• Bouleversé, Mark serra Meredith dans ses bras en fermant les yeux. La femme dont elle parlait, cela aurait pu être elle. Mais le hic, c'était qu'elle ne l'aimait pas et qu'elle ne l'aimerait sans doute jamais, du moins pas de la façon dont il le voulait. Comme pour lui confirmer ce triste état de fait, Meredith s'écarta de lui et descendit de son tabouret pour faire les cent pas dans la pièce, en ruminant son unique sujet de préoccupation. J'aurais tellement voulu que Derek réagisse comme toi. S'il m'avait dit, OK, ce n'est pas du tout prévu pour le moment, mais si ça arrive, on assumera et je serai avec toi, ça m'aurait suffi. Mais tu l'aurais vu ! Pour un peu, j'ai cru qu'il allait m'accuser d'avoir voulu le piéger, confia-t-elle à son ami. Alors que moi, j'avais rien demandé du tout. J'ai pas dit non mais j'ai pas proposé non plus. C'est lui qui a décidé. Il l'a fait parce qu'il en avait envie. Et ça a été fantastique. Ça a toujours été super bien entre nous à ce niveau-là, depuis la première fois, mais pas comme ça, poursuivit-elle. Hier, c'était magique. Déjà parce que c'était la première fois depuis mon agression et que je n'y ai pas du tout pensé, et aussi parce que ça n'avait jamais été aussi bien que ça. Et ce matin, j'avais espéré qu'on recommencerait et qu'on passerait la journée à faire l'amour, encore et encore. Mark serra les dents. C’était trop dur de l’entendre évoquer avec tant de fougue son désir pour Derek. Tu parles ! s'exclama-t-elle. Au lieu de ça, il s'est cassé. Il avait dit qu’il serait toujours là pour moi, Mark ! Il me l’avait promis. Sa voix s’étrangla. Mark se leva pour la rejoindre et la prendre dans ses bras. Mais il m'a abandonnée, conclut-elle tristement.

    Même si Mark n’approuvait pas le comportement de son meilleur ami, il se sentit obligé de prendre sa défense. T'en fais pas, Mer. Il va revenir.

    Meredith haussa les épaules. Ça m'est égal maintenant. C'est trop tard.

    Mark aurait tellement aimé que ce soit vrai mais tout dans l'attitude de la jeune fille prouvait le contraire. Tu dis ça mais une fois qu’il sera devant toi…

    Il m'a blessée, Mark, rétorqua-t-elle. On a fait l'amour et c'était génial. Agacé, Mark se retint de lui dire qu’il devenait difficile de l’ignorer étant donné qu’elle ne faisait que le lui répéter. Mais elle avait besoin de s’épancher, il l’avait bien compris et donc, il lui devait de rester stoïque en écoutant ses confidences qui, pourtant, le rendaient plus malheureux que les pierres. Il était tellement tendre, insista Meredith sans se rendre compte de la torture qu'elle était en train d'infliger à son ami. Et à un moment, j'ai même cru qu'il allait me dire qu'il m'aimait. Je ne sais pas comment t'expliquer mais j'ai senti qu'il était sur le point de me dire des choses qu'il ne m'avait jamais dites. Il ne l'a pas fait mais c'est pas grave, parce il l'a exprimé dans sa façon d’être. Et ce matin, j'ai espéré… Elle se mit à pleurer. Mais à la place de ça, il me dit que c'était une erreur et il me parle de pilule et d'avortement. Surpris par ce désespoir soudain auquel il ne s'attendait pas, Mark ne trouva pas les mots pour la consoler. Il se contenta de la reprendre dans ses bras et de lui passer la main dans le dos. Et puis, il m'a plantée dans la chambre en me disant de continuer à dormir, comme si j'allais pouvoir me rendormir après ça, raconta-t-elle en reniflant. Et quand il est revenu, il m'a annoncé qu'il allait skier avec Callie. Mais je ne te laisse pas seule, Mark va te tenir compagnie, qu’il m'a dit.

