• Derek jeta un coup d’œil à l’horloge murale, ce qui lui permit de constater qu’il avait pris un sacré retard sur le planning. Tu n’as plus de questions à poser ? Tiffany fit signe que non. Très bien, alors, on va commencer.

    Une infirmière aida l’enfant à s’allonger sur la table. Tiffany pointa alors le doigt en direction de la galerie. C’est qui, là-haut ?

    Ce sont des amis, l'informa Derek en regardant vers eux. Ça ne te dérange pas qu’ils restent là ?

    Non. Dans un geste spontané, Tiffany fit aller sa main de droite à gauche pour saluer les deux personnes dont elle ne voyait que le visage. Bonjour, leur cria-t-elle. Vous allez bien ?

    Meredith dut faire un effort surhumain pour ne pas éclater en sanglots, mais au contraire afficher un sourire qu’elle espéra resplendissant. Coucou, peina-t-elle à articuler en rendant son salut à l’enfant. Elle jeta un coup d’œil à Mark qui, tout sourire, levait son pouce en l’air avec un grand clin d’œil. C’est horrible, chuchota-t-elle en remuant à peine les lèvres pour que Tiffany ne puisse pas comprendre ce qu’elle disait.

    Tu veux t’en aller ? lui proposa son ami.

    Pour qu’elle se demande pourquoi on s’en va ? Certainement pas !

    Ils restèrent silencieux pendant que l’anesthésiste endormait Tiffany. Après que son assistant lui eut donné les constantes de la petite patiente, Derek vint se placer face au crâne de celle-ci. Il lui passa la main sur le front. Ne trouvez-vous pas que c’est une magnifique journée pour sauver la vie de cet enfant ? Il leva la tête vers la galerie et se plongea dans le regard de Meredith pour y puiser de l’inspiration. Après quelques secondes d’un intense échange, il abaissa la tête et ferma les yeux. Quand il les rouvrit, il avait fait le vide. Il n’y avait plus que lui et Tiffany dans la salle. Ils n’étaient plus que deux pour se battre contre la mort. Il tendit la main vers la droite. Sa voix résonna, froide et métallique. Scalpel ! 

    Les doigts agrippés au petit rebord de la vitre, Meredith colla son front à cette dernière pour mieux observer son amoureux. Qu’est-ce qu’il fait ?  

    Eh bien là, il va inciser le cuir chevelu pour pouvoir le décoller et…

    Elle fit une grimace. C’est bon. J’ai pas vraiment besoin de savoir.

    Mark secoua légèrement la tête en haussant les sourcils. Ah je t’avais prévenue !

    Meredith le regarda en coin, toute penaude. J’ai pété un plomb, je crois.

    Ouais, j'en ai bien l'impression.

    Je ne sais pas ce qui m’a pris, avoua-t-elle. Je n’aurais pas dû venir, je sais, mais quand j’ai appris que ma mère avait demandé à Derek de me quitter, j’ai eu tellement peur. Il fallait que je le voie, tu comprends ?

    Et si tu lui faisais un peu confiance ? lui conseilla Mark sur un ton un peu bourru. Il me semble que ces derniers temps, il a suffisamment prouvé qu’il tenait vraiment à toi, non ?

    Ça n’a rien à voir avec ça, se défendit Meredith. Il m’a dit qu’il ne voulait pas être un sujet de dispute entre ma mère et moi. Quand j’ai su ce qu’elle lui avait demandé, j’ai eu peur, répéta-t-elle, énervée. Il aurait pu décider de se sacrifier.

    Les lèvres de Mark s’étirèrent en un grand sourire. C’est pas trop son truc, le sacrifice, si tu veux mon avis.

    Meredith fit la moue. J’sais pas. Il aurait pu vouloir prouver à ma mère qu’il n’est pas celui qu’elle croit. Et elle ! s’emporta-t-elle soudain. Pourquoi est-ce qu’elle croit tout ce qu’Izzie lui a raconté ?

