• Certainement pas ! clama Meredith. La soirée ne fait que commencer et, avec les garçons, on a plein de projets. En fait de projet, elle n’en avait plus qu’un : faire enrager Derek, et de ce qu’elle voyait, cela fonctionnait plutôt pas mal. On va danser encore un peu et après… après, je ne sais pas. Le bout de son index posé délicatement sur sa lèvre inférieure, elle fit mine de réfléchir. On pourrait peut-être se trouver un petit hôtel sympa pour y terminer la nuit. Si Gary afficha un sourire éclatant de bonheur, Brett fit une grimace. Cette fille était certes très mignonne mais elle était vraiment trop ivre et il était évident qu’elle voulait régler ses comptes avec ce gars, son mec à coup sûr, lequel ne semblait pas du tout commode. Il valait mieux partir avant que la conversation ne parte en vrille. Des nanas, il y en avait des tonnes dans ce club. Autant en trouver une qui soit libre. Il s’éloigna discrètement. Meredith ne s’en rendit même pas compte. Après tout, poursuivit-elle, sans penser à l’effet que ses mots pourraient avoir sur ses compagnons d’un soir – elle voulait seulement que Derek souffre, qu’il en bave, qu’il en crève ! – ce serait bête que je ne mette pas en pratique tout ce que tu m’as appris. Autant que d’autres en profitent. N’est-ce pas, les garçons ?

    Meredith, arrête ça tout de suite, lui ordonna sèchement Derek. Les trois compagnons de Meredith comprirent à l’éclat métallique de sa voix, à ses yeux durs et pleins de colère et à sa mâchoire contractée qu’ils étaient devenus l’enjeu d’une scène de ménage. Ne voulant pas avoir d’ennui, ils s’éclipsèrent, à l’exception de Gary qui s’accrochait à l’idée qu’il avait malgré tout une chance de terminer la nuit avec cette jolie poupée.

    Meredith feignit de ne pas avoir entendu l’ordre de son ancien amant et se retourna encore une fois. Dans son ébriété, elle ne remarqua pas qu’une partie de sa cour avait disparu. Vous avez de la chance, les garçons. Il parait que je suis très douée, la plus douée même.

    La patience n’était pas inscrite dans la nature profonde de Derek. Cela faisait déjà trop longtemps qu’il essayait de la raisonner mais puisqu’elle ne voulait pas l’écouter, il était temps de passer à la manière forte. Bon maintenant, ça suffit. Il la prit par le bras pour l’emmener mais elle résista.

    De son côté, Gary voulut s’interposer. Hé ! Fous-lui la paix. Elle est avec moi.

    Ecoute, connard, tonna le chirurgien, si tu ne te tires pas immédiatement de mon chemin, je jure que je vais réduire ta sale gueule en bouillie. Il n’était ni très grand, ni très costaud, mais son air belliqueux dissuada Gary de tenter quoi que ce soit. Il recula de quelques pas en ricanant bêtement, pour ne pas perdre la face, avant de se perdre dans la masse. Maintenant, tu viens ! vociféra Derek, hors de lui, à Meredith. Lui qui détestait se donner en spectacle, il était servi.

    Va te faire foutre ! hurla-t-elle en tentant de se dégager. L’heure n’était plus aux compromis. Sans un mot, Derek la souleva, tel un fétu de paille, et la jeta sans ménagement sur son épaule. Elle se mit à crier tout en frappant le dos de son ravisseur avec ses deux poings fermés. Cependant, en cet instant, rien n’aurait pu arrêter le chirurgien. Indifférent aux coups et aux hurlements de la jeune fille, il fendit la foule des danseurs, dont la plupart ne prêtèrent absolument pas attention à ce couple singulier. En revanche, leur arrivée dans l’entrée fit se tourner sur eux les regards de tous ceux qui s’y trouvaient. Dépose-moi par terre, glapit Meredith. Tout de suite ! Stoïque, Derek ne réagit pas et continua d’avancer.

    Vous avez un problème, Docteur ? s’inquiéta le gérant du night-club. Derek Shepherd avait beau être un très bon client, l’image qu’il donnait avec cette fille échevelée et vociférante n’était pas une bonne publicité pour l’établissement.

