• Même si elle essayait de se concentrer sur son émission culinaire préférée, Anne était sans cesse distraite par sa fille qui n’arrêtait pas de regarder son téléphone pour vérifier qu'elle n'avait pas reçu de message. Quand Meredith reprit l’appareil pour la centième fois au moins depuis le début de la soirée, sa mère n’y tint plus. Arrête de regarder ce téléphone sans arrêt, lui dit-elle sèchement, agacée par son obsession. De toute façon, si tu reçois un message, tu l'entendras.

    Excuse-moi d'être inquiète pour mon copain ! répliqua Meredith. Ne pas savoir avec certitude qui était l’inconnu de la cafétéria et ignorer ce qui s'était passé après qu'elle ait quitté Derek la minait et plus le temps passait, moins elle arrivait à gérer son angoisse. Si tu l'avais vu comme je l'ai vu, tu serais stressée aussi, ajouta-t-elle sur un ton un peu agressif.

    Ce n'est pas en regardant ton téléphone toutes les deux secondes que ça va changer quoi que ce soit, ni pour lui, ni pour toi, riposta Anne.

    Meredith souffla bruyamment. Ça, je sais ! Je voudrais juste avoir des nouvelles. Il avait dit qu'il m'en donnerait, et Mark aussi. Ça fait presque huit heures que j'ai quitté la clinique et toujours rien, se lamenta-t-elle. Huit heures pendant lesquelles elle avait attendu un appel, un message, en vain. Elle avait aussi essayé à maintes reprises de joindre les deux chirurgiens, sans plus de succès, puisqu’elle était tombée à chaque fois sur leur messagerie. Les messages vocaux qu’elle y avait laissés étaient restés sans réponse. De quoi devenir folle ! Il avait fallu toute l’insistance de sa mère pour qu’elle renonce à téléphoner à la clinique afin de s’informer. Si j'avais su, je serais restée sur place, poursuivit-elle. Là-bas au moins, j'aurais pu essayer d'avoir des infos.

    Ce n’est pas parce qu’ils ne t’ont pas appelée qu’il faut imaginer le pire, estima Anne. A mon avis, c’est même le contraire. Et Derek t'avait prévenue qu'il serait fort occupé. Il est sûrement en train d’opérer. Et son ami aussi. Ils ne vont pas perdre de temps à t’appeler s’il n’y a rien à dire. Parce que si ça se trouve, cet homme est juste un patient tout à fait banal qui n’a aucun lien personnel avec Derek. 

    Meredith secoua la tête. Si ça avait été le cas, Derek ne se serait pas comporté comme il l'a fait. Non, je suis certaine que c'est son père. Plus j'y pense, plus j'en suis sûre. Il y avait comme un air de ressemblance. Dans le regard, précisa-t-elle. Ce regard dur et froid, je l'ai déjà vu chez Derek. Et son attitude n'était pas du tout normale. J'ai senti que c'était vraiment urgent pour lui que je m'en aille. C'était comme s'il paniquait de me voir dans la même pièce que ce type.

    Anne décida de répéter les arguments qu'elle avait déjà utilisés dans le courant de l’après-midi pour essayer de rassurer sa fille. Si cet homme est son père, sa visite peut être quelque chose de positif. Peut-être qu'il veut faire amende honorable et renouer le contact avec son fils. Et si ce n'est pas le cas, que veux-tu qu'il se passe ? Au pire, ils se seront disputés et Derek l'aura fait jeter hors de la clinique. Il ne se sont pas entretués tout de même.

    Evidemment que non ! Meredith fronça légèrement les sourcils. Du moins, je l’espère. Derek déteste son père, tu n’imagines même pas à quel point. Il le rend responsable de tout ce qu’il y a eu de moche dans sa vie.

    Anne fit une légère moue dubitative. D’après ce que tu m’as raconté, sa mère avait sa part de responsabilité aussi. Elle n’était pas obligée de faire tout ce que son mari lui ordonnait. Dieu sait si j’ai aimé ton père mais jamais je ne t’aurais abandonnée pour lui. Au contraire, s’il m’avait demandé de faire une telle chose, je l’aurais immédiatement quitté.