    En entendant ces détails qu’il ignorait, Mark sentit une bouffée de colère monter en lui. Il connaissait assez Derek pour savoir que Meredith n’exagérait pas. Comment pouvait-on être aussi goujat avec une fille aussi formidable ? Mark se promit de dire sa façon de penser à son ami dès le retour de celui-ci. Cependant, dans l'immédiat, la seule chose qui importait, c'était de réconforter Meredith. T'en fais pas, ça va aller, lui dit-il en l'embrassant sur les cheveux au sommet de son crâne.

    Elle releva la tête vers lui avec un regard encore plein de larmes. Il va bientôt revenir et j'ai peur. Je n'ai pas envie d'entendre encore ses reproches et j'ai encore moins envie de me disputer.

    Mais non, mais non, assura Mark d’une voix apaisante. Il se sera calmé après une journée passée au grand air. Il ne put toutefois pas s'empêcher de se montrer ironique. Il en avait besoin, paraît-il.

    Ouais, je l'étouffe, renchérit Meredith sur un ton amer.

    Ah ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Mark lui ébouriffa tendrement les cheveux. Je connais bien Derek. Quand quelque chose ne va pas, il a besoin d’être seul.

    Elle ricana. Seul ? Avec Callie, souligna-t-elle. Je sais, c'est ton meilleur ami, alors tu prends sa défense, mais avoue que là, tu dis n'importe quoi.

    Non, je ne prends pas sa défense, certifia Mark. Pas cette fois. Il a eu tort d’agir comme ça et je le lui ai déjà dit. Mais… - il prit la jeune fille par les épaules pour la ramener contre lui - ne t'imagine pas plein de trucs à l'avance. Tu verras bien comment il sera quand il rentrera. Et je suis certain que ça va mieux se passer que ce que tu crois, affirma-t-il pour lui remonter le moral. En réalité, il n'était certain de rien. Derek était tellement imprévisible parfois. Oui, il tenait beaucoup à Meredith, c'était évident, mais qui savait comment il pouvait réagir si ses démons prenaient le dessus ?

    Meredith ne cacha pas qu'elle était sceptique. Ouais, on verra, dit-elle en se dégageant de l'étreinte de son ami. Je vais aller voir comment va Murphy. Elle se dirigea vers le salon.

    Mark la suivit aussitôt. A ce propos, faudrait peut-être penser à la nourrir, cette bestiole.

    Oh mon dieu ! s'écria Meredith, horrifiée, en mettant une main devant sa bouche. C'est vrai. Ça m'est complètement sorti de la tête. Et on ne lui a pas donné à boire non plus. Le pauvre ! Il doit crever de soif et de faim. Mais qu'est-ce qu'il va manger ? Je ne crois pas qu'on ait quelque chose qui lui convienne.

    T’en fais pas pour ça. Je vais aller acheter ce qu’il faut, promit Mark. Le temps de me changer et j’y vais.

    Meredith lui adressa un sourire reconnaissant. Heureusement que tu es là ! Pendant ce temps-là, je vais lui donner à boire et après, j'irai prendre ma douche.


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  • Trois quarts d'heure plus tard, Mark était de retour. Il venait à peine de refermer la porte que Meredith apparaissait en haut de l'escalier. Oh tu lui as aussi acheté un panier, se réjouit-elle en voyant le superbe panier en osier qu'il tenait à bout de bras.

    Oui. Il ne peut pas continuer à dormir sur une serviette de bain, le pauvre pépère, répondit Mark. Après toutes ses mésaventures, il a droit à un peu de confort. Il brandit le sac qu'il tenait dans l'autre main. Et ça, c'est une gamelle et tout ce qu'il faut pour mettre dedans. Ah et j'ai acheté une laisse aussi, comme ça, on pourra aller le promener.

    Meredith, qui l'avait rejoint, l'embrassa sur la joue. Merci pour lui. Oh là là, il va se régaler avec tout ce que tu lui as acheté, ajouta-t-elle en regardant à l'intérieur du sac qu'elle venait de prendre à son ami. Ils remontèrent l'escalier.

    Je ne savais pas quoi choisir, alors, j'ai pris un sac de croquettes, des pâtées, des biscuits secs comme encas et des os à ronger. Mark se rendit au salon pour y déposer le panier et ramener Murphy à la cuisine, lui parlant et le caressant pour le faire patienter pendant que Meredith versait une pâtée dans la gamelle. Ensuite, les deux amis le regardèrent manger en se tenant par la taille. Il crevait de faim, le pauvre, constata Mark.

