• Je persiste à dire que c’était une erreur de vous charger de ça. Et encore plus de le ramener ici, dit Callie en passant outre l’avertissement que lui envoyait le front plissé de Mark, signe de son énervement. Vous avez pensé à ce qui va se passer dans trois jours ? Je vous rappelle que nous repartons à San Francisco. Elle se tourna vers le canapé où Mark venait de se rasseoir à côté de Meredith. Et alors ? Qu’est-ce que vous allez faire avec votre Murphy ? leur demanda-t-elle sur un ton plein de dédain. Le remettre dans la rue ? Meredith tourna vivement la tête vers Mark avec un air apeuré. Il secoua la sienne avec une moue rassurante et, en les voyant ainsi, si proches, si complices, bien plus que Meredith ne l’était de Derek en ce moment, Callie ressentit un regain d’espoir. Finalement, il était peut-être trop tôt pour renoncer à ses projets.

    En voyant l’inquiétude sur le visage de Meredith, Derek eut de la peine pour elle. Callie, arrête, s’il te plaît, lança-t-il sur un ton sec.

    T’es vraiment chiante aujourd’hui ! siffla Mark entre ses dents, tout en prenant Murphy sur ses genoux. Evidemment qu’on ne va pas le remettre dans la rue.

    Rassurée, Meredith sourit au chien en lui caressant la tête. Ben non ! On ne l’aurait pas soigné pour l'abandonner après.

    Alors, qu’est-ce que vous comptez en faire ? insista Callie.

    Meredith haussa légèrement les épaules, l’air embêté. Je n'sais pas. On n’y a pas encore pensé. Callie leva les yeux au ciel, l’air excédé, mais elle reprit immédiatement une attitude neutre sous le poids du regard hostile de Derek.

    Je pourrais prendre une photo de Murphy et aller la déposer dans les commerces du quartier, proposa ce dernier. Peut-être que ça permettra à ses maitres de le retrouver. Ou bien quelqu’un voudra le recueillir.

    Le fait qu'il veuille s'impliquer, lui aussi, dans le sauvetage de Murphy toucha profondément Meredith mais elle ne le montra pas, pour qu'il ne pense pas qu'elle lui avait déjà pardonné son attitude du matin, et le fait qu'il l'avait abandonnée toute la journée. C'est une bonne idée. Merci, dit-elle simplement.

    L'espoir fait vivre, commenta Callie avec une intonation blasée. Vu l’état dans lequel vous l’avez trouvé et l’absence de médaille, votre toutou n’a plus de maitre. Elle regarda avec une réelle répugnance le chien qui somnolait sur les genoux de Mark. Quant à l’adopter… Elle haussa les épaules. Enfin, vous n’aurez qu’à l’amener dans un refuge pour animaux. Là, ils abrègeront ses souffrances au moins.  

    Meredith poussa un petit cri d’effroi en se jetant sur le chien, comme si elle voulait lui faire un rempart de son corps. Surpris, l’animal releva la tête et aboya. Tais-toi, Murphy, ordonna Mark avant de se pencher sur Meredith. Ne t’en fais pas, chuchota-t-il. Je ne permettrai jamais que ça arrive.

    Arrête ça tout de suite, Callie, éructa Derek. Qu’est-ce qui te prend de dire des trucs pareils ? Ce n’était pas tant le sort du chien qui le préoccupait mais plutôt la tristesse de Meredith. Il l’avait amenée à Aspen pour la distraire, lui faire passer de bons moments, mais cette journée n’était qu’une succession de problèmes, dont il était à l’origine. S’il n’avait pas eu cette attitude déplorable, Meredith aurait passé la journée avec lui et ils n’auraient sans doute jamais trouvé Murphy.

    Je savais que tu pouvais être vache parfois mais jusqu’à présent t’avais jamais été cruelle, renchérit Mark.

    Mais je ne suis pas cruelle, s’insurgea Callie. Je dis la vérité tout simplement. C’est ce qui se passe avec les animaux qui ne sont pas adoptés.

    C’est justement pour ça qu’on va lui trouver de nouveaux maitres, répliqua Derek.

    Tu rêves ! couina Callie. Qui voudrait de ça ?