    Mark devina le portrait peu flatteur que la blonde devait avoir fait de son ami et l’impact que cela avait eu sur la mère de Meredith. Elle l’a connue toute petite, c’est normal qu’elle lui fasse confiance. Il posa sa main sur le genou de sa camarade et l’étreignit légèrement. Mets-toi un peu à sa place, Mer. N’importe quel parent se méfierait de voir sa fille sortir avec Derek.

    Qu’elle se méfie, oui, mais ça ne lui donne pas le droit d’exiger qu’il me quitte ! asséna Meredith sur un ton péremptoire.

    La peur fait faire bien des choses parfois. Regarde, lui. D’un mouvement de la tête, Mark désigna Derek.

    Meredith soupira. Oui, tu as raison. Si un homme tel que Derek pouvait faire n’importe quoi sous l’effet de la peur, ce n’était pas étonnant qu’Anne Grey commette des erreurs, elle aussi. La jeune fille couva d’un regard tendre le chirurgien qui se concentrait sur son intervention, ne brisant le silence que pour demander un instrument. Heureusement, la disposition de la table ne permettait pas à Meredith de réaliser pleinement ce qu’il était en train de faire. Cela lui convenait très bien. Elle n’avait besoin de rien d’autre que de le voir, lui. Il était tellement mignon dans sa blouse bleue, avec ses petites boucles brunes qui débordaient un peu de son calot. C’était un peu futile de penser à cela, compte tenu de la gravité de la situation, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Quelles que soient les circonstances, la beauté de Derek la remuait au plus profond d’elle-même.


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  • Et quand Meredith voyait son petit ami se démener comme un beau diable pour sauver la vie d’une petite fille, elle ne pouvait que se féliciter d’avoir rencontré un homme aussi exceptionnel. Quant aux erreurs qu’il avait commises, elle en connaissait maintenant la raison, ce qui les rendait bien plus faciles à pardonner. Il m’a parlé de sa mère, laissa-t-elle tomber sans cesser d’observer ce qui se passait en bas.

    Je sais. Il me l’a dit ce matin, lui révéla Mark. En effet, Derek avait confié à son ami, entre deux portes, qu’il s’était enfin décidé à évoquer son passé avec Meredith. Il avait été peu disert, se bornant à dire qu’il lui avait parlé d'Abigail et de sa mère. Cela avait suffi à Mark. Point besoin d’entrer dans les détails. Il savait tout ce que cela impliquait.

    Meredith se tourna vers lui avec une expression désapprobatrice. Pourquoi tu ne m’as rien dit ? J’aurais sans doute réagi différemment si j’avais été au courant de tout ce qu'il avait subi.

    Mark ouvrit de grands yeux, étonné qu’elle puisse le blâmer pour ce qui lui semblait une évidence. Il m’avait fait jurer de ne jamais en parler à personne. Et puis, ce n’était pas mon histoire, Mer, mais la sienne. Il n’y avait que lui qui pouvait te la raconter. Avec moi, ça n’aurait pas eu le même impact.

    Meredith l’approuva d’un signe de tête. Il avait raison. Lorsque Momsy lui avait raconté ce qu’elle savait de l’histoire de Derek, elle avait été touchée, bien sûr, mais cela n’avait pas suffi à la ramener vers lui. Ce n’était qu’en écoutant Derek, en voyant son émotion, qu’elle avait perçu toute l’étendue du drame qu’il avait vécu. Je peux te poser une question ?

    Dis toujours…

    Comment il a fait pour s’en sortir sans sa famille ? Mark ouvrit la bouche mais Meredith enchaîna directement avec une autre interrogation. Il a fait comment pour ses études ? L’argent, je veux dire. Et il a vécu où ?

    Tu as dit une question, se moqua gentiment Mark avant de lui répondre. Quand son grand-père est décédé, il lui a laissé de l’argent. Un joli petit pactole, précisa-t-il en guettant la réaction de Meredith. Celle-ci resta impassible. Il poursuivit donc. Derek en avait hérité à sa majorité. Quand il a rompu les ponts avec son père, ça lui a permis de se débrouiller sans rien devoir demander à personne.

    Quelle chance ! s’écria Meredith. 

    L’argent est vraiment le seul avantage qu’il ait retiré de sa famille, lui fit remarquer Mark, un brin amer qu’elle les considère encore comme des fils de riches pour qui la vie avait été facile. Je crois qu’il pouvait avoir au moins ça.