    C’est moi qui ai un problème, espèce d’abruti, fulmina Meredith, tout en cherchant encore à échapper à la poigne de fer de Derek. Vous ne voyez pas qu’il est en train de me kidnapper ?

    Tout va bien, Walt, répondit en même temps Derek. Mademoiselle est juste un peu trop ivre. Je vais la ramener chez elle. Il sortit un billet de cent dollars de sa poche et le tendit à l’homme pour prix de sa coopération.

    Walt empocha l’argent avec un grand sourire et se précipita pour ouvrir la porte. Bonne soirée, Docteur.

    Hé ! rugit Meredith, en se débattant comme une forcenée. Mais puisque je vous dis qu’il est train de me kidnapper ! Ses yeux s’écarquillèrent en voyant le portier refermer la porte derrière eux, sans plus se soucier de son triste sort. Oh ça, j’y crois pas, dit-elle, ahurie, avant de se remettre à frapper Derek tout en s’égosillant. Dépose-moi maintenant, espère de sale type ! Au secours ! A l’aide ! hurla-t-elle en voyant qu’il ne se laissait pas fléchir.

    Il la déposa sur le sol avec tellement de rudesse qu’elle faillit en tomber. Je te jure que, si tu ne la fermes pas immédiatement, je vais t’en coller une dont tu te souviendras pour le restant de tes jours ! l'avertit-il d’une voix sourde.

    Outrée par cette menace, elle allait riposter lorsqu’elle sentit son estomac se tordre et une énorme nausée lui remonter à la gorge. Elle n’eut que le temps de se pencher en avant. Le trop-plein d’alcool jaillit, éclaboussant quelque peu sa robe et ses chaussures. Tu vois, à cause de toi, geignit-elle une fois qu’elle eut fini de vomir. En se redressant, elle fit un mouvement brusque de la tête pour libérer sa chevelure des mains du chirurgien, qui s’était précipité pour la mettre hors d’atteinte. Je suis toute sale maintenant. C’est ta faute, l’accusa-t-elle avant de se mettre à pleurer, dépitée et un peu honteuse aussi qu’il la voie dans un tel état.

    Mais oui, bien sûr, dit-il plus calmement en sortant un mouchoir propre de sa poche. Si tu avais moins picolé, ça ne serait pas arrivé. Il s’approcha d’elle et, après avoir essuyé ses larmes, lui nettoya avec une infinie tendresse sa bouche souillée de vomissures. Cette fois, elle se laissa faire, sans plus protester. Allez, viens, je vais te raccompagner, proposa Derek en la prenant par la taille pour la soutenir. Et si tu pouvais éviter d’être malade dans la voiture, ça m’arrangerait !


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  • Meredith enlaça l’oreiller dans lequel elle enfonça son visage, en gémissant légèrement. Elle se sentait si bien dans la chaleur de la couette. Quand elle dormait, elle pouvait se réfugier dans des rêves où tout allait bien. Derek ne l’avait pas trompée et ils nageaient en plein bonheur. L’état de Tante Ellis était stable et Anne Grey n’avait aucune raison de venir à San Francisco. Quant à l’ambiance avec Cristina et Izzie, elle était au top et travailler à la boutique, un véritable enchantement. C’était pour rester dans ce déni que Meredith ne voulait pas se réveiller, pas encore, pas tout de suite. Gagner un peu de temps, être en sursis quelques minutes de plus… Elle se pelotonna au creux du lit, les paupières étroitement closes, en essayant de ne plus penser à rien, dans l’espoir que Morphée refermerait ses bras sur elle et l’emporterait à nouveau loin de la triste réalité. Mais Morphée devait avoir d’autres choses à faire car le sommeil ne revint pas. Dépitée, Meredith remonta la couette sur sa tête en poussant un petit grognement, avant d’émerger quelques secondes plus tard. Elle se retourna sur le dos et entrouvrit les yeux pour les refermer aussitôt, ne se décidant pas à s’avouer vaincue. Mais elle comprit que, quels que soient les efforts qu’elle pourrait faire, elle ne parviendrait pas à se rendormir. La moue boudeuse, elle réentrouvrit les paupières. A travers ses cils, son regard se posa machinalement sur le plafond. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu’il y avait quelque chose d’anormal. Dans la pièce qu’elle occupait chez Tante Ellis, il y avait cet horrible lustre en verroterie qui, en plus, cliquetait à chaque courant d’air. Or, ici, il y avait un simple plafonnier et des poutres en bois brun. Et puis, il y avait ce petit bruit de fond, comme le léger clapotis de l’eau. Intriguée, Meredith tourna la tête vers la gauche et ne reconnut pas l’ameublement de sa chambre. Soudain paniquée, elle s’assit dans le lit. Elle sursauta en découvrant Derek qui, imperturbable, l’observait depuis le fauteuil posé dans un coin de la pièce. Elle se souvint alors de ce qui s’était passé quelques heures plus tôt. Le Cellar, les mojitos, les garçons dont elle avait déjà oublié le prénom, la dispute avec Derek et la façon pour le moins énergique dont il l’avait fait sortir du club. Oui, elle se souvenait de tout, du moins jusqu’au moment où elle avait été malade. Ensuite, il n’y avait plus qu’un grand trou noir. Où est-ce qu’on est ? demanda-t-elle sur la défensive, en regardant autour d’elle.