    Moi ! s’écria Meredith.

    Trois paires d’yeux se tournèrent simultanément vers elle, la plus étonnée étant certainement celle de Derek. Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu veux le ramener avec toi à San Francisco ? lui demanda ce dernier.

    Oui. Pourquoi pas ? répondit la jeune fille sur un ton agressif.

    Meredith, je comprends que tu aies pitié de ce chien mais… Derek n’était pas tellement enthousiaste à l’idée de la voir s’encombrer d’un chien en plus de tout le reste. Plus elle serait occupée, moins elle serait disponible pour lui. Tu as tellement de choses à gérer. Ta tante d’abord et puis…

    Elle l’interrompit sèchement. Ça, ce sont mes affaires et ça ne regarde que moi. Et au cas où tu aurais peur que je te demande de l’aide, ne t’en fais pas. Je compte bien me débrouiller toute seule. Moi, mes responsabilités, je les assume ! 

    Derek blêmit. L’allusion à leur discussion du matin était par trop flagrante. Mais en même temps qu’il n’appréciait pas l’affront qu’elle venait de lui faire devant ses amis, il ne pouvait qu’admirer l’aplomb dont elle faisait preuve. Et surtout, surtout, mon dieu, qu’elle était belle ! A nouveau, la couleur de ses yeux avait changé sous l’effet de la colère et sa poitrine se soulevait sous sa respiration haletante. Il réalisa alors à quel point elle lui avait manqué. Il avait vraiment passé une horrible journée, à ressasser toujours les mêmes pensées sur ce qui s’était passé la veille et le matin et très vite, il avait ressenti de la honte pour la façon dont il s’était conduit mais son orgueil imbécile et démesuré, il le reconnaissait, l’avait empêché de faire marche arrière et même, l’avait poussé à reculer l’heure de son retour. Mais maintenant qu’il était là, face à son amie… Une bouffée de désir le traversa. Il se leva de son fauteuil, attrapa Meredith par le bras et, sans qu’elle ait le temps de protester, la tira à l’extérieur de la pièce. Ni l’un ni l’autre ne vit le regard ironique de Callie se poser sur Mark qui faisait mine d’être absorbé par le chien pour camoufler son dépit.


    3 commentaires
  • A peine étaient-ils hors de portée de vue de leurs amis que Derek attrapa Meredith par les hanches pour la pousser contre un mur, se collant à elle pour prendre sa bouche. Elle détourna vivement la tête et, de ses deux mains posées à plat contre le torse de son amant, elle repoussa fermement ce dernier. Tu penses vraiment que tu peux réagir comme tu l'as fait ce matin, en me laissant tomber toute la journée sans même me donner une seule fois de tes nouvelles, et revenir en agissant comme si de rien n’était ? chuchota-t-elle pour ne pas être entendue par d'autres que lui. Il va me falloir plus qu'un baiser pour que je te pardonne ce que tu m'as fait aujourd'hui.

    Comme elle l'avait suivi sans protester, Derek ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle le repousse mais il ne s’offusqua pas qu'elle l'ait fait, que du contraire. Cela lui plaisait qu'elle veuille lui faire payer son attitude. Elle n'était pas comme la majorité des femmes qu'il avait connues, et qui s'aplatissaient devant lui comme des carpettes. Elle était fière et presque aussi orgueilleuse que lui, et il aimait ça. Il allait devoir l'amadouer, d’une certaine façon la reconquérir même, et la perspective de ce challenge l’excita. Il relâcha la pression de son corps sur celui de la jeune fille. Tu as raison. Il lui reprit la main pour l’entraîner vers l’escalier. Viens, il faut qu’on parle. Elle le suivit en traînant un peu des pieds pour ne pas lui donner la satisfaction de croire qu'elle avait envie de le suivre et d'être seule avec lui. Elle avait bien l'intention de lui résister. Dans tous les cas, elle n’allait pas se laisser embobiner aussi facilement qu’il le croyait. Ce n’était pas quelques vagues excuses et deux ou trois regards de braise qui allaient la faire tomber dans le panneau, se persuada-t-elle.