    Elle prit immédiatement conscience du manque de tact dont elle venait de faire preuve. Oui, oui, bien sûr. Je suis désolée, ce n’est pas ce que je voulais dire. Elle semblait tellement navrée que Mark s’en voulut d’avoir été aussi sec avec elle. Il s’excusa d’un sourire et elle se sentit autorisée à continuer son interrogatoire. Tu connaissais bien ses parents, je suppose. Il fit signe que oui. Son père, il était comment ?

    Un neurochirurgien très brillant, vraiment, mais en tant qu’homme… Le dégoût s’inscrivit sur le visage de Mark. Un mari infâme, un père exécrable et vraiment un sale type. Il se tut un instant et jeta un œil distrait à l’opération qui semblait se dérouler sans encombre. Il a couché avec ma mère, lâcha-t-il soudain. Il se redressa et planta ses yeux dans ceux de Meredith. Le père de Derek, il a couché avec ma mère.

    Tu es au courant ? balbutia-t-elle, totalement médusée.

    Le regard de Mark traduisit sa stupéfaction. Toi aussi manifestement !

    Ta grand-mère me l’a dit mais elle m’a fait promettre de ne pas vous en parler, lui avoua Meredith, un peu contrariée de ne pas avoir réussi à donner le change. Elle croyait que vous n'étiez pas au courant.

    On l’a toujours été. On les a aperçus en ville un jour et… Mark haussa légèrement les épaules.

    Je suis vraiment désolée. Meredith se rapprocha de lui et s’agrippa à son bras tout en posant la tête contre son épaule.

    Oh tu sais… Il embrassa légèrement la chevelure de son amie. Lui ou un autre, ça ne changeait rien pour moi et ça ne changeait rien pour Derek. Ma mère, son père, ils étaient pareils. Ils ne respectaient rien. Il se souvenait parfaitement de cet après-midi de printemps où, alors qu'ils se promenaient en ville, ils avaient vu leurs parents sortir d’un hôtel. Cela ne les avait pas particulièrement choqués. Au contraire, ils en avaient plaisanté, se demandant avec cynisme s’il s’agissait d’une première fois ou d’une répétition. On n’a pas fait de vagues. On s’est tu, pour épargner Momsy. Il se sentit subitement tout attendri. Mais donc, elle le savait.

    Meredith se redressa. Oui. Elle les avait surpris un jour, chez toi

    Oh alors, elle a dû leur faire connaitre sa façon de penser, supposa Mark avec un sourire moqueur.  

    Oui, à grands coups de canne, sûrement ! Mark se mit à rire et Meredith l’imita, heureuse de constater que le temps semblait faire son œuvre. Le souvenir de Momsy devenait moins douloureux.  


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  • Elle me manque, confessa Mark d’une voix qui s'était brusquement étranglée.

    A moi aussi, murmura Meredith sans oser regarder son complice, de peur de fondre en sanglots.

    Il se racla légèrement la gorge pour dissiper le trop-plein d’émotion qui l’avait submergé. Alors, plus d’autre question ?

    Ça ne te dérange pas ? s'informa la jeune fille. Mark hocha la tête. Parle-moi de sa mère, le pria-t-elle alors. A ce moment, le haut-parleur crachota le bruit que faisait la fraise coupante avec laquelle Derek allait commencer à disséquer les os du crâne de Tiffany. Meredith sursauta. Sa conversation avec Mark lui avait fait perdre le fil de l’intervention mais le son du moteur venait de la ramener à l’horrible réalité. Ce fut comme si les vibrations de la machine se répercutaient dans son corps. Elle referma les bras sur son buste et serra les dents. Mark s’en aperçut. Il se leva et alla éteindre le haut-parleur. Elle le remercia d’un sourire.

    Il vint se rasseoir. Sa mère, tu disais ?