    Meredith l'approuva d'un hochement de tête. Oui, à mon avis, ça faisait un bon moment qu’il n’avait plus mangé. Elle quitta Mark pour aller caresser le chien. Doucement, Murphy. Ne mange pas trop vite, sinon tu vas être malade. Quand elle se pencha vers l'animal, le haut de son string apparut à l'arrière de son jean. Mark ressentit un trouble dont l'importance était inversement proportionnelle à la surface du minuscule bout de tissu rose, sans qu'il comprenne comment une si petite chose pouvait le mettre dans un tel état. Il détourna rapidement le regard vers le chien quand la jeune fille se redressa en se tournant vers lui avec un sourire. Tu parles d'une équipe ! On passe une heure à le soigner mais on a failli le laisser mourir de faim et de soif. On a vu mieux comme maitres.

    Mark fut ému qu’elle les associe, un peu comme si, avec Murphy, ils formaient une famille. Et d’être dans cette maison, seul avec elle, le chien jappant à leurs pieds, oui, cela y ressemblait un peu. Une maison, une femme et un chien, image qui jusqu’à il y a peu lui aurait fait horreur mais qui, là, le séduisait dangereusement. Avec Meredith, mais avec elle seulement, il aurait aimé tenter l’aventure. Bah, à mon avis, on fait toujours mieux que ceux chez qui il était avant, dit-il simplement.

    Une fois le chien repu et sa gamelle lavée, Meredith regarda à nouveau l'horloge. Une heure et demie s'était écoulée depuis la dernière fois et maintenant, ce n'était plus vraiment la perspective de revoir Derek qui la rendait nerveuse mais la possibilité qu'il ne revienne pas. Et si cette journée lui avait permis de réaliser qu'il ne voulait plus de leur relation, beaucoup trop contraignante et source de problèmes ? Cette fois, elle n'osa pas confier son appréhension à Mark. Je vais reprendre ma lecture, lui annonça-t-elle en se dirigeant vers le salon. Il lui emboita aussitôt le pas, avec Murphy dans les bras, se faisant l’effet d’être le toutou, lui plutôt que l’animal. Cette idée le dérangea mais il dut bien s’avouer que, si elle le lui avait demandé, il se serait mis à quatre pattes pour ses beaux yeux. Après avoir installé le chien dans son panier, il prit place dans le canapé à côté de la jeune fille. Pendant que tu faisais les courses, j'ai regardé un peu les livres que tu m'as offerts, lui dit-elle en reprenant le manuel de biologie qu'elle avait déposé sur la table en entendant son ami arriver. Je ne crois pas que ça va marcher, avoua-t-elle, découragée. Je n'étais déjà pas très bonne en sciences quand j'étais au lycée, alors quatre ans après, tu penses !

    Je suis certain que tu dramatises. Mark lui enleva le manuel des mains pour le feuilleter rapidement. C'est chouette, la bio. Tu n'aimais pas ça quand tu étais au lycée ?

    Non, et ça n'a pas changé, répondit-elle. A l’époque, ce que j'ai le plus détesté, c'était les dissections. Je me rappelle du jour où on a dû ouvrir un pauvre lapin pour étudier son appareil digestif. Qu'est-ce qu'on en a à faire sincèrement ? En plus, ça pue, conclua-t-elle sur un ton péremptoire.

    Mark sourit en voyant son air dégouté. Que penserait-elle de l’odeur de sang et de tripes qui régnait dans un bloc opératoire ? Et la génétique ? Tu ne trouvais pas ça intéressant ? lui demanda-t-il.

    Ouais. La partie sur les chromosomes et les gênes dominants et récessifs, ça allait, concéda-t-elle. Surtout parce qu'on avait fait des exercices sur la couleur des yeux. Ça, j'avais aimé. Mais le reste… J'ai fait ce qu'il fallait pour avoir la moyenne mais sans plus.

    Pour le SAT, va falloir viser un peu plus haut, lui fit remarquer son ami. Et en chimie ? Tu te souviens encore du tableau périodique ?