    Meredith soupira. Tu as raison. Mais c’est quelque chose que Derek n’est pas encore prêt à entendre. Pour lui, sa mère n’est qu’une victime et d’une certaine façon, c’est vrai puisqu’elle avait des problèmes mentaux. Et il faut reconnaitre que son père est vraiment un sale type. Quel genre d’homme pique la petite amie de son fils ? Et voilà qu'il resurgit au moment même où Derek commence à se remettre de toute cette histoire ! déplora-t-elle.

    Ce n'est plus un petit garçon, Meredith. Je suis certaine qu'il saura faire la part des choses maintenant. Et puis, il t'a, toi. Ça devrait lui permettre de relativiser toutes ces vieilles histoires. Si ce n'est pas le cas, alors… Anne termina par un silence plein de sous-entendus.

    Alors quoi ? Il faudrait que je le quitte, c'est ça ? aboya Meredith.

    Ce n'est pas ce que j'ai dit.

    Tu ne l’as pas dit mais c’est ce que tu penses !

    Ce que je pense, c'est que tu ne vas pas avoir une vie très heureuse si l’homme avec qui tu vis reste bloqué sur son passé, asséna Anne.

    Mais il n’est pas bloqué sur son passé ! rétorqua Meredith en levant les yeux au ciel. Il ne l’est plus depuis qu’il m’en a parlé. Et tout se passe très bien entre nous depuis qu’on s’est remis ensemble. Bien qu’elle sache que cela ne servait à rien, elle vérifia à nouveau son téléphone. Si seulement je savais pourquoi son père est venu le voir ! Ce n'était pas une simple visite de politesse. Il est venu pour lui donner quelque chose, un dossier ou quelque chose comme ça. Peut-être que ça concerne ses sœurs.

    Arrête de faire des suppositions, lui conseilla sa mère. Ça ne sert à rien sauf à t’angoisser un peu plus. Il vaut mieux attendre que Derek t’explique.


    votre commentaire
  • Je vais me faire un thé. L’air contrarié, Meredith se leva de son fauteuil pour se rendre à la cuisine. Elle venait à peine de franchir la porte du salon que son téléphone émit la sonnerie notifiant qu’elle venait de recevoir un texto. Elle revint en courant et sauta sur son appareil pour lire le message. C’est Derek, annonça-t-elle avec un soulagement évident. Il veut savoir si ça ne te dérange pas qu’il vienne maintenant, déclara-t-elle tout en pianotant sur son clavier.

    Comme si j’avais mon mot à dire ! ironisa Anne, un léger sourire moqueur sur les lèvres.

    Meredith hocha la tête. Non. Je lui ai déjà répondu qu’il pouvait venir. Si je ne le vois pas, je n’arriverai pas à fermer l’œil de la nuit. Son téléphone sonna à nouveau pour lui signifier la réception d’un nouveau message qu’elle s’empressa de lire. Ah il est déjà là ! se réjouit-elle. L’œil brillant d’impatience, la jeune fille se rua hors de la pièce pour aller à la rencontre de son petit ami, tandis que sa mère se désolait en son for intérieur de l’emprise que ce dernier avait sur elle. Elle n’aimait pas l’idée que toute la vie de sa fille tourne autour de cet homme. 

    Meredith était sortie sur le pas de la porte pour guetter l’arrivée de son amoureux. Quand la Porsche entra dans la rue, son cœur se mit à battre un peu plus fort. Elle était partagée entre bonheur et appréhension. Elle avait hâte de retrouver son amoureux et qu’il lui donne enfin toutes les réponses à ses interrogations, mais par ailleurs elle craignait que la réapparition de son père renvoie Derek à ses vieux démons. Si c’était le cas, leur couple n’y résisterait pas, elle le savait, et sa vie serait anéantie. Elle fut un peu rassurée quand elle vit Derek bondir hors de la voiture pour courir vers elle, parce qu’il n'avait pas l’air bouleversé outre mesure. Tu m’as manqué, lui chuchota-t-il à l’oreille après qu’il se fut jeté dans ses bras.

