• Mark connaissait Derek par cœur, Il devinait que ce dernier se sentait fautif vis-à-vis de la jeune fille mais il ne pouvait accepter que son ami veuille se soulager en rejetant sa faute sur elle. Il l’avait déjà vu dans des situations où il s'était montré au moins aussi infâme et cela ne l’avait jamais dérangé. Souvent même, il s’en était amusé. Mais là, c’était Meredith qui était visée et ce n’était plus drôle du tout. Il regrettait de ne pas pouvoir dire tout ce qu'il pensait à son ami, parce qu'il était hors de question qu'il soit celui qui révèle son infortune à Meredith. Après ce que George lui avait fait subir, elle risquait de ne pas s’en relever. Il se leva et l'attrapa par le bras. Calme-toi, je t’en prie. Il se pencha sur elle pour que nul autre qu’elle ne l’entende. Si je pouvais, j’interviendrais mais si je le fais, il risque de se braquer encore plus et ça ne va pas te rendre service. Il la tira légèrement par le bras pour la faire rasseoir à leur table. Ne fais pas attention à lui, il est trop con aujourd’hui, ajouta-t-il en fusillant Derek du regard. Celui-ci ne réagit pas.

    Meredith reprit sa place à contrecœur. Je voudrais seulement qu’il comprenne que, même si je préférerais passer tout mon temps libre avec lui, je dois aussi étudier, souligna-t-elle en désignant Derek du menton. Parce que si je ne m’y mets pas très sérieusement, je n’aurai vraiment aucune chance de réussir le S.A.T. Derek souffla à nouveau en tournant ostensiblement la tête vers la rue.

    Mark tenta d’alléger l’ambiance. Ah pourtant, t’as intérêt à y arriver ! Pour une fois que je fais un cadeau !

    Meredith approuva d'un hochement de tête. Compte sur moi. Et en plus, je dois réussir pour prouver à Cristina que je ne suis pas la conne qu'elle pense que je suis. Tout à l'heure, elle s'est encore moquée de moi parce que je veux aller à l'unif alors que je n'ai même pas passé le permis de conduire. 

    Quel rapport ? aboya Derek.

    Meredith haussa les épaules. Aucun.

    Pourquoi tu ne l'as pas passé, le permis ? s'enquit Mark.

    La jeune fille rosit légèrement. Parce que je n'avais pas confiance en moi. Mon grand-père a voulu m'apprendre à conduire mais j'ai refusé, parce que je pensais que je n'en serais pas capable. Mais maintenant, je veux le faire. J'en ai marre que Cristina me prenne pour une idiote pour tout. Elle tourna vers Derek pour tenter une nouvelle approche. Tu voudrais bien m’apprendre à conduire ? demanda-t-elle timidement.

    La perspective de passer de longues heures avec elle dans l’habitacle étroit de son bolide épouvanta Derek. C'était au-dessus de ses forces pour le moment. Pour que tu bousilles ma bagnole ? s’écria-t-il, se rendant immédiatement compte à quel point il se montrait mesquin. Il se moquait totalement du sort de sa voiture, qu’il pensait d’ailleurs remplacer par un modèle plus récent, mais seulement voilà, il était trop en colère pour faire marche arrière. Il s'enferra donc. J’aimerais autant éviter.

    Choquée et blessée, Meredith se leva d'un bond. Très bien. Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Appelle-moi quand tu seras de meilleure humeur.

    Mais non, ne pars pas. Une fois encore, Mark retint la jeune fille qui s'apprêtait à rentrer dans la boutique. Tu n'as encore rien mangé en plus. Il se tourna vers Derek. Mais dis quelque chose, toi, nom de dieu ! C’est quoi, ton problème, aujourd’hui ? lui demanda-t-il, tout en connaissant déjà la réponse. Derek ne dit rien, se contentant de hausser les épaules.