    Pendant ce temps-là, Callie faisait part de son désarroi à Mark. Elle veut un enfant de lui ! lui avait-elle appris, pleine d’amertume, sur le ton de la confidence, dès la disparition des amants terribles.

    Il cessa de gratouiller le cou de Murphy et la regarda avec un air interloqué. Hein ?

    Elle veut avoir un enfant, répéta-t-elle. Mark se contenta de hausser les épaules. Comme ce n'était pas du tout la réaction qu'elle espérait, elle en déduisit qu'il n'avait pas bien compris ce qu'elle lui avait dit et elle se montra plus précise. Meredith, elle veut que Derek lui fasse un enfant.

    Mark fronça les sourcils. C’est quoi cette connerie ? C’est lui qui t’a dit ça ?

    Callie fit la moue. Pas directement. Il m’a juste demandé si j’avais déjà pensé à avoir des mômes.

    Et c'est tout ? se moqua Mark, soulagé que Derek n'ait rien raconté de vraiment compromettant à Callie. C’est ça qui te permet de dire qu'ils vont faire un gosse ? Tu délires, ma pauvre !

    Callie feignit de ne pas avoir entendu cette dernière remarque. Non, lui, il n’en veut pas, c’est clair. Mais elle, elle est bien capable de lui en faire un dans le dos, accusa-t-elle, les lèvres pincées et les narines palpitant de fureur.

    Et c’est parce que tu crois ça que tu as été ignoble avec elle ? Oui, tu as été ignoble, asséna Mark en voyant l’indignation dans les yeux de son amie. Eh bien, si c’est pour ça, c’était stupide, parce qu'elle n'a absolument pas l'intention d’avoir un enfant maintenant. Ni avec Derek, ni avec personne d'autre.

    Alors pourquoi il m’a parlé d’envie d’enfant ? répliqua Callie que les arguments de Mark n'avait absolument pas convaincue. En me disant que ça devait être normal quand on était une femme. Mark haussa à nouveau les épaules. Il a été d’une humeur de chien toute la journée et je sais que c'est à cause de ça, insista Callie. Et tu as bien vu, tout à l'heure, comme ils se sont comportés l'un vis-à-vis de l'autre. Ils ne se sont pas dit bonjour, ils se sont à peine parlé et ils ne se sont même pas regardés. Il y a un malaise, c'est évident.

    Oui, mais ça n'a rien à voir avec un éventuel gosse que Meredith voudrait avoir, riposta Mark que l'entêtement de Callie commençait à agacer sérieusement.

    Elle avança ses lèvres en une moue dubitative. Je ne sais pas.

    Exactement ! Tu ne sais pas, tu ne sais rien, déclara Mark. Alors, tais-toi, ça vaut mieux.

    Callie le dévisagea avec un certain dédain. Parce que toi, tu sais quelque chose ?

    Ouais mais ne compte pas sur moi pour te raconter quoi que ce soit. Il lui désigna Murphy qui était en train de lécher sa chaussure. Souhaiter sa mort parce que tu es jalouse de Mer ? Il se leva et prit le chien dans ses bras pour le déposer dans son panier. Tu m’as habituée à mieux ! conclut-il froidement.

    Evidemment, c'est moi, la méchante, persifla Callie. Et Meredith, c'est la sainte. Quoi qu'elle fasse, tu lui donnes toujours raison.

    Comme toi quand il s'agit de Derek, lui fit remarquer Mark. L’idée que, à l'étage du dessous, son ami avait sans doute déjà retrouvé tous ses pouvoirs sur Meredith, le remplit d’amertume. Mais dis-toi bien que dans cette histoire, elle n’est absolument pas en tort. C’est lui qui s’est conduit comme un infâme salaud.

    Callie fut choquée. Jamais au grand jamais, Mark n’avait tenu des propos aussi durs sur son ami d’enfance. Mais tu te rends compte de ce que tu dis ? C’est ton meilleur ami, Mark, et tu l’insultes ? A cause de cette…

    Il lui coupa la parole. Non ! Tais-toi, ne dis rien ! tonna-t-il. Ne dis surtout pas du mal d’elle. Il pointa sur elle un regard douloureux. Quant à Derek… je peux me permettre de parler comme ça. Je suis aussi salaud que lui ! Ecœurée par ce qu’elle estimait être une trahison, Callie sortit de la pièce.