    Elle le serra de toutes ses forces contre elle. Tu m’as manqué aussi. Je me suis tellement inquiétée.

    Derek nicha son visage dans le cou de la jeune fille tandis qu'elle lui passait la main dans les cheveux. Je suis désolé. J’aurais dû t’appeler, je sais. Mais j’ai été déstabilisé, reconnut-il. Le revoir après toutes ces années…

    Donc, j’avais raison, c’était bien ton père, en déduisit Meredith.

    Derek se redressa. Oui, c’était lui. Comment tu as deviné ?

    Oh c’était juste un pressentiment, prétendit Meredith, parce qu’elle ne voulait pas lui dire qu’elle avait vu une ressemblance entre lui et l’homme qu’il haïssait le plus au monde. La façon dont il s’est comporté avec toi, et toi, comme tu as réagi. Ça ne pouvait être que lui. Elle lui effleura les lèvres dans un baiser furtif. Dis, je voudrais savoir, quand tu m’as demandé de partir, j’espère que ce n’est pas parce que tu as eu peur que je me laisse séduire par lui, ou un truc du genre.

    Derek sourit. Non, ça ne m’est même pas venu à l’esprit. Je sais qui tu es, je sais que tu es incapable de faire une telle chose. Non, si je t’ai demandé de t’en aller, c’est parce que te voir près de lui, ça m’était insupportable. Ce type salit, détruit tout ce qu’il approche. Il caressa la joue de sa petite amie. Je ne veux pas qu’il ait le moindre contact avec toi.   

    D’accord. Ça me va très bien. Je n’ai aucune envie d’avoir le moindre contact avec lui non plus, assura Meredith.

    Sa mère, qui s’étonnait de ne pas les voir rentrer, fit irruption dans le hall. Ah vous êtes là ! Je me demandais où vous étiez.

    Derek se détacha de son amie pour saluer Anne. Bonsoir. Ils se serrèrent la main. Merci d’avoir accepté que je vienne, reprit Derek. Je suis désolé de passer aussi tard mais j’avais vraiment besoin de voir Meredith. J’ai eu une journée vraiment pourrie alors… Il prit la main de la jeune fille et la serra très fort. J’avais besoin de la voir et de lui parler.

    Bien qu’Anne s’en défende, elle était à chaque fois touchée par la manière dont il parlait de Meredith et dont il se comportait avec elle. En voyant comme il s’accrochait à sa fille, et les regards qu’il posait sur elle, elle ne pouvait pas douter de l’amour qu’il lui portait. Elle l’invita à entrer d’un signe de la main. Eh bien, entrez alors. Vous serez mieux à l’intérieur plutôt que de discuter sur le trottoir. Elle ferma la porte de la maison derrière le couple. Moi, je vais aller me coucher. Comme ça, vous serez tranquilles pour parler. Bonne soirée. Elle se dirigea vers l’escalier.

    Derek la retint. Non, non, ne partez pas. Ce que j’ai à dire, vous pouvez très bien l’entendre. Il se tourna vers sa compagne. De toute façon, si vous ne restez pas, Meredith va me demander si elle peut tout vous raconter après et je dirai oui, parce que je n’ai rien à cacher. Alors, autant que vous ayez les infos de première main. Restez avec nous, je vous en prie. En plus, je suis sûr que vous ne vous couchez pas si tôt d’habitude.

    En effet. Mais je ne veux pas vous déranger.

    C’est plutôt moi qui vous dérange, à débarquer chez vous si tard, lui fit remarquer Derek. Alors, vous voulez entendre mon histoire ?

    Le sourire qu’il adressa à Anne anéantit chez elle toute velléité de protestation. Cet homme n’avait que quelques années de moins qu’elle et pourtant, quand il souriait de cette façon, elle avait l’impression d’être en face d’un petit garçon et c’était difficile de lui refuser quoi que ce soit. C’est demandé si gentiment. Allez vous asseoir au salon, je vais faire du café.


    1 commentaire
  • Pour moi, ce sera un thé si tu veux bien. Meredith profita du départ de sa mère pour faire la leçon à son petit ami en prenant un air faussement outré. Dis donc, t’as fini de draguer ma mère, toi ?

    Hé, désolé, mais on dit toujours que pour séduire une fille, il faut d’abord plaire à sa mère, déclara Derek avec un grand sourire.

    Meredith lui donna une petite tape sur l’épaule. Pas la peine de te fatiguer, la fille est séduite depuis belle lurette. Elle le prit par le bras pour l’entrainer vers le salon. Alors, comment tu te sens ? Ça n'a pas été trop dur ?

    De revoir mon père ? Elle opina de la tête. Je ne vais pas te cacher que ça n’a pas été simple, répondit Derek. Quand je l’ai vu, à la cafétéria, ça a fait remonter plein de mauvais souvenirs.

    Des souvenirs de ta mère et d’Abigail, supposa Meredith.

    Ils s’assirent dans le canapé et Derek prit la main de la jeune fille. De ma mère, oui, bien sûr, et de la vie de merde qu’il nous a fait vivre, mais pas d’Abigail. Meredith lui lança un regard dubitatif. Bébé, je te jure que c’est vrai. Il vit qu’elle n’était pas encore convaincue. Ecoute, sur le principe, c’est répugnant ce qu’il a fait avec elle mais avec le recul, je me dis qu’au fond, sur ce point-là, je lui dois une fière chandelle. Parce qu’une femme capable de coucher avec le père de son copain par ambition est capable de tout. Et si elle n’avait pas couché avec lui, elle aurait couché avec quelqu’un d’autre. Avec plusieurs autres sans doute même. J’aurais été le cocu de service. Très peu pour moi, bougonna-t-il.

    Amusée, Meredith sourit. Vu comme ça, évidemment. Anne fit son retour avec un plateau sur lequel il y avait trois tasses et une assiette de cookies. Alors, ton père, qu’est-ce qu’il voulait ? demanda Meredith tandis que Derek prenait une tasse.

    Il but une gorgée de café avant de lui répondre. Eh bien, il est malade. Il a une tumeur au cerveau et il a consulté les neurochirurgiens les plus éminents du pays mais ils lui ont tous dit que c’était inopérable.

    Meredith parut un peu étonnée. Et donc, il est venu te voir pour avoir ton avis ?

    En fait… Derek hésita un peu avant de lui révéler la vérité car il savait ce que cela aurait comme effet sur elle. Il est venu pour me demander de l’opérer.

    Mère et fille ne purent cacher qu’elles étaient stupéfaites. Quoi ? s’écria Meredith. Mais il est dingue, ce type ! Franchement, te demander ça, comment il ose ? Après tout ce qu’il t’a fait ?

    Oui, je sais, dit Derek, un peu mal à l’aise. La réaction de la jeune fille venait de lui confirmer qu’elle n’allait pas accepter facilement ce qu’il avait encore à lui dire.

    Mais d’une certaine façon, ça veut dire qu’il vous considère comme un chirurgien très compétent puisqu’il est prêt à vous confier sa vie, lui fit remarquer Anne. J’imagine que ça doit vous faire quand même un peu plaisir. Ça compte, la reconnaissance d’un père, même si ce n’est pas un bon père.

    Oui, ça compte, admit Derek. Ça me fait mal de le reconnaitre mais, quand il m’a dit qu’il suivait ma carrière et qu’il voulait que je l’opère, ça m’a fait plaisir, vous avez raison. Croyez-moi, j’en suis le premier étonné.

    Il a besoin de toi, souligna Meredith sur un ton un peu sec. Alors, il te flatte, évidemment !