    Meredith se dégagea en secouant la tête. De toute façon, je n'ai pas faim. Et j'ai du travail qui m'attend. Elle embrassa Mark sur la joue. Ne perds pas espoir pour ta grand-mère, lui chuchota-t-elle. Et n'oublie pas que je suis là pour toi, si tu en as besoin. Elle le serra contre elle avant de tourner les talons.  

    Après l’avoir regardée disparaître dans la boutique, Mark se tourna d’un seul mouvement vers Derek. Ça va ? Tu es content de toi ? Comment tu as osé lui faire ça ? éructa-t-il, les dents serrées, prenant garde toutefois de ne pas parler trop fort.

    Oh c’est bon ! rétorqua Derek, en évitant toutefois de regarder son ami en face. Mark était la seule personne sur cette terre qui pouvait lire en lui à livre ouvert et qui était donc capable de deviner l'énorme connerie qu’il avait faite la veille. C’est jamais qu’une dispute. Pas la peine d’en faire tout un plat ! Et de toute façon, la Porsche n’est pas automatique. Ce serait trop compliqué pour elle.

    Non, non, c’est pas de ça dont je te parle, espère d’enfoiré ! Mark se pencha au-dessus de la table. Je te parle de ce que tu as fait hier soir.

    Je ne vois pas à quoi tu fais allusion, affirma Derek qui persistait à nier l’évidence, bien qu’il ait été découvert, il le savait.

    Ah ouais ? Vraiment ? Mark secoua la tête avec une expression de dégoût sur le visage. Ne me prends pas pour un con en prime. Il s'adossa au dossier de sa chaise, en dévisageant froidement son camarade. Alors, elle était comment ? C’était un bon coup ? Ça valait la peine que tu fasses tant de mal à Meredith ?

    Je ne veux pas en parler, murmura Derek, les yeux irrémédiablement fixés sur le muffin auquel il n’avait plus touché. Son estomac fut soudain au bord de la nausée.


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  • Ah ça, je m’en doute ! Mark ricana. Si tu crois que je n’ai pas compris pourquoi tu t’es comporté comme ça avec elle ! Un véritable salaud, voilà ce que tu as été ! Il pointa son doigt vers Derek. Tout ça parce que tu te sens coupable et que tu as peur qu’elle devine ce que tu as fait. La meilleure défense, c’est l’attaque, hein ? Tu lui as déjà fait le coup à Aspen, c’était pas assez ? Il a fallu que tu remettes ça.

    Derek releva enfin la tête et darda un regard noir sur son ami. Je te l’ai déjà dit, Mark, ne t’immisce pas dans ma vie privée ! Ça ne regarde que Meredith et moi.

    Ouais, ben, parlons-en justement, de Meredith ! Comment as-tu pu lui faire ça ? s’écria Mark, scandalisé. Elle est… Il secoua la tête, peinant à exprimer qu’il voulait dire, de peur d’être trop enthousiaste. Elle est géniale, cette fille ! Est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as, nom de dieu ? dit-il en haussant soudain la voix et pensant à lui qui aurait donné n’importe quoi pour être à la place de son ami. Qu’est-ce qu’une nana levée dans un bar ou je ne sais où peut t’apporter de plus qu’elle ? C’est pour le cul ? l’interrogea-t-il, malgré tout incrédule. Son intuition lui disait que, dans un lit avec l’homme qu’elle aimait, Meredith devait être une vraie bombe, ardente et passionnée. T’as toujours dit que c’était super avec elle…

    Ça n’a rien à voir avec ça, daigna reconnaître Derek.

    Avec quoi alors ? s’emporta à nouveau Mark. Encore cette connerie de peur que tu traînes depuis plus de dix ans ? Merde, Derek. Pense un peu à autre chose ! Pense à Meredith ! Avec ce qu’elle vient de vivre en plus ! Tu t’imagines dans quel état elle va être si elle apprend que tu…

    Derek le coupa aussitôt, l’air hostile. Si tu fermes ta gueule, elle n’en saura jamais rien.