    Elle fit la moue. C'est le truc avec les symboles, ça ?

    Ah oui, à ce point-là ? s'étonna Mark. Je vois !

    Je t'avais prévenu, rappela la jeune fille sur un ton amorphe.

    Et les maths ? se renseigna Mark, en espérant que là, au moins…

    Oh ça, c'est l'horreur ! s'exclama Meredith La matière que je déteste le plus ! Additionner des chiffres et des lettres, ça ne passe pas. Un plus un égal deux, OK, ça, je comprends, mais a² + b², oublie-moi ! Y avait qu'en stat que je ne me débrouillais pas trop mal.

    La situation était plus grave que ce que Mark avait pensé mais il n'était pas le genre à proclamer la défaite sans avoir livré bataille. C'est déjà ça, et pour le reste, c'est hors de question qu'on baisse les bras. Il posa sa main sur celle de Meredith. Une fois qu’on sera rentré à San Francisco, on établira un programme d’études et je réviserai avec toi. On va devoir bosser, c’est certain, mais on va y arriver.

    Elle se jeta à son coup. Heureusement que tu es là ! Il la serra contre lui, en humant profondément la délicieuse odeur de sa chevelure. Après l'avoir embrassée sur le front, il allait s'emparer du manuel de physique lorsque son téléphone sonna. Meredith regarda l'appareil avec un air inquiet. C’est Derek ?


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  • Mark hocha la tête pour lui signifier que ce n'était pas le cas avant de prendre la communication. Bonjour Frances, dit-il à son interlocutrice. Qu’est-ce qui se passe ? Il y a un problème ? Pour évacuer la nervosité qui montait en lui, il se leva et commença à faire les cent pas dans la pièce, le front barré d’un pli soucieux.

    Pour ne pas lui donner l'impression qu'elle écoutait la conversation, Meredith se replongea dans le manuel de biologie, tout en surveillant discrètement son ami. Comme il ne parlait pratiquement pas, juste quelques monosyllabes, elle s'absorba un peu plus dans sa lecture, se focalisant plus particulièrement sur le chapitre de la génétique afin de voir si elle avait encore quelques souvenirs en la matière. Elle fut agréablement surprise en constatant qu'elle se remémorait assez bien de tout ce qui concernait la détermination du sexe. Cela lui redonna un peu le moral. La situation est grave mais pas désespérée, se dit-elle alors que Mark se laissait tomber lourdement sur le canapé. Elle se tourna vers lui.

    C'était ma grand-mère, lui indiqua-t-il d'emblée en lui désignant d'un petit mouvement du menton le téléphone qu'il venait de déposer sur la table. Enfin, c'était la dame qui s'occupe d'elle.

    Et ça va ? s'enquit Meredith avec sollicitude, devinant à l'expression de son ami que les nouvelles n'avaient pas été aussi bonnes qu'il l'aurait aimé.

    Non, pas très fort.

    Oh je suis désolée ! s'exclama la jeune fille en posant sa main sur celle de Mark. Qu'est-ce qu'elle a ? C'est grave ?

    Tu sais, quand on va sur ses quatre-vingt ans… Tout est grave. Il soupira, l’air préoccupé.

    Mais on t'a dit quoi exactement ?

    Pas grand-chose justement. Ma grand-mère a fait un malaise, on l’a emmenée à l’hôpital pour lui faire passer des examens et puis, elle est rentrée chez elle, expliqua Mark.

    Oh mais c'est que ça va alors, en déduisit Meredith. Tu penses bien que s'il y avait eu quelque chose de vraiment sérieux, ils ne l'auraient pas laissée repartir. Alors, à mon avis, tu ne dois pas trop t'inquiéter. 

    Oui, tu as sans doute raison, concéda Mark sans paraitre réellement convaincu. De toute façon, je lui téléphonerai plus tard. Là, elle se repose mais je l'appellerai ce soir et je verrai bien ce qu'il en est. J'entends toujours quand elle ne va pas bien. Il adressa un sourire un peu forcé à son amie avant de regarder le manuel qu'elle tenait en main. Tu planches déjà la bio ? Elle opina de la tête. C'est bien. Et pour la première partie du SAT, tout ce qui est littérature et rédaction, vu le contenu de ta bibliothèque, je suppose que ça ne devrait pas te poser de problème.  