    Sa mère la reprit immédiatement. Meredith… Je comprends que tu sois énervée mais ne sois pas injuste. Tu m’as dit que Derek était un des meilleurs chirurgiens au monde, alors tu ne peux pas dire maintenant que son père le flatte. Contrariée, Meredith fit une moue boudeuse. Il reconnait sa valeur tout simplement et c’est quelque chose qu’il ne faut pas mépriser, parce que je trouve ça bien pour Derek, insista Anne. C’est toujours bien quand un père reconnait les mérites de son fils.

    Ouais, ben, c’est un peu tard pour ça, argua Meredith.

    Mieux vaut tard que jamais. Anne se tourna vers Derek. N’est-ce pas ?

    Il acquiesça d’un signe de la tête. Oui, c’est vrai. Mon père est une personne détestable mais il a été un très grand chirurgien. Alors, qu’il fasse appel à moi, même en dernier recours, ça veut dire qu’il reconnait que je suis qualifié. C’est quelque chose qui n’était encore jamais arrivé. Alors, oui, c’était plutôt agréable.

    Et comment il a réagi quand tu lui as dit que tu refusais de l’opérer ? s’enquit Meredith.

    Eh bien, en réalité… Derek eut l’air embarrassé. Je n’ai pas refusé. Il vit à l’expression de sa petite amie qu’elle était choquée. Quant à Anne, elle semblait tout aussi surprise que sa fille. Du moins, pas encore, précisa-t-il.

    Pas encore ? Mais… ça veut dire que tu envisages de le faire ? présuma Meredith, abasourdie.

    Peut-être. Enfin, je ne sais pas. Derek lui prit la main. Tu comprends, plus je regarde cette tumeur, plus je suis convaincu que je peux la retirer. Agacée, Meredith leva les yeux au ciel. Etait-il possible d’être plus arrogant que cet homme-là ?


    3 commentaires
  • Excusez-moi, mais je croyais que c’était interdit d’opérer quelqu’un de sa propre famille, intervint Anne.

    Non, il n’y a aucune interdiction explicite, lui apprit Derek. On nous incite simplement à ne pas le faire, à cause de la charge émotionnelle que cela entraine.

    Et c’est tout à fait logique ! asséna Meredith. M’enfin, Derek, est-ce que tu te rends compte ? Tout aussi talentueux que tu sois, tu n’es pas Dieu, tu n’es pas infaillible. Si jamais il arrive quelque chose à ton père pendant l’opération, qu’est-ce qui va se passer ? Tu as pensé à ce que tu pourrais ressentir ? Tu te sens déjà coupable pour la mort de ta mère alors que tu n'y es pour rien, lui rappela-t-elle. Imagine ce que ce sera si ton père meurt alors que tu es en train de l’opérer. Et compte tenu de votre histoire, il y aura toujours des gens pour penser que tu en as profité pour te venger. Ça pourrait foutre ta carrière en l’air ! Ou pire encore, t’amener en prison ! La peur et la colère lui firent monter les larmes aux yeux.

    Derek prit la jeune fille par les épaules. C’est justement pour toutes ces raisons que je n’ai encore rien décidé. Si ça peut te rassurer, je ne l’opérerai que si je suis absolument certain de réussir. 

    Mais pourquoi tu ferais ça ? s’écria Meredith. Je ne comprends pas. Tu détestes ton père et tu ne veux plus avoir rien à faire avec lui. Alors, pourquoi tu veux lui sauver la vie ?

    Parce que je suis médecin et que j’ai fait serment de sauver les gens qui en ont besoin, expliqua Derek. Qu'il s'agisse de mon père ne change rien à ça. Et aussi… – il poussa un long soupir – parce que ma mère aurait voulu que je le sauve.

    Meredith leva à nouveau les yeux au ciel. C'est de la folie !

    Absolument pas. Je sais ce que je fais, bébé et si je décide de me lancer là-dedans, c'est parce que je serai sûr de réussir, insista Derek. Il ignora le grand soufflement que Meredith poussa. Et puis, si ça se fait, dis-toi bien que je ne serai pas seul en salle d’op’. Il y aura d’autres chirurgiens avec moi et en cas de problème, ils pourront témoigner que je ne lui ai pas enfoncé mon scalpel dans le cerveau, plaisanta-t-il. Il sourit à sa compagne. Ne t’en fais pas, je ne vais pas aller en prison. Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement. De toute façon, je n’ai vraiment encore pris aucune décision.

