• Il y a eu quelques petits problèmes, déclara Derek sans plus de précisions, en espérant que Meredith saurait se contenter de cette vague explication. Mais maintenant, ça va. Normalement, ils devraient rentrer dans trois ou quatre jours.

    Des problèmes ? Quels problèmes ? l’interrogea Meredith en se savonnant. Le bébé va bien quand même ?

    Le bébé se porte comme un charme. C’est la maman qui a eu quelques soucis, lui révéla Derek en sortant une serviette de bain de l’armoire. Elle a fait une hémorragie dans l’ambulance. Heureusement, on arrivait à la clinique et ils ont pu l’opérer tout de suite. Elle a eu de la chance.

    Oh là là ! Meredith posa sur lui de grands yeux abasourdis. En tout cas, elle te doit une fière chandelle. Si tu n’avais pas été là…

    Derek fit une petite moue. Oh tu sais, je n’ai pas fait grand-chose.

    Meredith prit un ton quelque peu ironique. Non, bien sûr ! Tu l’as juste aidée à avoir son bébé et tu lui as sans doute sauvé la vie. Elle coupa l’eau avant de sortir de la douche pour s’enrouler dans la serviette que Derek lui présentait. J’espère qu’ils vont au moins lui donner ton prénom.

    Il la regarda avec un air amusé. Et pourquoi tu voudrais qu’ils fassent ça ?

    Ben, pour te remercier. Pour t’honorer.

    Pour m’honorer ? Il se mit à rire. Tu m’en diras tant ! Eh bien, désolé de te décevoir, mais ils l’ont appelé Jason.  

    Jason ? Meredith fit la moue. Ouais. C’est pas vilain. Mais Derek, ça aurait été beaucoup mieux.

    Derek rit de plus belle devant son air déconfit. Ils ont quand même le droit d’appeler leur gamin comme ils veulent !

    Oui, bien sûr. Ils vont peut-être te choisir comme parrain, insista Meredith en frottant vigoureusement la serviette sur son corps mouillé. Pour elle, en accouchant Naomi de la façon dont ça s'était passé, le chirurgien avait posé un acte réellement héroïque. Elle estimait qu’il devait lui être rendu hommage d’une façon ou d’une autre.

    Je ne crois pas, non, rétorqua Derek, amusé par son entêtement. Et surtout, je ne le souhaite pas. C’est bien trop de responsabilités. Et puis, j’ai déjà trop peu de temps libre. Je préfère de loin te le consacrer plutôt que de m’occuper du fils des voisins.

    Le sourire éblouissant de la jeune fille le récompensa pour cette charmante pensée. Elle passa dans la chambre et il la suivit, s’asseyant sur le lit aux draps défaits, pour la regarder choisir ses vêtements dans la garde-robe. Qu’est-ce que tu penses de Nathan ? laissa-t-elle soudain tomber alors qu’elle tenait deux cintres à bout de bras, hésitant sur la couleur du corsage.

    Qui est Nathan ? demanda Derek en haussant les sourcils.

    Personne. Meredith le regarda en hochant la tête, à la fois moqueuse et indulgente. C’est juste un prénom que j’aime bien. Elle opta pour le haut bleu turquoise et fit rependre le rouge. Ça me plairait qu’on appelle notre fils comme ça.

    Il fallut quelques secondes pour que Derek réagisse. No… notre… fils ? ânonna-t-il.

    L’ébahissement mêlé de frayeur qui s’afficha sur son visage fit sourire Meredith. Ne t’inquiète pas. Je ne suis pas en train de t’annoncer que je suis enceinte. Tu ne risques rien pour le moment, certifia-t-elle, railleuse. Elle fit glisser quelques cintres sur la tringle et, après une brève hésitation, saisit un pantalon de toile chocolat. Alors ? Nathan, ça te plait ? Nathan Shepherd, ça sonne bien, non ?