    Est-ce qu’elle le détestait vraiment autant qu’il le dit ? Meredith se sentait un peu mal à l’aise, coupable même, d’interroger Mark sur des sujets dont Derek lui avait déjà parlés. Elle avait peur de donner l’impression de vouloir vérifier ses dires. Pourtant, ce n’était pas du tout le cas. Elle ne mettait aucunement en doute ce que Derek lui avait confié. Elle voulait seulement en savoir plus. Il paraît qu’elle avait spécifié qu’il ne pouvait pas assister à son enterrement.

    Ouais, c’était écrit noir sur blanc. Le regard de Mark se porta sur Derek qui continuait à découper calmement le crâne de sa jeune patiente. Après sa mort, il a trouvé une lettre que sa mère avait écrite pour son mari. Elle lui criait son amour sur deux pages et, à la fin, il y avait dix lignes assassines où elle reniait son fils. C’est peut-être ce qui a été le plus dur pour lui.

    Cette femme n’avait vraiment pas de cœur, constata Meredith avec rage.

    Tu sais, ce n’était pas vraiment sa faute. Mark étendit sa jambe droite qui commençait à s’engourdir et la massa du plat de la main.

    Qu’est-ce que tu veux dire ?

    Elle était cinglée, déclara-t-il sans ambages. Elle imaginait des trucs. Et elle avait de ces sautes d’humeur ! C’était impressionnant. Il se souvenait parfaitement de ces scènes auxquelles le gamin qu’il était alors avait souvent assisté avec stupéfaction et un peu de frayeur. Avec le temps, il s'était habitué et il ne s'était plus étonné que Carolyn Shepherd se montre charmante et pleine d’humour pour, la seconde d’après, avoir un accès de colère totalement inexpliqué. Elle pouvait rire et pleurer dans la même minute, sans que rien ne le justifie, expliqua-t-il à l'intention de Meredith.

    Elle était dépressive, présuma cette dernière. C’est ce que j’avais pensé aussi quand Derek m’a raconté ce qui s’était passé.

    Non, c’était bien pire que ça. Pour moi, c’était ce qu’on appelle une personnalité borderline.

    Ah oui, j’ai lu un livre là-dessus, un jour, se souvint Meredith. Incapacité à gérer ses émotions, sentiment d’être une victime, peur de l’abandon, tentatives de suicides. C’est vrai que ça se tient. Elle réfléchit un instant. Et ça expliquerait le fait qu’elle ait idéalisé son mari et diabolisé son fils, avança-t-elle. Amour inconditionnel envers le premier et haine totale pour le second. Elle croisa le regard mi-étonné mi-railleur de Mark. Quoi ?

    Tu as appris le bouquin par cœur ? plaisanta ce dernier.

    Non, mais j’ai une très bonne mémoire pour les choses qui m’intéressent.

    Je vois ça, dit-il avec un petit sourire. Finalement, ça ne s'annonce pas trop mal, tes études de psy.  

    Meredith fit une petite moue dubitative. Je te trouve très optimiste. N’oublie pas qu’il y a tous les cours de sciences, lui rappela-t-elle avant de revenir au sujet qui la préoccupait. Tu en as parlé avec Derek ?

    Quoi ? De tes études ?

    Non ! De sa mère, gros bêta.

    Hé, je ne te permets pas ! Mark bascula vers la jeune fille, la heurtant d'un léger coup d'épaule, avant de redevenir sérieux. J’ai essayé à l’époque mais il n’était pas prêt à l’entendre. Et si tu veux mon avis, je ne suis pas sûr qu'il le soit maintenant. Les quelques fois où, bien des années auparavant, Mark avait tenté d’aborder le sujet, Derek avait réagi d’une façon qui avait dissuadé son ami de recommencer. Et pourtant, Mark était persuadé que, tout au fond de lui, Derek était conscient du déséquilibre de sa mère. Mais il avait une telle dévotion pour elle qu’il n’était pas capable de faire face à la réalité, du moins pas encore.

    Pourtant, ce serait plus simple pour lui, estima Meredith. Là, il est persuadé que sa mère le détestait à cause de ce qu’il était, alors que ce n’était que l’effet d’une maladie mentale. Pour elle, cela ne faisait aucun doute. La prise de conscience de Derek, quant à la vraie nature de sa mère, serait une véritable délivrance pour lui.


