• Meredith était assise sur l’appui de fenêtre, les genoux repliés contre sa poitrine, le dos appuyé contre le châssis. Les écouteurs de son MP3 dans les oreilles, elle laissait son regard errer sur le paysage. Cela faisait deux jours qu’elle n’était pas sortie de sa chambre. Elle était allée de son lit à la fenêtre et de la fenêtre au lit, en faisant parfois une halte dans le fauteuil. Elle avait refusé systématiquement les plateaux-repas que Frances, la dame de compagnie de Momsy, lui avait apportés. Elle aurait été incapable d'avaler quoi que ce soit. La boule qui était au fond de sa gorge était descendue dans son estomac et la maintenait dans un état permanent de nausée. La jeune fille avait également repoussé toutes les tentatives de Momsy de la convaincre de mettre le nez dehors, de visiter la propriété, de monter à cheval. Elle n’avait envie de rien. Elle attendait simplement que le temps passe. Tout cela avait été si brutal. La rupture était tombée comme une lame de guillotine et, avec elle, la triste réalité : Derek ne faisait plus partie de sa vie.

    Meredith sursauta lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit et que surgit une adorable frimousse encadrée de boucles brunes et aux grands yeux brillants d’excitation. Le cœur battant, elle enleva ses écouteurs. Salut. J’te dérange pas ? claironna la jeune inconnue. Celle-ci, encore une adolescente, observa avec intérêt celle dont on n’arrêtait pas de parler à la cuisine. Alors comme ça, c’est toi, Meredith. Elle regarda autour d’elle avec curiosité, évoluant dans la pièce avec une démarche si légère que Meredith eut l’impression qu’elle dansait. Moi, je m'appelle Taylor. Je suis la fille de Frances.

    Ah… enchantée, dit Meredith sans entrain. Enchantée, elle ne l’était pas du tout. Elle n’avait rien contre cette fille a priori, puisqu’elle ne la connaissait pas, mais elle n’aspirait qu’à une chose, c’était que Taylor sorte de sa chambre et lui laisse reprendre le cours de ses activités, à savoir broyer du noir sur fond de musique triste.

    Taylor eut un sourire quelque peu moqueur. Je sais que c’est pas vrai mais ça fait rien. Tiens, t’as pas encore rangé tes affaires ? s’étonna-t-elle, en se penchant sur le sac de voyage qui était encore à l’endroit où Mark l’avait déposé trois jours plus tôt. Oh c’est mignon, ça. Elle en sortit un petit haut imprimé fleuri qu’elle examina quelques secondes avant de le laisser retomber. Si tu veux un coup de main pour le rangement…

    Non, merci, ça ira, répliqua Meredith, qui était on ne peut plus contrariée. Qui était donc cette fille sans-gêne et que lui voulait-elle ? C’est ta mère qui t’envoie ? se renseigna-t-elle un peu sèchement. Ne pouvait-on admettre qu’elle avait besoin de rester seule avec son chagrin ?

    Non, seulement ma curiosité, plaisanta Taylor en virevoltant dans la pièce. Je voulais voir à quoi tu ressemblais. On parle pas mal de toi, par ici, pour le moment. 

    Et qu’est-ce qu’on dit ? s’inquiéta Meredith avec un brin d’agressivité. Elle n’avait déjà pas une grande envie de sortir de cette chambre mais si jamais Momsy avait divulgué la raison de sa présence, il était clair qu’elle y resterait enfermée à tout jamais. Car il était hors de question qu’elle sente peser sur elle des regards pleins de pitié.

