• Ellis prit quelques chips et commença à les émietter, sous l’œil désolé d'Anne qui, cependant, se garda bien de faire une remarque. Au moins, pendant que sa belle-sœur s’amusait à faire ça, elle oubliait Derek. Le pauvre avait été soumis à bien rude épreuve depuis son arrivée. Même si elle était loin d’être tout à fait conquise par le personnage, Anne appréciait la façon douce et calme, toujours très aimable, avec laquelle il avait réagi à ce qu’il fallait bien appeler des attaques de la part d’Ellis. Bien sûr, en tant que médecin, il était pleinement conscient de l’état mental de son hôtesse et il en tenait compte. Mais Anne savait aussi – elle n’était pas naïve – qu’il cherchait à lui faire bonne impression, ce qu’elle trouvait par ailleurs fort positif. Bien que le connaissant à peine, elle pressentait qu’il n’était pas homme à subir tout cela sans broncher, pour quelque chose qui n’en valait pas réellement la peine à ses yeux. Cela devait donc signifier qu’il tenait vraiment à Meredith et qu’il voulait construire avec elle une relation durable et sérieuse. Et de le voir si tendre avec elle, si prévenant, si amoureux, la suivant du regard à chaque fois qu’elle faisait le moindre geste, Anne commençait à penser que cet homme, qu’elle devinait sincère, ferait tout pour rendre sa petite fille heureuse. Qu’il y parvienne était cependant encore loin d’être acquis.

    Oooh ! geignit soudain Ellis en se balançant d’avant en arrière. Je sais. C’est terrible, terrible !

    Qu’est-ce qui est terrible ? s’inquiéta Anne, tandis que Meredith se serrait un peu plus étroitement contre Derek, comme pour le protéger.

    Ellis agita sa tête dans un mouvement violent de dénégation avant de s’immobiliser brusquement, le regard fixé sur Derek. Je me souviens. Il a couché avec une de ses étudiantes et votre mère s’est tuée, lâcha-t-elle, les prenant tous les trois au dépourvu. Elle s'est jetée par la fenêtre. C’est ça, hein ?

    Meredith sentit son petit ami se raidir imperceptiblement. Mais elle n’eut pas le temps d’intervenir. Oui, Madame, c’est bien ça, dit-il toujours aussi calmement. Avant que sa belle-sœur ait eu le temps de lui dire quoi que ce soit, Ellis se leva et se dirigea vers la porte en grommelant entre ses dents. Elle m’a vraiment à la bonne, je crois, ironisa Derek. Il prit son verre de whisky et le vida d’un coup, craignant que, comme à chaque fois qu’il était amené à penser à ce moment de sa vie, le corps de sa mère réduit en bouillie ne vienne le narguer en dansant devant ses yeux. Mais, étonnamment, l’horrible vision ne vint pas au rendez-vous. Derek ne vit que le beau visage de Meredith et le regard inquiet qu’elle posait sur lui. Il lui sourit amoureusement. C’est rien, murmura-t-il pour la rassurer. Je vais bien

    Je suis désolée, s’écria Anne au comble de la confusion. Je suis vraiment, vraiment désolée.

    Ne vous excusez pas, la pria Derek. Vous n’y êtes pour rien.

    Je sais mais je suis terriblement embarrassée tout de même. C’est tellement grossier, ce qu’elle vous a dit. Mais elle est malade, insista Anne pour justifier le comportement de sa belle-sœur. Si elle n’était pas malade, elle saurait que ce ne sont vraiment pas des choses à dire.

    Pour une fois qu’elle se souvient d’autre chose que d’Oncle Thatcher, il a fallu que ce soit ça ! déplora Meredith avec amertume. Comment est-ce possible qu’elle soit au courant de cette histoire ? s’étonna-t-elle. Par sa copine Maureen ?

    Derek haussa les épaules. Sans doute. A l’époque, ça avait fait pas mal de bruit. Alors si en plus, cette femme était proche de mon père…

    C’est dingue quand même ! s’exclama la jeune fille. Elle ne se souvient presque plus de sa propre vie mais de cette histoire, oui, alors qu’elle n’est même pas concernée. C’était juste un fait-divers pour elle. Je me demande pourquoi ça l’a tellement marquée.