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  • Oui, mais pour le moment, il n’est pas prêt, insista Mark. Tu vois, il est tellement aveuglé par la haine qu’il éprouve pour son père qu'il le tient pour responsable de tout ce qui s'est passé.

    D’une certaine façon, il n’a pas tort, argumenta la jeune fille. Sa mère avait très certainement un trouble mental à la base mais vivre avec ce type n’a sûrement rien arrangé.

    Mark hocha la tête. Et à l’inverse, même si le père Shepherd était une vraie pourriture, ça ne devait pas être facile tous les jours de vivre avec sa femme.

    Mais ils n'ont jamais pensé à la faire soigner ? s'étonna Meredith. Ils étaient tous médecins dans cette famille. Tu ne vas pas me dire que personne ne s’est rendu compte qu’elle avait besoin d’aide !

    Ouais mais comme je viens de te le dire, Derek a toujours été dans le déni en ce qui concerne sa mère. Et pour ce qui est de son père, ça l'arrangeait peut-être d'une certaine manière. Elle était plus facile à manipuler. En plus, ce type avait un ego monstre. Pas du genre à admettre publiquement que sa femme était dérangée. Et de toute façon, dans notre milieu, c’est le genre de choses qu’on préfère dissimuler. Toujours sauver les apparences, quelles que soient les circonstances, énonça Mark avec emphase, l’index levé vers le ciel.

    Meredith le regarda avec une expression moqueuse. Ah ça, elles ont été sacrément sauvées, tes apparences ! A côté de tout ce qui s’est passé, le borderline, c’est que dalle ! ironisa-t-elle. Mark émit un petit rire espiègle. Le cœur de Meredith s’emballa subitement lorsqu’elle vit que Derek levait enfin la tête vers elle. Comme quelques-uns de ses assistants l’imitaient, elle résista à l’envie de lui faire un signe, comme elle l’avait fait au début, et se contenta de lui décocher un sourire des plus éclatants. A nouveau, elle devina à son regard qu’il souriait lui aussi. La seconde suivante, il se penchait légèrement devant une infirmière afin qu’elle lui pose sur la tête des lunettes dont chaque verre était muni d’une sorte de petite loupe. Il reprit ensuite sa place près de sa jeune patiente avant de tendre sa main vers une infirmière qui lui remit immédiatement une espèce de stylet relié à un fil. Le voir ainsi, à la tête d’une équipe qui lui obéissait au doigt et à l’œil, impressionnait fortement Meredith. Jusqu’à ce jour, Derek n’avait été pour elle que son petit ami, un très bel homme, un peu léger et superficiel, qui sautait au-dessus de la portière de sa belle voiture de sport pour impressionner les filles. Certes, elle savait qu’il était neurochirurgien, qu’il était même assez renommé. Cependant, ce n’était que des mots qui n’évoquaient rien de très précis pour elle. Mais, aujourd’hui, le personnage venait de prendre une tout autre dimension. Celui qui n’était jusqu’alors qu’un prince charmant venait de se métamorphoser en un véritable dieu. Ce qui n’était pas sans poser un problème à Meredith. Était-elle digne d’un dieu ? Abigail… elle était comment ? Mark fronça les sourcils. Je veux dire, elle était jolie ?

    Il fit la moue. Ouais. Ouais, elle était pas mal, mais ce n’était pas mon genre. Du tout !

    Pourquoi ?

    C’est comme ça. Elle ne me plaisait pas, c’est tout. Un petit machin tout sec, sans formes. Mark fit une grimace qui amena un sourire sur les lèvres de Meredith. Je n’ai jamais compris ce que Derek lui avait trouvé, grommela-t-il. Elle n’était pas son genre non plus.

    Mais il en était amoureux, objecta Meredith avec un petit pincement au cœur.

    Ouais, confirma Mark. Foutue connerie tout de même !