    Taylor se mit à énumérer ce qu’elle avait glané comme informations. Ben, que tu as vingt-et-un ans, que tu viens de Crestwood, Kentucky, que ça fait quelques mois que tu es arrivée à San Francisco, que tu travailles dans une boutique, que tu veux faire des études de psychologie, que tu aimes les chevaux, que tu as eu des petits problèmes de santé et que tu es ici pour te remettre et aussi que tu connais très bien Mark Sloan. Voilà ! Meredith se sentit légèrement rassurée. Vu le style de Taylor, assez direct, si elle avait été au courant de quoi que ce soit au sujet de Derek, elle n’aurait certainement pas manqué de le citer. Dis, je peux te demander quelque chose ? Mark, c’est ton mec ? lâcha subitement Taylor, comme pour lui donner raison, en se laissant tomber dans le fauteuil, avec ses jambes passant par-dessus l’accoudoir

    Meredith la regarda, interloquée. S’il y avait bien quelque chose à laquelle elle ne s’attendait pas, c’était ça. Euh… non, pas du tout. C’est juste un très bon ami, précisa-t-elle, tout en se demandant pourquoi elle se sentait obligée de se justifier.

    OK, répondit simplement Taylor. T’écoutes quoi ? demanda-t-elle avec un mouvement du menton en direction du MP3.

    Rien de spécial, bougonna Meredith. Aucune envie de dire que ça faisait des heures qu’elle écoutait en boucle "Broken-Hearted Girl", la dernière chanson de Beyonce. L’histoire de cette fille déçue par celui qu’elle aimait, qui était partagée entre l’amour et la haine sans toutefois pouvoir se résoudre à l'idée qu'elle avait perdu l'homme de sa vie, c’était la sienne. La fille au cœur brisé, c’était elle. Elle avait beau détester Derek pour ce qu’il lui avait fait, elle était bien obligée de reconnaitre qu’il lui manquait terriblement.

    Taylor quitta son fauteuil pour venir près d’elle. Donc, tu aimes les chevaux. Tu sais monter ? Parce qu’on pourrait aller se promener toutes les deux. Tout à coup, elle pointa son index sur la fenêtre. Oh regarde là-bas. Les yeux de Meredith suivirent la direction qu’elle indiquait et aperçurent un cheval que tirait un jeune homme. C’est Spitfire. Il est beau, hein ? s’extasia Taylor en agrippant le bras de sa voisine.

    Oui, il est magnifique, concéda celle-ci du bout des lèvres. En temps ordinaire, elle se serait récriée d’admiration devant cet animal élégant et racé. Elle aurait couru jusqu’en bas pour voir l’animal de plus près et le cajoler. Sans doute même aurait-elle quémandé la permission de le monter. Mais cette fois, elle ne bougea pas d’un pouce. Elle était sans goût, sans envie, comme éteinte. Tout ce qui l’avait passionnée jadis lui était maintenant totalement indifférent comme si Derek, en disparaissant de sa vie, avait tout emporté avec lui.

    traduction de la chanson


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  • Taylor restait captivée par le spectacle du cheval. Je donnerais tout pour le monter, dit-elle avec fièvre, mais Jackson ne veut pas. C’est lui, là, celui qui suit. Meredith jeta un regard vague sur le jeune homme élancé qui marchait nonchalamment derrière le pur-sang. Taylor s’appuya mollement contre le mur à côté de la fenêtre. Il est vraiment canon. Je te le présenterai un de ces quatre. Mais ne rêve pas, t’as aucune chance. Il est gay. Ses yeux se remirent à briller d’excitation. Y a quelque temps, il est sorti avec un vétérinaire. Mais le mec était marié et Jacks n'était pas au courant. La femme les a surpris, elle a fait un de ces foins. Maintenant, il sort avec Jonas, le fils du Marshal. Seulement, c’est encore galère parce que le Marshal, il ne sait pas que son fils est gay. Alors, tu vois… Non, Meredith ne voyait pas et elle ne voulait surtout pas qu’on lui explique. Toutes ces histoires ne l’intéressaient pas du tout. Elle soupira bruyamment, en espérant que sa visiteuse comprendrait enfin qu’elle la dérangeait. Si ce fut le cas, Taylor agit comme s’il n’en était rien. Dis, t’es déjà sortie avec un métis, toi ? demanda-t-elle soudain. Meredith ne put cacher qu’elle était totalement médusée. Non seulement cette fille était un véritable moulin à paroles, parlant le plus souvent pour ne rien dire, sautant avec aisance du coq à l’âne, mais en plus cela ne la gênait pas de poser des questions franchement indiscrètes. Qui plus est, la réponse ne semblait pas vraiment l’intéresser puisqu’elle continuait déjà. Moi, oui. Avec lui. Comme elle pointait à nouveau la zone où se trouvait le cheval, Meredith en déduisit que l’heureux élu était le garçon au chapeau de cowboy qui tirait sur la longe. Il s'appelle Nick, poursuivit Taylor, maintenant un peu rêveuse. C'est le frère de Jackson. Ça fait deux mois qu’on a rompu.

