ta caisse ? Le sourire légèrement moqueur, Mark prit la clé que son ami lui tendait. Quelle déchéance ! plaisanta-t-il en faisant un clin d’œil à Meredith Son sourire se figea lentement. Bon… eh bien… Il prit une profonde inspiration. Je voulais vous dire… merci. Vraiment. Je ne crois pas que j’y serais arrivé sans vous.

    Arrête de déconner, grogna Derek que les manifestations d’émotion mettaient toujours mal à l’aise. On n’a rien fait de spécial.

    C’est toi qui déconnes, là, protesta Mark. Tu t’es occupé de… de tout en fait. Et puis… – son regard se posa sur Meredith avec tendresse – vous avez mis vos différents de côté pour moi et… Enfin, j’apprécie.

    C’est comme ça que font les vrais amis, je pense, répondit simplement Meredith, qui espérait réussir à retenir les larmes qui menaçaient encore de couler. Derek se contenta d’acquiescer.

    Le regard de Mark passa de l’un à l’autre. Oui, vous êtes de vrais amis, je sais. Il toussota pour chasser l’émotion qui montait en lui. Allez, je vais vous laisser partir. Ils sortirent tous les trois de la voiture. Mark ouvrit le coffre pour y prendre son sac avant de se tourner vers Meredith. Au revoir, ma belle. Il se pencha vers elle pour l’embrasser, un baiser sur chaque joue. Ensuite, il échangea un regard avec Derek. Ils n’avaient jamais éprouvé aucune pudeur à se retrouver nus dans les vestiaires, à se raconter leurs fredaines, ou encore à participer à certaines parties fines dans lesquelles ils se partageaient les mêmes filles. En revanche, ils arrivaient très difficilement, pour ne pas dire pas du tout, à exprimer leur amitié par des mots, sans doute parce que les mots auraient exposé des sentiments qu’ils n’étaient pas certains de pouvoir gérer. Ce fut pour cette raison qu’ils se contentèrent d’une virile accolade. Arrivé à la porte de son immeuble, Mark se retourna encore une fois. Je voulais encore vous dire… j’espère vraiment que vous allez vous retrouver. Il s’adressa soudain plus particulièrement à Meredith. Parfois, ce n’est pas facile de pardonner. Peut-être que pour y arriver, il faut regarder l’ensemble. Prendre en compte toute l’histoire, et si au final, le bilan est positif malgré tout, alors il ne faut pas se focaliser sur les erreurs qui ont été commises. Il enveloppa ses amis d’un regard tendre, presque paternel. Si vous vous aimez vraiment, pensez-y. Ne perdez pas de temps. La vie est trop courte. Sur ces mots, il s’engouffra dans le bâtiment.

    Derek regarda Meredith avec intensité. Considérer leur histoire dans son ensemble… Ses secrets et ses mensonges pèseraient lourd dans la balance, il en était conscient. Mais il n’était plus le même homme et il allait le lui prouver, pas plus tard que maintenant. Il lui rouvrit la portière. On y va ?

    Elle le remercia d’un sourire et grimpa dans l’imposante voiture. Tandis qu’il regagnait sa place, elle pensa aux paroles de leur ami. Ne pas se focaliser sur les erreurs… Jusqu’à présent, elle n’avait fait que ça. Mais Mark avait raison, il fallait avoir une vue d’ensemble. Elle commençait à dresser mentalement la liste des pour et des contre lorsqu’elle remarqua que Derek ne prenait pas la direction de la maison de sa tante. Tu ne me ramènes pas chez moi ? s'étonna-t-elle, légèrement anxieuse.

    Avant, j’aimerais te montrer quelque chose. Tu veux bien ? l’implora-t-il en priant qu’elle n’exige pas qu’il la raccompagne chez elle. Elle y consentit par un léger mouvement de tête et il lui sourit pour la remercier. Au début, elle regarda défiler les rues de la ville et les voitures se livrer à leur ballet habituel en cette heure de pointe. Cependant, elle se lassa assez vite du spectacle pour se reporter sur son compagnon. Elle avait toujours adoré ces moments où, pendant qu’il était trop absorbé par la circulation que pour faire attention à elle, elle pouvait l’observer à loisir. Elle s’amusait à noter les petites imperfections, comme son nez un peu tordu et légèrement busqué, sa lèvre supérieure peut-être un peu trop fine ou encore la petite cicatrice qu’il avait sur le front. Pour elle, c’était ces défauts qui rendaient son visage vraiment intéressant. Il remarqua alors qu’elle le regardait. Qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogea-t-il sans cacher qu’il était heureux de l’intérêt qu’elle lui portait. Qu’est-ce que j’ai ?