    Chez moi, répondit Derek, posément, froidement même à ce qu’il semblât à la jeune fille.

    En effet, elle reconnaissait les lieux qu’elle avait visités deux jours auparavant : les murs peints en blanc, les lampes de chevet vert olive, la plante verte sur le coffre, l’étagère avec les livres… Ses yeux toujours pleins de méfiance se posèrent à nouveau sur le chirurgien. Et pourquoi tu ne m’as pas ramenée chez moi ?

    Bourrée comme tu l’étais ? Derek ricana en dépliant ses jambes devant lui. La nuit passée dans le fauteuil, à veiller sur le sommeil de Meredith, l’avait laissé tout courbaturé.

    J’étais pas bourrée, bougonna-t-elle, de mauvaise foi.  

    Ouais, à peine, se moqua Derek. J’ai quasiment dû te porter jusqu’à la voiture et tu étais à peine assise dedans que tu t’es endormie. Je ne me voyais pas sonner à la porte de ta mère et qu’elle te voit dans cet état-là, se justifia-t-il.

    Meredith le défia de son regard moqueur. Peur de te faire engueuler ?

    Non, assura-t-il en se levant. Mais il n’était pas question que je porte le chapeau pour quelque chose dont je n’étais pas responsable. Il passa dans la salle de bains.

    Oui, t’es jamais responsable de rien, toi, persifla Meredith, suffisamment haut pour qu’il l’entende. A cause de qui croyait-il donc qu’elle avait ressenti le besoin de trouver l’oubli dans l’alcool ?

    En tout cas, ce n’est pas moi qui t’ai fait boire jusqu’à ce que tu ne tiennes plus debout ! riposta sèchement Derek en revenant dans la chambre, un verre d’eau à la main. Il s’appuya contre le chambranle et but une gorgée, tout en regardant la jeune fille avec un air furibond.

    Elle haussa les épaules. Mais puisque je te dis que je n’avais pas bu tant que ça, se défendit-elle, bien qu’elle ne soit pas réellement convaincue par ce qu’elle disait. Les souvenirs qu’elle avait de la soirée étaient tout de même relativement vagues et le mal lancinant qui oppressait son crâne semblait prouver qu’elle avait dû faire des excès. Elle désigna du menton le verre que Derek tenait en main. Je peux en avoir aussi ? Il disparut à nouveau dans la salle de bains et elle entendit le robinet qui coulait. C’est juste que je n’avais pas mangé avant, cria-t-elle pour tenter de se disculper.  

    Eh bien, c’est pas malin ! Derek réapparut avec un gobelet bleu. Tu ferais mieux de manger un peu. Tu n’as plus que la peau sur les os, grommela-t-il en lui tendant le verre.

    Enervée, elle le lui arracha presque des mains. Si mon petit-ami ne m’avait pas trompée, j’aurais peut-être plus d’appétit ! Elle lui jeta un regard mauvais qu’il lui rendit, puis elle plongea le nez dans son verre. Cette façon qu’il avait toujours de rejeter ses fautes sur les autres, ou de les minimiser, était des plus agaçantes. Quand elle eut avalé toute l’eau, dont la fraicheur lui fit d’ailleurs un bien fou, elle rejeta la couette d’un geste sec, afin de sortir du lit. Elle se rendit alors compte qu’elle ne portait que ses sous-vêtements. Elle poussa un cri et rabattit promptement l’édredon sur elle avec un air tellement choqué que Derek ne put s’empêcher de s’esclaffer. C’est toi qui as fait ça ? l’interrogea-t-elle comme s’il avait commis un crime.