    2 commentaires
  • Mark ne fit rien pour retenir son amie parce qu’il avait besoin d’être seul. Il se sentait mal pour plusieurs raisons. Depuis que Meredith et Derek avaient quitté le salon, pas un seul éclat de voix ne s’était fait entendre. Et comme ni l’un ni l’autre n’était revenu, cela voulait tout dire. Mark n'était pas surpris. Malgré tous les ressentiments que Meredith avait exprimés, il avait toujours su que, sitôt que Derek réapparaîtrait, pour autant qu’il le veuille, la jeune fille lui retomberait dans les bras. Elle n’était pas de taille à résister au numéro de charme que lui ferait son amant. Et dès que celui-ci était entré dans la pièce, Mark avait eu la confirmation que les potentielles conséquences de leur nuit d'amour et leur dispute matinale n'avaient rien changé aux sentiments que ses amis se portaient. Et pourtant… Avec Meredith, Mark avait parfois l’impression qu'un sentiment autre qu'amical pouvait naître. C’était ténu et léger comme un fétu de paille et pourtant, c’était bien réel, du moins le percevait-il ainsi. Jamais elle ne le repoussait quand il la prenait dans ses bras ou quand il avait des gestes tendres envers elle. Elle semblait même les rechercher parfois. Cependant, Mark n’avait aucune certitude puisque dans la bouche de la jeune fille, il n’y avait jamais que des mots d’amitié. Toutes ces interrogations se bousculaient dans sa tête jusqu’à lui donner la migraine. A cela s’ajoutait la culpabilité qu’il ressentait envers Derek. Il ne pouvait plus s’abuser maintenant, il était bien loin des fantasmes dont il pouvait prétendre que, secrets, ils n’indisposaient personne. Ce qui n’était au début que des rêves érotiques s’était mué en un sentiment amoureux fort et sincère. Désespéré, il fit quelques pas jusqu’à la fenêtre, espérant que le spectacle des derniers skieurs sur la piste l’éloignerait de ses sombres pensées. Le silence qui régnait dans la pièce lui permit d’entendre les pas de Murphy qui trottinait pour le rejoindre. Il s’agenouilla et le regarda venir vers lui avec un sourire attendri. C’est bien, mon gros, c’est même très bien. Il le prit dans ses bras et mit son museau devant la fenêtre. Tu veux regarder, toi aussi ? Mais Murphy se montra fort peu intéressé par ce qui se passait au dehors, préférant se tendre vers son sauveur pour essayer de lui lécher la bouche. Mark eut un petit rire triste en le repoussant. C’est bon, mon vieux. Je suis peut-être désespéré mais je n’en suis tout de même pas encore réduit à me faire embrasser par un chien. Pour distraire l’animal, il lui gratta le dessous de la gueule. T’aimes ça, hein canaille ! Murphy jappa en guise d’approbation. Oui, t’es comme moi, t’aimes bien qu’on te tripote. Mark continua un peu en regardant au dehors, avant de revenir installer le chien dans son panier. Si tu veux un conseil, ne tombe jamais amoureux. Parce que, franchement, c’est pas une partie de plaisir, soupira-t-il. En se rasseyant dans le fauteuil, il aperçut son téléphone qui gisait sur la table. Cela lui rappela l’appel qu’il avait reçu plus tôt au sujet de sa grand-mère. Il éprouva tout à coup le besoin de parler à la vieille dame qui avait fait de son mieux pour égayer sa triste jeunesse. Il prit le téléphone et composa le numéro du ranch de Santa Rosa.

    Allo ? répondit une voix rauque à l’autre bout du fil.

    Mark sentit son cœur se gonfler de tendresse en entendant la voix fatiguée de sa grand-mère. C’est moi, Momsy… C’est Mark.

    Je sais bien que c'est toi, mon poussin, répondit la vieille femme. Je reconnaitrais ta voix entre mille.

    Momsy ! Ne m’appelle pas mon poussin, geignit Mark. A mon âge, c’est ridicule. Pourtant, quoiqu’il en dise, il était heureux d’entendre ce surnom qui était synonyme de tellement d’amour.