    Ton nez… Elle posa le bout de son index sur l’arête de son propre nez. Il a une petite bosse là… et il est un peu tordu.

    Le rire léger du chirurgien résonna dans l’habitacle. Souvenir d’une piste noire descendue un peu trop rapidement. A Aspen, précisa-t-il. J’avais quinze ans environ. Et la cicatrice, là – il désigna le milieu de son front – c’est une chute à moto, deux ans plus tard. On faisait une course avec Mark. Il était en train de gagner alors j’ai accéléré, un peu trop vite, et la moto s’est renversée. Autre chose que tu aimerais savoir ?

    Meredith fronça les sourcils en voyant qu’ils prenaient la direction du Golden Gate Bridge. Oui. Où est-ce que tu m’emmènes ?

    De l’autre côté du pont, à Sausalito. Tu connais ?

    Elle secoua la tête. Non. Et qu’est-ce qu’il y a à Sausalito ? Sans doute un restaurant renommé dans laquelle il voulait l’emmener pour l’épater. Un endroit de rêve où il en profiterait pour lui demander pardon encore une fois et plaider sa cause. 

    Un endroit où j’aurais dû t’emmener depuis longtemps, murmura Derek, de façon presque inaudible, en lui serrant furtivement la main.


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  • Meredith n'insista plus. D'une part, elle avait l'impression que Derek n'avait pas envie de lui dévoiler sa surprise à l'avance, d'autre part, elle n'y attachait pas plus d'importance que ça. Peu importait l'endroit où il l'emmenait, ce qui comptait vraiment, c'était d'être avec lui, d'obtenir des explications et, si celles-ci étaient valables, de poser de nouvelles règles pour que leur relation puisse reprendre sur des bases plus saines. En attendant, autant profiter du voyage !

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    Une fois qu’ils furent sur le Golden Gate, Meredith découvrit avec surprise les ferries qui sillonnaient le détroit. Jamais elle n’aurait cru que le trafic maritime était aussi important dans la baie. C’était impressionnant, tout autant que le nombre de véhicules qui circulaient sur le monstre métallique. D’ailleurs, cela avait pour conséquence que le rythme de la circulation s’était singulièrement ralenti. Cela permit à la jeune fille de contempler le paysage à son aise. Elle aperçut à sa droite une petite île surmontée par ce qui ressemblait à un phare. C’est Alcatraz, là, non ?

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    Derek regarda dans la direction qu’elle lui indiquait. Oui. Si tu veux, on pourrait aller la visiter un de ces jours.

    Elle ne répondit pas. Ils n’en étaient pas encore à faire ce genre de projets. Et là-bas, qu’est-ce que c’est ? se renseigna-t-elle en montrant une île plus grande, qui se trouvait derrière Alcatraz.

    C’est Treasure Island, la renseigna Derek. C’est une île artificielle qui a été construite pour l'Exposition universelle de 1939. Et puis, la grande île là-bas, c’est Angel Island. C’est un parc national. Sausalito est juste en face.

    Maintenant, Meredith était impatiente d’arriver à destination. Cette petite escapade était plus qu'appréciable, après le drame de ces dernières semaines. Après avoir ouvert la vitre de sa portière, la jeune fille sortit la tête et leva le nez vers un des pylônes en acier auxquels s’accrochaient les câbles de suspension. Pas étonnant qu’il s’agisse du pont le plus célèbre du monde !

    Tout à coup, sans trop savoir pourquoi, elle éclata de rire. Peut-être un effet de l’air marin et du vent dans ses cheveux. Elle se rassit normalement et regarda Derek avec un air confus – ils venaient d’enterrer Momsy tout de même ! – mais néanmoins heureux. Il se sentit béni des dieux. Cela faisait tellement longtemps que l’ambiance n’avait plus été si détendue entre eux. Il voulut y voir un signe positif. Il émit un petit rire lorsqu’elle se tordit le cou pour essayer de voir ce qui l’attendait de l’autre côté du pont et qu’elle fit une grimace parce qu’il n’y avait rien d’autre que de la verdure.

    En quittant le pont, la Porsche suivit un moment la route 101 avant de prendre la Alexander Avenue puis la South Street, pour bifurquer ensuite sur Bridgeway qui longeait l’eau de la baie. Meredith ne cacha pas son admiration devant les magnifiques demeures qui bordaient la route. Il était clair que leurs propriétaires n’avaient aucun souci d’argent.