    Est-ce que tu crois… Meredith s’arrêta soudain, hésitant à formuler la question qui la taraudait depuis des semaines maintenant. Est-ce que tu crois qu’il l’a aimée plus qu’il ne m’aime ? Oh bien sûr, Derek l’avait assurée du contraire, affirmant même qu’elle était l’amour de sa vie, mais elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver encore un doute. Comment elle, petite vendeuse de pâtisseries actuellement sans emploi et sans talent particulier, au physique plutôt banal, pouvait-elle rivaliser avec la brillante et très certainement ravissante étudiante en médecine ? Rien ne plaidait en sa faveur. Son seul atout par rapport à Abigail était une poitrine un peu plus opulente. Ce n’était pas avec cela qu’elle tiendrait la distance !

    Mark souffla. Mer…

    Elle joignit ses mains en un geste de prière. Réponds-moi, je t’en prie. J’ai besoin de savoir.

    Tu as tort de te poser ce genre de questions. Ce qu’il a vécu avec elle il y a douze ans ne peut pas être comparé avec ce qu’il vit avec toi maintenant. Mark soupira. Si tu espères que je vais te dire qu’il ne l’aimait pas, alors tu vas être déçue. Parce qu’il était amoureux, comme on peut l'être à vingt ans et que c’est la première fois que ça compte vraiment. Je n’ai jamais compris pourquoi, répéta-t-il, mais il en était amoureux. C’était sérieux. Il pensait qu’il ferait sa vie avec elle. Meredith baissa la tête et il comprit qu’elle essayait de lui cacher les larmes qui commençaient à envahir ses yeux. Il s’en voulut de lui asséner la vérité aussi maladroitement. Il lui prit une main qu’il serra entre les siennes. C’était il y a très longtemps, Mer. Il l’obligea à relever la tête. Aujourd'hui, c’est toi qu’il aime. Aussi sincèrement qu’il a aimé Abigail mais pas du tout de la même façon. C’est plus profond, parce qu’il a vécu des choses et qu’il a plus de maturité. Il t’aime vraiment, à la folie, et rien d’autre ne devrait plus compter pour toi.  

    Je sais mais… j’ai l’impression de ne pas faire le poids face à elle, tu comprends ? Envahie par le découragement, Meredith lutta pour ne pas laisser couler ses larmes. Qu’est-ce qu’il peut bien me trouver, Mark ? geignit-elle.


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  • Mais tu es cent mille fois mieux que cette salope ! s’emporta Mark, contrarié que Meredith puisse encore douter d’elle-même. Et je ne parle pas seulement du physique. Non, franchement, Meredith, tu déconnes ! Cette manie que tu as de toujours te rabaisser ! Il la prit par les épaules pour l’attirer contre lui. Tu as tout pour plaire à Derek justement. Non seulement tu es jolie, ravissante même, insista-t-il, mais en plus, tu es honnête. Après tout ce qu’il a vécu, c’est ce qu’il veut, une personne en qui il peut avoir toute confiance, qui soit droite et sincère, qui ne lui mente pas. Quelqu’un qui lui dise ce qu’elle pense ! Quelqu’un qui a des principes et qui s’y tient ! Voilà ce qu’il veut. Et c’est parce que tu es tout ça que tu lui plais autant. Il resserra un peu plus fort son étreinte. Sur ce plan, tu vaux des millions d'Abigail et il en est parfaitement conscient. Il n'a aucun regret, crois-moi. 

    Tu en sûr ? chuchota Meredith en reniflant.

    Mark fit mine d’être choqué. Hé ! C’est mon meilleur ami, clama-t-il d’une voix forte. On a grandi ensemble. Il me raconte tout et ce qu’il ne me dit pas, je le devine. Je sais ce qu’il pense et comment il fonctionne. Alors, quand je te dis que ce mec est raide dingue de toi, c’est que c’est vrai. Les yeux pleins d’espoir que Meredith dirigea vers lui le firent fondre. Tu sais, ce qu’il a fait pour toi, il ne l’aurait pas fait pour elle, certifia-t-il d’une voix tout en douceur. Te courir après comme il l’a fait, te supplier de revenir… Il secoua la tête. Il ne l’aurait jamais fait pour elle. Bien trop fier. Mais pour toi, il a mis sa fierté de côté et ça, crois-moi, ça veut tout dire. Ça veut dire qu’il t’aime vraiment plus que tout. 