    Désolée de l’apprendre, marmonna Meredith entre ses dents, en remettant ostensiblement ses écouteurs. S’il y avait bien quelque chose qu’elle ne voulait pas entendre, c’était le récit des amours de cette fille superficielle qui devait probablement changer de garçon comme elle de tanga.

    Taylor continua comme si elle n’avait pas remarqué l’attitude de Meredith. Oh t’en fais pas pour moi. Elle haussa les épaules. C’est moi qui l’ai plaqué de toute façon. Quand ça ne va plus, ça ne va plus. Ça n’sert à rien de s’acharner.

    Meredith soupira. Rien ne semblait pouvoir décourager cette incorrigible bavarde. D’un geste las, elle retira à nouveau ses écouteurs. Ecoute, je ne voudrais pas paraitre grossière mais j’aimerais bien rester seule.

    Oui, oui, t’inquiète, je ne vais pas m’incruster, promit Taylor tout en se laissant tomber sur le lit. Non, tu vois, c’est pas tellement Nick qui me manque. En revanche, le sexe… Ah oui, ça, ça me manque.

    Meredith la considéra avec étonnement. Taylor avait quoi, seize, dix-sept ans ? Et pourtant, elle avait déjà une vie sexuelle. Ben oui, qu’est-ce que tu crois, bécasse ? se morigéna Meredith. Il n’y a que toi pour rester vierge jusqu’à l’âge de vingt ans ! Et tout ça pour quoi ? Pour te donner à un… à un… à un salaud qui n’en avait rien à foutre ! Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et se détourna pour les essuyer discrètement.

    Taylor martela le matelas de petits coups de poing en geignant. C’est trop dur ! J’en peux plus ! Je veux faire l’amour !

    Meredith ne put retenir un ricanement moqueur. Cette fille criait au scandale parce qu’elle n’avait plus fait l’amour depuis deux mois ? Qu’aurait-elle fait si elle avait été la place de celle à qui elle se confiait ? Condamnée à la chasteté pour l’éternité ! Parce que, pour Meredith, cela ne faisait aucun doute. La fin de sa relation avec Derek marquait la mort de sa vie amoureuse et sexuelle. Elle était la femme d’un seul amour et que cet amour l’ait trahi n’y changerait rien. Elle n’imaginait pas pouvoir aimer à nouveau après lui.

    Taylor se rassit sur le lit. Tu fais comment, toi ?

    Je fais comment pour quoi ? grommela Meredith, les sourcils froncés.

    Ben, quand t’as pas de mec, comment tu fais pour tenir le coup ? Parce que moi, franchement, là… Taylor souffla bruyamment pour illustrer la profondeur de son désespoir.

    Meredith la fusilla du regard. Non, mais qu’est-ce qu’elle croyait, celle-là ? Qu’elles étaient déjà assez copines pour parler de sexe en toute décontraction ? Qu’elles allaient s’échanger des conseils pour accéder à l’épanouissement sexuel en solitaire ? Méthodes et astuces pour prendre du plaisir autrement ? Ecoute, ne te vexe pas, mais j’ai vraiment pas envie de parler de ça, rétorqua-t-elle vivement.

    Taylor s’esclaffa. Dis donc, tu ne serais pas un peu coincée, toi ?

    Meredith faillit s’étrangler de rage. Mais non, pas du tout. Je ne suis pas coincée du tout. Et pourtant… Oui, elle l’était, un peu, elle le savait. Et sans doute, était-ce pour cela que Derek l’avait trompée. Elle n’était pas assez sexy, pas assez délurée, pas assez coquine. Combien de fois ne lui avait-il pas dit de se lâcher ? Qu’il ne devait y avoir aucun tabou entre eux, aucune appréhension ? Elle ne l’avait pas écouté et, résultat, il s’était tourné vers des filles plus dégourdies.