    Peu importe ton âge, tu seras toujours mon petit poussin, déclara Momsy dont le plaisir d’entendre son petit-fils transparaissait dans son intonation. Je suis contente que tu m'appelles. Ça faisait longtemps maintenant, lui reprocha-t-elle gentiment.

    Oui, je devrais t’appeler plus souvent, mais tu sais bien… le travail, prétexta-t-il tout en sachant que l’excuse n’était pas bonne. Il s’en voulut d’avoir négligé son aïeule parce qu’il n’avait pas voulu trouver le temps nécessaire pour ne pas le faire. Comment tu vas ?

    Momsy soupira. Bah que veux-tu, mon chéri ! A mon âge, ma vie est plutôt derrière moi que devant. Je vais sur mes quatre-vingts ans, alors, tu sais…

    Et quoi ? s’exclama Mark. De nos jours, il y a énormément de gens qui ont plus de quatre-vingts ans et ils sont encore en pleine forme.

    Peut-être mais ils n’ont pas un cœur comme le mien, rétorqua Momsy avec un petit rire.

    Inquiet, Mark se releva. Qu’est-ce qu’il a, ton cœur ? Frances ne m’a pas absolument pas parlé de ça. Si tu as des problèmes de cœur, il faut que tu consultes un spécialiste. Je vais te prendre un rendez-vous chez un confrère et…

    Sa grand-mère lui coupa la parole. Pour qu’il me dise la même chose que tous ceux que j’ai déjà vus ? Pas la peine ! Plus personne ne peut plus rien pour moi, mon petit. Assommé par la nouvelle, Mark se lassa retomber dans le fauteuil, les larmes aux yeux. Mon heure va bientôt sonner, poursuivit Momsy. Mais ça ne me fait pas peur ; c’est dans l’ordre des choses. Et puis, j'ai bien vécu alors, je n'aurai pas de regret. Non, la seule chose qui me chagrine, c’est de savoir que, lorsque je ne serai plus là, tu seras tout seul, mon poussin. 

    Malgré sa peine, Mark sourit. Voilà à peu près dix ans qu’il entendait le même discours. Si sa grand-mère chevauchait encore son cheval de bataille favori, c’est qu’elle n’allait pas si mal. Je ne suis pas tout seul, je t’assure, Momsy. Au contraire, je suis très entouré.

    Oh ça, oui, tu es très entouré. Mais par qui ? ironisa la vieille dame. Les roulures que tu enfiles entre deux interventions ? Tu parles d’un entourage !

    Mark sourit en entendant ce langage châtié qui était la marque de fabrique de Momsy et dont il avait hérité. Avec eux, il fallait appeler un chat un chat. Il se retint de rire en se souvenant des mines épouvantées des mères de ses petits camarades d’école, quand elles rencontraient sa grand-mère. Momsy ! Ce n’sont pas des roulures, juste des femmes qui aiment bien le sexe, objecta-t-il.

    Oh mais mon petit ! Ce n’est pas qu’elles aiment le sexe qui me gêne, assura sa grand-mère. J’ai aimé ça, moi aussi, et crois-moi que j’en ai bien profité, et même bien avant de rencontrer ton grand-père. Mais ces filles-là, le problème, c’est qu’elles se partagent entre toi et le petit Shepherd. Comme celle avec qui je vous avais trouvés un jour à Pacific Heights. Comment elle s’appelle encore ?


    2 commentaires
  • Mark grimaça. Si le cœur de sa grand-mère était défaillant, il n’en allait pas de même pour sa mémoire, manifestement. Callie, répondit-il en se souvenant de son embarras et de celui, plus grand encore, de Derek, quand Momsy avait fait irruption dans le salon où Callie était en train de leur prodiguer une gâterie.

    Callie, c’est ça ! Ah elle mettait du cœur à l’ouvrage, persifla la vieille dame. On ne peut pas lui reprocher d’être paresseuse, c’est sûr. Mais pour le reste… T’en as pas marre de ces histoires de cul ? Déjà quand tu étais au lycée ! Toutes ces gamines que tu m’as ramenées à la maison ! Y en avait pas une pour rattraper l’autre ! se désola-t-elle.  