    Il se rassit en la narguant. Oui et alors ?

    Mais… mais tu… tu n’avais pas le droit ! bafouilla-t-elle, scandalisée.

    Il leva les yeux au ciel devant ce nouvel excès. Oh ça va. Arrête ton cinéma ! Je t’ai vue nue des dizaines de fois. Que croyait-elle donc ? Qu’il avait apprécié la situation ? Qu’en la déshabillant, il en avait profité pour se rincer l’œil et assouvir ses fantasmes ? Loin de là ! Il s’était plutôt dépêché de lui enlever cette satanée robe – pas facile à faire quand la personne ressemble à ces mannequins que l’on voit dans les vitrines des magasins, inertes et raides – en évitant de la regarder de trop près. C’était déjà bien assez dur comme ça !


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  • Mais ça n’a rien à voir, protesta Meredith en tenant ses poings serrés sur la couette qu’elle avait remontée jusqu’à son cou. On n’est plus ensemble !

    Tu t’étais vomi dessus, s’emporta Derek, soudain furieux qu’elle ressente le besoin de lui rappeler leur rupture, comme si cela lui plaisait de remuer le couteau dans la plaie. Je n’allais pas te laisser saloper mon lit en prime !

    Meredith s’entêta. C’est pas une raison. Tu aurais pu me demander.

    J’aurais bien aimé, figure-toi, répliqua Derek. Si seulement tu avais été capable de me répondre quand je te parlais. Quant à bouger… Il fit une grimace exprimant l’impossibilité de cette éventualité.

    Les lèvres de Meredith s’avancèrent en une moue boudeuse. Si j’étais dans un état aussi grave que tu le dis, comment j’ai fait pour arriver jusqu’ici ?

    Je t’ai portée, tiens ! s’exclama Derek, comme s’il s’agissait d’une évidence.

    Depuis le parking jusqu’ici ? demanda Meredith, incrédule. Derek fit signe que oui. Oh ! fut tout ce qu’elle trouva à dire dans un premier temps. Elle se savait légère mais, tout de même, la porter sur quelques centaines de mètres, alors qu’elle n’était plus qu’un poids mort, cela relevait presque de l’exploit. Elle regarda Derek, à la fois confuse et reconnaissante. Merci, murmura-t-elle.  

    C’est rien. Il avait tellement espéré pouvoir l’accueillir chez lui et maintenant qu’elle était là, dans son lit, presque nue, tellement femme-enfant, si adorable, il était trop tard. Sa souffrance fut telle qu’il eut envie qu’elle s’en aille le plus rapidement possible. Il se remit debout et se rendit dans la salle de bains d’où il ressortit avec la robe de Meredith. Il la posa sur le lit. Voilà, tu peux la remettre maintenant. Je… je l’ai un peu nettoyée, ajouta-t-il, un peu grognon, parce qu’il avait honte de cette émotion qu’il ressentait, de ce besoin qu’il avait de toujours se justifier envers elle, comme s’il voulait encore la convaincre à tout prix, de cette frustration de ne pas y parvenir, de tous ces sentiments qu’il ne parvenait plus à maîtriser.

    Elle prit sa robe et l’examina sommairement. Effectivement, elle semblait propre. Tu as fait la lessive, toi ? dit-elle, à la fois amusée et émue à l’idée qu’il avait passé une partie de la nuit à laver son vêtement.

    Elle avait sur le visage une expression moqueuse qui agaça Derek. C’est pas bien compliqué, marmonna-t-il.

    Elle sourit. Non, mais… C’est bizarre de penser que toi… Au fond, que savait-elle de lui, de la façon dont il vivait quand il ne sauvait pas des vies ou qu’il ne sautait pas des inconnues dans des hôtels glauques ? Rien. Enfin, tu ne m’avais jamais dit…

    Quoi ? Tu vas encore m’accuser de dissimulation ou d’abus de pouvoir ? aboya-t-il, à bout de nerfs.

    Meredith se renfrogna aussitôt. Si tu le prends comme ça… Elle fit un mouvement giratoire avec sa main. Tu peux te retourner ? Pendant que je m’habille.