    Euh… oui… Je ne sais pas trop, répondit Derek, encore abasourdi par ce qu’elle venait de lui dire. Il la savait prête à assumer un enfant non désiré mais il ne lui était encore jamais venu à l’idée que Meredith voudrait volontairement avoir des enfants un jour. Il s’était imaginé – sottement, semblait-il maintenant – que leur amour comblait tous ses désirs et qu’elle n’avait ni besoin ni envie de rien d’autre. 

    De toute façon, on a encore le temps d’y penser, souligna la jeune fille sans réaliser à quel point ses propos avaient perturbé son compagnon. Tant que je n’aurai pas terminé mes études, il n’est pas question d’avoir des enfants. Après avoir pris des sous-vêtements dans la commode, elle fit demi-tour pour se diriger vers la salle de bain. Ce fut alors qu’elle remarqua l’air préoccupé de Derek. Ça ne va pas ? s’inquiéta-t-elle. Tu as un problème ? 

    Non, non. Le sourire qu’il lui fit fut quelque peu figé. Je pense déjà à mon intervention, c’est tout, prétendit-il en espérant qu’il était convaincant. C’est un cas un peu compliqué, tu vois. Il ne voulait pas déclencher maintenant une discussion qu’il aurait été incapable de soutenir. Il fallait d’abord qu’il mette un peu d’ordre dans toutes les pensées qui étaient en train de se bousculer dans sa tête.

    Meredith parut soulagée. Ah d’accord ! Alors, je te laisse te concentrer. Encore cinq petites minutes et on pourra partir, promit-elle en disparaissant à nouveau dans la salle de bains. Derek resta assis sur le lit, hébété, avec l’horrible impression qu’une fois encore, le bonheur qu’il avait si difficilement acquis n’allait pas tarder à lui être enlevé et que toute son existence allait être réduite à néant.  


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  • C’est ça, cocotte ! On en reparlera tout à l’heure, tonitrua Mark, hilare, avant de refermer la porte du vestiaire qu’il partageait avec Derek. Celle-là, ça fait une semaine qu’elle me chauffe, dit-il à son meilleur ami qu’il avait entraperçu en entrant dans la pièce. Sans vraiment lui prêter attention, il continua à lui parler tout en retirant sa veste qu’il fit pendre dans son casier. Elle croit qu’elle peut me faire tourner en bourrique mais pas à moi, mon vieux, pas à moi. Ce soir, elle va savoir comment je m’appelle. Il abaissa les yeux vers son bassin avec une satisfaction évidente. Ça tombe bien parce que Hulk en a plus que marre de rester inactif. Il a envie de mettre le nez dehors pour autre chose que pisser. Etonné du manque de réaction de Derek, Mark se tourna vers lui. Ce fut seulement à ce moment qu’il remarqua sa posture, assis sur un banc, la tête penchée en avant et les yeux qui paraissaient rivés sur ses mains jointes. Mark soupira, devinant instantanément quel allait être le sujet de la discussion. Ça ne s’est pas arrangé avec Meredith ? demanda-t-il doucement, comme s’il ne voulait pas traumatiser son meilleur ami plus qu’il ne semblait déjà l’être. Il n’obtint aucune réponse. Derek… L’intéressé releva enfin la tête et Mark fut frappé par le désespoir qui assombrissait son regard. Qu’est-ce qui se passe ? C’est à cause de Meredith ? Derek opina légèrement de la tête. Mais nom de dieu ! s’emporta Mark. Quand est-ce que vous allez cesser de jouer tous les deux ? Tu l’aimes. Elle t’aime. Alors qu’est-ce que vous attendez pour vous remettre ensemble et arrêter de faire chier le monde ?

    On est de nouveau ensemble, Mark, répondit Derek d’une voix lasse. C’est pas ça, le problème.

    Pressentant que la conversation allait être longue, Mark vint s’asseoir à côté de lui. Alors, c’est quoi cette fois ?

    Est-ce que tu… Derek se tut, hésitant quant à la façon de formuler sa question. Est-ce que tu crois… Il soupira et Mark se demanda ce qu’il avait de si difficile à dire. Est-ce que tu m’imagines en père de famille ? lâcha enfin Derek.  