    Hé te fâche pas ! Je plaisantais, se défendit Taylor, l’air candide. Je suis contente que tu sois là, tu sais. Elle se mit debout et alla admirer son reflet dans le miroir sur pied qui était dans un coin de la chambre. D’habitude, je ne m’entends pas trop bien avec les filles. Trop chichiteuses. Mais avec toi, je pense que ça va marcher. Bon, je vais y aller, annonça-t-elle en se retournant vers Meredith. Mais la prochaine fois, tu me racontes tout ce que tu sais sur Mark Sloan

    Surprise, Meredith écarquilla les yeux. Mais en quoi ça t’intéresse ?

    Tu veux que je te fasse un dessin ? se moqua Taylor en se dirigeant vers la porte. Elle agita ses doigts en guise d’au revoir et sortit aussi brusquement qu’elle était entrée.


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  • Mark referma le dossier et le tendit à l’infirmière. Très bien. Tu peux diminuer les doses de morphine et demain, on verra ce qu’il en est. Il suivit du regard la jeune femme qui se dirigeait vers la porte et apprécia ses courbes. Quelques mois plus tôt, il avait passé la soirée avec elle et cela s’était terminé dans une chambre d’hôtel. Si ses souvenirs étaient exacts, la fille était plutôt gentille, souriante, délurée, avec un esprit d’initiative assez développé. Alors pourquoi ne pas remettre ça ? Tu fais quelque chose de spécial ce soir ? lui demanda-t-il avec un certain détachement, pour ne pas lui donner l’impression qu’il tenait plus que tout à sortir avec elle, ce qui n’était d’ailleurs pas le cas. Elle ou une autre, quelle importance ?

    Depuis qu’elle était entrée dans le bureau du chirurgien, l’infirmière attendait que ce dernier amène la conversation sur un sujet beaucoup plus personnel. Ce n’est pas pour rien qu’elle s’était échinée à attirer son attention avec des œillades coquines, des sourires éclatants et des ondulations de la croupe à chaque pas. Une autre nuit avec le docteur Chaud-comme-la-Braise, cela faisait des mois qu’elle en rêvait. Elle retint à temps un cri de victoire pour adopter un ton neutre. Pourquoi ? Tu as des projets ?

    Mark allait se lever pour lui donner un aperçu de ce qu’il envisageait pour passer la soirée de façon agréable, lorsque Callie apparut à la porte. Il plissa le front en la voyant. Quelle mouche l’avait donc piquée ? Des cheveux plus longs, vraisemblablement le résultat de la pose d’extensions, avec des mèches blondes qui créaient un contraste étrange avec ses cheveux noirs jais. Le résultat n’était franchement pas des plus heureux. Mark se tourna vers l’infirmière. C’est bon. Tu sais ce que tu as à faire. On se voit plus tard, dit-il pour la congédier. Il remarqua son regard hargneux, preuve qu’elle n’appréciait pas la façon dont il venait de la traiter, et il sut qu’il devrait user de tout son charme pour la ramener à de meilleurs sentiments. Tant mieux ! Cela donnerait un peu plus de piquant à l’affaire. Il attendit qu’elle soit sortie pour s'adresser à son amie. Tu es allée chez le coiffeur, affirma-t-il plus qu’il n’interrogea, l’air goguenard.

    Ravie qu’il ait remarqué son changement de look, Callie bougea la tête de droite à gauche pour faire voler sa chevelure dans les airs. Tu aimes ? minauda-t-elle.

    Mark s’apprêtait à lui donner franchement son avis quand Derek fit irruption dans la pièce. Alors, tu as des nouvelles ? s’enquit-il nerveusement auprès de son ami, sans même accorder un regard à Callie. Dépitée, celle-ci prit place sur un siège dans un coin du bureau.