    Meredith sourit. Non, pas vraiment.

    Mark lui tapota la main. Tant mieux parce que, là, je ne te serais pas d’un grand secours. Il n’avait pas terminé sa phrase qu’ils entendirent du remue-ménage dans l’entrée. Ah ! Les sportifs sont de retour, clama-t-il.

    Meredith se raidit instantanément et elle sentit son estomac se tordre sous l'effet de la peur. Tu crois qu'il m'en veut encore ? demanda-t-elle d'une toute petite voix à Mark contre lequel elle se serra, comme pour demander sa protection.

    Mais non ! assura-t-il. Alors, arrête de stresser. Tout va bien se passer. Du moins, c'est ce qu'il espérait. Il connaissait son meilleur ami par cœur et il savait à quel point il était imprévisible. Il pouvait tout aussi bien relancer la dispute que faire comme s'il ne s'était rien passé, telle l'autruche qui cache sa tête dans le sable. Dans tous les cas, si Meredith s'attendait à un mea culpa, elle allait être déçue. C'est que l'animal était terriblement orgueilleux.

    Callie entra dans le living avec une mine sombre qui fit immédiatement comprendre à Mark que tout ne s’était pas passé comme elle l’avait souhaité. Il se sentit un peu rassuré à l’idée que, même si elle avait essayé, elle n’avait pas réussi à obtenir l'attention de Derek. Elle leur adressa un vague salut avant de s’affaler dans un fauteuil, fermant les yeux et renversant la tête en arrière comme si elle comptait s’endormir. Elle qui s’était fait une telle joie de passer la journée en tête-à-tête avec Derek, avait rapidement déchanté. En fait, c’est à peine si elle l’avait vu. Une fois leurs skis chaussés, il avait pris le large, dévalant les pistes comme si sa survie en dépendait. Elle ne l’avait plus aperçu que de loin en loin, jusqu’à l’heure du déjeuner où ils s’étaient retrouvés, presque par hasard d’ailleurs. Taciturne, Derek n'avait pratiquement pas touché à son plat et bizarrement, Callie n'avait pas osé l'interroger sur ce qui le tourmentait. Elle ne lui avait sorti que quelques banalités sur la qualité de la poudreuse et les imprudences des skieurs inexpérimentés, auxquelles il avait à peine répondu, laissant s’installer un long silence pesant jusqu'à ce qu'il lui demande à brûle-pourpoint si elle avait déjà envisagé d’avoir un enfant. Estomaquée, ne voyant pas où il voulait en venir, elle avait mis un peu de temps pour lui répondre que, oui parfois, elle y songeait, gardant pour elle le fait que si elle attendait encore pour se lancer, c’était parce qu’elle continuait à espérer qu’il serait le père. En guise de réponse, il avait marmonné un Oui, je suppose que c’est normal pour une femme, avant de replonger dans son mutisme. Callie en avait alors déduit que Meredith avait exprimé des envies de maternité. Le fait que Derek semble réfléchir à la chose au lieu de prendre la fuite en courant l’avait glacée. Bien sûr, Mark l'avait avertie à plusieurs reprises mais elle ne l’avait jamais vraiment pris au sérieux. Cependant, là, il lui fallait se rendre à l’évidence, cette histoire était bien plus avancée qu’elle ne semblait l'être. Elle rouvrit les yeux et posa sur Meredith un regard où se mêlaient à la fois l’incrédulité et la colère. C’est alors qu’elle remarqua ce chien qui, allongé devant la cheminée, l’observait avec attention, inclinant sa tête tantôt à droite, tantôt à gauche. Qu’est-ce que c’est que ça ? cria-t-elle d’une voix aiguë, l’index pointé vers l’animal.

    C’est Murphy, répondit simplement Meredith. Elle allait commencer à raconter l’épopée du chien quand Derek fit son entrée.