    Oh joli ! Super comme mentalité ! Mark leva le pouce de sa main droite en l'air. Alors, pour toi, tu peux faire ce que tu veux ? Du moment qu’elle n’en sait rien, tout t’est permis ?

    Derek eut un rire mauvais. Non, mais franchement, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Tu crois que tu peux vraiment me donner des leçons de morale ? Et pourtant, tout au fond de lui, il savait que Mark avait raison, sur tous les points.

    Ah non ! N’essaie pas de faire avec moi comme avec elle, mon vieux ! Ne retourne pas le problème. C’est toi qui es en tort, pas moi ! Mark se pencha légèrement au-dessus de la table. Je ne suis pas un saint et tu es le mieux placé pour le savoir mais ce que tu fais là, je ne le ferais pas. Et ça n’a rien à voir avec la morale, Derek. Il soutint le regard que ce dernier posa sur lui. Moi, tout ce que je vois, c’est que tu lui mens et que, pour te protéger, tu me demandes d’être ton complice. Et ça… ça, ça me répugne. Meredith est devenue mon amie. Je n’aime pas lui mentir. Tout à coup, il baissa la tête et parla plus bas. Et pourtant, je vais le faire, mais pas pour toi. Il secoua la tête. Oh non, ça, pas pour toi. Pour elle ! Parce que si elle apprend que tu la trompes, ça va l’anéantir.

    Puisque je te dis qu’elle n’en saura jamais rien ! tonna Derek. Je ne suis pas débile tout de même.

    Ça, je n’en suis plus aussi sûr ! persifla Mark. Et de toute façon, quelle garantie tu peux donner ? Aucune ! Quand elle a entendu Sharla parler de tes frasques ou quand elle a surpris la conversation des filles dans les toilettes, tu n’as rien pu empêcher, Derek. Rien du tout ! Et si une des filles que tu sautes…

    Ça n’arrivera pas ! assura Derek en secouant la tête. Si jamais… je ferai attention. Il se rendit compte qu’il se défendait mal et souffla. Je ne sais pas. Je dois faire le point. Au cas où, elle ne saura rien, répéta-t-il, ne trouvant plus rien d’autre à dire.

    Mark fut éberlué quand il comprit que Derek n’était pas certain de vouloir s’amender. Non pas qu’il ait vraiment cru que cette conversation le remettrait dans le droit chemin. Et s’il voulait être tout à fait honnête, l’idée d’en tirer parti l’avait effleuré une seconde. Si Meredith apprenait les frasques de son amant, il y avait fort à parier qu’elle le quitterait sur-le-champ. Evidemment, Mark serait celui vers lequel elle se tournerait pour trouver du réconfort et chacun savait que du statut de consolateur à celui de nouveau petit ami, il n’y avait qu’un pas. Mais avant d’en arriver là, il y avait l’horrible souffrance que Meredith éprouverait à coup sûr en apprenant la trahison de Derek. Et ça, Mark ne pouvait pas l’envisager. Il l’aimait trop pour souhaiter qu’elle souffre. Alors, quoi qu’il lui en coûte, il ferait tout pour la protéger. Il tenta une nouvelle fois de faire entendre raison à son ami. Mais espèce de connard ! Tu peux encore aller les chercher à l’autre du bout du pays, si c’est pour lui faire à chaque fois payer tes fautes comme tu l’as fait ce matin, ça change quoi ? Et tu crois que je vais rester là, à te regarder lui faire du mal, sans réagir ?

    Derek se leva vivement, manquant de faire tomber sa chaise. Tu me fais chier, Mark. Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire. Reste en dehors de ça, ça vaudra mieux pour tout le monde. Quant à Meredith… c’est mon problème, pas le tien ! Il jeta un billet de cinquante dollars sur la table et partit en direction de la clinique.

    Il n’avait fait que quelques pas que Mark le rejoignait, le prenant par le bras pour l’obliger à lui faire face. Tu te souviens, un jour, je t’ai dit que si tu lui faisais du mal, je ne serais peut-être plus de ton côté ?

    Oui, je me souviens, répondit Derek d’une voix lasse.

    Eh bien, voilà ! Je suis passé de l’autre côté. Mark fit demi-tour et repartit vers le Sweet Dream.


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  • Mark se campa sur la terrasse, cherchant à apercevoir Meredith à travers les vitres de la boutique. Il la vit derrière le comptoir, le visage ravagé, et comprit qu’elle luttait pour ne pas éclater en sanglots. Il pensait avoir atteint le paroxysme de la colère quelques minutes plus tôt mais s’aperçut qu’il n’en était rien en sentant une nouvelle flambée de rage l’envahir. Lui et Derek s’étaient souvent disputés, avec plus de violence même parfois, mais jamais il n’avait ressenti autant de colère contre son ami. Il lui en voulait tellement pour tout le mal qu’il faisait à Meredith. La pauvre ! Elle ne méritait vraiment pas ce qui lui arrivait. Il l'observa encore un instant, le cœur serré.

    De son côté, Meredith était partagée entre la colère et une tristesse infinie. Elle ne comprenait pas du tout pour quelle raison Derek s’en était pris à elle de cette façon. Jamais encore, il ne lui avait parlé sur ce ton. Quelle différence entre la tendresse qui transpirait de sa voix quand il lui avait téléphoné la veille et les paroles froides, coupantes qu’il venait de lui asséner ! Elle avait beau y réfléchir, elle ne voyait pas pourquoi il lui en voulait autant. Sa seule faute était d’avoir refusé de passer la soirée avec lui pour étudier. Et encore, elle n’appelait pas ça une faute. Il n’arrêtait pas de lui répéter qu’elle devait faire ce qu’elle estimait bien pour elle, sans s’occuper des autres. Eh bien, c’était ce qu’elle avait fait. Mais manifestement, quand il était concerné, Derek se montrait beaucoup moins tolérant. L'envie de pleurer devenant trop forte, elle se refugia dans l’arrière-salle pour fuir les regards curieux et moqueurs des clients et de ses collègues. Après avoir refermé la porte derrière elle, elle se laissa glisser par terre et se cacha le visage dans les mains, en repensant à la façon dont Derek l’avait rabrouée d'une façon qui confinait presque à de l'acharnement. Qu’il la garde, sa foutue bagnole ! grogna-t-elle entre ses dents avant de se mettre à pleurer, autant de chagrin que de rage.

    Lorsque Mark la vit entrer dans l’arrière-boutique et fermer la porte, il pressentit que cela n’avait rien à voir avec le travail. Cette petite semblait avoir grand besoin de réconfort. Il pénétra sans hésiter dans la boutique et traversa la salle d'un pas décidé pour rejoindre son amie. Dédaignant Cristina qui l’apostrophait, il entra dans la deuxième pièce et fut atterré en découvrant Meredith assise par terre, le corps plié en deux, le visage enfoui dans ses mains. Il referma la porte en douceur et s’accroupit devant à la jeune fille. Mer, murmura-t-il pour lui signaler sa présence, en lui passant la main dans les cheveux, les soulevant à la hauteur de la nuque pour pouvoir caresser celle-ci.

    Laisse-moi, chuchota-t-elle sans bouger d'un pouce.

    Mark fit claquer plusieurs fois sa langue contre son palais. Ah non, ça, n’y compte pas ! Je ne peux pas te laisser comme ça. Sa main quitta la nuque pour rejoindre le menton qu’il souleva, afin d’obliger la jeune fille à relever la tête.

    Elle plongea ses yeux dans les siens. Bouleversé par sa détresse, il essuya du bout de l’index une larme qui s'était arrêtée sur le bout du nez. Il a vraiment été ignoble avec moi, constata-t-elle d’une voix sourde.

    Mark haussa légèrement les épaules. Ouais, je sais. Il s’est conduit comme un gros connard, c’est vrai. Il eut un sourire empreint de regret. Tu sais comment il est, dit-il en sortant un mouchoir pour sécher le reste de ses larmes. Bien qu’il n’ait nullement envie de prendre la défense de son ami, il se sentit obligé de le faire pour essayer de remonter le moral de Meredith. Mais je suis certain qu’il ne pensait pas un mot de ce qu’il t’a dit.

    Meredith se redressa, le regard flamboyant de colère. Peut-être ! Mais ça n’excuse pas son attitude. Non mais tu as entendu comme il m'a parlé ? J'ai eu l'impression d'être une criminelle. Et quand il a dit que j’allais bousiller sa voiture ! Monsieur a peur pour sa Porsche ? ironisa-t-elle.

    Mais non, assura Mark en se relevant. Il n'en a rien à foutre de sa caisse. Il était énervé, il a dit n’importe quoi. Il lui tendit la main pour l'aider à se mettre debout. De toute façon, tu n’aurais pas pu apprendre avec la Porsche, la boite de vitesses n'est pas automatique, ajouta-t-il en reprenant l’argument de Derek.

    Meredith fit une moue boudeuse. Eh bien, tant pis. Et comme je suis trop conne pour apprendre à conduire, ce n'est pas la peine que j'aille à l'unif non plus. Comme ça, le problème est réglé.

    Mark se campa devant elle, l'air abasourdi. Pardon ? C’est une plaisanterie ? Tu te fous de moi, là ?

    Est-ce que j’en ai l’air ?

    Mark soupira. Comme d'habitude, c'était Derek qui avait déclenché la crise et c'était lui qui devait essuyer les plâtres. Ecoute, tu es trop énervée pour discuter valablement, dit-il avec douceur. Cette conversation ne nous mène à rien. On va retourner à notre table, tu vas terminer ton petit-déjeuner et on discutera de tout ça après. Il la prit par la main et la tira légèrement pour l'amener jusqu'à la porte.

    Elle lui résista. J’ai pas faim, maugréa-t-elle. Et j'ai pas le temps, j'ai du travail qui m'attend. Cristina a raison, comme je ne vais pas aller à l'unif, je dois m'investir à fond ici.

    Agacé par cette provocation, Mark grogna de dépit. Franchement, y’a des paires de claques qui se perdent, Mer.

    Meredith le défia du regard. Essaie pour voir !

    Mark lui adressa un sourire teinté de tendresse et d’amusement. Ne me tente pas. Il sourit devant son air scandalisé. Ho je plaisante ! Crois-moi, s’il y a bien une chose à laquelle je ne pense jamais quand je suis avec toi, c’est à te frapper ! assura-t-il en avançant la main pour lui caresser la joue.


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  • La colère de Meredith, qui n'était d'ailleurs pas dirigée contre Mark, retomba d’un coup. Quelles que soient les circonstances, il arrivait toujours à trouver les mots et les gestes pour la réconforter. Elle avait particulièrement apprécié qu’il prenne son parti contre celui de Derek, alors que celui-ci était son meilleur ami et depuis bien plus longtemps qu’elle. Oui, elle avait beaucoup de chance d’avoir trouvé un ami aussi fidèle mais cette certitude n’atténuait en rien la tristesse qui était la sienne devant l’attitude injustifiée de l’homme qu’elle aimait. Quel con ! marmonna-t-elle pour elle-même.

    Mark la prit par les épaules pour la faire sortir de la pièce. Allez, viens, murmura-t-il avec toute la tendresse qu’il éprouvait pour elle, en la tenant étroitement contre lui. Tout va s’arranger, ne t’en fais pas. Revenu sur la terrasse, il lui présenta galamment une chaise pour qu’elle s’y installe. Tu vas commencer par manger un peu, exigea-t-il. Après, on pourra discuter. Pendant qu’elle s’asseyait, il se tourna vers la boutique et claqua des doigts à plusieurs reprises pour attirer l'attention d'Alex qui observait les passants depuis le seuil de la boutique. Rends-toi utile, apporte-nous du café chaud, dit-il au jeune homme qui venait vers lui.

    Meredith le gronda gentiment. Il n'est pas un animal. Ce n'est pas gentil de claquer des doigts pour l'appeler.

    Mark s’assit à côté d’elle, rapprochant au maximum sa chaise de la sienne. Qu’est-ce que tu aurais voulu que je fasse ? Des courbettes ? Je n’ai pas envie de faire des efforts avec ce type, Mer. C’est un connard ! asséna-t-il d’un ton sans réplique. Mange, allez, mange ! Il lui tendit un muffin au chocolat. Mords-moi là-dedans. Comme elle soufflait pour marquer son agacement, il insista en prenant un air sévère qui n'était pas vraiment convaincant. Tu ne te lèveras pas tant que tu ne l’auras pas terminé, de toute façon. Meredith se mit à rire et prit le gâteau dans lequel elle mordit à belles dents. Mark ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce qu'elle ait avalé la dernière miette du muffin. Tiens, prends-en encore un, lui proposa-t-il en lui tendant la corbeille en osier.

    Elle la repoussa en secouant la tête. Non, non merci, mais je ne pourrais plus rien avaler. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais rien mangé. J’ai déjà fait un énorme effort pour te faire plaisir.

    OK, alors, je n’insiste plus. Mark reposa les pâtisseries sur la table et prit la main de la jeune fille entre les siennes. Tu n’étais pas sérieuse quand tu as dit que tu n'irais pas à l’université ? Pas à cause de cette histoire de permis tout de même ? C’est rien, ça, Mer, juste un détail. Quand je pense à ce que tu as fait avec mes recherches… Ce permis, tu vas l’obtenir sans problèmes, c'est sûr. Il lui adressa un sourire complice. Tu es tellement douée pour tout.

    Faudrait déjà que je trouve quelqu’un qui veuille bien m’apprendre à rouler, répliqua-t-elle. Et c'est clair que je ne dois pas compter sur Derek pour ça !

    Faudrait peut-être que tu demandes à la bonne personne, répondit Mark avec un petit sourire malicieux.

    Meredith le regarda, pleine d’espoir. Tu parles de toi ? Tu voudrais bien ?

    Comme si tu ne le savais pas !

    Touchée par son offre, Meredith posa la tête contre l'épaule de son ami. Merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Tu es toujours là pour moi quand j'en ai besoin. Elle se redressa et plongea ses yeux dans ceux de Mark. En plus, c’est moi qui devrais te remonter le moral. Tu as d’autres choses à penser pour le moment qu’à mes petits problèmes. Les larmes lui montèrent aux yeux à la pensée du drame auquel il allait sans doute devoir bientôt faire face.

    Elle était tellement généreuse qu'elle pensait toujours aux autres avant de penser à elle. Comment Derek pouvait-il ne pas se rendre compte de la chance qu’il avait eue de tomber sur une fille comme elle ? C’était le genre de rencontres qu’on ne faisait qu’une fois dans sa vie et cet idiot était en train de tout gâcher ! Ne pleure pas, Mer, supplia Mark. Si tu pleures, je vais devoir te prendre dans mes bras pour te consoler et les gens vont jaser. Ça va ruiner ta réputation.

    Meredith essuya ses yeux d'un revers de la main en pouffant de rire. T’es bête !

    Mark lui sourit avec un air satisfait. Mais je parviens à te faire rire. Mission accomplie ! Je préfère te voir rire que pleurer, lui confia-t-il, heureux d’avoir su trouver les mots qui avaient chassé ses tristes pensées. Et ne t’inquiète donc pas pour ton permis. Avec moi comme prof, tu vas le passer les doigts dans le nez.

    Merci. J'ai envie de prouver à Cristina que je ne suis pas aussi débile qu'elle le croit, avoua Meredith. Et puis, depuis que je suis arrivée ici, je n'ai pas vécu grand-chose de bien, à part ma rencontre avec toi et Derek, alors j'ai envie d'avoir quelque chose de positif, tu comprends ? Mark opina de la tête. Il venait de réaliser que, contrairement à ce que Derek et lui avaient imaginé dans un trop grand élan d’optimisme, elle ne s’était pas totalement remise du drame qu’elle avait vécu. Elle était encore fragile et le moindre incident pouvait la plonger dans le désespoir, c’était perceptible. Il ne permettrait pas que cela se produise. Non, rien ni personne ne lui ferait encore du mal, il serait là pour y veiller. Je dois retourner travailler, dit-elle en se mettant debout.

    Mark l'imita. Tu peux bien rester encore un instant.

    Non, il vaut mieux que j'y aille. Ça fait deux fois que Cristina passe sa tête à la porte. Je n'ai pas envie de subir ses remarques encore une fois.

    Mark lui caressa la joue. Ne t’en fais pas. Si elle te dit quoi que ce soit, elle aura affaire à moi. Il l'embrassa sur le front et lui adressa un clin d’œil complice avant de reprendre le chemin de la clinique.


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  • Mark ouvrit la porte des vestiaires et s’arrêta net sur le seuil en découvrant Derek, torse nu, qui était en train de revêtir sa tenue de chirurgien. Derek regarda en direction de la porte qui venait de s’ouvrir et se figea en reconnaissant son ami. Les deux hommes se défièrent du regard avant de se détourner, chacun de son côté, se tournant même ostensiblement le dos, agissant comme si l’autre n’existait pas.

    Derek n’acceptait pas que Mark se pose en défenseur de la morale et de la vertu, alors qu’il était exactement comme lui. De plus, Mark n’avait-il pas été le premier à se moquer de lui, quand il avait commencé à sortir avec Meredith, parce qu’il ne voulait plus avoir d’autre relation qu’elle ? Et maintenant qu’il avait peut-être changé d’avis, Mark le lui reprochait ! Mais de quel droit ? Bien sûr, Derek savait à quel point Mark appréciait désormais Meredith et l’amitié qu’il éprouvait pour elle. Mais de là à fouler aux pieds tout ce qui avait existé entre eux ! Depuis qu’il avait quitté la boutique, les dernières paroles de son ami résonnaient sans cesse dans son esprit. J’ai changé de côté. Trente-cinq ans d’amitié quasiment réduits à néant parce que Mark s’était mis en tête de protéger une fille qu’il ne connaissait que depuis trois mois ! Derek n’en revenait pas. Il finit de s’habiller, se murant dans un silence de plus en plus pesant, son ressentiment grandissant au fil des secondes. Après avoir rangé ses affaires dans son casier, il en referma la porte d’un geste rageur en la faisant claquer bruyamment, avant de sortir, la tête haute, la mine agressive, le regard fixé devant lui pour ne pas avoir l’air de chercher celui de Mark. Il était à peine sorti de la pièce que celui-ci lâchait un retentissant "connard" plein de hargne.

    Mark était partagé entre deux pôles. Il ne pouvait s’empêcher de penser que si Derek recommençait à fréquenter les bars et les clubs à la recherche d’aventures d’un soir, il serait forcément moins disponible pour Meredith. Peut-être qu'alors la jeune fille se lasserait d’attendre son amant et remarquerait enfin l’amour que lui portait son meilleur ami. Mais d’un autre côté, Mark n’était pas dupe. Même si elle réalisait un jour les sentiments qu’il avait pour elle, cela ne changerait pas grand-chose, du moins pas à son avantage. Le fait est qu'elle semblait totalement envoûtée par Derek. Malheureusement, si les infidélités de ce dernier se prolongeaient, arriverait immanquablement le moment où elle en aurait connaissance. Et ce jour-là, elle ne sortirait pas indemne d’une telle affaire. Après la trahison de George, celle de Derek la dévasterait, sans doute à tout jamais. Alors, vaut mieux oublier ça tout de suite, se dit Mark. Il repensa à la scène du matin et jura. Non content de tromper sa petite amie, Derek la rendait responsable de ses actes. C’était peut-être ce que Mark admettait le moins. Il ne comprenait pas que Derek se montre aussi injuste avec la jeune fille, alors que, Mark en aurait mis sa main au feu, il en était fou amoureux. Mark connaissait son ami, son histoire, il savait ce qui avait fait de lui cet homme dur, mais cette fois, il estimait que Derek avait été trop loin et il ne parvenait pas à lui trouver des excuses. C’est déçu et exaspéré qu’il quitta les vestiaires à son tour.

    Durant la matinée, les deux hommes se croisèrent dans les couloirs en s'ignorant royalement, se retrouvant parfois au chevet de certains de leurs patients, n’échangeant que des informations purement professionnelles quand ils y étaient vraiment obligés, s’installant chacun à un bout de la table lors d’une réunion à laquelle ils avaient été conviés à participer. Leur mésentente était tellement évidente qu’elle devint rapidement le sujet de conversation principal du personnel. Les plus anciens de la clinique se souvenaient que, de tout temps, ces deux-là avaient toujours été les meilleurs amis du monde, partageant tout, même leurs conquêtes, prenant immanquablement le parti de l'autre, se soutenant dans les coups durs, de véritables complices, quelles que soient les circonstances. Rien ni personne n’avait jamais réussi à entamer cette amitié sans failles. C’était ce qui rendait la situation d’autant plus intrigante.

    Pendant la tournée de ses patients, Mark avait eu beaucoup de mal à se concentrer sur les dossiers que ses collaborateurs lui avaient présentés. Il n’avait cessé de penser à Meredith, à l’état dans lequel elle devait être, aux questions qu’elle devait nécessairement se poser. Il était certain que, après tout ce qu’elle avait vécu, l’attitude de Derek n’avait pu que la fragiliser un peu plus et qu’elle devait vraisemblablement se remettre, elle, en question et, qui sait, se croire responsable de qui arrivait. Cela, il ne pouvait le tolérer. Après avoir pesé le pour et le contre, il décida d’aller voir Derek afin d'essayer de lui faire entendre raison, du moins en ce qui concernait la scène du matin. Il parcourut la clinique jusqu’à ce qu’il trouve son ami dans une salle d’examen, en train d’examiner les résultats d’un scanner. Il referma la porte derrière lui et entra directement dans le vif du sujet. Est-ce que tu as appelé Meredith ?

    Pour quoi faire ? demanda Derek avec agressivité, sans cesser de regarder ses clichés.

    Pour t’excuser, tiens ! éructa Mark. Quelle question !

    Si Derek avait espéré, en voyant son ami entrer, qu’il était venu tenter une réconciliation, il avait été déçu dès les premiers mots. Mais qu’en plus Mark ne soit venu que pour lui infliger encore une fois une de ses pseudos leçons de morale l’agaça prodigieusement. Qu'on veuille lui faire remarquer ses défauts et démontrer ses torts lui était insupportable. Mark le savait et le fait qu’il le fasse malgré tout, avec autant d'insistance, Derek le prit pour de la provocation pure et simple. M’excuser ? ricana-t-il en se tournant enfin vers son ami. Et de quoi donc ?  

    De quoi ? De ton petit numéro de ce matin ! s’exclama Mark, énervé par tant de mauvaise foi. Tu ne crois pas qu’après la peine que tu lui as infligée, c’est le moins que tu puisses faire ?

    La peine que je lui ai infligée ! répéta Derek sur un ton emphatique. Tout de suite les grands mots ! Ce n’était jamais qu’une banale dispute, Mark.


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