    Oh Momsy, elles étaient très bien, ces filles, plaida Mark, avec une pensée émue pour toutes ces étudiantes qui avaient agrémenté ses jeunes années.

    Pas si bien que ça puisque tu ne les gardais pas plus que deux semaines, dans le meilleur des cas ! lui rappela sa grand-mère. A l'époque, ça n'avait pas beaucoup d'importance, tu faisais des expériences. Mais maintenant ! A presque trente-six ans, tu ne crois pas qu'il est temps pour toi de chercher une femme convenable avec qui fonder une famille ?

    J’y penserai, promit Mark.

    A ton âge, il faut faire plus qu'y penser, insista Momsy. Tu ne vas quand même pas continuer à faire la noce avec Derek jusqu'à l'âge de la retraite ? Et lui d’ailleurs, il ne pense pas à se caser ?

    Mark s’esclaffa. Lui ? Il est encore pire que moi ! Derek avait la chance d’avoir rencontré la jeune fille bien sous tous rapports dont rêvaient toutes les grands-mères mais il ne s’en rendait pas compte ou plutôt – et ça, Mark avait de plus en plus de mal de l’admettre – il refusait de le voir.

    Momsy souffla de dépit. Ouais, les deux font la paire, si je comprends bien. Je sais que vos mères vont ont donné un exemple pitoyable. Mais vous ne pouvez pas continuer à vivre dans le passé, bon sang ! s'emporta-t-elle soudain. Mon petit, je vais bientôt mourir, reprit-elle sur un ton plus doux. Elle entendit Mark qui soupirait. Non, ne dis rien ! Je le sais, je le sens. Alors, j’ai un vœu avant de partir, c'est de te voir heureux avec une gentille femme.  

    En fait, j’ai rencontré quelqu’un, lâcha Mark, pour se demander aussitôt après ce qui lui avait pris de dire ça. Oui, il avait rencontré quelqu’un mais cette personne sortait avec un autre homme et ne montrait aucune intention de changer de compagnon. L'affaire était loin, très loin, d'être conclue.

    Et qu'est-ce que tu attendais pour me le dire ? s'exclama Momsy.

    Mark tenta de rattraper sa gaffe sans pour autant gâcher le plaisir de sa grand-mère. C’est vraiment tout récent. Rien n’est fait. On ne sort pas ensemble. On ne s'est même pas encore embrassé.

    C'est bien. Ça veut dire que ce n'est pas une fille facile, se réjouit Momsy. Elle s'appelle comment ? Où tu l'as rencontrée ? Et qu'est-ce qu'elle fait dans la vie ? Allez, parle-moi un peu d'elle.

    Tant de curiosité fit sourire Mark. Eh bien, elle s'appelle Meredith et je l'ai rencontrée juste à côté de la clinique, dans une boutique de douceurs où elle travaille. Mais c'est provisoire, s’empressa-t-il de préciser. Elle fait ça pour payer ses études. Elle ne vient pas du même milieu que nous, tu sais.

    Oh ça, ça m'est complètement égal, assura Momsy. Moi non plus, je n'étais pas du même milieu que ton grand-père et ça ne nous a pas empêchés d'être heureux. Et puis, si c'est pour avoir une fille de bonne famille comme ta mère, cette garce, je préfère mille fois que tu me ramènes une pauvresse. Mark sourit en entendant la façon dont la vieille dame parlait de sa belle-fille. De tout temps, les deux femmes s’étaient toujours détestées. Mais dis-moi, elle a quel âge, ta Meredith, pour être encore aux études ? 

    Elle a vingt-et-un ans, lui révéla Mark. Mais elle est très mûre pour son âge et elle a vraiment la tête sur les épaules. 

    Tant mieux ! C'est ce qu'il te faut, décréta Momsy. Et vous vous entendez bien alors ?

    Oui, oui, très bien. Elle est merveilleuse, soupira Mark, les yeux brillants.

    Alors, il faut que tu viennes vite me la présenter, décréta la vieille dame.

    Mark sursauta. Emporté par son élan, il venait de présenter Meredith comme sa petite amie et, maintenant, sa grand-mère voulait la rencontrer. Ne sachant comment se dépêtrer de ce mauvais pas, il décida de noyer le poisson. Un jour, je te promets.