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    Dans le centre de la ville, la jeune fille se montra impressionnée par le nombre de boutiques, galeries d'art et magasins de spécialités qui y étaient concentrés. Comme elles étaient gaies, ces maisons aux couleurs pastel ! Mais ce qui la frappa le plus, ce fut l’étroitesse de certaines rues et le fait qu’elles soient reliées par des escaliers en bois. Elle n’avait jamais vu quelque chose de semblable. Cela donnait à la ville un cachet vraiment particulier.

    Ils venaient de quitter le centre lorsqu’apparurent les premiers bateaux de plaisance, autre signe que ceux qui habitaient là faisaient partie des privilégiés. Meredith se surprit à envier ces personnes qui avaient la chance de vivre dans un endroit aussi idyllique, se demandant toutefois si elles arrivaient à l’apprécier pleinement. Remarquait-on encore la beauté et le luxe quand on y avait toujours baigné ?

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    Derek tourna dans une rue perpendiculaire et la suivit jusqu’à arriver sur un parking où il gara le Hummer. Meredith poussa un cri d’étonnement en découvrant des centaines et des centaines de péniches de toutes tailles, tous âges et styles, qui étaient amarrées les unes à côté des autres, le long des quais, formant ainsi une sorte de village en bois. Oh qu’est-ce que c’est ?

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    C’est le quartier des maisons flottantes. Derek sortit du véhicule, imité aussitôt par Meredith, un peu perplexe quant à la raison de leur présence en un lieu aussi étrange. Il n’y avait rien dans les environs qui ressemble aux restaurants ou aux bars que Derek avait l’habitude de fréquenter. En avril 1906, il y a eu un terrible tremblement de terre à San Francisco et une grande partie de la ville a été anéantie, lui apprit-il. Bon nombre d’habitants ont trouvé refuge à Sausalito et ils ont aménagé tant bien que mal de vieilles péniches qui étaient amarrées aux barges. Autant dire qu’à l’époque, le quartier était assez miséreux. Il la regarda avec un sourire timide, n’osant plus prendre sa main, comme il l’avait fait à Santa Rosa. Tu viens ? Elle accepta l’invitation par un léger signe de tête et ils avancèrent côte à côte en direction des quais. Après la seconde guerre mondiale, c’est devenu une casse pour bateaux, poursuivit-il. Les hippies ont débarqué à la fin des années soixante. Ils ont rafistolé les péniches qui étaient encore là puis, peu à peu, ils en ont construit de nouvelles. Il pointa un doigt vers les maisons flottantes. Tout ce que tu vois là, c’est en grande partie à eux qu’on le doit. Enssuite, ils ont été rejoints par des artistes sans le sou qui voulaient fuir la ville. Avec les années, l’endroit est devenu plus sélect et les prix ont explosé. Maintenant, il y a pas mal de gens qui ont fait fortune dans la Silicon Valley, qui vivent ici.

    Meredith l’interrompit pour lui montrer un panneau. Derek… C’est une propriété privée, on ne peut pas entrer, tu vois bien.

    Hmm… Effectivement. Il regarda le panneau, comme s’il ne l’avait jamais vu, semblant mesurer le risque qu’ils allaient prendre s’ils poursuivaient leur promenade. Mais bon… Qu’est-ce qui pourrait nous arriver ? On ne fait rien de mal après tout. Il lui dédia un sourire éblouissant auquel elle était incapable de résister. Et puis, il faut vivre dangereusement, non ? Cette fois, il osa lui tendre la main et elle la saisit sans hésiter.

     


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  • Au fur et à mesure que Meredith avançait sur le quai Liberty, abondamment garni de plantes en bacs devant chaque demeure, elle découvrait avec étonnement ce monde à part qu’était le quartier des maisons flottantes de Sausalito. Des péniches dont on se demandait comment elles tenaient encore debout avoisinaient des constructions récentes qui surprenaient par leur gigantisme : plusieurs étages, terrasses, jardins suspendus, serres…

    On ne peut plus appeler ça une péniche, fit remarquer la jeune fille en montrant à Derek une maison flottante à deux étages, avec une immense terrasse. Celle-là est magnifique.

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    Il paraît que son propriétaire l’a achetée plus d’un million de dollars, lui apprit-il sur un ton détaché, comme s’il trouvait ce prix tout à fait normal.

    Meredith écarquilla les yeux sous l’effet de la stupéfaction. Tu plaisantes ? Derek hocha la tête. C’est dingue ! s’exclama-t-elle. Un million de dollars ! Il y avait tant de choses à faire avec une telle somme, à commencer par aider les plus nécessiteux, ou encore découvrir le monde ou bien... Si on a autant d'argent, pourquoi ne pas acheter une vraie maison alors ?

    Derek haussa légèrement les épaules. Parce qu’il y a ici un mode de vie qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

    À ce prix-là, j’espère bien ! ironisa Meredith. Personnellement, je ne mettrais pas autant d’argent dans une péniche.

    Tu viens de dire qu’on ne pouvait pas l’appeler comme ça, lui rappela Derek, légèrement moqueur.

    Meredith lui lança un regard sarcastique. Allons, Derek, ne me dis pas que tu habiterais ici !

    Et pourquoi pas ? répliqua-t-il, curieux de connaitre sa réponse. Elle se faisait tellement d’idées fausses à son sujet. Mais sans doute en était-il le seul responsable.

    Parce que c’est… c’est trop… c’est trop bohème, lâcha-t-elle enfin, après avoir réfléchi au terme le plus approprié. Ça ne te ressemble pas du tout.

    Si tu le dis. D’une légère poussée de la main dans son dos, Derek entraina la jeune fille vers la gauche, devant une péniche recouverte de lattes imitation bois.

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    Perplexe, Meredith le regarda s’engager sur la passerelle. Qu’est-ce que tu fais ?

    Ne reste pas là. Viens, répondit-il avec un petit sourire.

    Mais où est-on ? s’inquiéta Meredith en regardant aux alentours, parce qu'elle s’attendait à voir surgir quelqu’un qui viendrait leur demander ce qu’ils faisaient là. Elle rejoignit son ex petit-ami d'un pas pressé. Tu connais les gens qui habitent ici ?

    Il sourit. Un peu, oui, dit-il en ouvrant la porte avec la clef qu’il avait retirée discrètement de sa poche quelques secondes plus tôt. Entre, je t’en prie.

    Meredith franchit le seuil avec défiance en s’accrochant au bras de son compagnon. Où sommes-nous ? chuchota-t-elle, de plus en plus stressée.

    Chez moi. Derek se dégagea avec douceur pour enlever sa veste qu’il jeta négligemment sur une chaise en osier qui se trouvait dans l’entrée. On est chez moi, répéta-t-il avec un sourire dont il ne réalisa pas qu’il était ému. A la seconde même où Meredith avait pénétré chez lui, il avait eu l’impression que tout se mettait en place et que sa vie prenait enfin un sens. Il regretta de ne pas l’y avoir amenée plus tôt.

    Chez toi ? ânonna-t-elle, stupéfaite. Soudain, elle se remémora la conversation qu’ils avaient eue quelques instants plus tôt. Comment n’avait-elle pas compris ? Bien sûr ! Tu me fais un cours d’histoire sur l’endroit, tu me parles des prix…

    Et j’ouvre la porte avec une clé, ajouta Derek avec une tendre ironie. Il passa derrière son amie pour l’aider à enlever sa veste.

    Oui, j’aurais dû comprendre, admit-elle en dégageant son bras de la manche. Pour la première fois depuis qu’elle était à l’intérieur, elle regarda timidement autour d’elle. Ça fait longtemps que tu vis ici ?

    Un peu plus de cinq ans. Derek la poussa doucement vers l’intérieur de la pièce. Un soir, j’ai raccompagné une fille qui habitait ici et j’ai eu le coup de foudre.

    Pour la fille ? questionna Meredith, en prenant toutefois soin de ne pas avoir l’air trop concernée.

    Derek sourit. Non, pour l’endroit. Il se souvint de l’étrange impression qu’il avait eue à l’époque en découvrant la Marina et toutes ces péniches. Pour la première fois de sa vie, il s’était senti vraiment à sa place. Dès le lendemain, j’ai pris contact avec une agence immobilière, j’ai lu les annonces et j’ai traîné dans le coin jusqu’à ce que je trouve ce que je voulais.

    Et cette fille ? Meredith aurait tellement aimé pouvoir encore jouer l’indifférente mais elle n’était plus capable de donner le change. Dès que Derek avait fait mention de cette autre conquête, elle avait senti la jalousie l’envahir. Elle ne supportait pas l’idée qu’il continue à fréquenter cette femme, même en tant que simple voisine. Elle habite toujours dans le coin ?


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