    Mark soupira. Voilà quatre jours que Derek ne lui laissait aucun répit, le harcelant dès qu’il avait un moment de libre, toujours à propos du même sujet, Meredith, comme si toute sa vie ne se résumait plus qu’à elle. Pas depuis hier, vieux, lui répondit-il avec calme, tout en sachant que Derek ne se contenterait pas de ça. Sous la pression de ce dernier, Mark avait pris l’habitude de téléphoner quotidiennement à Santa Rosa. Il devait ensuite lui faire un rapport détaillé de la conversation. Les deux premiers jours, c’était sa grand-mère qui avait pris l’appel. Elle lui avait raconté que Meredith vivait en recluse dans sa chambre, refusant même de s’alimenter. Derek avait été dévasté de l’apprendre et il avait fallu toute la force de persuasion de Mark pour le dissuader de courir à Santa Rosa. Heureusement, Momsy avait pris les choses en mains. Le troisième jour, elle avait fait irruption dans la chambre de son invitée en décrétant que deux journées passées à écouter les guimauves du hit-parade étaient plus que suffisantes. Maintenant, il fallait s’habiller, sortir, voir du monde et surtout manger ! C’était la jeune fille en personne qui avait raconté la scène à Mark, sans lui cacher qu’au début, elle avait très mal pris que Momsy s’immisce ainsi dans sa vie mais finalement, elle lui en était reconnaissante. Mark avait alors pu annoncer à son ami que Meredith était enfin sortie de son isolement et qu’elle avait recommencé à vivre. Mais c’était mal connaître Derek que de croire qu’il allait se satisfaire de cette information. Maintenant, c’était un autre type de nouvelle qu’il attendait.

    Tu vas l’appeler, hein ? Tu vas l’appeler ? Fébrile, Derek s’assit sur un tabouret pour aussitôt se relever et tourner en rond. Il faut que je sache.

    Mark fit la grimace. Il savait très bien ce qui tracassait autant Derek mais il craignait de ne pouvoir rien faire pour lui, du moins pour le moment. La veille, il avait essayé d’orienter la conversation sur ce que ressentait son ami et la réaction de Meredith ne s’était pas fait attendre. Violente et catégorique, à l’image de celle qu’elle était devenue. Elle avait hurlé qu’elle ne voulait plus entendre parler de ce personnage détestable, qu’elle l’avait rayé de sa vie à tout jamais et que si Mark persistait à vouloir plaider sa cause, ce n’était plus la peine de l’appeler. Le chirurgien avait aussitôt changé de sujet en se promettant de ne plus s’y frotter. Evidemment, il avait caché cet épisode à son complice. Ouais, bien sûr, je vais l’appeler, mais tu sais…

    Elle n’a toujours pas rallumé son téléphone et je ne peux pas l’appeler là-bas, tu sais bien. Derek lui jeta un regard suppliant. Tu es mon seul lien avec elle, Mark. Si tu ne m’aides pas, je suis foutu. Agacée par ce comportement qui ressemblait si peu à cet homme habituellement si fier et orgueilleux, Callie leva les yeux au ciel.

    Je sais et je vais l’appeler, là n’est pas la question. Embarrassé, Mark se gratta la nuque. Mais pour ce qui est de lui parler de toi… c’est pas le moment, vieux. Je crois que tu aurais tout intérêt à te faire un peu oublier, lâcha-t-il enfin.

    Me faire oublier ? Derek secoua vivement la tête. Pour qu’elle pense que je l’ai oubliée justement ? Que je suis déjà passé à autre chose ? Que je m’en fous ? Hors de question.

    Callie, qui était restée silencieuse jusqu’à présent, décida d’intervenir. Si elle pense ça, alors c’est qu’elle n’a rien compris. Elle se leva pour se rapprocher des deux hommes. Ecoute, Derek, qu’elle t’en veuille, oui, peut-être, fit-elle avec une moue dubitative. Elle ne comprenait pas l’acharnement de Meredith. Derek avait couché avec une autre femme, certes, mais c’était elle qu’il aimait. Les sentiments n’étaient-ils pas plus importants que les actes, surtout quand ceux-ci étaient sincèrement regrettés ?