    Ça peut être plein de choses, estima Derek. La personne qui le lui a raconté, la façon dont ça a été fait, ce qu’on lui a dit… Et puis, tu sais, le cerveau humain, ça reste un organe très mystérieux. Il y a encore tant de choses qu’on ignore sur son fonctionnement. Pourquoi on se souvient d’une chose et pas d’une autre ? Il grimaça. On n’en sait rien.

    Oui, eh bien, ça fait pas nos affaires, tout ça ! conclut Meredith. Depuis que tu es arrivé, elle n’arrête pas de s’en prendre à toi. Tu parles d’une soirée ! ajouta-t-elle avec un regard critique à l’intention de sa mère, comme si la pauvre avait une quelconque responsabilité dans les évènements.

    Bah ce n’est pas bien grave, tempéra Derek. Ta maman a raison. C’est la maladie qui la rend comme ça.

    J’ai eu l’impression qu’en fait, elle voulait seulement se souvenir de tout ce que votre nom évoquait pour elle, embraya Anne. Elle voulait juste aller au bout de son idée. Elle ne s’est pas rendu compte à quel point c’était cruel de vous parler de vos parents de cette façon. Ses yeux se teintèrent de compassion. Vraiment, Derek, je ne sais pas comment… 

    Il lui coupa la parole. Ce n’est rien. Vous savez… – cette fois, il osa passer le bras autour des épaules de sa petite amie pour la serrer un peu plus fort contre lui – je crois qu’en avoir parlé à Meredith m’a libéré d'une certaine façon. Bien sûr, ce n’est pas facile pour moi d’y penser mais… mais ça ne me bouleverse plus comme avant. Il couva la jeune fille d’un regard alliant admiration et amour. Je crois bien que tu as réussi à me guérir de ça aussi.


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  • Derek déposa sa fourchette sur son assiette à dessert et se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Je n’en peux plus ! s’exclama-t-il en posant ses deux mains sur son ventre supposé être rebondi. J’ai mangé comme un ogre. Anne, vous êtes la meilleure cuisinière que je connaisse. Je serais prêt à me damner pour vos cakes au crabe.

    Merci, mais c’était un diner tout simple pourtant, assura Anne que le compliment avait fait rougir.

    Vous êtes trop modeste, estima Derek. Il y avait très longtemps que je n’avais plus aussi bien mangé et je ne dis pas ça pour vous flatter.

    Meredith émit un petit rire. Ah ça, tu peux en être sûre. La flatterie, c’est vraiment pas son genre.

    Derek la regarda en souriant et lui prit la main pour la poser sur sa cuisse. Toi, ton crumble était une vraie tuerie. La jeune fille se serra contre lui. Elle était aux anges. Tout compte fait, le diner s’était parfaitement déroulé. Ellis n’avait plus fait que de brèves apparitions au cours desquelles elle n’avait plus prêté la moindre attention à Derek. Ce dernier avait fait honneur aux plats d’une façon qui avait ravi la maitresse de maison autant qu’elle avait étonné Meredith – elle ne l’avait jamais vu manger autant et de si bon appétit. Le vin et la bonne chère aidant, il s’était détendu et avait fini par se comporter tout à fait naturellement. Il s’était même enhardi à interroger Anne sur la petite fille et l’adolescente qu’avait été Meredith. Quelques anecdotes les avaient fait rire aux éclats. De son côté, il avait répondu de bonne grâce aux quelques questions qu’Anne lui avait posées sur sa jeunesse - tout en évitant soigneusement le sujet de la famille, ce qu’il avait apprécié – et sur son métier. Anne avait ainsi découvert un homme charmant et plein d'humour, mais aussi bien moins sûr de lui qu'elle l'avait cru et très sensible. Lorsque mère et fille s’étaient retrouvées en cuisine, Anne avait confié à Meredith qu’elle commençait à apprécier son petit ami. En tout cas, elle comprenait mieux pourquoi sa fille était tombée aussi follement amoureuse de lui. La soif d’absolu de Derek ne pouvait que plaire à l’idéaliste qu’était Meredith. Il y avait en outre chez lui un très séduisant mélange de force, de maturité qu’on ne pouvait que trouver rassurante, et de fragilité, un côté presqu’enfantin qui aurait éveillé l’instinct maternel chez la plus dure des femmes.