    Vous avez combien de temps pour le faire ? se renseigna Anne.

    Je me suis engagé à lui donner une réponse après le week-end.

    C’est rapide, jugea Meredith.

    Il n’a pas vraiment beaucoup de temps devant lui, lui fit remarquer son petit ami.

    Donc, ça veut dire qu’on n’ira pas au mariage. Meredith but une gorgée de thé avec un air désabusé.

    Mais si, bien sûr. Pourquoi n'irait-on pas ? Au contraire, ça me permettra de me changer les idées. Ça me fera du bien. Est-ce que tu as déjà trouvé ta robe ? s'enquit Derek pour ramener la conversation sur un sujet plus léger.

    Meredith afficha un air scandalisé. Parce que tu crois que j'étais d'humeur à faire du shopping avec ce qui s'était passé ?

    Eh bien, tu vas devoir programmer ça le plus vite possible. Tu n’as plus que quelques jours devant toi. Derek prit deux cookies et mordit dedans avec appétit.

    Cela surprit Meredith. Ce n'était pas son genre de se jeter sur les sucreries. Est-ce que tu as mangé quelque chose aujourd'hui au moins ?

    Non, je n'ai pas eu trop le temps, reconnut Derek avec un air penaud. Et après, j'ai eu l'appétit coupé.

    Il faut que tu manges. Je vais te faire une omelette.

    Devançant sa fille, Anne se leva. Reste là. Je vais m'en occuper.

    Ne vous dérangez pas pour moi, la pria Derek. Les cookies, ça me va très bien. Il soutint le regard ironique que lui lança Meredith.

    Ça ne me dérange pas du tout. Omelette jambon-tomates, ça vous convient ?

    Ce sera parfait. Merci beaucoup. Resté seul avec sa petite amie, Derek essaya de la rassurer. Je ne veux pas que tu te tourmentes à cause de cette histoire. Tout va très bien se passer, d'une façon ou d'une autre.

    Sauf si ton père meurt sur ta table d'opération, s'entêta-t-elle.

    Ça n'arrivera pas, assura Derek. Comme je te l'ai dit, si je décide de l'opérer, c'est que je serai sûr de mon coup à 100%.

    Je suis étonnée de la façon dont tu prends les choses, lui avoua la jeune fille. Très cool.

    Derek grimaça légèrement. Cool n’est pas le mot. Depuis que je l'ai revu… Il baissa la tête. Je pense à ma mère. Je la revois. Son corps, sur la terrasse. Ce n’est pas facile.


    4 commentaires
  • La colère de Meredith disparut instantanément pour faire place à la compassion. Oh chéri ! Elle prit Derek contre elle, avec des larmes dans les yeux.

    Ça va aller. Il se dégagea de son étreinte pour l'embrasser furtivement sur les lèvres. Demain, tu passes la nuit à la péniche ? Quand tu es là, je ne pense pas à tout ça.

    D’accord. A son tour, Meredith lui caressa tendrement la joue. Et cette nuit, ça va aller ?

    Il lui retira la main de son visage et posa un baiser au creux de sa paume. Je vais aller dormir chez Mark. On va boire quelques verres, ça m'empêchera de ruminer des idées noires.

    Tu veux dormir ici ? lui proposa la jeune fille.

    Derek fit une moue amusée. Ça m’étonnerait que belle-maman soit d’accord.

    Meredith prit un air espiègle. Laisse-moi faire. Elle rejoignit aussitôt sa mère dans la cuisine. Dis, Maman, je voudrais te demander un truc. Derek essaie de sauver les apparences mais il n’a pas le moral. Il pense à sa mère, à sa mort et tout ça. Je n’ai pas le cœur à le laisser repartir tout seul chez lui. Tu serais d'accord pour qu'il dorme ici cette nuit ? demanda-t-elle sur un ton câlin.