    Le plus tôt sera le mieux ! répliqua Momsy. Je n’en ai plus pour longtemps.

    Mark se força à plaisanter pour tenter de contenir l’émotion qui montait en lui. Bah, tu dis ça, mais tu nous enterreras tous !

    Parle pas de malheur ! s'écria Momsy. J’ai déjà enterré mon mari et mon fils, c'est bien suffisant. Maintenant, c'est mon tour mais je voudrais partir en sachant que tu as enfin trouvé la bonne personne. Alors, il faut que tu viennes me voir avec Meredith. Et n'attends pas trop. Je ne voudrais pas lui faire trop mauvaise impression. Elle posa la main à la hauteur de  son cœur qui venait de s'emballer. Mais maintenant, je vais te laisser, mon poussin. Je suis un peu fatiguée. Je t'attends très vite. Je t’aime.

    Moi aussi, je t'aime, Momsy. A bientôt. Mal à l’aise à l’idée d’avoir en quelque sorte menti à sa grand-mère, Mark reposa son téléphone. Il s’était emballé en lui parlant de Meredith et il était maintenant dans une impasse. Ne lui restait maintenant qu'à trouver comment en sortir.  


    3 commentaires
  • A peine entré dans leur chambre, Derek referma la porte contre laquelle il adossa Meredith, ses deux mains appuyées de part et d’autre du visage de cette dernière, comme pour l’empêcher de s’échapper. Tu m’as manquée, murmura-t-il, les yeux plantés ceux de la jeune fille.

    Sentant sa détermination mollir sous son regard ardent, elle détourna rapidement le sien. Tu voulais me parler, il me semble, lui rappela-t-elle sèchement.

    Un petit baiser avant, exigea-t-il avec un sourire charmeur, en rapprochant son visage du sien. Elle en avait envie au moins autant que lui mais ce qui lui restait de fierté l'empêcha de céder aussi vite. Elle s'abaissa pour passer en-dessous des bras qui la retenaient toujours prisonnière et, ignorant le lit qui pourrait envoyer un mauvais message sur ses intentions, elle trouva refuge dans un fauteuil, s'agrippant aux accoudoirs, comme si elle était prête à lutter contre quiconque essayerait de l'en déloger. Derek soupira. Très bien, je vais te dire ce que j'en pense. Il prit l'autre fauteuil et l’installa devant celui de son amie. Je persiste à dire que, sur le fond, j’avais raison. Ce serait totalement inconscient de notre part d'avoir un enfant alors qu'on vient à peine de se rencontrer. Je devais te demander de prendre cette pilule.

    Je n’ai jamais dit que je n'étais pas d'accord, lui fit-elle remarquer froidement en lui lançant un regard noir.

    Il sourit. Non, mais ce matin, ta tête quand je t’en ai parlé.

    Ce n'est pas ce que tu m'as dit qui m'a choquée, mais la façon dont tu me l'as dit, se justifia Meredith. Après ce qu'on venait de vivre, je m'attendais à un câlin ou au moins à un petit mot gentil, mais pas à une mise en demeure.

    J’ai paniqué, admit Derek. Avoir un môme ne fait pas du tout partie de mes projets.

    Mais ça ne fait pas partie des miens non plus ! certifia Meredith. Tu agis comme si je voulais te prendre en traitre alors que ce n'est pas du tout le cas. Elle fit la moue. De toute façon, tu ne dois pas t'inquiéter, je l'ai prise, ta foutue pilule. Et si tu ne me crois pas, tu n'as qu'à demander à Mark.  

    Derek secoua la tête. Non, ce n'est pas nécessaire. Si tu me dis que tu l'as prise, je te crois. Et puis, cela aurait été ton droit de ne pas la prendre. Il se pencha vers elle pour lui caresser la joue, ce qui la fit frissonner. Tu n’as aucune obligation envers moi, bébé, murmura-t-il de sa voix suave, en la transperçant de son regard. Et comme je te l’ai dit ce matin, si tu étais enceinte et que tu voulais le garder, tu pourrais compter sur moi. Tu ne serais pas seule à gérer le problème. Je saurais prendre mes responsabilités.  