    Que diriez-vous d’un petit café ? proposa Anne à son invité.

    Ah volontiers ! Rien de tel après un bon repas. Anne n’était pas encore sortie de la pièce que Derek se tournait vers sa petite amie et déposait un baiser sur le bout de son nez. Maintenant, je sais d’où tu tiens tes talents de cuisinière.

    Oh je ne suis pas encore aussi douée qu’elle, reconnut Meredith. Mais j’y travaille.

    Finalement, ça va être assez sympa de sortir avec toi, plaisanta Derek.

    Ouais, ben, si tu espères que je vais te faire des diners comme ça tous les jours, tu rêves, rétorqua Meredith.

    Houlà ! Tu te rebelles déjà ? Je ne sais pas si je vais te garder, riposta Derek dont le regard tendre démentait tout envie de rupture.

    Les amoureux tournèrent la tête en entendant Ellis qui s’asseyait à la table. Tu veux du crumble aux myrtilles, Tante ? proposa Meredith. C’est moi qui l’ai fait.

    C’est bon, les myrtilles ? demanda Ellis comme si elle n’en avait jamais mangé.

    Mais tu le sais bien, voyons, répondit Anne qui revenait avec le café. Tu adores les myrtilles.

    Meredith coupa un gros morceau de gâteau et le déposa sur une assiette qu’elle présenta à sa tante. Celle-ci prit la pâtisserie à pleine mains et mordit dedans avec appétit. Elle hocha la tête. Mmm oui, c’est bon, dit-elle, la bouche encore pleine, n’attendant pas pour mordre une seconde fois dans le crumble.

    Ne mange pas si vite, recommanda Anne. Tu as le temps.

    Y en a encore ? s’inquiéta sa belle-sœur.

    Mais oui, regarde, dit Meredith en lui montrant le reste du crumble.

    Ellis hocha la tête d’un air satisfait. Cependant, après une troisième bouchée, elle renonçait déjà au dessert. Elle promena son regard absent autour d’elle, ne semblant prêter attention à rien jusqu’à ce qu’elle se fixe sur Anne qui versait le café dans les tasses. Elle suivit des yeux le mouvement du bras qui se tendait vers Derek pour lui donner sa tasse et ce fut alors qu’elle remarqua la présence du médecin. Oh vous êtes là ? minauda-t-elle.

    Oui, Madame, et j’espère que cela ne vous contrarie pas, dit prudemment Derek que l’air subitement amical d’Ellis ne rassurait pas, que du contraire.

    Ellis l’enveloppa d’un regard charmeur, presque coquin, qui la rajeunit considérablement. Je sais ce que vous attendez de moi mais je ne peux pas ! Vous ne pouvez pas me demander ça.

    Très bien. Alors, je ne demanderai rien, promit Derek en souriant. Ça n’a pas d’importance. Il porta la tasse de café à ses lèvres en attendant avec méfiance la suite des évènements.  


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  • Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, vous savez, répliqua Ellis en commençant à s’agiter nerveusement sur sa chaise. Au contraire, j’en ai très envie, vraiment, mais… mais je ne peux pas.

    Derek manifesta son approbation d'un léger signe de la tête en se demandant à quoi Ellis faisait allusion. Je comprends très bien. Si vous ne pouvez pas, il ne faut surtout pas vous forcer.

    Ce ne serait pas correct vis-à-vis de Thatcher, insista Ellis.

    Bien sûr, bien sûr, dit Derek à court d’arguments.

    De quoi elle parle ? chuchota Meredith à l’intention de sa mère. Celle-ci haussa légèrement les épaules. Elle avait renoncé à essayer de comprendre les délires de sa belle-sœur. Il fallait juste attendre que ça se termine.

    Thatcher est très gentil, vous savez. Il ferait tout pour moi, affirma Ellis en s’adressant toujours exclusivement à Derek.

    J’en suis certain, répondit celui-ci. Bon sang, quand est-ce qu’elle va me lâcher ? pensa-t-il en son for intérieur. Il jeta un regard désespéré à Meredith.

    Comprenant sa détresse, elle vint à son secours. Tiens, et Tiffany, comment va-t-elle ? Elle se remet bien de son opération ?

    Oui, oui, s’exclama Derek, tout heureux qu’elle lui offre une échappatoire. Jusqu’à présent, on n’a remarqué aucune séquelle. Aucun trouble du langage, pas de défaut de mémoire. Elle a vraiment bien récupéré.

    Oh génial ! Meredith se tourna vers sa mère pour lui expliquer ce dont ils parlaient. C’est la petite fille qui avait une tumeur au cerveau et que Derek a opéré. Je t’en ai parlé, tu te souviens ? Anne hocha la tête. C’est presque encore un bébé, s’attendrit Meredith. Tous les médecins avaient refusé de l’opérer. Heureusement que Derek était là ! Il lui a sauvé la vie. Elle posa sur son amant un regard empli d’admiration.

    Mais est-ce que ce n’était pas risqué ? questionna Anne.

    Oui, bien sûr, reconnut Derek. Mais il y a toujours des risques, quelle que soit l’intervention, aussi bénigne soit-elle.

    Oui mais là, tous vos confrères avaient refusé de faire cette opération, d’après ce que Meredith m’a raconté, lui fit remarquer Anne. Et pourtant, vous, vous avez accepté alors que vous aviez peu de chances de réussir. Par goût du risque justement ?

    Derek sourit légèrement. Oh sûrement. Un peu. Mais pas seulement, ajouta-t-il précipitamment, de crainte qu’Anne ne le trouve trop désinvolte avec la vie de ses patients. Je ne me suis pas lancé là-dedans à l’aveuglette. J’avais étudié le dossier à fond, j’avais lu des comptes-rendus, j’avais prévu plusieurs procédures. Mais pour le reste… Je fonctionne beaucoup à l’instinct, vous savez, et jusqu’à présent, il ne m’a pas trompé. Et quand j’ai vu la tumeur sur les clichés, mon instinct m’a dit que je pouvais réussir. Comment vous dire ? J’ai su que… Il s’interrompit soudain parce qu’Ellis était venue prendre place sur la chaise libre qui se trouvait à côté de la sienne. Il attendit quelques secondes pour voir ce qui allait se passer mais comme elle restait immobile et silencieuse, se contentant de le regarder sans expression particulière, il poursuivit. J’ai su que je pouvais sauver cette petite. Si j'avais pensé le contraire, je n'aurais pas pris le risque.

    Elle te doit une fière chandelle, en tout cas ! conclut Meredith. Elle écarquilla les yeux en voyant sa tante passer la main dans les cheveux de Derek.

    Ils sont tout doux, murmura Ellis avec une voix de petite fille, tandis qu'elle jouait avec les grosses boucles du chirurgien, lequel ne savait comment réagir. En temps habituel, il n’aurait jamais permis qu’une personne qui ne faisait pas partie de ses intimes, se laisse aller à une telle familiarité, mais là, il s’agissait d'une malade qui se trouvait être la belle-sœur de la femme à laquelle il voulait faire bonne impression. Il ne voyait pas d’autre solution que de laisser faire et prendre son mal en patience. Ellis finirait bien par se lasser.

    Tu vois qu’elle t’aime bien, se moqua Meredith.

    Et si tu laissais un peu Derek tranquille ? suggéra Anne à sa belle-sœur avec sa gentillesse coutumière. Tu le gênes.

    Ellis l’ignora complètement. Tu es beau, susurra-t-elle à l’intention du chirurgien, avec un sourire béat. Très, très beau.

    Euh… Derek ne cacha pas qu’il était embarrassé. Que pouvait-il répondre à cela ? Merci. Vous êtes très gentille. 

    Elle doit te prendre pour son mari, commenta Meredith que l’attitude de sa tante agaçait autant qu’elle l’amusait. Quoique Oncle Thatcher n’était pas si beau que ça, pour ce que je m’en souviens. Ben quoi ? J’ai raison, dit-elle à sa mère qui lui faisait de gros yeux. Oncle Thatcher était pas terrible.

    Anne soupira en guise de désapprobation. Allez, Ellis, arrête de décoiffer ce pauvre Derek, dit-elle à sa belle-sœur sur un ton un peu plus sévère. Ce n’est pas une poupée.


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  • Ellis, imperméable à toute remarque, abandonna la chevelure de Derek pour caresser sa joue. Devinant que son petit ami n'osait pas lui faire une remarque, Meredith décida de le faire à sa place. Bon, maintenant, c’est fini. C’est mon amoureux et il n’y a que moi qui ai le droit de jouer avec lui, dit-elle avec un sourire un peu crispé tout en retirant la main de sa tante du visage de son ami.

    Contre toute attente, Ellis ne protesta pas. Bien au contraire, elle sembla se désintéresser totalement de celui qui avait été l’objet de toutes ses attentions juste quelques secondes plus tôt, et commença à plier et déplier une serviette de table. Donc, Derek, vous avez fait vos études à Berkeley, demanda Anne pour relancer la conversation.

    Oui, mais dans mon cas, ce n’était pas un choix, lui apprit Derek avec un sourire un peu nostalgique. Moi, je voulais aller à Harvard. C’est le top pour la médecine et puis, c’est l’Ivy League, vous voyez ? Anne acquiesça avec un petit sourire. Malheureusement, mon père en avait décidé autrement. Cela dit, je n’ai pas eu à me plaindre de Berkeley, ajouta Derek pour rassurer son interlocutrice. J’y ai reçu une excellente formation. C’est juste que d’un point de vue personnel, j’aurais préféré être à des milliers de kilomètres de San Francisco.

    Je comprends, assura la mère de Meredith en reprenant sa tasse de café.

    J’ai envie de baiser, laissa tomber Ellis, en se tournant vers Derek comme si c’était la chose la plus naturelle à lui dire. Elle ne remarqua pas son léger sursaut pas plus qu’elle ne vit le regard interloqué qu’échangeaient sa belle-sœur et sa nièce.

    C’est normal. C’est un désir tout à fait naturel, répondit Derek le plus sereinement possible, tout en se demandant si elle ne faisait qu’exprimer un besoin ou si elle lui lançait une invitation. Il devina qu’Anne, dont les sourcils s’étaient froncés, allait intervenir et il lui fit un discret signe de la tête pour l’en dissuader. Il pouvait comprendre qu’elle soit gênée que sa belle-sœur fasse état de ses envies les plus intimes de façon aussi claire et triviale, en présence d’un invité qui plus est, mais une leçon de morale n’aurait aucun effet sur Ellis, si ce n’est de la culpabiliser et de déclencher une crise d’angoisse.

    Le visage d’Ellis portait la marque de la plus totale innocence lorsque, sous la nappe, elle posa la main sur l’entrejambe de Derek, tâtant son sexe sans ménagement. Hou ! Qu’il est gros, s’écria-t-elle, admirative.

    Méfiante, Meredith fronça les sourcils. De quoi elle parle ?

    Sans prendre le temps de lui répondre, Derek saisit gentiment mais fermement la main d’Ellis pour la poser sur la table. Je ne veux pas que vous fassiez ça.

    En voyant leurs mains surgir d’en-dessous de la nappe, Meredith comprit ce dont sa tante était coupable. Ses yeux s’écarquillèrent à nouveau sous l’effet de la stupéfaction. Tante ! Tu n’as pas le droit… Derek la fit taire d’un regard. Il était inutile de faire un esclandre pour un acte qui n’avait guère d’importance en soi, d’autant que celle qui l’avait commis n’en mesurait pas la portée. 

    J’ai envie de le sucer, lâcha Ellis avec un sourire candide, tout en essayant de remettre la main sur l’objet de son désir. A nouveau, Derek l’en empêcha en la prenant solidement par le poignet.

    Ce fut au tour d’Anne de réaliser ce qui se passait. Ellis ! s’exclama-t-elle, scandalisée. Tu ne peux pas dire des choses comme ça. Ça ne se fait pas.

    Sa voix stridente énerva la malade qui recommença à s’agiter sur sa chaise. Mais je veux le sucer, se mit-elle à crier à son tour. J’en ai envie.

    Derek se rendit compte que la situation était en train de leur échapper et que s’il n’y mettait pas bon ordre, Ellis serait bientôt hors de contrôle. Il était temps qu’il cesse d’être le petit ami discret, presque timoré, qu’il avait été jusqu’à présent et qu’il redevienne le médecin sûr de lui qu’il avait toujours été. C’est normal que vous ressentiez ces envies, redit-il à Ellis du même ton posé et rassurant qu’il employait avec ses patients. Il n’y a rien de mal à ça, vraiment pas. Mais il ne faut pas compter sur moi pour les satisfaire parce que moi… Il se tourna vers Meredith et lui prit la main. Moi, je suis amoureux de votre nièce. Je suis amoureux de Meredith. Vous comprenez ? Ellis hésita un instant avant de hocher lentement la tête. C’est pour ça que je ne peux pas accepter votre geste. Ce n’est pas correct vis-à-vis de Meredith. Et surtout, je n’en ai pas envie. Soudain, les traits de son visage se détendirent et il prit un ton plus guilleret, pour ne pas culpabiliser la malade. Mais vous devriez user de vos charmes sur un autre que moi. Je suis certain que vous devez avoir au moins deux ou trois voisins à qui vous plaisez beaucoup. Un sourire timide naquit sur les lèvres d’Ellis. Allez, vous pouvez me le dire, à moi, insista Derek avec un clin d’œil complice. Vous devez bien avoir quelques amoureux dans le quartier ?

    Tout en rentrant légèrement la tête dans ses épaules, avec des yeux pétillants de malice, Ellis cacha sa bouche derrière sa main, en même temps qu’elle faisait entendre un rire de petite fille. Oh petit coquin ! Qu’allez-vous penser ? Je n’ai pas d’amoureux. Je suis une femme mariée, vous savez.

    Derek lui sourit presque affectueusement. Oui, vous êtes mariée avec Thatcher, votre grand amour.

    Ellis opina doucement de la tête. Il faudra que je vous présente à lui un jour. Je crois que vous vous entendrez bien, tous les deux. Après avoir posé sa main sur celle du médecin et l’avoir tapotée légèrement trois ou quatre fois, elle se leva et quitta la pièce sans un mot.


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  • Confortablement installé dans le canapé du salon, son bras entourant Meredith qui était mollement alanguie contre lui, Derek but la dernière gorgée de café contenue dans sa tasse avant de déposer celle-ci sur la table basse. Un rapide et discret coup d’œil en direction de l’horloge murale lui indiqua qu’il était largement plus de minuit. Il se fait tard. Je vais vous laisser, annonça-t-il, une once de regret perçant dans son intonation.

    Meredith se serra contre lui, en passant son bras sous le sien. Oh déjà ? 

    Un léger sourire sur les lèvres, il déposa un baiser sur les cheveux de la jeune fille, à la naissance de son front. Oui, je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité. Elle haussa les épaules pour lui indiquer que cela n’avait aucune importance. Le sourire de Derek s’étira encore un peu. En plus, j’ai une importante opération prévue à la première heure demain matin. Alors, si je veux être en forme, il vaut mieux que je parte maintenant. Il se leva du canapé, aussitôt imité par Meredith, et se tourna vers Anne qui s’était mise debout, elle aussi. Merci beaucoup pour cette soirée. Elle a été très agréable.

    Vraiment ? Pourtant, ma belle-sœur vous a mené la vie dure, dit-elle sur un ton désolé.

    Pensez-vous ! J’en ai vu d’autres. Et puis, votre succulent diner a très largement compensé ces quelques petits incidents, plaisanta Derek, sa main agrippée à celle de Meredith.

    Flattée bien qu’elle se défendît de l’être, Anne éclata d’un petit rire primesautier. Eh bien tant mieux ! Au moins, vous n’aurez pas tout perdu. Elle redevint sérieuse. Je voudrais vous remercier pour la façon dont vous vous êtes comporté avec Ellis. Elle a été impossible et…

    Derek l’interrompit. Non, pas elle. C’est sa maladie qui est impossible. Elle, elle est charmante, j’en suis sûr. Touchée par ces mots, Anne se contenta de hocher la tête. Il lui tendit la main. Merci de m’avoir reçu. Au risque de me répéter, j’ai vraiment passé un très bon moment.

    Oui, c’était agréable, reconnut Anne en lui rendant sa poignée de main. Je suis contente que nous ayons pu faire un peu mieux connaissance. J’espère qu’il y aura d’autres soirées comme celles-ci.

    Oh oui ! Nous allons être amenés à nous revoir assez souvent, je pense, répliqua Derek en se tournant tout sourire vers Meredith. Tu m’accompagnes jusqu’à la voiture ? Elle accepta d’un signe de tête, trop heureuse d’avoir enfin la possibilité de se retrouver un peu seule avec lui.   

    Quelques minutes plus tard, les deux amants étaient à l’extérieur de la maison. C’est vrai, tu as passé une bonne soirée ? s’enquit Meredith en levant la tête vers Derek, alors qu’ils traversaient la rue, tendrement enlacés.

    Oui, bien sûr, affirma-t-il en la serrant contre lui. Je n’ai jamais été aussi stressé de ma vie mais finalement, c’était très sympa.

    Stressé ? A cause de maman ? demanda-t-elle avec un sourire un peu moqueur. Elle te faisait donc si peur ?

    Non, pas peur mais… je sais à quel point son avis compte pour toi, alors je voulais lui faire une bonne impression. Ils arrivèrent à la voiture et Derek adossa Meredith contre la carrosserie avant de se coller contre elle. Je voulais qu’à la fin de la soirée, elle se dise que tu n’avais pas fait d’erreur en me donnant une autre chance. 

    Touchée par cet aveu, Meredith lui passa la main sur la joue. Merci de t’être infligé tout ça pour moi. Elle posa son visage contre le torse de son amoureux.

    Bah, ça n’a pas été si terrible après tout. Derek lui caressa les cheveux avant de la prendre par les hanches. Et avoir été caressé par ta tante restera un des grands moments de mon existence, murmura-t-il.

    Oh ça ne m’étonne pas, rétorqua Meredith en le regardant d’un air provocant. Elle est douée. C’est de famille.

    Ouais. Enfin… Derek fit la moue. Ta tante a un certain doigté.

    Et moi pas ? l’interrogea Meredith, les yeux étincelants de malice. Parce qu’il faisait une autre grimace tout aussi dubitative, elle mit la main sur son pénis, le malaxant délicatement à travers le tissu du pantalon. La réaction ne se fit guère attendre. Le sexe de Derek se gonfla de désir. On dirait bien que mon doigté n’est pas trop mal, en fin de compte, conclut Meredith, triomphante.

    On dirait bien, répéta Derek, la voix rauque et le souffle haletant. On pourrait peut-être monter dans la voiture pour approfondir un peu le sujet.

    On pourrait. Meredith lâcha le pantalon de Derek et laissa retomber le bras le long de son corps. Mais il vaut mieux remettre ça à une autre fois. Elle planta son regard espiègle dans celui de son petit ami avant d’embrasser furtivement ses lèvres. A plus, bébé. Elle fit aussitôt demi-tour et repartit d’un pas nonchalant vers la maison de sa tante, en ondulant du bassin plus qu’il n’était nécessaire.

    A plus, bébé ? s’exclama Derek en la regardant partir avec un air ébahi. C’est tout ce que tu trouves à dire ? Tu as vu dans quel état je suis ? Pour toute réponse, elle agita sa main droite en l’air. T’as pas le droit de me laisser comme ça ! lui cria-t-il alors qu’elle atteignait déjà le trottoir d’en face.

    Le rire coquin de Meredith retentit. On parie ? lança-t-elle en ouvrant la porte de la maison. Elle se retourna et embrassa le bout de ses doigts avant de souffler dessus en direction de son amant. La seconde d’après, elle n’était déjà plus là. Un sourire amusé sur les lèvres, Derek contourna sa voiture en hochant la tête. Si ingénue fût-elle, cette fille savait comment le tenir !


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