    Bien sûr. Il y a assez de chambres dans la maison, ce n'est pas un problème, répondit Anne en remuant avec une spatule le jambon et les rondelles de tomates qu'elle venait de jeter dans une poêle.

    Meredith s'esclaffa. Pourquoi tu veux qu'il dorme dans une autre chambre ? Il va dormir avec moi.

    Anne se renfrogna. Je ne suis pas très d'accord avec ça, Meredith.

    Meredith ne put dissimuler qu'elle était surprise. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu crois qu'on fait quand je vais chez lui ? On dort ensemble, on ne fait pas chambre à part.

    Anne déversa les œufs battus en omelette dans la poêle. Ça, j'en suis tout à fait consciente. Mais ce n'est pas parce que je sais que ma fille a des relations sexuelles et que je l'accepte, que je suis forcément d’accord pour qu'elle en ait dans la chambre à côté de la mienne.

    Cette fois, Meredith parut sincèrement indignée. Non mais dis, pour qui tu me prends ? Tu crois vraiment que moi, j'ai envie de faire l'amour avec ma mère à côté ? Alors, c'est vraiment que tu ne me connais pas ! Et s’il n'y a que ça qui te tracasse, ne t'en fais pas. Même si j'en avais envie, ça m'étonnerait que Derek ait la tête à ça. En voyant que sa mère s'en voulait un peu de lui avoir prêté de mauvaises intentions, elle fit preuve de plus d'insistance. Maman, je ne te demande pas ça pour m'envoyer en l'air ou pour avoir juste le plaisir de passer la nuit avec lui, mais c'est parce que je serai plus tranquille de le savoir ici plutôt que chez Mark, où ils vont sûrement trop boire en pensant à leur famille pourrie.  

    Devant de tels arguments, Anne ne put que s'avouer vaincue. D'accord.

    Merciiiiii ma petite maman chérie. La jeune fille prit sa mère dans ses bras pour lui faire un câlin avant de repartir au salon en sautillant. Voilà, tu peux dormir ici, annonça-t-elle, triomphante, à son petit ami.C'est vrai ? dit-il, ébahi. Comment tu as fait ?

    Meredith lui fit un discret signe de la tête pour lui signaler l'arrivée de sa mère. Je te raconterai, chuchota-t-elle en reprenant place auprès de lui.

    Anne déposa devant Derek une assiette sur laquelle fumait une énorme omelette. Merci beaucoup, lui dit-il. Et merci aussi d'accepter que je passe la nuit ici. Je me préparais à faire une nuit blanche mais je sais qu'avec Meredith, je vais réussir à dormir.

    Ce ne sera peut-être pas très confortable, objecta Anne. Le lit de Meredith n'est pas bien grand pour deux personnes.

    Meredith se serra contre son amoureux. Ne t'en fais pas pour nous. On n'a pas besoin de beaucoup de place. On dort toujours collés l'un à l'autre

    Cette évocation de leur intimité, aussi petite soit-elle, mit Derek mal à l'aise et il en allait de même pour Anne, à en juger par son expression. Derek s'empressa de faire diversion en se jetant sur son assiette. Je vais goûter votre omelette. Elle m'a l'air fameuse.

    Meredith pouffa de rire. Finalement, je suis sûre que vous allez très bien vous entendre tous les deux. Vous êtes aussi collets montés l'un que l'autre.

    N'en rajoute pas, toi, grommela Derek en lui tendant une fourchette avec un morceau d'œuf qu'elle refusa d'un signe de tête.

    Ah là là, il faut toujours qu'elle en fasse trop, feignit de regretter Anne en posant un regard attendri sur sa fille qui venait de poser sa tête contre l'épaule de son petit ami. Quand celui-ci pencha la tête vers celle de son amie pour s'y appuyer délicatement, avec une expression tendre sur le visage, Anne pensa pour la première fois que finalement, ce couple n'était pas aussi mal assorti qu'elle l'avait jugé au premier abord et qu’il avait peut-être un bel avenir devant lui.


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique