• Alors, c’est que tu ne l’aimes pas vraiment ! conclut Meredith, sans cacher qu'elle était dépitée.

    S’il y avait une chose que Mark n’était pas prêt à tolérer, c’était qu’elle remette en cause l’amour qu’il lui portait, le seul qui ait fait battre son cœur d’ailleurs. Mais si, je l’aime vraiment ! s’emporta-t-il. Mais ça ne me mène nulle part. Devant cet affligeant constat, sa hargne retomba comme un soufflé. Alors, je me suis fait une raison. Son intonation était lasse, comme découragée, et Meredith eut mal au cœur en voyant la tristesse assombrir ses yeux. Quand je les vois tous les deux, je sais qu’ils sont faits pour être ensemble.

    Comme Derek et moi.

    Le sourire de Mark se teinta de désespoir. Oui, comme Derek et toi. Il regarda la main de Meredith qui venait de saisir la sienne et la serrait de toutes ses forces. Elle ne m’aimera jamais, pas comme je le voudrais. Je suis son ami et rien de plus. Il releva les yeux vers celle qui venait de raviver tout ce qu’il s’efforçait de refouler depuis des semaines. Si je lui avouais ce que je ressens, je risquerais de perdre son amitié et ça… ça, je ne veux pas. Cette fille n’est pas pour moi, Mer. C’est dommage mais c’est comme ça. Ça ne servirait à rien de m’acharner, sauf à me rendre plus malheureux encore. En plus, je connais son copain. Un peu, mentit-il. C’est un brave gars. Ce ne serait pas correct si j’essayais de lui voler sa copine.

    Meredith le regarda avec affection. Quand je pense que tout le monde te prend pour un salaud ! Il sourit. Il faudrait quand même que tu te décides un jour à leur montrer qu’ils se trompent, lui suggéra-t-elle.

    Il se contenta de hausser les épaules. L’avis des autres lui importait peu du moment qu’elle savait qui il était vraiment. Ils arrêtèrent de parler pour se concentrer à nouveau sur l’intervention. Très vite, pourtant, Mark fut distrait par une idée qui le mit très mal à l’aise. Meredith et Derek semblaient désormais ne plus avoir de secret l’un pour l’autre. Si jamais la jeune fille rapportait cette conversation à son petit ami, celui-ci s’étonnerait de ne pas être au courant. Il commencerait par reprocher à son ami de lui avoir caché quelque chose d’aussi important. Ensuite, il l’interrogerait pour connaitre le fin mot de l’histoire et il ne lui faudrait sans doute pas plus de quelques minutes pour sentir le coup fourré. De là à ce qu’il devine tout ce que cela cachait, il n’y avait qu’un pas que Mark ne voulait certainement pas voir franchi. Euh… dis, ce truc… avec cette fille. Meredith opina de la tête. Je n’en ai parlé à personne, même pas à Derek. Y a que toi qui es courant et… enfin, j’aimerais vraiment que ça reste entre nous. Son air penaud n’était pas feint. Il s’en voulait non pas de mentir à Meredith – ce n’était pas le cas puisque Derek n’était effectivement pas au courant – mais de travestir la vérité.

    Ne t’en fais pas. Ce sera notre secret. Meredith se rapprocha de lui pour lui planter un baiser sur la joue. Et pour le reste, je suis sûre qu’un jour tu rencontreras la femme de ta vie.

    A nouveau, Mark sentit sa gorge se serrer sous l’effet de l’émotion. Ouais… on verra.

    C’est tout vu ! clama Meredith. Tu es un type génial. N’importe quelle femme serait heureuse d’être avec toi. Il faut juste que tu leur laisses une chance. Et ce n’est pas en changeant de copine tous les jours que…

    Mark lui coupa la parole. Je croirais entendre ma grand-mère, plaisanta-t-il avec énormément de tendresse dans la voix.

    Je prends ça comme un compliment, répliqua Meredith. Ils se sourirent et, cette fois, ce fut Mark qui se pencha vers elle pour l'embrasser sur la joue. La jeune fille s’accrocha à son bras, en pensant à la chance énorme qu’elle avait de s’être fait un ami tel que lui. Il méritait d’être heureux, lui aussi. Tu as eu des nouvelles de Taylor depuis qu’on est revenu de Santa Rosa ? laissa-t-elle tomber après un long moment de silence.

    Pourquoi tu demandes ça ? s’inquiéta Mark tout en feignant d’être détaché.

    Comme ça. Meredith lui jeta un regard en coin. Elle te plaît bien, non ?

    Il la visa d’un œil soupçonneux. Il est où, le piège ?

    Y en a pas ! assura-t-elle. Vous vous plaisez, vous vous entendez bien, alors voilà…

    C’est pas toi qui m’as interdit de m’intéresser à elle ? 

    Meredith acquiesça. Oui, mais en y réfléchissant bien… Tu sais, si j’avais eu dix-sept ans quand j’ai rencontré Derek, je ne crois pas que ça aurait changé quoi que ce soit. Pas pour moi en tout cas et, à mon avis, pas pour lui non plus. Elle guetta la réaction de Mark.

    Je suppose que non, concéda-t-il avec un petit sourire.

    Meredith lui fit part de son raisonnement. On tombe amoureux d’une personne pour ce qu’elle est, et l’âge n’a rien à y voir. Le principal, c’est d’être bien ensemble. Alors, si toi et Taylor... ben, moi, je serais d’accord.

    C’est gentil. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour être honnête, depuis son retour, Mark n’avait guère pensé à l'adolescente, comme si l’éloignement avait rompu le charme qui s’était créé à Santa Rosa.


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  • Mais ça pourrait le devenir, argua Meredith. Un simple coup de fil et…

    Je n'ai pas l'intention de l'appeler.

    Toi non, mais moi, je pourrais.

    Il est hors de question que tu te mêles de ça ! décréta Mark. Il se mit à rire en voyant son air désappointé. Ecoute, c’est sympa de vouloir m’aider mais je ne suis pas sûr que c’est ce que je veux. C’est vrai qu’elle me plait bien, la petite, reconnut-il. Elle est jolie, sympa, délurée et, au lit, ça doit être une affaire. Mais elle est très jeune et j’aurais peur de lui faire du mal. Il vit au regard de Meredith qu’elle ne comprenait pas très bien ce qu’il voulait dire. Je me connais, Mer. Les relations sérieuses et moi… Il fit la moue. Ma grand-mère a quasiment vu naître cette gamine. Jackson la considère comme sa petite sœur. D'une certaine façon, elle fait partie de la famille. Si je décidais d'avoir une relation avec elle, il faudrait que ce soit sérieux, très sérieux. Et je ne suis pas sûr d'en avoir vraiment envie. Alors… Il fit un geste vague de la main.

    D’accord. Je comprends. En tout cas, sache que la seule chose qui compte pour moi, c'est que tu sois heureux et si ça doit être avec Taylor… Meredith s'arrêta net de parler parce qu'elle venait de remarquer, dans la salle d’opération, une certaine agitation qui lui semblait suspecte. Elle pointa l’index vers le bas. Mark, qu’est-ce qui se passe ? Il suivit la direction indiquée par son doigt et sembla contrarié par ce qu’il vit, ce qui n’échappa pas à la jeune fille. Mark, qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogea-t-elle avec nervosité.

    J’sais pas, prétendit-il pour ne pas l’effaroucher. Il se leva et alla rallumer le haut-parleur.

    Asystolie, cria le médecin qui assistait Derek.

    La voix nerveuse de ce dernier résonna dans la galerie. Commencez la réanimation. Dépêchez-vous. Dépêchez-vous, bon sang, vociféra-t-il parce que son collègue n’allait pas assez vite à son goût. Meredith se leva d’un bond et se colla à la vitre, en y plaquant la paume de ses mains. Elle poussa un petit cri quand Derek poussa violemment son assistant sur le côté et entreprit le massage cardiaque à sa place. Donnez-lui 1mg de Xylocaïne par intraveineuse, ordonna-t-il sèchement à son assistant lequel s’exécuta immédiatement, sans résultat. Tout en poursuivant le massage, Derek s’adressa à sa patiente. Allez, Tiffany. Reste avec moi. Il faut que tu restes. Tu ne peux pas abandonner.

    Haletante, Meredith se tourna vers Mark. Il va la sauver, n’est-ce pas ? Il resta silencieux.

    Aide-moi, Tiffany. Bats-toi, nom de dieu ! s’époumona Derek.

    Comprenant que les choses risquaient de dégénérer, Mark décida de prendre les choses en main. Il était hors de question de laisser Meredith assister en direct à la mort de l’enfant. Il la prit d’autorité par la main. Viens.

    Elle était morte de peur et ses jambes tremblaient tellement qu’elle avait l’impression qu’elle allait s’effondrer mais elle ne pouvait envisager de quitter la galerie. C’eut été comme abandonner Derek. Non, je veux rester, ânonna-t-elle. A ce moment, Derek leva les yeux et, tout en poursuivant le massage, fit comprendre à son ami, d’un mouvement brusque de la tête, qu'il était temps de faire sortir Meredith.

    Mark tira légèrement sur le bras de la jeune fille. Tu vois, il veut que tu t’en ailles, lui aussi. Elle ne bougea pas, le regard fixé sur Derek qui poursuivait le massage cardiaque tout en hurlant des ordres à son équipe. Meredith, il essaie de lui sauver la vie, lui rappela Mark. En restant ici, tu ne l’aides pas. Il doit se battre pour la petite et, pour ça, il doit rester concentré. Mais si tu restes là, il va penser à toi et à ce que tu ressens. A ce moment-là, Derek regarda à nouveau en direction de la galerie. Meredith réalisa alors que Mark avait raison et le suivit sans plus discuter. Ils descendirent l’escalier dans le plus grand silence. Ils marchaient dans le couloir quand Meredith se mit à pleurer. Mark la prit immédiatement dans ses bras. Ne t’en fais pas. Ça va aller, lui garantit-il, en passant outre son sacro-saint principe de ne jamais promettre ce dont il n’était pas absolument sûr.  

    C’est ma faute, chouina-t-elle contre son torse. Je n’aurais jamais dû accepter d’assister à cette opération.

    Mark la gronda tendrement en lui caressant les cheveux pour la calmer. Tu dis des bêtises ! Ça n’a rien à voir avec toi. L’intervention est très risquée. Ça se serait passé, avec ou sans toi.

    Elle leva vers lui un visage ruisselant de larmes. Il va la sauver, n’est-ce pas ?

    Cette fois, il mesura ses propos. Il va faire tout son possible en tout cas.

    Tu ne peux rien promettre, c’est ça ?

    Mark lui sourit tristement. Je voudrais tellement mais non, je ne peux pas. Il la prit par la taille. Viens. Faut pas rester ici. Elle se laissa aller contre lui pour avancer. Ils débouchaient du couloir lorsque le bipeur de Mark sonna. Le chirurgien s’assombrit un peu plus en consultant son appareil. Ah merde ! pesta-t-il. Va falloir que je te laisse. Une patiente en post-op’ qui a des problèmes. Je vais faire le plus vite possible, déclara-t-il devant le regard affolé de son amie. Il était plus qu’embêté de la laisser seule mais il n’avait guère le choix.


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  • Mark se demandait où installer Meredith jusqu’à son retour – dans son bureau, celui de Derek ou la salle d’attente ? – quand il remarqua, dans le petit bureau qui se trouvait derrière eux, une infirmière qui était en train de classer des documents dans des dossiers. Il ouvrit la porte si brusquement que la jeune femme faillit en laisser tomber ses papiers. Elle lui lança un regard noir qui ne lui fit ni chaud ni froid. J’ai besoin de toi, lui annonça-t-il tout de go. Tu vas accompagner cette demoiselle dans la salle d’attente et tu vas rester avec elle jusqu’à ce que je revienne.

    Meredith n’était plus une inconnue pour le personnel de la clinique. Pratiquement tous savaient qu’elle était la petite amie du peu commode Derek Shepherd. Et mon travail ? objecta l'infirmière, peu enthousiaste à l’idée de jouer les dames de compagnie. Comme tout le monde ici, elle se souvenait que le précédent passage de Meredith avait coûté la place, sans qu’on en connaisse la raison, à trois collègues des plus compétentes et elle n’avait aucune envie de faire partie des prochains licenciements.

    Ben, tu le reprendras après, grogna Mark. Tes papiers ne vont pas s’envoler.

    Mark, c’est ridicule ! intervint Meredith qui avait bien vu que la requête de son ami contrariait beaucoup l'infirmière. Je ne suis plus une gamine, je peux rester seule un moment. En plus, Madame a sûrement mieux à faire qu’à me servir de baby-sitter. Cette remarque lui valut un sourire reconnaissant de l’intéressée. Et puis, tu ne vas pas rester absent si longtemps que ça, n’est-ce pas ? demanda-t-elle au chirurgien avec des yeux implorants.

    J’espère que non, répondit-il avant de se tourner vers l’infirmière. Bon, alors, tu la conduis à la salle d’attente et tu veilles à ce qu’elle ne manque de rien. Moi, je fais le plus vite possible, promit-il encore une fois à Meredith. Le temps de lui faire un baiser sur la joue et il partait déjà à grandes enjambées.

    L’infirmière fit signe à la jeune fille de la suivre. Elles marchèrent côte à côte, sans parler – elles étaient aussi embarrassées l’une que l’autre et ne savaient pas comment briser la glace – jusqu’à ce qu’elles arrivent devant une salle aux immenses baies vitrées qui donnait une vue splendide sur la ville. Voilà, vous pouvez attendre là, dit l’infirmière en désignant quelques sièges vides. Si vous voulez quelque chose à boire, il y a un distributeur, là, plus loin, précisa-t-elle en pointant le doigt vers sa gauche. Et si jamais vous avez besoin de moi, je serai dans le bureau, ajouta-t-elle par acquit de conscience. Valait mieux être sympa avec la créature des patrons ! 

    Merci, répondit Meredith, désespérée à l’idée de devoir attendre seule dans ce milieu hostile à tous les niveaux. Elle détestait les hôpitaux parce que, dans la plupart des cas, ils étaient synonymes de maladie et de mort. Par ailleurs, elle ne pouvait ignorer les regards pleins de sous-entendus et les messes basses que déclenchait à chaque fois sa présence. Il était évidemment qu’en raison de son statut de petite amie de, elle n’était pas la bienvenue. C’est Derek qui abuse mais c’est moi qui trinque, se dit-elle avec amertume en s’installant sur une chaise. Après avoir regardé un instant le paysage dont la beauté la laissa relativement indifférente, elle prit un magazine sur la petite table qui se trouvait à côté d’elle. Malheureusement, il s’agissait d’une revue médicale dont le premier article, "Gamma globulines antitétaniques et médicaments dérivés du sang", la découragea dès les premières lignes. Elle n’y comprenait rien. La page suivante n’était guère plus réjouissante. "Cancer du côlon : les bénéfices insoupçonnés des statines" Quelle drôle d’idée de mettre ce genre de lecture dans la salle d’attente d’une clinique, pensa Meredith. Rien de tel pour saper le moral ! Elle échangea cette revue ô combien rebutante contre le dernier People Magazine, nettement plus accessible. Hélas, les nouvelles excentricités de Paris Hilton ou la vingtième cure de désintoxication de Lindsay Lohan ne parvinrent à la distraire, pas plus que l’article sur la nécessité pour Britney Spears de se faire poser de toute urgence de nouvelles extensions capillaires. Tout cela était tellement dérisoire par rapport à ce qui était en train de se jouer dans la salle d’opération. Elle referma le magazine et regarda sa montre avant de s’intéresser aux personnes qui l’entouraient. Isolées ou en groupe, de tous les âges, la mine sombre pour la plupart, elles attendaient vraisemblablement qu’on vienne les rassurer sur le sort d’un de leurs proches. Elle-même était tellement stressée parce qu’une petite fille, qui lui était totalement étrangère, risquait de mourir qu’elle avait du mal à comprendre comment ces gens arrivaient à tenir le coup. Pour ne pas paraître trop curieuse, elle tourna la tête pour observer les allées et venues du personnel. Ceux-là, en revanche, ne semblaient pas le moins du monde démoralisés. Ils passaient et repassaient, en faisant de temps en temps une halte devant le distributeur de boissons qui semblait être le lieu de toutes les réunions, et on entendait leurs rires ponctuer leurs conversations, ce qui laissa supposer à Meredith que ces dernières ne devaient pas être professionnelles. Elle se lassa assez vite de tout ce spectacle. Un nouveau coup d’œil à sa montre lui permit de constater que le temps ne passait pas. Il lui sembla que cela faisait une éternité que Derek était entré en salle d’opération. Son inquiétude monta d’un cran. Après une nouvelle demi-heure, elle n’y tint plus. Elle se leva pour repartir vers le bureau où normalement, l’infirmière devait être toujours en train de classer ses dossiers. Elle y était, effectivement. Meredith frappa un coup discret à la porte avant d’entrer. Excusez-moi mais… Elle s’arrêta, ne sachant trop comment formuler sa demande. Elle savait que le moindre de ses mots serait répété et jugé et elle ne voulait pas donner matière aux commérages. Cependant, le regard mi-interrogateur, mi-moqueur de l’infirmière lui indiqua qu’elle serait, de toute façon, la risée de tous si elle ne poursuivait pas. Le Dr Shepherd est en salle d’opération et ça me semble tellement long. Est-ce que c’est normal ?