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  • Embarrassé à l’idée de revoir Meredith, après leur discussion houleuse du matin, et surtout de la revoir en présence de leurs amis, Derek avait traîné dans l’entrée, prenant son temps pour enlever sa veste et son pantalon de ski, secouant consciencieusement ses bottes pour en ôter toute la neige. Il ne se sentait pas très à l’aise après ce qui s’était passé au matin et ne savait comment se comporter sans provoquer les commentaires ironiques de Mark, qui n’auraient fait que remettre de l’huile sur le feu. Cependant, comme il ne pouvait pas rester dans le hall indéfiniment sans paraître lâche, il s'était résolu à rejoindre ses amis. Il s’apprêtait à rentrer dans le salon lorsque Callie se manifesta. Il la remercia mentalement pour cette diversion qui allait lui permettre de paraître naturel. Murphy ? Qui est-ce ?

    Meredith était déjà très angoissée à la perspective de le retrouver mais cela vira pratiquement à la panique quand elle vit qu'il ne lui accordait même pas un regard. Pour elle, cela ne pouvait signifier qu'une seule chose, tout était fini entre eux. Seule la présence de Mark et de Callie l'empêcha d'éclater en sanglots. Pour tenter de cacher sa détresse, elle baissa la tête. Mark le remarqua et eut mal au cœur pour elle. Il en voulut à son ami de la traiter en coupable, alors qu’elle n’avait rien fait, du moins pas plus que lui. Il essaya d’intercepter le regard de Derek pour lui faire comprendre à quel point il désapprouvait sa conduite mais n’y parvint pas. Il posa une main sur le genou de la jeune fille et y exerça une pression, pour qu’elle comprenne qu’il la soutenait. Murphy, c’est lui, dit-il à Derek en se levant pour le rejoindre.

    Mais qu’est-ce qu’il fait là, lui ? demanda ce dernier, un sourire forcé sur les lèvres. Du coin de l’œil, il voyait Meredith qui guettait le moment où il daignerait enfin la regarder. Il avait envie de le faire, et de lui parler aussi, et encore plus de la prendre dans ses bras et de l’embrasser, et pourtant, il ne fit rien, uniquement parce qu’il ne voulait pas courir le risque qu’elle le rembarre devant ses amis. De plus en plus mal à l’aise, il s’accroupit devant l’animal et le caressa. Qu’est-ce qui t’est arrivé, le chien ?

    T’as qu’à demander à ta petite amie, lui suggéra Mark avec un grand sourire narquois. Elle va se faire un plaisir de te l’expliquer Il avait repéré les petits coups d’œil pourtant discrets que Derek jetait en direction de Meredith et il devinait que seuls son orgueil et la présence de témoins l’empêchaient de faire le premier pas. Il se tourna vers la jeune fille sans se départir de son air goguenard. Eh bien, qu’est-ce que tu attends pour lui raconter ? Tu ne vois pas, il est suspendu à tes lèvres, ajouta-t-il en lui désignant Derek qui cajolait toujours le chien. L’intéressé le foudroya du regard. Satisfait d'avoir enfin obtenu une réaction, Mark retourna dans son fauteuil.

    Meredith lui était reconnaissante de lui avoir donné un bon prétexte pour essayer de renouer le dialogue, mais elle doutait que les exploits de Murphy soient suffisants pour ramener Derek à de meilleurs sentiments. Pleine d’appréhension, elle se mordilla les lèvres avant de se lancer avec une intonation hésitante. Il n’y a pas grand-chose à raconter. On revenait du ski quand on a entendu une sorte de gémissement. Alors, on a cherché d’où ça venait et on l’a trouvé sous un buisson, juste ici devant. On a vu qu’il était blessé et on l’a ramené pour le soigner. Voilà, c’est tout, conclut-elle avec une terrible envie de pleurer parce que, à aucun moment, Derek ne l'avait regardée.

    Callie posa un regard dégouté sur le chien. Pourquoi vous ne l’avez pas emmené chez un vétérinaire ? Vu son état après avoir été soigné, il devait être salement amoché. A votre place, je n’aurais pas perdu mon temps.