    Derek se réfugia à nouveau dans la salle de bains. Son reflet dans le miroir lui fit peur. Le teint blême, les cernes sous les yeux, les joues creuses… Voilà donc ce qu’il était devenu à cause de cette gamine ? Va-t’en, Meredith, la supplia-t-il intérieurement. Va-t’en vite. Je n’en peux plus. T’avoir ici, près de moi, et ne pas pouvoir te toucher, t’embrasser, te… Il s’accrocha au lavabo au-dessus duquel il pencha la tête, le souffle coupé et le cœur au bord des lèvres.

    Derek ?

    Meredith se tenait dans l’encadrement de la porte et le regardait avec inquiétude. Une fois encore, il se sentit gêné par l’image qu’il donnait. Il tenta de sauver les apparences en plongeant son visage sous le robinet d’eau froide. Pas assez dormi… Pas grave… Ça va aller, affirma-t-il entre chaque friction de ses mains. Il se releva et cacha sa confusion au creux de la serviette de bain. Il avait repris ses esprits quand il en émergea. Tes chaussures… Il lui désigna les escarpins bleus à hauts talons qu’il avait rangés dans un coin de la pièce, après en avoir aussi retiré soigneusement toute trace de vomissure.

    Oh ! Merci. Meredith se plia en deux pour les prendre et les enfiler, ce qui fit ressortir la rondeur de ses fesses.

    Parce qu’elle était plus que désirable et qu’il n’avait plus fait l’amour depuis presqu’un mois maintenant, Derek fut troublé plus qu’il ne l’aurait été en temps habituel. Il se retourna promptement. Et qu’est-ce qui t’a amené au Cellar ? demanda-t-il pour meubler le silence plutôt que par réel intérêt. Il n’avait pas vraiment envie d’avoir des détails sur la nouvelle vie de la jeune fille. 

    J’avais rendez-vous avec Izzie et Cristina mais elles ne sont jamais venues. Etonnant, n’est-ce pas ? se moqua-t-elle en repartant dans la chambre.

    Derek ne put s’empêcher de marquer son étonnement et sa désapprobation. Qu’est-ce qui te prend de vouloir ressortir avec elles ? T’as pas encore eu assez de leçons ? Il la rejoignit.

    Qui voulais-tu que j’appelle, Derek ? soupira-t-elle en se rasseyant au bord du lit. Je n’ai plus qu’elles.

    Il eut envie de lui hurler que, non, il était toujours là, de son côté, et qu’elle pouvait compter sur lui, mais évidemment il s’en abstint. Tu fais comme tu veux, se contenta-t-il de répondre. Mais… fais attention à toi, Meredith. Il s’adossa au mur de sa chambre, juste face à la jeune fille. Hier, si je n’étais pas venu…


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  • Meredith le reprit sur un ton acerbe. Si Callie ne t’avait pas prévenu ! .

    Il fit une grimace. Si tu préfères. Une chance qu’elle l’ait fait en tout cas !

    Meredith jeta les yeux au plafond. Oh je t’en prie ! J’ai bu un verre de trop, c’est vrai, reconnut-elle enfin. Mais je ne courais aucun danger.

    Quand quatre gars se collent aux basques d’une fille ivre comme tu l’étais hier, il y a danger ! riposta Derek, en donnant de petits coups de talons dans le mur pour tenter de trouver un dérivatif à sa nervosité qui prenait de plus en plus d’ampleur.

    Meredith fronça les sourcils. Elle ne se rappelait pas de quatre garçons, juste d’un seul, un blond avec de très longs cheveux. Cependant, elle ne protesta pas. Ses souvenirs étaient trop imprécis pour qu’elle se permette de contredire Derek. Je savais très bien ce que je faisais, assura-t-elle. Comme à chaque fois qu’elle était embarrassée, elle chercha un objet avec lequel elle pourrait occuper ses mains. Elle jeta son dévolu sur un oreiller qu’elle se mit à tourner dans tous les sens. 

    Vraiment ? Derek secoua la tête en soufflant. Donc, quand tu leur vantais tes talents dans un lit, tu savais ce que tu faisais ?