    Mark écarquilla les yeux. Toi ? Euh… Pourquoi tu me demandes ça ? Tout à coup, il fronça les sourcils. Ah non ! Me dis pas que Mer est enceinte ! Son estomac qui se nouait et la sensation d'avoir une boule dans la gorge lui indiquèrent que les sentiments qu'il éprouvait pour la jeune fille n'avaient pas diminué autant qu'il se plaisait à le croire, ce qui le contraria fortement.

    Agacé, Derek fit claquer sa langue contre son palais. Mais non ! C’est juste une discussion qu’on a eue. Comme ça.

    Et c’est une simple discussion qui te met dans un état pareil ? s’étonna Mark, tout en se reprochant les illusions que, de toute évidence, il entretenait encore, compte tenu du soulagement qu'il venait de ressentir en apprenant que Meredith n'allait pas devenir mère de famille.

    Derek regarda son ami avec un air choqué. Est-ce que tu as compris ce que je viens de te dire ? Elle veut un enfant, Mark ! Pas tout de suite, bien sûr, crut-il bon de préciser. Pas avant d’avoir fini ses études en tout cas, mais tout de même… Quand tu penses qu’elle a déjà réfléchi au prénom ! s’écria-t-il avec un ton horrifié.

    Mark ne put s’empêcher de sourire. Cela ne le surprenait pas du tout. Au contraire, il imaginait sans peine la petite fille de Crestwood planifier sa vie future jusque dans les moindres détails. Maintenant qu’elle avait trouvé l’homme de sa vie, elle pouvait commencer à mettre tout en place pour que ses rêves deviennent rapidement réalité. C’est pas un drame, tout de même ! dit-il en réaction à la mine consternée de Derek. Celui-ci marqua son désaccord en le fusillant du regard. Guère impressionné, Mark se pencha pour retirer ses chaussures. Et comment vous en êtes arrivés à parler de ça ? se renseigna-t-il. Elle t’a dit de but en blanc qu’elle voulait un môme ?

    Oui… enfin, non, pas vraiment. On était chez moi et Naomi a eu un problème, expliqua Derek. J’ai dû l’accoucher sur place et…

    Mark eut un léger sursaut. Evidemment, il connaissait très bien Naomi et Bill pour avoir passé, chez Derek, quelques soirées en leur compagnie dont il gardait un excellent souvenir. Il n'attendit pas que son ami ait terminé sa phrase pour lui demander des nouvelles de la jeune femme. Ah merde ! Et ça va ?

    Oui, oui, ils vont bien. Elle a eu un garçon, précisa Derek avant de poursuivre son récit, sans laisser à Mark la possibilité de poser plus de questions. Meredith était là et évidemment, elle a assisté à la naissance.

    Et ça lui a donné des idées, déduisit Mark en souriant.

    Derek secoua la tête avec un air sombre. Elle n'a pas attendu ça pour en avoir. Apparemment, elle avait déjà réfléchi au sujet bien avant.

    Ça t’étonne ? se moqua Mark. Eh bien, finalement, t’es pas très futé comme mec ! Il ignora le regard mauvais que lui lança Derek. Parce que, en général, quand tu tombes sur une nana qui est restée vierge jusqu’à l’âge de vingt ans dans le but de se réserver pour l’homme de sa vie, si tu es un tant soit peu malin, tu devines ce qui va suivre, proféra-t-il d’un ton un rien condescendant. Mariage, enfants, la totale, quoi ! Il émit un petit rire moqueur. T’es foutu, mon gars ! Ou tu y passes ou ça casse.

    Derek réalisa que son meilleur ami était bien plus clairvoyant que lui. Jusqu’à ce qu’elle le lui dise clairement, jamais au grand jamais il n’avait même pensé que Meredith désirait avoir des enfants. Il avait cru qu’elle voulait seulement la même chose que lui, qu’ils soient ensemble tout simplement. Il n’avait pas imaginé que cela ne lui suffirait pas, qu’elle attendait plus de la vie et de lui. Pourtant, maintenant que Mark le lui avait fait remarquer, cela lui semblait tellement évident. De nos jours, quelle jeune fille décidait de son propre chef, sans aucune considération d’ordre religieux, de rester pure jusqu’à ce qu’elle rencontre celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie ? Sans nul doute, une jeune fille qui croyait en certaines valeurs et qui considérerait sa vie comme non accomplie si elle ne fondait pas une famille. Une jeune fille intègre qui n’accepterait jamais, même par amour, de renoncer à ses rêves et qui ne pourrait plus aimer celui qui voudrait les lui faire abandonner. Je ne peux pas vivre sans elle, murmura-t-il. Autant mourir tout de suite.


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  • Mark bondit de son banc. T’es con ou quoi ? fustigea-t-il son camarade. Qui parle de mourir ? Il alla claquer bruyamment la porte de son casier qu’il avait laissée ouverte. Tout ce que tu as à faire, c’est de lui faire un moutard. Y a des trucs plus rébarbatifs que ça ! Enervé, il rouvrit son casier et y prit sa tenue qu’il jeta sur le banc. Si ça te pose un problème, je m’en chargerai !

    Ce n’est pas de faire un enfant qui me pose un problème ! répliqua sèchement Derek. C’est de l’élever !

    T’auras qu’à laisser faire Meredith, décréta Mark en commençant à déboutonner sa chemise.

    Derek leva les yeux au ciel. Ce n’est pas aussi simple que ça, Mark ! Il ne se sentait guère la fibre paternelle mais il estimait que lorsqu’on avait un enfant, on n’avait pas le droit de se décharger de toutes ses responsabilités sur une tierce personne, fut-elle l’autre parent. Il avait trop souffert de l’indifférence des siens que pour vouloir infliger ça à quelqu’un d’autre. Donc, si enfant il y avait, il devrait l'aimer et s'impliquer dans son éducation, deux choses qu'il n'était vraiment pas certain d'être capable de faire, tout en sachant avec certitude que l'échec ne lui serait pas permis car Meredith ne lui pardonnerait jamais de ne pas être à la hauteur dans ce domaine. Tu as déjà pensé à avoir des enfants, toi ? demanda-t-il soudain. Bien que Mark soit son meilleur ami, ils n’avaient jamais abordé sérieusement ce sujet. Ils n’avaient toujours évoqué l’éventualité d’une paternité que comme le pire des problèmes qui pouvait leur arriver, une calamité qu’il fallait à tout prix éviter.

    Mark se laissa tomber lourdement sur le banc en soupirant. Oui, une fois, avoua-t-il avec un sourire triste. Enfin, vaguement. Je me suis dit que je pourrais peut-être l'envisager. Avec une certaine personne. Laisse tomber, ajouta-t-il rapidement pour répondre au regard à la fois interrogateur et surpris de Derek. L'idée m'a effleuré un instant mais ça m'est vite passé. Son ami était vraiment la dernière personne à qui il pouvait confier que quelque temps auparavant, il avait ressenti une telle passion pour Meredith qu’il était allé jusqu’à projeter de devenir le père de ses enfants. Malheureusement, ce désir n’était pas partagé et il avait bien dû se résoudre à y renoncer. Depuis, il avait l’impression d’avoir perdu la chance de sa vie et il en éprouvait un terrible sentiment de vide. C’est pourquoi il trouvait totalement incompréhensible que Derek fasse la fine bouche. Franchement si tu as des enfants avec Meredith, ce ne sera pas un drame, assura-t-il en retirant sa chemise. Ça pourrait même être sympa. Imagine si tu as une petite fille qui ressemble à sa mère !

    Et si elle ressemble à la mienne ? laissa tomber Derek en relevant vers son ami des yeux pleins de désespoir.

    Mark s’assit à côté de lui en soupirant. Voilà donc où se situait le problème ! Derek… Faut pas que tu te mettes ces idées en tête.

    Comment est-ce que je pourrais ne pas y penser, Mark ? s’écria Derek. Une mère névrosée. Un père psychopathe. Quel homme digne de ce nom voudrait transmettre de tels gênes à ses enfants ? Douze ans plus tôt, c’était ce même raisonnement qui l’avait amené à se promettre de ne jamais fonder de famille. Pour être honnête, cela n’avait pas été une décision difficile à prendre. En fait, il n’avait jamais eu réellement envie d’avoir des enfants. Il y avait seulement quelquefois vaguement pensé, surtout à l’époque de sa relation avec Abigail. Il s’était dit que cela leur arriverait sans doute un jour, parce que c’était logique, presque incontournable, quand on était dans une relation stable, tout en se demandant s'il était raisonnable de faire naitre un enfant au sein d'un couple dévoré par l'ambition comme Abigail et lui l'étaient. Est-ce que leur carrière leur laisserait le temps de s'occuper d'un enfant ? Les évènements avaient mis fin à ses interrogations. Motivé autant par la lourde hérédité familiale que par sa détermination à ne plus jamais aimer personne, il s’était juré que son nom de famille s’éteindrait avec lui. 

    Mark ne put s’empêcher de sourire devant l’exagération de son ami. Ton père était un vrai salopard mais ce n’était pas un psychopathe. Quant à ta mère, elle aurait été bien moins névrosée si elle avait été soignée.

    Peut-être, admit Derek du bout des lèvres. Mais même… ça ne me tente pas de soigner la maladie mentale de ma fille ou de réparer les dégâts que fera mon salopard de gamin.

    Hmm ! Mark réfléchit un instant. Moi, je me dis que si tes parents avaient eu la chance d’être élevés par Meredith, ils auraient été complètement différents. 

    Et moi ? l’interrogea Derek. Moi qui ai été élevé par eux, je pourrais reproduire le même schéma. Je pourrais haïr mes enfants, leur faire vivre un enfer, comme mes parents l’ont fait avec moi.

    Non, répondit Mark avec conviction. Non, ça n’arrivera pas, parce que tu n’es pas comme eux. Il se releva et alla pendre sa chemise dans son casier.

    Tu en es sûr ? demanda Derek avec une certaine agressivité. Tu peux me le jurer ? Toute ma vie, je me suis entendu dire à quel point je lui ressemblais et…

    Tu n’es pas comme ta mère, l’interrompit Mark avec force. Et puis, les circonstances ne sont pas les mêmes. Tes parents… ils n’étaient pas faits pour être ensemble. Leur relation était toxique. Il y avait quelque chose entre eux qui les poussait à se détruire et à détruire tout ce qu’il y avait autour d’eux. Mais toi et Mer… On parle de Meredith Grey, ici, bon sang ! s’énerva-t-il soudain. Cette fille est tellement… Il n’en dit pas plus, de peur d’éveiller les soupçons de Derek. Regarde ce qu’on est devenu depuis qu’on la connait ! Toi, tu n’es plus cet homme froid et méprisant qui rêvait d’humilier toutes les femmes de la terre. Et moi… Il soupira longuement. Moi, j’ignore les avances d’une beauté de dix-sept ans alors que je n’ai qu’une envie, la mettre dans mon lit. On n’est plus des salauds et c’est grâce à Meredith. Elle nous a changés. Elle a le don de rendre les gens meilleurs, ajouta-t-il avec un petit sourire attendri. Il planta son regard dans celui de son ami sans chercher à dissimuler, cette fois, qu’il l’enviait. Elle t’aime, Derek. Sa voix s’étrangla subitement. C’est toi qu’elle a choisi, envers et contre tout. Alors, si elle veut des enfants, fais-les-lui. Ne laisse pas passer ta chance. Tu n’en auras pas d’autre comme celle-là.


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  • Tu aurais dû voir ça, Maman, s’écria Meredith, rose d’émotion. C’est tellement génial ce qu’il a fait !

    C’est tout de même un neurochirurgien, lui fit remarquer Anne tout en rangeant la vaisselle dans l’armoire. Je pense que c’est un jeu d’enfant pour lui que de mettre un bébé au monde. 

    Si on veut ! répliqua Meredith, un peu déçue par le manque d’enthousiasme de sa mère. Ce n’était quand même pas évident, vu les circonstances. Pas de matériel, la mère qui risquait de faire un malaise à tout moment, le père qui paniquait… Ce n’était pas si facile que ça.

    Oui, sans doute, concéda Anne. Enfin, le principal, c’est que la maman et le bébé se portent bien maintenant.

    Tu as eu un bébé, Meredith ? s’inquiéta soudain Ellis en détournant les yeux de la fenêtre de la cuisine, par laquelle elle regardait le jardin sans même ciller depuis au moins un quart d’heure, en ne donnant à aucun moment l’impression qu’elle suivait la conversation.

    Non, Tante Ellis, répondit Meredith. Pas moi, mais la voisine de Derek.

    Ellis fronça les sourcils. C’est qui, Derek ?

    C’est le petit ami de Meredith, lui rappela Anne en poussant devant elle le verre d’eau qu’elle lui avait servi un peu plus tôt. Tu devrais boire un peu. Ellis ignora le conseil de sa belle-sœur et se mit à jouer avec un sous-plat qui trainait sur la table.

    En tout cas, c’est rassurant de se dire que, le jour où j'accoucherai, si jamais je n'ai pas le temps d'arriver à la maternité, Derek saura comment faire, reprit Meredith, l'air réjoui. C’est ça, l’avantage d’avoir un médecin à la maison.

    Anne sourit légèrement. Espérons que ça ne sera pas nécessaire.

    Ellis abandonna son sous-plat. Moi aussi, j’ai un bébé, lâcha-t-elle avec un sourire tendre. Il est si beau. N’est-ce pas, Anne, qu’il est beau, mon petit Luke ! Tu pourrais aller le promener de temps en temps, suggéra-t-elle à sa nièce. Tu verras, il est très sage. 

    Anne et sa fille échangèrent un regard plein de désolation. Certes, vingt-trois ans plus tôt, Ellis avait accouché d'un fils prénommé Luke, mais celui-ci était décédé quelques heures seulement après sa naissance. Cependant, les deux femmes décidèrent tacitement de ne pas rappeler ce triste évènement à sa mère. De toute façon, à quoi cela servirait-il ? Une fois la crise de larmes ou de colère passée, Ellis replongerait dans l’amnésie. D’accord, je le ferai, assura Meredith. Ellis hocha la tête avant de regarder à nouveau par la fenêtre, un sourire figé sur les lèvres. Meredith s'adressa à sa mère. Derek m’a demandé d’acheter un cadeau pour le bébé. Tu pourras venir avec moi pour m’aider à choisir ? Anne accepta l'invitation avec un signe de la tête. Moi, je ne sais pas ce qui est bien ou pas, avoua Meredith. Et puis, je me connais, je vais vouloir tout prendre, ajouta-t-elle avec un petit rire. Si je m’écoutais, je ferais un bébé tout de suite, rien que pour le plaisir de lui acheter des vêtements. C'est tellement mignon, ce qu'ils font pour les tout-petits.

    Oh surtout, ne te presse pas ! recommanda Anne à sa fille avec un ton presque suppliant. Tu es beaucoup trop jeune pour avoir un enfant. Profite donc un peu de ta jeunesse.

    Et c’est toi qui me dis ça ? se moqua Meredith.

    Oui, justement, je sais de quoi je parle. Anne vint s’asseoir face à sa fille. Mais je n'ai aucun regret. Je ne voulais pas faire des études. Je voulais épouser ton père et avoir des enfants, c'était ma seule ambition. En plus, j'étais loin d'avoir le même potentiel que toi. Je ne crois pas que j'aurais été capable de faire de hautes études. Et indépendamment de ça, ton père, ce n’était pas Derek, avança-t-elle. J’étais sûre qu’il ne me ferait pas faux bond. Meredith se rembrunit en entendant cette remarque. Attends de voir comment ça se passe entre vous avant de penser à fonder une famille, conclut Anne avant de se relever pour arroser les plantes qui se trouvaient devant la fenêtre.

    Pourquoi tu me dis ça ? aboya Meredith. Ça se passe très bien maintenant et il n’y a aucune raison pour que ça ne continue pas. 

    Anne haussa imperceptiblement ses épaules. Je l’espère pour toi, mais je te rappelle que tu croyais aussi que tout allait très bien quand tu as appris qu’il t’avait trompée.

    Enervée que sa mère lui rappelle un moment de sa vie qu’elle souhaitait plus que tout oublier, Meredith leva les yeux au ciel. Oh ne recommence pas avec ça ! Il a fait une erreur. Ça arrive à tout le monde.

    Anne fit une grimace exprimant son désaccord. Non, Meredith, non. Pas à tout le monde ! Heureusement, tous ceux qui ont connu des épreuves ou qui sont mal dans leur peau ne trompent pas leurs conjoints.

    Quand est-ce que tu vas cesser de lui en vouloir pour ça ? demanda Meredith sur un ton plein de colère.

    Quand il m’aura prouvé que tu peux vraiment compter sur lui, riposta sa mère sans se départir de son calme. Tu lui as pardonné et je respecte ta décision. Mais moi, il va me falloir autre chose qu’un regard charmeur et quelques belles promesses pour que je passe l’éponge.


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  • C’est un salaud ! Le cri d’Ellis fit sursauter les deux femmes, plus encore lorsque leur parente cracha sur la table. Qu’il crève ! Coupe-lui les couilles ! C’est tout ce qu’il mérite ! éructa la malade en tapant violemment du poing sur la table.  

    Anne fit signe à sa fille de ne pas réagir, ce qui était totalement inutile car, abasourdie par la virulence de sa tante, chez qui rien ne laissait supposer qu’elle avait prêté attention à leurs propos, Meredith s’était figée. Comme elle l’avait quelquefois vu faire par Gloria, Anne claqua des doigts pour tenter d’attirer l’attention de sa belle-sœur. Regarde, Ellis. Regarde ici, les jolies fleurs. Ellis, qui respirait vite et fort, posa sur elle un regard agressif. Anne vint se placer devant elle et adopta le même rythme de respiration, avant de le ralentir progressivement. Comme par mimétisme, Ellis fit de même jusqu’à être totalement apaisée. Tu veux arroser les plantes ? proposa Anne. Ellis acquiesça d'un signe de la tête en prenant l’arrosoir que sa belle-sœur lui tendait. Elle va les noyer, constata celle-ci à voix basse après l’avoir regardée faire pendant quelques secondes. Mais tant pis, du moment que ça la calme. Parlons d’autre chose. Meredith hocha la tête mais aucun sujet de conversation ne lui vint directement à l’esprit, tant elle était encore choquée par la réaction de sa tante. Au téléphone, tu m’as dit que vous étiez allés chez Whole Foods, lui rappela sa mère. C’est comment ? C'est vraiment aussi bien que ce qu'on dit ?

    Oui mais c’est cher, répondit Meredith en passant une lavette humide sur la table. C’est pas à la portée de toutes les bourses, je dois le reconnaitre. Mais c'est du vrai bio, alors c'est normal et franchement, ce qu'on a mangé était délicieux. Petit à petit, elle retrouva son entrain habituel. Et en plus, quand tu rentres et que tu vois tous ces fruits, tous ces légumes, avec toutes ces couleurs, c'est vraiment dingue. Et la façon dont ils sont disposés ! Tout est super bien rangé. Tu vois qu'ils font attention à l'esthétique aussi. Au début, je ne voulais rien prendre parce que j’avais l’impression de tout gâcher. J’avais peur que tout s’écroule aussi, admit-elle avec un sourire. En fait, tu as presque l’impression d’être dans un musée. 

    Un musée de légumes ? ironisa sa mère.

    Ah tu peux te moquer ! Tu verras tout à l’heure.

    Tout à l’heure ?

    Ben oui, après le shopping bébé, je t’emmène en virée chez Whole Foods, plaisanta Meredith. C’est à faire au moins une fois dans sa vie. Et on en profitera pour manger là-bas. Et tant qu'on y est, je pourrais te montrer quelques coins sympas de San Francisco.

    Anne jeta un regard désolé en direction d'Ellis qui avait déjà abandonné les plantes pour reprendre son poste d'observation à la fenêtre. Je ne crois pas que ça va être possible. Je ne demanderais pas mieux, ma chérie, assura-t-elle devant l’air déçu de sa fille. Mais je ne peux pas laisser ta tante toute seule.

    On pourrait demander à Gloria de s’en occuper. On fera en sorte de ne pas rentrer trop tard.

    Tu ne crois pas que nous avons déjà suffisamment abusé de sa bonté ?

    Meredith soupira. Maman, tu vas bientôt repartir à Crestwood et on n’aura même pas passé du temps ensemble. Oui, oui, je sais, c’est aussi ma faute, ajouta-t-elle précipitamment devant le regard plein de reproches que lui lançait sa mère. Mais justement, là, on a une occasion. Si jamais Gloria n'est pas disponible, on pourra demander à l'infirmière de venir pour surveiller Tante Ellis. Maman, je t’en prie…

    Face à des yeux aussi implorants, Anne ne se sentit plus le courage de continuer à refuser, d'autant plus qu'elle avait aussi très envie découvrir San Francisco et surtout, de passer du temps avec sa fille. Bon, d’accord. On va d’abord demander à Gloria et si jamais ça ne l’arrange pas, on appellera l'infirmière.

    Meredith battit des mains Ah génial ! J’ai tellement de choses à te montrer. Tu vas adorer cette ville, j’en suis sûre. Alertée par le bruit des mains qui claquaient l’une contre l’autre, Ellis se retourna et, voyant sa nièce aussi joyeuse, applaudit avec elle. Meredith se mit à rire et sa tante l’imita encore.

    La scène fit monter les larmes aux yeux d’Anne. C’était la première fois depuis qu’elle était là qu’elle réentendait le rire de sa belle-sœur. Ellis, jadis si vive et boute-en train, qui s’amusait d’un rien et qui maintenant, n’était plus que l’ombre d’elle-même. Cela faisait du bien de la voir éprouver un moment de bonheur, aussi fugace soit-il. Car l’hilarité avait déjà pris fin et le masque terrible de la maladie assombrissait à nouveau les traits d’Ellis Collins. Cette maladie est une saleté, pesta Anne entre ses dents. J’espère qu’un jour, quelqu’un trouvera un remède.

    Sûrement ! Derek pense qu’il y a un vrai espoir que d'ici cinq à dix ans, on ait un vaccin ou des médicaments.

    Ce sera trop tard pour nous, déplora Anne. Quand je vois à quelle vitesse son état se dégrade… Elle regarda avec commisération sa belle-sœur qui, maintenant, enfonçait ses doigts dans les pots de terre avec un sourire béat. Tu sais, j’ai réfléchi. Je crois que ton copain a raison. Je ne peux pas l’aider, dit-elle avec des larmes dans les yeux. Je ne suis pas à la hauteur.

    Meredith quitta sa chaise pour rejoindre sa mère et la prendre dans ses bras. Non, Maman, non ! Ne dis pas ça !

    Mais si, je le sais bien. Je ne peux pas l’aider. D’une certaine façon, je m’en veux pour ça, avoua Anne. Mais d’un autre côté, je sais que c’est normal. Ni toi, ni moi ne pouvons l’aider. Alors, on va devoir prendre une décision.


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