    Merci, murmura Meredith, rassurée. Elle se pelotonna contre lui. Mark avait toujours su trouver les mots qui l’apaisaient et la rassuraient. Il était vraiment le meilleur ami qu’elle puisse avoir. Elle s’en voulut subitement de s’être éloignée de lui ces derniers temps et d’avoir ainsi relégué leur amitié au second plan. Et toi, ça va ? demanda-t-elle avec des accents de culpabilité.

    Ouais, ça va, répondit-il sobrement.

    Et tes amours ?

    La routine. Depuis son retour de Santa Rosa, il passait toutes ses nuits en galante compagnie, jamais la même bien entendu. Tous les soirs, il quittait la clinique et allait trainer en ville, jusqu’à ce qu’il trouve celle qui allait égayer sa soirée. Quoique égayer fusse un bien grand mot. En dehors de l’acte sexuel, il ne trouvait plus aucun plaisir dans ces relations sans lendemain. Et même parfois, le sexe s’avérait très décevant. S’il s’obstinait, c’était tout simplement pour ne pas être seul. Avant, il avait Derek mais maintenant que celui-ci était casé, il se sentait un peu abandonné. Quant à Callie, elle s’était mise en tête de trouver l’âme sœur et, pour cela, de s’inscrire à tous les speed dating que la ville comptait, ce qui allait la rendre forcément moins disponible.

    Et cette fille dont tu m’as parlé ? La façon dont Mark la regarda indiqua à Meredith qu’il ne voyait pas ce à quoi elle faisait allusion. Tu sais, à Aspen. Celle qui avait un copain. Et dont tu es secrètement amoureux, précisa-t-elle après avoir hésité à le faire. Mark lui avait fait cette confidence dans un moment d’abandon. Elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise en la lui rappelant.

    Il se souvenait parfaitement de cette conversation où il lui avait avoué ce qu’il ressentait pour elle, sans qu’elle se doute un instant qu’elle était celle dont il parlait. Ah cette fille-là ! dit-il avec un sourire à la fois énigmatique et triste. Eh bien, elle est toujours avec son copain.

    Meredith posa sur lui un regard empli de compassion. Oh Mark, je suis désolée.

    Il leva légèrement les épaules. Bah, faut pas. C’est comme ça. C’est la vie. Il fut surpris par la bouffée d’émotion qui l’envahissait. Lui qui avait cru que ses sentiments pour Meredith s’étaient, non pas évanouis – un amour aussi fort ne pouvait jamais disparaître tout à fait – mais affaiblis, il réalisait qu’il n’en était rien.

    Mais est-ce que tu lui as parlé au moins ? s’enquit Meredith, un léger reproche dans la voix parce qu’elle connaissait déjà la réponse.

    Mark haussa les sourcils. Pour quoi faire ? Elle est très amoureuse de ce mec et c’est réciproque. Pourquoi veux-tu que je lui parle d’un truc qui ne l’intéresse pas ?

    Ça, tu n’en sais rien ! martela Meredith en plantant son regard dans celui de Mark.

    Allons, Mer… Il laissa échapper un soupir. Elle n’a jamais vu en moi qu’un ami et elle ne verra jamais rien d’autre. Et c’est très bien comme ça ! affirma-t-il avec conviction, en espérant que cela suffirait à dissuader la jeune fille d’insister.

    Moi, je trouve qu’elle a le droit de savoir ! s’enferra-t-elle, bien décidée à avoir le dernier mot.

    Le sujet, pour le moins épineux, finit par rendre Mark nerveux. Et moi, je suis certain que ça ne l’intéresse pas de savoir ! dit-il sur un ton un peu cassant.

    Alors, tu abandonnes ? Comme ça ? s'indigna Meredith. Elle s’était fait de Mark l’image d’un homme coriace et opiniâtre et le fait qu’il renonce aussi facilement au grand amour la décevait beaucoup.

    Ouais, comme ça ! Il fit mine de s’absorber dans l’observation de l’opération, en espérant que Meredith l’imiterait. Il commençait à regretter amèrement d’avoir accepté de lui tenir compagnie. La prochaine fois, je m’abstiendrai, pensa-t-il.


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