    Je crois bien, répondit l’infirmière. Les interventions en neuro sont toujours assez longues. Vous voulez que je me renseigne ? proposa-t-elle, plus pour se faire bien voir que par réelle amabilité.

    Oh si ça ne vous dérange pas, ce serait vraiment gentil, s’exclama Meredith avec un grand sourire plein de gratitude.


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  • L’infirmière alla décrocher le téléphone mural et composa un numéro. Allo. Ah c’est toi, Ally ! Dis-moi. J’ai ici la petite amie du Dr Shepherd et elle aimerait savoir s’il est encore au bloc. Elle sourit d'une façon qui fit comprendre à Meredith que sa collègue était en train de faire un commentaire, très certainement désobligeant, à son égard. OK, reprit l’infirmière après un moment. Je lui dis. Merci, Ally. Oui, à plus. Elle raccrocha avant de se tourner vers Meredith. Oui, il est toujours au bloc.

    Oh ! murmura Meredith, déçue de ne pas avoir plus de renseignements. Et vous ne savez pas si ça se passe bien ? s’enhardit-elle à demander. Il est en train d’opérer une petite fille, alors… L’infirmière marqua sa compréhension en hochant la tête. Meredith soupira. Tant pis. Excusez-moi de vous avoir dérangée. Et merci en tout cas. Elle sortit de la pièce en ayant l’air de porter le poids du monde sur ses épaules.

    L’infirmière fut prise d’un remords de conscience. Après tout, celle fille paraissait réellement gentille et elle semblait vraiment inquiète pour l'enfant qui se faisait opérer. Et surtout, si jamais elle allait se plaindre à son copain de l'accueil qu'elle avait reçu, les conséquences pourraient être terribles. L’infirmière sortit à son tour du bureau. Mademoiselle… Meredith se retourna, pleine d’espoir. On ne peut pas savoir ce qui se passe en salle d’op’ avant qu’ils en sortent mais… vous savez, c’est plutôt bon signe quand ça dure longtemps.

    Ah ! Tant mieux alors, se réjouit timidement Meredith. Tout ça est tellement… nouveau pour moi.

    L’infirmière souleva légèrement les épaules avec un petit sourire. Bah ! Vous vous y ferez à la longue. Quelques mois avec le Dr Shepherd et vous aurez compris que si vous savez quand il entre au bloc, vous ne savez jamais quand il va en sortir. Elle réalisa soudain à quel point ce qu’elle venait de dire était personnel et à la limite de la bienséance. Elle regarda Meredith avec un air un peu gêné. Je ne voudrais pas avoir l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas.

    Hmm… Non. Je trouve que c’est plutôt un bon conseil, déclara Meredith avec un petit sourire. Mais soyez tranquille, je le garderai pour moi. Les deux femmes échangèrent un regard complice. Bonne journée, souhaita Meredith en s’éloignant. Tandis qu’elle regagnait la salle d’attente, elle songea au contraste qui existait entre le Derek qu’elle connaissait, un homme adorable et tendre, et celui qu’il était dans le cadre de son travail, un chirurgien autoritaire qui, de toute évidence, terrorisait son personnel. Pour tout dire, elle n’était pas mécontente d’être la seule à connaitre la face cachée du monstre. C’était un privilège qu’elle ne désirait pas partager. Elle alla se rasseoir, légèrement rassurée par les paroles de l’infirmière. Si Derek n’était pas encore là, cela signifiait sans doute qu’il avait réussi à réanimer Tiffany et que l’opération suivait son cours normal. Cependant, au fur et à mesure que le temps s’égrenait, Meredith sentit renaitre son stress. Et Mark qui ne revenait toujours pas ! Lui au moins aurait pu l’informer. Elle envisagea un instant de retourner dans la galerie mais, outre le fait qu'elle n'était pas certaine de pouvoir en retrouver le chemin, la peur de contrarier ou de perturber Derek la retint. Elle n’osa pas non plus s’adresser de nouveau à l’infirmière, pour ne pas apparaitre à ses yeux comme une pauvre fille faible et ridicule. 

    Elle commençait à désespérer lorsqu’elle aperçut Mark qui arrivait à grandes enjambées. Impatiente, elle alla à sa rencontre. Désolé, mais j’ai eu un imprévu, se justifia-t-il quand elle l’eut rejoint. Derek n’est toujours pas là ? Elle secoua la tête et il devina à son expression qu’elle était rongée par l’inquiétude. Tu veux que j’aille me renseigner ? lui proposa-t-il avec un sourire attendri.

    Oh tu veux bien ? s’écria-t-elle. J’ai l’impression d’être là depuis une éternité et je n’en peux plus de ne pas ne pas savoir. Elle avait beau essayer de se raisonner en se disant que la vie de Derek n’était aucunement en danger, que même si Tiffany ne survivait pas à l’intervention, cela ne changerait pas grand-chose pour lui et pour leur couple, elle ressentait une angoisse semblable à celle que les familles qui l’entouraient devaient, selon elle, éprouver pour leurs proches.  

    Pas de problème ! claironna Mark. T’inquiète, j’arrive ! Il fit volte-face mais fut coupé dans son élan par le cri de Meredith.

    Mark, regarde, il est là ! Mark se retourna encore une fois et aperçut son ami qui marchait en leur direction. Ils n’étaient pas les seuls à l’avoir vu car un couple d’une trentaine d’années s’était levé et le regardait venir avec appréhension. Ce sont les parents de la petite ? demanda Meredith.

    Certainement, répondit Mark.

    Oh mon dieu ! murmura son amie dont l’anxiété monta d’un cran. Les pauvres gens étaient blêmes et elle eut l’impression que la femme pouvait s’écrouler à tout moment. En revanche, Derek était imperturbable. Impossible de deviner, en le voyant, quelle avait été l’issue de l’intervention. Il a changé de tenue, remarqua Meredith.

    On a l’habitude de se changer en sortant du bloc, lui apprit Mark. C’est mieux pour les familles. Ça les rassure de nous voir arriver dans des tenues impeccables.

    Ils observèrent Derek alors qu’il s’arrêtait devant le couple. Il ne fallut que quelques secondes pour que la mère de Tiffany éclate en sanglots avant de se blottir contre son mari. Si Meredith avait prêté attention à celui-ci, elle aurait vu qu’il poussait un soupir de soulagement, détail qui n’échappa pas à Mark. La jeune fille happa la main de ce dernier et la serra à l’en broyer. Ça veut dire que…


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  • Ça veut dire que cet enfant de salaud a encore réussi son coup, dit Mark avec un petit sourire.

    Meredith le regarda, incrédule. Il a réussi ? La petite est sauvée ?

    Oui. Regarde-les.

    Le père, tout sourire, avait pris sa femme par la taille et elle riait tout en pleurant. Ils avaient l’air tellement soulagés, tellement heureux. Meredith sentit son cœur se dilater de fierté, surtout lorsque la femme prit Derek dans ses bras pour le serrer contre elle et lui donner un baiser sur la joue. Oh c’est trop génial ! s’exclama Meredith en réfrénant son envie d’applaudir. Si elle l’avait osé, elle aurait crié à tous les occupants de la salle d'attente que cet homme, son homme, était un des chirurgiens les plus talentueux de sa génération, un génie. Ça, c’est autre chose que de refaire des poitrines, hein ! plaisanta-t-elle en levant un regard moqueur vers son ami.

    Ouais. Arrête de te la péter, grommela-t-il, un peu vexé tout de même qu’elle assimile sa spécialité à quelque chose de facile et d’anodin. Et puis, je ne fais pas que les poitrines. Je fais des tas d'autres trucs qui… Il n’alla pas plus loin car Meredith ne l’écoutait déjà plus.

    Le sourire béat, elle regardait le père de Tiffany serrer vigoureusement la main de Derek, avant que la mère ne l’embrasse une fois encore. Enfin, le chirurgien se retourna et elle put découvrir son visage, fatigué mais heureux. Il marcha vers eux avec un grand sourire comblé. Il était à deux mètres lorsqu’elle ne put plus résister à la tentation de courir vers lui. Tu as réussi ! chuchota-t-elle, pleine d’admiration, en se jetant dans ses bras.

    Il la serra étroitement contre lui. Oui, j’ai réussi. J’ai retiré cette putain de tumeur. Il prit la jeune fille par la taille pour rejoindre leur ami. Elle était énorme, encore plus que ce que je pensais, précisa-t-il à l’intention de Mark. Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre que la petite se réveille.

    Oui, espérons que tout se passe bien, dit simplement Mark.  

    Le regard de Meredith alla de l’un à l’autre. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Il y a un problème ?

    Derek prit un air grave. J'espère que non mais on ne le saura que quand la petite se réveillera. Cette saleté était vraiment mal placée. J’ai fait très attention en la retirant mais c’est le cerveau et… Il est possible que Tiffany garde des séquelles, comme des pertes de mémoire ou de l’aphasie.

    Tu l’as dit à ses parents, ça ?

    Derek opina de la tête. Oui, bien sûr. Mais je ne suis pas certain qu’ils aient vraiment bien compris. Pour le moment, ils ne réalisent qu’une seule chose, c’est que leur fille est vivante.

    Moi, je suis sûre que tout se passera bien, affirma Meredith, réellement très convaincue. Tu es le meilleur de toute façon !

    Derek la regarda avec à la fois de la tendresse et de l’amusement. Vraiment ? Elle fit un signe de tête affirmatif. T’entends ça, mec ? lança Derek, goguenard, en toisant Mark. Je suis le meilleur.

    Ouais, et moi, je suis le demeuré de service, je sais, je sais, maugréa Mark, la mine boudeuse.  

    Derek éclata de rire tandis que Meredith prenait un air faussement apitoyé. Oh pauvre chou ! minauda-t-elle. Mais non, t’es pas un demeuré. Je suis même certaine que tu es excellent dans ton domaine, affirma-t-elle avec une conviction qui était clairement contredite par son sourire moqueur. C’est pas simple de construire une poitrine, les seins de la même grosseur, les tétons au même niveau, tout ça… Elle gloussa en voyant le regard noir que lui lançait Mark. Non, franchement, je suis impressionnée. Elle hocha la tête avec une expression faussement admirative. Mais bon, comparé à Derek… Elle se tourna vers ce dernier et en une seconde, toute trace d’espièglerie disparut de son visage. Elle glissa sa main dans celle de son petit ami. Tu as été génial aujourd’hui. L’admiration qu’elle ressentait pour lui fit trembloter sa voix. Touché en plein cœur, Derek se retrouva incapable d’articuler le moindre mot. Il noua étroitement ses doigts à ceux de Meredith, faisant passer dans cette étreinte et dans ses yeux aussi, tout l’amour qu’il ressentait pour elle

    Les voir ainsi, littéralement illuminés par leur passion, serra le cœur de Mark. Même s’il était heureux pour eux, sincèrement, il ne pouvait s’empêcher d’être un peu jaloux. Il avait l’impression de perdre non seulement la femme qu’il aimait mais aussi son meilleur ami. Il se sentit de trop, exclu même. Il était temps de mettre fin au supplice. Ben, c’est pas tout ça, mais j’ai du boulot qui m’attend, baragouina-t-il.

    Et nous un pique-nique ! clama Derek, en commençant à avancer. J’espère que tout ça ne t’a pas coupé l’appétit, demanda-t-il à Meredith. Elle lui fit un immense sourire en même temps qu’elle secouait la tête. Tant mieux parce que j’ai une faim de loup, moi ! Le ton de sa voix et la façon dont il regardait son amie firent comprendre à Mark que son appétit ne concernait pas que les nourritures terrestres.


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