    Mon dieu ! Meredith ne se souvenait pas de cela non plus. Qu’avait-elle encore dit lors de cette fameuse soirée ? Si elle se promit de ne plus jamais boire de sa vie, il n’était pourtant pas question de donner raison à celui qui était à l’origine de tout ce gâchis. Je blaguais, c’est tout, assura-t-elle avec un air supérieur.  

    Ça n’en avait vraiment pas l’air ! En tout cas, ce n’est pas dans ce sens que le gars l’a pris, dit Derek en se remémorant l’air stupidement ravi du nain de jardin qui gigotait autour de Meredith. Il marcha jusqu’à la fenêtre mais il revint immédiatement reprendre sa place contre le mur.

    Puisque je te dis que je savais ce que je faisais, Derek ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce qu’il était énervant, Monsieur Donneur-de-leçons !

    Il donna un coup plus fort de la plante de son pied dans le mur. Putain Meredith ! explosa-t-il. Tu as proposé à ce mec d’aller à l’hôtel ! Elle tressaillit. Tu ne t’en souviens pas, hein ? Cette fois, elle ne chercha plus à lui damner le pion. Elle répondit à sa question d’un signe de tête en serrant l’oreiller très fort contre elle. Il soupira. Mer…

    Il allait encore lui faire la morale et ce n’était pas ce dont elle avait envie. Ce qu’elle aurait aimé, c’était qu’il la prenne dans ses bras, tout contre lui, qu’il lui dise qu’il l’aimait, plus que jamais, malgré tout, malgré les horreurs qu’elle lui avait dites, malgré les bêtises qu’elle avait faites, que tout cela n’était rien et qu’ils avaient encore une chance. Mais il était clair qu’il ne lui dirait pas ce qu’elle avait besoin d’entendre et elle ne voulait pas écouter ses reproches. Oh ça va ! maugréa-t-elle.

    Elle se leva du lit et voulut quitter la pièce mais il la retint par le poignet. Non, ça ne va pas, éructa-t-il, soudain fou de colère. Ça ne va pas du tout ! Il la relâcha mais se mit devant la porte pour l’empêcher de sortir. Qu’est-ce qui te prend, Meredith ? Tu as quel âge ? Tu ne crois pas que tu es un peu trop vieille pour faire ta crise d’adolescence ?

    Vexée, elle le fusilla du regard. Je ne fais pas de crise ! couina-t-elle. Je veux seulement m’amuser ! Ce n’était pas vrai. Elle ne voulait pas s’amuser, elle voulait seulement vaincre cette douleur lancinante qui ne lui laissait aucun répit. Le regard bleu qui était dardé sur elle était trop intense pour qu’elle puisse le soutenir. Elle trouva à nouveau refuge sur le lit.

    En draguant des inconnus dans des clubs et en te saoulant ? insista Derek, bien décidé cette fois à crever l’abcès. Où en sont tes projets d’études ? Qu’est-ce que tu as fait depuis que tu es revenue à San Francisco ? Elle haussa vaguement les épaules. Tout ce qui lui avait tellement tenu à cœur avant n’avait désormais plus aucune importance. En le perdant, lui, elle avait tout perdu. Cette idée lui fit monter les larmes aux yeux. Elle baissa la tête, pas assez vite toutefois pour qu’il ne le voit pas. Il eut mal au cœur de la sentir aussi désemparée. Mer, soupira-t-il en installant devant la jeune fille une chaise, sur laquelle il prit place. Je sais que tu es malheureuse et je sais que c’est ma faute. Mais est-ce que tu crois que ça vaut la peine de ruiner ta vie pour un homme comme moi ? Incapable de répondre, à cause des sanglots qui nouaient sa gorge, Meredith haussa à nouveau les épaules. Traîner dans les bars et boire jusqu’à plus soif, ça me connait, reprit Derek d’une voix lasse. Me taper n’importe qui aussi. Ça ne sert à rien. Ça n’aide pas. Parce qu’une fois que l’alcool s’est évaporé et que l’on se retrouve seul, la douleur est toujours là. Il fut tenté de prendre les mains de Meredith dans les siennes mais il n’osa pas. Il ne supporterait pas un nouveau rejet.

    Qu’est-ce qu’il faut faire alors ? demanda-t-elle d’une voix à peine audible.

    Emu, Derek déglutit péniblement. Attendre. Attendre que ça passe. Et rencontrer la bonne personne. Il n’y a pas de meilleur remède qu’un nouvel amour pour oublier l’ancien.

    Meredith ouvrit de grands yeux étonnés. Il semblait se résigner si vite, si facilement. Etait-ce donc ça, sa vision du grand amour ? C’est ce que tu veux ? Que je t'oublie ?

    Il hésita un instant avant de répondre. Non, ce n’est pas ce que je veux mais c’est ce que tu veux, toi. Il attendit un démenti qui ne vint pas. Ecoute, je ne voulais pas que ça se termine entre nous. Moi, je voulais que tu me donnes une autre chance. Mais tu n’en as pas eu envie. Et je peux le comprendre. Il secoua la tête. Enfin, non, je ne comprends pas mais je l’accepte. Et puisque c’est ce que tu veux, je ne comprends pas pourquoi ça te pose un problème. C’est ta décision, Meredith. Il insista lourdement sur ces mots. Tu l’as voulu et je me suis incliné. Je n’ai pas le choix de toute façon. Alors, maintenant, nous devons aller de l’avant. Chacun de notre côté, conclut-il d’une voix rauque mais ferme.


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  • La Porsche s’arrêta un peu en contrebas de la maison d’Ellis. Meredith ne bougea pas, espérant que Derek allait enfin mettre un terme au silence pesant qui avait régné depuis leur départ de Sausalito. Dire quelque chose, n’importe quoi, mais dire quelque chose. Elle n’avait cependant guère d’espoir après le jugement sans appel qu’il avait rendu une heure et demi plus tôt. Aller de l’avant, chacun de son côté… Il avait pris sa décision et elle le savait trop orgueilleux pour y revenir, tout comme elle était trop fière pour lui avouer que ce n’était pas ce qu’elle voulait. Pourtant, elle l’aimait encore, tout comme il l’aimait, elle en était certaine. Il suffisait pour cela de voir l’attitude du chirurgien, le corps raidi, les poings serrés sur le volant, le regard obstinément dirigé vers l’avant. Rien d’agressif, non, juste un immense désespoir. Derek, commença-t-elle dans un murmure.

    Il ne la laissa pas en dire plus. Il faut que j’y aille maintenant. Il ne voulait pas l’entendre prononcer les banalités qu’on se sentait souvent obligé de dire dans ce genre de circonstances, les mots soi-disant de réconfort et d’encouragement, les regrets, les promesses de rester amis… Non, ils valaient mieux que ça. Surtout, prends soin de toi, Meredith, lâcha-t-il cependant, d’une voix sourde, juste avant que la jeune fille ne sorte du véhicule. Il démarra sans attendre l’éventuelle réponse. Une douleur atroce déchira la poitrine de Meredith, la laissant sans souffle. Elle eut l’impression qu’elle allait s’effondrer sur le trottoir et ne comprit pas d’où lui venait l’énergie de rester debout. Cette fois, oui, c’était fini. Derek l’avait abandonnée. Elle ne lui avait pas laissé l’ombre d’une chance et il avait arrêté de se battre pour elle. Et maintenant, elle allait devoir trouver une raison de continuer à vivre sans lui. Le problème, c’était qu’elle n’était pas certaine d’en avoir la force. Elle avança en titubant jusqu’à la porte de la maison. Elle introduisit sa clef dans la serrure, en priant le ciel de ne croiser personne afin de pouvoir directement se réfugier dans sa chambre pour y cacher son chagrin. Mais il était dit que ce jour-là serait maudit. A peine entrée, Meredith reconnut la voix de Cristina dont chaque mot était ponctué par les gloussements d’Izzie. Elle tenta malgré tout de rejoindre discrètement l’escalier.

    Merediiiiiiiiiiiiiith ! Izzie trottina vers elle, les bras grands ouverts.

    Avant qu’elle ait eu le temps de réagir, Meredith se retrouva serrée contre son amie d’enfance. Au-dessus de son épaule, elle croisa le regard sa mère, un regard qui lui disait, Où étais-tu cette nuit ? Et avec qui ? Pourquoi n’as-tu pas téléphoné ? J’étais tellement inquiète. Et depuis quand as-tu des secrets pour moi ? Mais ce regard disait aussi, Nous parlerons de tout ça quand nous serons seules. Reconnaissante, Meredith adressa à sa mère un petit sourire plein de tendresse et de remords.