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  • Callie souffla. Mais refuser de te donner au moins la chance de t’expliquer, je trouve ça… je trouve ça puéril. En la voyant s’avancer d’un pas chaloupé, avec son sourire charmeur et ses cheveux de deux couleurs qui faisaient penser à un zèbre, Mark se tassa dans son fauteuil en prévision de l’orage qui n’allait pas tarder à éclater.

    Effectivement, les yeux de Derek s’obscurcirent. Puéril ? Vraiment ? Callie acquiesça d’un énergique signe de tête. Tu ne sais vraiment pas de quoi tu parles, gronda le chirurgien. J’étais son premier amour. Elle m’aimait vraiment et elle me faisait totalement confiance et… et… – fou de rage, il se mit à bafouiller – et elle m’a tout, oui, tout donné et… et moi… moi, je l’ai tra… trahie, je l’ai… je l’ai blessée. Alors non, ce n’est pas puéril. Sa mâchoire se contracta sous l’effet de la fureur. C’est normal. Sa réaction est normale. Meredith a une réaction tout à fait normale, insista-t-il avec force. C’est toi qui racontes n’importe quoi.

    Oh tu sais, moi, ce que j’en disais, persifla Callie, vexée d’avoir une fois de plus été désavouée au profit de Meredith. Même absente, celle-ci arrivait encore à lui gâcher la vie.

    Ben, ferme-la alors ! ordonna Derek avec méchanceté. C'était injuste mais il ne pouvait s’empêcher de penser que, sans Callie, rien de tout cela ne se serait produit. Si elle ne l’avait pas incité à parler de Meredith, celle-ci n’aurait pas surpris leur conversation. Elle n’aurait jamais su qu’elle avait été trompée. Il aurait pu, comme il en avait le projet, lui parler de ses sentiments. Il serait devenu le petit ami parfait et ils couleraient des jours heureux.

    Mark jugea bon d'intervenir. Bon, on se calme, là. Il se tourna vers son ami. Que Meredith ait raison ou tort, il est clair qu’elle fait un blocage. Elle pique une crise à chaque fois qu’elle entend ton prénom, alors… Il eut mal au cœur en voyant Derek baisser la tête. Il détestait ce rôle de bourreau que la vie lui faisait endosser. Laisse-lui un peu de temps, Derek.

    Callie embraya aussitôt pour tenter de rentrer dans les bonnes grâces de celui qu’elle idolâtrait. Mais oui, bien sûr. Avec du temps, tout s’arrange. Elle va finir par comprendre qu'elle doit te laisser une seconde chance. Elle claqua ses mains l’une contre l’autre. Et en attendant, si on faisait un peu la fête ? proposa-t-elle sur un ton plein de gaieté. Un Derek triste était un Derek qui avait besoin d’être consolé. Et dans ce rôle-là, elle était la meilleure, elle le savait.

    La réponse de Derek fusa, telle un éclair. Sans moi.

    Oh allez, Derek, insista Callie. Un petit dîner chez moi, à la bonne franquette.

    Mark haussa les épaules. OK pour moi, mais pas ce soir, objecta-t-il avec une pensée pour l’infirmière qu’il comptait bien mettre dans son lit. Ah et pas de machin mexicain, s’il te plait. Pitié pour mon estomac, supplia-t-il en se tapotant le ventre avec une grimace. Callie le remercia d’un sourire. Du moment où il acceptait son invitation, Derek ne pourrait que suivre. Elle se tourna vers l’intéressé, dans l’attente de sa réponse favorable.

    J’ai dit sans moi, répéta Derek en détachant chaque mot.

    Allez, chouchou, implora Callie, inconsciente de la menace contenue dans la voix métallique de son ancien amant.

    Ce petit mot tendre dont elle l’affublait dans leurs moments d’intimité, son sourire qui se voulait irrésistible, ses regards langoureux, tout dans son attitude fit voir rouge à Derek. Il la regarda avec morgue. Et après le dîner ? Qu’est-ce que tu as prévu ? On s’envoie joyeusement en l’air tous les trois ? Comme au bon vieux temps ? Interloquée par son intonation vindicative, Callie recula de deux pas.