    Devant tant d’insensibilité et surtout de dédain, Meredith sentit sa tristesse s’évanouir pour faire place à l’irritation. On l’a sauvé ! Alors, on n’a pas du tout perdu notre temps, répliqua-t-elle sèchement. Et il n’y avait que quelques sutures à faire. Je ne vois pas pourquoi on aurait été chez un vétérinaire alors qu’on avait le meilleur chirurgien plasticien sous la main. Ravi d’entendre cette appréciation élogieuse sortir de sa bouche, Mark se tourna vers elle avec un grand sourire. Il était pleinement conscient de sa valeur mais c’était toujours un plaisir de l’entendre confirmer par d’autres, et quand il s’agissait de Meredith devant Derek, c’était un régal.

    Et avec quoi vous avez fait des sutures ? s’enquit Callie.

    Mark étendit ses jambes devant lui. Tu devrais savoir que je suis un homme plein de ressources, répondit-il avant de s’adresser à son meilleur ami qui restait obstinément penché sur le chien. Toi aussi, d’ailleurs. Tu nous as été d’un grand secours. Derek releva la tête avec un air interrogateur. Mark se tourna vers Meredith. Faudrait peut-être te décider à lui dire. Inquiet, Derek regarda enfin franchement sa petite amie.

    Je ne sais même pas de quoi tu parles, bougonna-t-elle. Mark mima le geste de se raser. Ah ça ! grogna la jeune fille. J’ai pris ton rasoir pour raser les poils du chien autour des plaies, annonça-t-elle à Derek avec un certain embarras. Mais t’inquiète, je t’en rachèterai.

    Pour la première fois depuis qu’il était rentré, Derek sourit franchement. Non, ce ne sera pas la peine. Si ça a pu vous aider à le soigner… Il recommença à caresser le chien. C’était trop dur de soutenir le regard de Meredith sans se sentir horriblement coupable et c’était un sentiment qu’il n’aimait pas ressentir. Hein, mon vieux, le principal, c’est que tu ailles mieux.

    Ah ça, faut dire que Mer y a mis du sien ! s’exclama Mark. Une chance qu’aucun de nous n’avait pris son stéthoscope ! Elle m’aurait obligé à m’en servir pour ausculter le chien.

    Callie, dont l'expression ne laissait aucun doute sur ce qu'elle pensait de toute l'opération "Sauvez Murphy", ricana. Une chance que le ridicule ne tue pas, surtout !

    Meredith la foudroya du regard. En quoi c'est ridicule ? De toute façon, c'est pas la peine d'en faire tout un bazar, puisqu'on n'avait pas de stéthoscope. Enervée, elle mit son pouce en bouche pour ronger une peau morte, sans voir le sourire plein de tendresse que posait sur elle Derek, qui s'était enfin relevé pour s'accouder à la cheminée.


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  • Alors on a fait avec les moyens du bord, intervint Mark. J'ai ausculté Murphy avec un rouleau de papier chiottes.

    Callie secoua la tête en levant les yeux au ciel. Vous êtes complètement cinglés.

    Et fiers de l’être, mon chou, se moqua Mark. On a du cœur, nous, au moins. Et puis, ce brave Murphy vaut bien un rouleau de PQ. Il fit un clin d’œil à Meredith qui lui sourit.

    Tiens, comment vous connaissez son nom ? Derek abaissa à nouveau le regard vers le chien qui était en train de se lécher une patte. Il n’a pas de médaille à ce que je vois.

    Non. C’est ta meuf qui l’a baptisé, lui apprit Mark.

    Et pourquoi Murphy ? se renseigna Derek d’une voix plus douce.

    Meredith haussa les épaules. C’est un nom que j’aime bien pour un chien. Quand j’étais petite, mes grands-parents avaient un chien qui s’appelait comme ça. Il avait une drôle de tête, allongée, un peu comme un œuf, mais je l’adorais.

    Décidément, tu aimes les animaux horribles, persifla Callie.

    D’après ce que j’ai vu, toi, c’est les mecs horribles que tu aimes, riposta Meredith. Chacun son truc !

    La répartie fit éclater de rire Derek. Mark se retint de l’imiter en voyant les deux femmes se défier du regard. Allons, les filles ! Vous n’allez pas vous prendre la tête pour des conneries pareilles, tout de même ! Vexée que ses amis ne prennent pas son parti, Callie leur jeta un regard furibond.

    Agacé par sa réaction qu’il estimait exagérée, Derek leva les yeux au ciel. Oh c’est bon, Callie ! Epargne-nous ton numéro de femme outragée. De toute façon, Meredith a raison. On ne peut pas dire que ton Donnie n’était pas horrible. Blessée, Callie ne répondit pas, sachant qu’il ne lui donnerait jamais raison contre Meredith.

    Pour détendre l’atmosphère, Mark se leva avec un air guilleret. Quelqu’un veut un verre ? lança-t-il à la cantonade en se dirigeant vers la cuisine, sans se rendre compte que sitôt qu’il avait été debout, le chien avait relevé la tête pour ensuite se mettre péniblement sur ses pattes et le suivre en boitillant.

    Oh regarde Mark, c’est trop mignon ! Il te suit, s’extasia Meredith.

    Mark se retourna et vit Murphy qui clopinait sur ses traces. Ben où tu vas comme ça, toi ?

    Tu es son nouveau maitre, se réjouit la jeune fille. C’est toi qui l’as soigné, il sait que tu l’as sauvé et il t’a choisi. Elle s’assombrit brusquement. Mais c’est pas dangereux pour lui de déjà marcher ?

    Mais non ! assura Mark. Au contraire. Ça montre qu’il va mieux. Et puis, c’est bien qu’il fasse de l’exercice. Hein, mon gros ! Allez, viens avec papa…

    Derek sourit en pensant à la tête que feraient les membres du personnel de la clinique s’ils entendaient Mark parler ainsi. Finalement, le gros dur n’était jamais qu’un cœur tendre, amoureux des plantes et ami des animaux. Vous êtes mignons, tous les deux, lança-t-il à son ami avant d’aller s’asseoir dans le fauteuil qui faisait face au canapé où se trouvait Meredith. Il devina que, si elle restait la tête tournée dans la direction de la cuisine, c’était plus pour éviter de croiser son regard que par inquiétude pour le chien. Il baissa la tête. Par son attitude stupide, il s’était mis dans une situation dont il ne savait maintenant comment sortir.  

    Son nouveau compagnon toujours sur ses talons, Mark revint avec un plateau sur lequel il avait mis quatre verres, une bouteille de soda et une autre de whisky. Cet animal est vraiment horrible, dit Callie en frissonnant. J’aime bien les chiens d’habitude mais celui-là… En fait, plus que le chien en lui-même, c’était toute cette histoire qui la dérangeait. Elle n’en pouvait plus de voir les deux hommes de sa vie, bouche bée devant Meredith, la reine des nobles causes, la défenseuse des opprimés. Sainte Meredith qui ne faisait toujours que le bien autour d’elle ! Il est vraiment affreux, insista-t-elle. Beurk ! En plus, il a des plaques de poils qui manquent. Vous êtes sûrs qu’il n’a pas la gale ou quelque chose comme ça ?

    Mais on s’en fout de son apparence ! répliqua Meredith, choquée par le jugement exclusivement négatif et totalement insensible de Callie. Ce n’est pas ça qui compte. Elle se pencha pour caresser le chien qui venait de s’installer à ses pieds. C’est vrai qu’il n’est pas très beau. Mais ça, c’est parce qu’on ne s’est jamais bien occupé de lui. Et en plus, il a sûrement été abandonné. Ça doit faire plusieurs jours qu’il traine dans la rue sans manger. Et en prime, il est blessé. Alors, je ne sais pas qui serait beau après ça. Mais une fois qu’il sera retapé, il ne sera pas plus moche qu’un autre, conclut-elle avec fougue. 

    Cette fois, Derek ne put s’empêcher de la dévorer des yeux, avec un sourire attendri sur les lèvres. Il aimait l’ardeur avec laquelle elle exprimait son opinion, défendant ce pauvre chien avec la même conviction que s’il avait été un enfant maltraité. Elle n’épargnait pas sa peine pour défendre les faibles, quels qu’ils soient. Et lui qui était loin, très loin, de lui ressembler, qui parfois même, était de l’autre côté de la barrière, ne pouvait s’empêcher de l’admirer. C’était un sentiment qu’il n’éprouvait que rarement, et plus encore vis-à-vis d’une femme.


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