    Mer, ça faisait si longtemps, minauda Izzie en libérant sa camarade. On avait tellement hâte de te revoir.

    Tellement que vous n’êtes pas venues hier au rendez-vous ! attaqua Meredith sans l’ombre d’une hésitation. L’amitié n’était plus à l’ordre du jour. Il était fini, le temps où elle mesurait tous ses propos, pour ne pas froisser l’une, pour ne pas décevoir l’autre. Aujourd’hui, elle se moquait complètement de ménager les susceptibilités. Elle en avait assez de cette hypocrisie. Elle allait vider son sac. De toute façon, elle n’avait plus rien à perdre. Cela faisait déjà cinq minutes qu’elle avait tout perdu.

    Ah pardon ! intervint Cristina, dont le ton mielleux indiqua à Meredith qu’un coup bas se préparait. On est venue au Cellar mais tu semblais tellement occupée avec tes prétendants qu’on n’a pas voulu te déranger. Ensuite, Derek est arrivé, alors…

    Derek ? ne put s’empêcher de demander Anne Grey. Elle était sûre que c’était le prénom qu’elle avait vu accolé au nom de Shepherd, sur la plaque qui était apposée sur la porte du chirurgien qu’elle avait rencontré la veille. Elle avait eu tout le loisir de la regarder tandis qu’elle attendait dans le couloir.

    Oui, Derek Shepherd, confirma Izzie, avec un grand sourire. Elle ne résistait jamais à l’envie d’étaler les informations, vraies ou fausses, qu’elle détenait sur la vie privée des gens, qu’elle les connaisse ou pas. Le chirurgien, le petit ami de Meredith, précisa-t-elle avant de se rembrunir. Enfin, l’ex petit-ami. Ils ont rompu parce qu’il l’avait trompée. C’est dommage. Il était canon. Elle haussa légèrement les épaules en faisant une grimace avant de retrouver son grand sourire. Mais bon, il lui reste toujours Mark. Il n'est pas mal non plus. Elle croisa le regard interloqué d’Anne Grey et comprit qu’elle avait gaffé. Oh vous n’étiez pas au courant ? Cristina ne put s’empêcher de sourire. On pouvait toujours compter sur la stupidité d’Izzie pour divulguer ce qui devait rester secret.

    Cette réaction n’échappa pas à Meredith. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Il est hors de question que je reste une minute de plus dans cette maison avec vous ! cria-t-elle en sortant de la pièce. Anne la suivit aussitôt. Dans l’entrée, Meredith, bouleversée, se retourna vers sa mère. Maman, ce qu’elle a dit sur Mark, c’est faux. Elles pensent que je sors avec lui mais c’est faux. Il n’y a jamais rien eu entre nous. C’est mon meilleur ami, c’est tout.

    Je te crois, la rassura Anne. Mais Derek Shepherd ? Le regard de Meredith chavira et elle se mit à pleurer. Ma petite fille, murmura Anne, désemparée par le désespoir de sa fille qui était aussi un aveu. Cet homme… J'avais vu juste, c'était lui, ton petit-ami ? Meredith le confirma avec un signe de tête. Cet homme n’est pas pour toi, jugea Anne.

    Oh maman ! gémit Meredith, la voix cassée par l’émotion. Si, il est pour moi ! Je l’aime !

    Mais il t’a trompée, lui rappela sa mère, choquée que Meredith n’accorde pas plus d’importance à ce qui, pour elle, était la pire des infamies au sein d’un couple.

    Oui, je sais mais… Meredith mit sa main devant sa bouche pour tenter de comprimer ses sanglots. J’ai essayé, j’ai essayé tellement fort… de ne plus penser à lui, de ne plus l’aimer, de le haïr même, haleta-t-elle. Mais je n’y arrive pas. C’est trop dur, cria-t-elle, au bord de la crise de nerfs. Ça m’épuise. Et ça me détruit. Elle porta ses deux mains à hauteur de sa poitrine. Depuis que je ne suis plus avec lui, j’ai l’impression d’étouffer. C’est comme si je n’arrivais plus à respirer. Je ne peux pas vivre sans lui, maman, je ne peux pas. J’ai besoin de lui pour respirer ! Elle ouvrit la porte et partit en courant, sans se soucier des appels de sa mère.


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