    Derek, dit Mark en guise d’avertissement. Il avait senti, dès que son ami était arrivé, que ce dernier était à bout de nerfs et qu'il risquait à tout moment d’exploser mais il était hors de question que cette pauvre Callie en fasse les frais.

    Derek n’en eut cure. Sa rancœur éclata. C’est ça, Callie, hein ? On bouffe et puis on baise. Il lui désigna Mark de la tête. L’un après l’autre. Il ouvrit de grands yeux comme s’il avait soudain une idée géniale. Oh et pourquoi pas les deux en même temps ? On ne l’a pas encore fait, ça.

    Arrête, prévint Mark en se levant.

    Derek joua l’étonné, au mépris du chagrin qu’il lisait dans les yeux de son amie. Mais pourquoi ? Elle est prête à tout, tu sais. Elle aime ça ! Hein Callie, un devant, un derrière, ça devrait être génial.

    Shepherd, ferme-la, menaça Mark, les dents serrées. Callie était libertine, certes, mais ils l'étaient aussi, tout autant qu'elle. Ils n’avaient donc aucune leçon à lui donner. De plus, durant des années, ils avaient apprécié qu’elle se montre toujours disponible pour assouvir leurs désirs. Elle aussi, à sa manière, leur avait tout donné, sans jamais rien exiger pour elle-même. A ce titre, elle ne méritait pas le traitement que Derek était en train de lui infliger.

    Cruel, celui-ci continua pourtant de s’en prendre à sa consœur qui restait muette de stupeur devant un tel déferlement de haine. Qu’est-ce que tu crois ? Que tu vas réussir à me faire oublier Meredith ? Il secoua la tête avec une expression de dégoût sur le visage. Alors, c’est que tu ne me connais vraiment pas. Toi et moi, c’est fini. Il n’y aura plus jamais rien. Je préférerais crever que de coucher encore avec toi.


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  • Callie encaissa mal le coup. Tout ce qu’elle avait toujours redouté venait de se produire. Par ses paroles, Derek venait de mettre fin à une relation à laquelle elle se raccrochait encore, envers et contre tout. Elle sentit les sanglots lui monter à la gorge. Un dernier sursaut de fierté la fit réagir. Mark essaya de la retenir alors qu’elle passait devant lui. Elle se dégagea d’un coup sec et partit en courant, pas assez rapidement cependant pour ne pas entendre les derniers mots que Derek lui criait. Tu n’es pas Meredith, tu ne seras jamais elle et ce ne sont pas quelques mèches blondes qui y changeront quelque chose.

    Mark toisa son camarade avec sévérité. Tu es fier de toi ? s’enquit-il froidement. Derek lui répondit par un regard mauvais qui n’impressionna guère celui auquel il s’adressait. Un jour, il faudra que tu m’expliques pourquoi, quand tu es malheureux, tu ressens toujours le besoin de faire du mal aux personnes qui t’aiment. Comme il n’obtenait pas de réaction, Mark insista. Parce qu’elle t’aime. Tu t’en es rendu compte, j’imagine ?  

    C’est justement ce que je lui reproche, vociféra Derek. Je l’avais prévenue. Elle ne devait pas tomber amoureuse de moi.

    Mark le couvrit d’un regard railleur. Ah vraiment ? Si je me souviens bien, tu avais dit la même chose à Meredith. Et toi aussi, tu ne devais pas tomber amoureux. On voit ce que ça a donné. Confondu, Derek haussa légèrement les épaules. Les sentiments, ça ne se commande pas, continua Mark. Callie n’a pas choisi de tomber amoureuse de toi, crois-moi ! Si elle avait pu éviter… Il en parlait d’autant plus facilement qu’il était dans le même cas que leur amie et qu’il savait très bien, pour l’éprouver lui-même, ce qu’elle ressentait. Tu devrais la comprendre mieux que personne, asséna-t-il en guise de conclusion.

    Peut-être mais là, je n’ai pas le temps de me préoccuper de ce qu’elle ressent. Derek prit une profonde inspiration. Toute mon énergie, je la garde pour Meredith, pour le jour où je pourrai la revoir, où elle me laissera lui parler, lui expliquer. En attendant… Il fit un geste vague de la main. En attendant, tout ce qui n’était pas Meredith lui était totalement indifférent. Désespéré, il se laissa tomber sur une chaise.

    Mark observa son ami quelques secondes. On était bien loin du bonhomme arrogant et sûr de lui que tout le monde redoutait. Ce n’était plus qu’un être dérouté et fragile. Comment aurait-il pu résister à tant de détresse ? Je vais lui parler, je te le promets. Mais en attendant, évite de t’en prendre à toute la planète.

    Derek se redressa instantanément. Non, je n'attendrai pas. Il faut que tu lui parles maintenant.

    Quoi ? Maintenant tout de suite ? s’inquiéta Mark qui regrettait déjà sa bonne intention.

    Je t’en prie, Mark, supplia Derek. Appelle-la. Et mets le haut-parleur. Comme ça, j’entendrai ce qu’elle te dit. Mark le regarda avec inquiétude. Elle n’en saura rien, assura Derek, galvanisé par la perspective d’avoir enfin des nouvelles de la voix même de Meredith. Je ne dirai rien, je ne ferai pas un geste. Allez, mec… J’ai envie… Il se reprit précipitamment. J’ai besoin d’entendre sa voix. Il faut… il faut que je l’entende.

    T’es malade, mon vieux, souffla Mark. Si jamais elle s’en rend compte, on est mort. Pour toute réponse, Derek tendit le téléphone à son ami avec des yeux suppliants de cocker. Mark le fusilla du regard. Néanmoins, il prit l’appareil et composa le numéro de l’Hacienda. Ce fut Frances qui lui répondit. A partir de maintenant, plus un mot, plus un mouvement, ordonna-t-il à Derek, tandis que la dame de compagnie allait chercher Meredith.

    Ce fut Derek qui appuya sur le bouton du haut-parleur, juste à temps pour entendre la voix fine de la jeune fille saluer leur ami commun. Coucou Mark. Frémissant d’émotion, il ferma les yeux.

    Hé, Mer, claironna Mark, mal à l’aise. Il avait l’impression d’abuser de la confiance de son amie. Comment ça va, ma belle ? 

    Ça va, répondit Meredith, avec une voix dénotant l’impatience. J’attendais ton coup de fil. J’ai tellement de trucs à te raconter. Du moins si tu as un peu de temps pour moi.

    En l’entendant, Derek ne put s’empêcher de penser à une petite fille. Il rouvrit les yeux et échangea un sourire attendri avec Mark. J'ai tout mon temps, dit ce dernier. Vas-y, je t’écoute.

    Eh bien, pour commencer, j'ai retrouvé Murphy, annonça Meredith. Il va super bien. Tu le verrais, ce n'est plus le même. Il a déjà repris du poids et son poil est plus brillant, il est magnifique maintenant. Et normalement, Momsy ne veut pas que les chiens rentrent dans la maison mais pour moi, elle a fait une exception. Alors, Murphy a dormi dans ma chambre cette nuit. Et là, il est à mes pieds.

    Ah mais c'est super tout ça ! se réjouit Mark en lançant un regard amusé à Derek qui, lui-même, arborait un sourire béat.

    Et puis, Momsy a dit que je pourrais passer mon permis de conduire ici, déclara encore Meredith. Je vais rouler un peu dans la propriété avec Jackson, histoire de me remettre dans le bain, et après, je passerai l’examen.

    Génial ! s’enthousiasma Mark. Tu vas me réussir ça les deux doigts dans le nez.

    J’espère. Et cet après-midi, je vais faire une promenade à cheval avec Taylor, poursuivit la jeune fille. Sa voix était claire et vive, pleine d’entrain. Derek se sentit partagé entre le soulagement et l’angoisse. Et si ce qu’elle lui avait dit était vrai ? Peut-être l’avait-elle déjà rayé de sa mémoire, comme s’il n’avait jamais existé. L’idée qu’elle avait déjà surmonté leur rupture le ravagea.


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