    A coup de chèques ? demanda Meredith sur un ton amer. Elle ne comprenait pas qu'il s'obstine à voir l'arrivée d'un enfant comme un problème.

    Ce ne serait déjà pas si mal. Il vit à son expression qu'elle était choquée. Que veux-tu que je te dise, Meredith ? Si tu étais enceinte, c’est clair que je ne sauterais pas de joie, avoua-t-il très franchement. Ses yeux se perdirent au loin. Je ne suis pas le genre d'homme que l'on souhaite comme père à un môme. Mon argent est sans doute ce que je pourrais lui offrir de mieux. Et puis, il me semble que lorsqu’il s’agit d’avoir un enfant, il vaut mieux, déjà pour lui, que ce soit le fruit d’un désir commun, et non pas d’un accident.

    Ou d'une erreur, comme tu me l'as si gentiment dit ce matin, répliqua Meredith dont le rêve de fonder un jour une famille avec Derek venait de prendre un sacré coup. Toutefois, elle préféra ne pas creuser le sujet parce qu'elle sentait que les réponses qu'elle obtiendrait à ses questions risquaient de la placer dans une situation où elle serait obligée d'envisager une décision qu'elle n'était pas du tout prête à prendre pour le moment. 

    Il sourit devant son air de petite fille contrariée. Je n’ai pas dit que c’était une erreur, mais une imprudence. Je crois même avoir utilisé le terme folie, ajouta-t-il en passant une main à l'arrière de la nuque de la jeune fille. 

    Pour ce que ça change ! riposta-t-elle.  

    Hé, c’est très agréable de commettre des folies, plaisanta Derek.

    Sa mauvaise foi et le fait qu'il tourne ce qui s'était passé en dérision firent monter les larmes dans les yeux de Meredith. Tellement agréable que ce matin, tu m'as plantée là pour aller faire du ski. J'ai passé la journée toute seule comme une conne et tu ne t'es même pas inquiété une seule fois de ce que je faisais ou de comment je me sentais, lui reprocha-t-elle.

    Il comprit alors à quel point il l’avait blessée et sut qu’il ne pourrait plus s’en sortir par une pirouette. Je me suis conduit comme un con, c’est vrai, reconnut-il. Je n’aurais pas dû m'en aller. Il lui essuya une larme qui venait de couler sur sa joue. J’aurais dû rester avec toi et discuter comme on le fait maintenant.

    Elle opina de la tête. Oui, parce que ce matin, je n'ai pas compris pourquoi tu réagissais comme ça. J'ai passé la journée à me demander ce que j'avais fait de mal.

    Rien. Tu n'as rien fait de mal. C'est moi qui ai mal agi. Derek se leva et souleva Meredith de son fauteuil pour la transporter sur le lit. Il l’y allongea sur le dos et se coucha à ses côtés, déjà à moitié sur elle. Je sais ce que cette nuit a représenté pour toi. Ça a été une renaissance, après ce que tu as vécu. Et ça l'a été pour moi aussi. La rancœur de Meredith s'évanouit ; il savait toujours trouver les mots pour qu'elle lui pardonne. Il se coucha sur le côté, soutenant sa tête d’une main tandis que de l’autre, il effleurait le corps de son amie qui s’était tournée vers lui. Cette nuit, notre merveilleuse nuit – elle lui sourit affectueusement, lui faisant comprendre ainsi qu’elle ne lui en voulait plus –je ne l’ai pas regrettée. Pas une seconde ! J’ai trente-cinq ans et j’ai connu quelques femmes, tu le sais, mais jamais, jamais, je te le jure, je n’avais ressenti ce que j’ai ressenti cette nuit. Les yeux de Derek brillèrent d’un étrange éclat, celui d’un désir fou. C’était une imprudence sûrement, mais en aucun cas, en aucun cas, ce n’était une erreur. Il se pencha vers Meredith et embrassa furtivement ses lèvres. J’ai aimé te faire l’amour comme ça, sans barrière. Je l’ai voulu, vraiment, et je ne le regrette pas le moins du monde, quelles qu'en soient les conséquences.


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique