• Après avoir ouvert un bocal d’olives vertes qu’il achetait tout spécialement dans une épicerie grecque, Mark revint au salon. Est-ce que cela veut dire que tu es casé maintenant ? demanda-t-il en ne cachant pas qu’il était sceptique.

    Casé ? Derek eut un mouvement de recul. Grands dieux non ! Il refusa d’un signe de tête les amuse-gueules que son ami lui présentait.

    Mark déposa les olives et les chips sur la table du salon avant de se rassoir. Alors, en quoi elle consiste, votre relation ?

    Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça une relation, reconnut Derek. On se verra une fois par semaine, on passera du bon temps ensemble. Pour le reste, rien ne change.

    Je ne perds pas mon copain de virée, alors ? insista Mark avant de lancer en l’air une olive qu’il rattrapa au vol avec sa bouche.

    En aucune façon, assura Derek. A l’exception du vendredi. Encore que, ça peut se négocier.

    Ah bon, le vendredi ! Parce que vous avez défini un jour en plus ? Vachement spontané, ça, se moqua Mark.

    C’est mieux comme ça. Je ne veux pas bouleverser ma vie et mes habitudes, se justifia Derek.

    Et votre relation, ou peu importe le nom que tu lui donnes, elle est exclusive ? se renseigna Mark, toujours aussi incrédule quant à l’engagement que son meilleur ami semblait avoir pris.

    Derek parut contrarié. Tu écoutes ce que je te dis ou pas ? A part le vendredi, rien ne change. C’est assez clair, non ?

    Mark sourit. D’accord. Et Meredith, elle le sait, ça ?

    Je lui ai dit qu’on aurait une relation ouverte, déclara Derek, mal à l’aise. En discutant avec Mark, il ne pouvait plus nier que ce qu’il avait proposé à Meredith était un marché de dupes. Il vida son verre d’un trait.

    Mark fronça légèrement les sourcils. Et elle a bien compris ce que ça impliquait, tu crois ? Derek haussa les épaules en signe d’ignorance. Tu aurais peut-être dû être plus clair, estima Mark.

    Derek se renfrogna un peu plus. Je passe mon temps à essayer de ne pas lui faire de peine. Tu me vois lui dire, ma chère Meredith, on couche ensemble tous les vendredis, mais les autres jours, je me tape qui je veux ? Il pensa aux yeux de Meredith débordant de confiance quand elle le regardait.

    Ça aurait eu le mérite d’être clair en tout cas, répliqua Mark. Parce que là… Je ne la connais pas très bien, mais le jour où elle va apprendre ce que tu fais le reste de la semaine, tu vas en prendre pour ton grade. Et à mon avis, ce jour-là, tu auras ton vendredi à nouveau libre, prédit-il.

    Par forcément ! dit Derek avec une assurance destinée avant tout à le convaincre lui-même Elle non plus ne veut pas d’une relation sérieuse. Elle se trouve trop jeune pour ça.

    Et tu y crois ? demanda Mark, dubitatif. Tu as vu comment elle te regarde ?

    Tu dis n’importe quoi, maugréa Derek. De toute façon, elle sait qu’elle ne doit pas tomber amoureuse de moi. Je le lui ai interdit.

    Ah alors ! s’écria Mark, hilare. Parce que, évidemment, il suffit que tu l’ordonnes pour que ça n’arrive pas. Si tu veux mon avis, c’est déjà trop tard. Cette fille est dingue de toi. Il ignora le regard furibond de Derek. Et pour elle, amour doit se conjuguer avec fidélité. Quand elle va apprendre que tu trempes ton cookie dans d’autres tasses que la sienne…

    Je n’ai pas l’intention d’aller lui raconter ce que je fais quand elle n’est pas là, si tu veux tout savoir, avoua Derek. Ce qu’elle ignorera ne lui fera pas de mal. D’où l’avantage aussi du jour défini.

    Mark dévisagea son ami avec intérêt. T’as peur de la perdre, hein !

    On ne perd que ce qui nous appartient et elle ne m’appartient pas, pas plus que je ne lui appartiens. Donc je n’ai absolument pas peur, prétendit Derek avec une mauvaise foi totale. Je ne suis pas amoureux d’elle, je couche avec elle, nuance. Je veux simplement éviter qu’elle ne souffre par ma faute.

    Ta grandeur d’âme te perdra, ironisa Mark. Et pour elle, ça se passe comment ? Vous avez une relation ouverte, n’est-ce pas ? Logiquement, ça veut dire qu’elle est libre de faire ce qu’elle veut du samedi au jeudi, non ? Libre de sortir avec d’autres hommes par exemple.

    Derek se raidit en lui lançant un regard menaçant. Ah non, tu ne vas pas remettre ça ! Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas que t’approches d’elle. Enervé, il prit une petite poignée de chips qu’il mâcha avec hargne.

    Oh mais je ne te parlais pas de moi, précisa Mark. Mais de tous les autres.

    Quels autres ? grogna Derek.


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  • L’ambulance entra à toute allure dans l’enceinte du Queen’s Medical Center, la clinique privée de Honolulu. Le chef du service chirurgie, Peter Halford, ainsi que le chef de la neurologie, Leon Liem, l’attendaient à l’entrée des urgences. Ils avaient été avertis de la présence à bord du renommé neurologue, Derek Shepherd. Dès que les portes du véhicule s’ouvrirent, ils s’avancèrent pour l’accueillir. Les deux hommes furent étonnés de voir leur collègue ignorer leurs mains tendues, ainsi que leur discours de bienvenue. Ils furent encore plus surpris de constater combien il était soucieux de la patiente qu’il escortait, exigeant d’emblée le maximum d’attention et les meilleurs soins. Lorsque l’ambulancier leur eut révélé discrètement que la jeune femme, allongée sur la civière, était en réalité la compagne du chirurgien, ils comprirent mieux son haut degré d’implication. Dès ce moment, tout fut mis en œuvre pour lui assurer une collaboration optimale.

    Meredith fut conduite immédiatement à l’imagerie pour passer un IRM. Pendant ce temps, Derek expliqua aux spécialistes les circonstances de l’accident, l’apparente pleine forme de la jeune femme après l’évènement et l’absence de symptômes qui auraient pu l’alerter. Enfin, les premières images apparurent sur l’écran. C’est étrange, je ne vois rien, dit Peter Halford.

    Leon Liem se pencha pour mieux examiner les clichés. A priori, pas trace d’hématome ou d’œdème.

    Ce n’est pas possible, décréta Derek, désespéré. Il doit y avoir quelque chose, sinon pourquoi ne se réveillerait-elle pas ?

    Halford prit un air un peu supérieur. Chez confrère, vous n’êtes pas sans savoir que, dans le domaine médical, il n’y a pas toujours d’explication cohérente.

    Je ne peux pas accepter ça, répliqua sèchement Derek. Je suis en présence d’un coma de stade deux et j’ai besoin d’une explication qui tienne debout. Je dois savoir ce dont elle souffre si je veux la ramener parmi nous.

    Les deux médecins d’Honolulu échangèrent un regard préoccupé. Le Dr Halford prit la parole. Euh… excusez ma curiosité, Dr Shepherd, mais j’ai cru comprendre que cette personne vous était proche.

    Je ne vois pas ce que ça change, rétorqua Derek avec agressivité.

    Rien du tout, s’empressa de répondre Halford. Comprenez-moi bien…

    Agacé par ces palabres, Derek lui coupa la parole. Si vous voulez que je vous comprenne, soyez clair.

    Le Dr Liem vint au secours de son supérieur. Ne le prenez pas mal mais vous n’êtes pas le mieux placé pour traiter ce cas. Votre implication personnelle, vos sentiments obscurcissent sans doute votre jugement.

    Derek le regarda froidement. Mon jugement n’est obscurci en rien. Quels que soient mes sentiments, ils ne me font pas oublier ce que j’ai appris pendant mes années d’études à la faculté de Columbia, laquelle fait partie, dois-je vous le rappeler, des huit prestigieuses universités de l'Ivy League, ainsi que durant les années où j’ai exercé à New-York et à Seattle. La patiente  - il insista à dessein sur ce mot -  est entrée dans le coma à la suite d’un accident. Il doit y avoir une explication rationnelle à cela et je la trouverai avec ou sans votre aide.

    Allons, allons, messieurs, calmons-nous, intervint Halford. Je vais ordonner des examens complémentaires et nous verrons bien si cela donne quelque chose.   

    Liem acquiesça d’un énergique signe de tête. En désespoir de cause, nous pratiquerons une craniotomie. C’est bien le diable si nous ne trouvons rien, une fois sur le terrain.

    Derek n’apprécia pas du tout la façon dont son confrère parlait de la femme de sa vie, comme s’il s’agissait d’un terrain expérimental. Ce ne sera pas la peine.

    Halford et Liem se regardèrent à nouveau, avec perplexité cette fois. Que voulez-vous dire ?

    Vous ne devrez pas opérer, précisa Derek. Je vais demander notre rapatriement à Seattle.

    Le chef du service neurologie ouvrit de grands yeux. Mais enfin, c’est inutile. Notre clinique dispose d’un matériel de pointe comme vous en avez sur le continent. Quant à notre personnel, il est tout aussi compétent que celui du Seattle Grace Hospital, je peux vous l’assurer, ajouta-t-il, vexé qu’on puisse remettre son talent chirurgical en cause.

    Je n’en doute pas. Néanmoins, je veux rentrer à Seattle, s’entêta Derek.

    Donnez-nous au moins une raison valable.

    S’il faut opérer Meredith, je veux le faire.

    Halford sursauta. Vous plaisantez ? C’est contraire à toute déontologie. Vous ne pouvez pas opérer la personne avec laquelle vous avez une relation amoureuse !

    Liem abonda dans son sens. D'expérience, je sais qu’il est hasardeux, voire dangereux, de mélanger l'intérêt que l'on porte à quelqu'un et l’aide médicale que l'on peut lui apporter. Il faut être très fort moralement. Compte tenu des circonstances, je ne suis pas sûr que vous soyez dans cet état d’esprit pour le moment.

    Derek opina de la tête. Je comprends vos réserves. C’est pour ça que je dois rentrer à Seattle. Là-bas, je pourrai faire ce que j’ai à faire.

    Si on vous laisse entrer au bloc – Halford s’emporta – alors, c’est qu’ils sont inconscients, à Seattle ! Vous n’êtes pas en état d’opérer. Votre façon de réagir le prouve.

    Quoi qu’il en soit, nous rentrons à Seattle, répéta Derek sur un ton glacial.

    Halford hocha la tête. Je ne peux pas le permettre. Je suis désolé de vous dire ça mais je crois savoir que, légalement, vous n’avez aucune autorité pour prendre des décisions concernant cette personne.

    Les yeux de Derek lancèrent des éclairs. Un simple coup de fil et le père de la patiente m’accordera tous les pouvoirs. Mais en attendant, nous perdons du temps. Vous feriez mieux de me faire apporter les documents de décharge et de prendre les dispositions pour le rapatriement sanitaire. Après avoir consulté du regard son collègue, le Dr Halford haussa les épaules et marqua son accord d’un bref signe de tête.


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  • Meredith se réveilla dans un lit d’hôpital. Elle regarda autour d’elle et la première personne qu’elle vit fut Dylan Walsh. Oh non ! s’exclama-t-elle.

    Hé si ! répondit Dylan.

    C’est une blague ?

    Hé non ! dit une autre voix que Meredith reconnut immédiatement comme étant celle de Denny Duquette.

    Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude, dit une voix résonnant dans son dos.

    Meredith se retourna vivement et aperçut sa mère qui la regardait sévèrement. Maman ? mumura la jeune femme, incrédule.

    Ellis esquissa un petit sourire sans joie. Bonjour, Meredith. Meredith se précipita sur sa mère pour la serrer dans ses bras. Ellis se raidit imperceptiblement et se contenta de tapoter le dos de sa fille. Allons, Meredith, un peu de retenue. Nous ne sommes pas seules.

    En cet instant, Meredith remarqua que sa mère tenait en laisse son chien qui frétillait de la queue. Elle s’accroupit aussitôt pour le cajoler. Oh ! Mon Doc. Il est beau, le chien. C’est à qui, le chien ? C’est à moi ! C’est mon Doc à moi.

    Cesse ça tout de suite ! ordonna Ellis. Tu es ridicule. En plus, j’ai eu suffisamment de mal à le dresser. Ne viens pas tout gâcher.

    Dylan et Denny échangèrent un regard entendu. A contrecœur, Meredith se releva. Alors ! Qu’est-ce que je fais ici ?

    C’est à vous de nous le dire, rétorqua Denny.

    Comment ? Meredith les regarda avec colère. Vous ne croyez tout de même pas encore que j’ai voulu mourir ?

    Ce n’est pas le cas ? demanda Dylan, narquois.

    Non, bien entendu, protesta la jeune femme. Ce n’était qu’un accident, un stupide accident.

    C’est ce que vous nous aviez dit aussi pour Elliott Bay, lui rappela Denny sur un ton ironique.

    Avoue que tu as l’art de te mettre dans des situations impossibles, constata Ellis d’un ton sentencieux.

    Maman ! dit Meredith avec une voix de petite fille contrariée. J’étais en vacances. Je faisais du surf. Je suis tombée et la planche a heurté mon front.

    C’est tout ? demanda Denny, tout étonné.

    Oui, oui, assura Meredith. Je me suis relevée directement, tout allait bien. J’ai voulu faire une sieste et – elle désigna la pièce – je me retrouve ici, je ne sais même pas pourquoi.

    Les deux hommes se regardèrent, préoccupés. On nous aurait donné de mauvaises informations ? s’inquiéta Denny. Ce serait bien la première fois.

    Oui, c’est étonnant, répliqua Dylan en observant Meredith d’un air suspicieux. Je vais en référer à… qui vous savez.

    C’est ça, approuva Meredith. Allez demander à votre patron. Mais dépêchez-vous ! Je dois repartir le plus vite possible. Il faut que je sois là avant que Derek me retrouve dans cet état.

    Euh… c’est trop tard. Il vous a déjà trouvée, dit Denny. Meredith le regarda, catastrophée. Il fit signe à son acolyte. Allez-y. Plus vite on sera fixé…

    Ellis toussota. Ce n’est pas la peine. Les trois autres se tournèrent vers elle. Ce n’est pas une erreur. C’est moi. Denny et Dylan froncèrent leurs sourcils. Ellis les fusilla du regard. Oh ça va ! Je voulais revoir ma fille. J’ai profité de l’occasion. Ce n’est pas un crime tout de même. 

    C’est contraire au règlement, Ellis ! clama Dylan.

    Je vous ai déjà dit de m’appeler Docteur Grey, aboya la célèbre chirurgienne. Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble, Walsh.

    Dylan ne se laissa pas impressionner. Eh bien, Dr Grey, j’ai le regret de vous annoncer que je vais devoir en référer aux instances supérieures pour savoir quelle conduite adopter, riposta-t-il.

    Meredith dévisagea l’une après l’autre, les trois personnes qui se tenaient en face d’elle. Comment ça, quelle conduite adopter ? Mais je vais vous la donner, moi, la conduite à adopter ! Vous allez me ramener là où j’étais.

    Mais oui, ne t’inquiète pas. Monsieur Règlement fait de l’excès de zèle, comme d’habitude, se moqua Ellis Grey. Tu vas repartir. Seulement, avant, je voudrais te parler… seule à seule, ajouta-t-elle à l’intention des deux D.

    Les émissaires du Seigneur s’éloignèrent pour parlementer. Meredith vit avec inquiétude Dylan secouer la tête vigoureusement pendant que Denny semblait vouloir le raisonner. Enfin, le démineur jeta ses bras en l’air et disparut en traversant le mur d’un pas décidé. Denny rejoignit les deux femmes. Bon, je vous ai obtenu dix minutes, pas une de plus. Mettez-les à profit. Il partit par le même chemin que son camarade.


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  • Les autres. Tous les mecs qui ne vont pas manquer de s’intéresser à elle quand tu ne seras pas là, expliqua Mark. Puisqu’en dehors du vendredi, elle est libre, elle aussi, de faire ce qu’elle veut, elle pourrait avoir envie de fréquenter d’autres hommes. 

    Elle ne fera jamais ça, garantit Derek avec une certaine prétention.

    Peut-être pas, mais en principe, elle pourrait… si elle voulait. Mark alla chercher la bouteille de whisky pour remplir le verre de son ami. C’est bien ce qui se passe quand une relation n’est pas exclusive ? Chacun fait ce qui lui plaît sans devoir rendre de comptes à l’autre.

    En principe, oui, mais ce n’est pas son genre, s’entêta Derek. Non, ce n’était pas le genre de Meredith, il en était sûr. Il pensa à elle, le matin même, quand elle s’était serrée contre lui en lui avouant sa peine à le quitter. Elle ne pouvait pas lui faire un tel aveu et envisager de faire l’amour avec un autre. Elle était trop droite pour ça, elle n’était pas comme lui.

    Oui mais si ça se passait tout de même ? persista Mark. Tu ferais quoi ?

    Oh tu m’emmerdes avec tes questions ! s’emporta Derek, irrité par l’obstination de son ami à le pousser dans ses retranchements. Qu’est-ce que tu voudrais que je fasse ? Rien ! Je suis libre, donc elle est libre aussi. Je ne vais pas me prendre la tête avec tout ça. Et si ça ne fonctionne pas, eh bien, tant pis. Il vida à nouveau son verre en une seule gorgée. Mais ça m’emmerderait vraiment que ça se termine, pensa-t-il.

    Oui, tant pis, répéta Mark. Il n’y aura pas mort d’homme. Bon, à part ça, on fait quoi aujourd’hui ?

    Derek fit une moue. J’sais pas. T’as une idée ?

    On pourrait bouffer japonais et puis sortir, proposa Mark, le regard déjà brillant d’excitation.

    Ah non, pas encore japonais, s’exclama Derek avec un air excédé. Meredith et moi, on est allé dans un bar à sushi, hier. J’ai envie d’autre chose aujourd’hui.

    Voilà, ça commence ! constata Mark avec fatalisme. Ta relation bouleverse déjà nos vies.

    Le fait de ne pas bouffer du poisson cru aujourd’hui va bouleverser ta vie ? fulmina Derek.

    Avant ta Meredith, le problème ne se serait pas posé, souligna Mark. T’aurais pas été dans ce bar à sushi avec elle et on aurait pu y aller à deux.

    Derek écarquilla les yeux sous l’effet de l’indignation. T’es vraiment d’une mauvaise foi crasse, J’aurais pu bouffer japonais hier avec n’importe quelle nana et ne plus vouloir y retourner aujourd’hui.

    Mark prit le ton boudeur d’un enfant contrarié. Tout ce que je sais, c’est que ça fait longtemps que je veux bouffer des sushi et qu’à chaque fois, tu m’envoies chier à cause de Meredith.

    Bon, t’as fini de faire ta jalouse ? aboya Derek. Si tu continues, je vais t’envoyer au diable, et pas seulement pour le restaurant ! La sonnerie de son bipeur mit fin à la discussion qui risquait de devenir houleuse. Le chirurgien souffla après avoir consulté son écran. Putain ! On ne peut jamais être tranquille. Je dois passer à la clinique. Le patient que j’ai opéré hier… il y a des complications.

    Bon, ben, voilà, on n’a plus à se poser la question de savoir où on va aller bouffer. Encore un samedi de foutu ! se lamenta Mark, dépité et abattu.

    Derek eut pitié de son ami. Peut-être pas. On peut se retrouver ce soir, si tu veux. On ira manger un bout. Japonais puisque tu y tiens tant, concéda-t-il, en s’arrachant de son fauteuil.

    Le visage de Mark s’illumina avec une expression presque enfantine. C’est vrai ? Et après, on sort au Back Flip ? Du moins, si ton nouveau statut te le permet encore.

    Quel statut ? demanda Derek en se penchant sur la table pour prendre une olive.

    Ben, au train où ça va, tu es presque marié, non ? Mark se mit à siffloter en feignant d’examiner de près ses ongles impeccablement manucurés.

    Derek lui lança un regard sévère. Je t’ai déjà dit que tu pouvais être très con quand tu voulais ?

    Mark opina de la tête. Des milliers de fois, oui. Tu sais, le mariage, ce n’est peut-être pas si terrible que ça. ça arrive, même aux meilleurs d’entre nous.

    Derek frissonna. Arrête ! Tu vas m’attirer la poisse.

    En tout cas, n’oublie pas de sortir couvert, lui conseilla Mark. Manquerait plus qu’elle ne te fasse un enfant dans le dos.

    La perspective sembla épouvanter Derek. Je m’en vais avant que tu ne me mines tout à fait le moral. Il marcha vers la porte du loft. Je te laisse à tes plantations. Pour ce soir, on se téléphone.

    Il allait sortir quand Mark le rappela. Derek… Celui-ci se retourna vers lui. Fais gaffe sur la route. Tu as avalé deux whiskies plutôt rapidement. Ça m’embêterait que tu aies un accident. Derek le rassura d’un sourire avant de refermer la porte derrière lui. En repartant vers sa terrasse, Mark se dit que quoique son ami en pensât, l’irruption de Meredith dans leur vie ne pouvait que bouleverser leurs habitudes. Il n’y avait plus qu’à espérer que leur amitié s’en sortirait indemne.


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  • Derek était dans hélicoptère qui l’amenait, Meredith et lui, de l’aéroport de Seattle à l’hôpital. De leur départ d’Hawaii, il ne se souvenait pas. La porte qui se refermait sur la propriété où ils avaient été si heureux, les larmes qui coulaient sur le visage de Kaona, les regards inquiets du médecin de Maui, l’embarquement dans l’avion sanitaire à Honolulu, il ne se souvenait de rien. C’était comme s’il était resté bloqué au moment où il avait réalisé qu’il ne pouvait pas ranimer Meredith. Depuis, il était comme un fantôme errant à la recherche de son âme. Et là, encore, il restait les yeux rivés sur la silhouette éthérée de la jeune femme. Il s’étonnait de la voir si sereine, comme si elle profitait d’un moment de repos bien mérité. Elle attendait, il en était certain, elle attendait qu’il la sauve. Elle avait confiance en lui. Il était son chevalier en armure. Il le lui avait dit. Une fois encore, il devait la sauver et il le ferait. Sinon, sa vie n’aurait plus aucun sens.

    Le pilote lui signala qu’ils arrivaient à destination. Pour la première fois depuis le début de son voyage, Derek leva les yeux du visage de Meredith et regarda par le hublot. Il distingua le toit du Seattle Grace Hospital, avec l’équipe déjà prête à l’accueillir. Au centre, il reconnut Mark et Richard, et un peu plus loin, les colocataires de Meredith. Il lui sembla alors que son cœur s’allégeait d’un poids. Dès que l’hélicoptère se posa, il vit Mark qui se précipitait pour ouvrir la porte. De revoir son ami dans ce moment difficile fit naître chez Derek une énorme émotion. Mark… Mark… Il ne put en dire plus.

    Mark se retint de le prendre dans ses bras. Ne t’inquiète pas, Derek, cria-t-il, pour couvrir le bruit de l’hélicoptère qui redécollait. On est là, on prend le relais, tu n’es plus seul. Il jeta un regard sur Meredith qu’on sortait de l’appareil. Comment va-t-elle ?

    Aucune amélioration, déplora Derek sans quitter des yeux la civière qui s’éloignait rapidement. Elle ne souffre pas mais… Il tourna un regard désespéré vers son ami. Elle n’est pas là, Mark, et je ne sais pas pourquoi. A Honolulu, ils n’ont rien trouvé. Le scanner n’a rien montré.

    Ici, on va trouver et on va la ramener, Derek, promit Mark. Ils vont l’emmener immédiatement à l’IRM. La civière disparut à l’intérieur de l’établissement, suivie par l’équipe médicale.

    Richard s’approcha de ses chirurgiens. Ça va, Shep ? Derek opina faiblement de la tête. Richard posa sa main sur son épaule. Le bloc est prêt et l’équipe aussi.

    Très bien. Je vais aller me préparer, annonça le neurochirurgien.

    Ses deux amis le regardèrent, étonnés. Que veux-tu dire ? questionna Mark. Tu veux assister à l’intervention ? 

    Non, je veux pratiquer l’intervention.

    Richard eut un mouvement de recul. Vous n’êtes pas sérieux ?

    Derek défia son chef du regard. Si ce n’est pas moi, qui d’autre le fera ?

    Compte tenu des circonstances, Richard prit le parti de ne pas relever le ton hostile de son chirurgien. J’ai demandé au neurochirurgien de Mercy West de s’en charger et je l’assisterai.

    Je serai là, moi aussi. Je ne suis pas mauvais en neuro, tu le sais, ajouta Mark.

    Non ! cria Derek. Il prit sa tête dans ses mains et leva les yeux vers le ciel, comme s’il voulait invoquer une puissance supérieure. Je veux le meilleur pour elle et je suis le meilleur, vous le savez. Il se tourna vers Mark. S’il fallait reconstruire son visage, c’est toi que je choisirais, tu le sais. Mais, pour son cerveau, ça ne peut être que moi. Je suis le meilleur, affirma-t-il avec force.

    Richard tenta de le raisonner. C’est vrai, vous êtes le meilleur, reconnut-il d’une voix douce et apaisante. Mais pas maintenant, pas pour Meredith. Vous êtes trop impliqué. Je ne peux pas vous le permettre. C’est trop risqué autant pour elle que pour vous. S’il se passe quelque chose, votre carrière sera finie.

    Les yeux de Derek se teintèrent d’une douleur extrême. S’il se passe quelque chose, c’est ma vie qui est finie, Richard.

    Bien que compatissant, Richard voulut insister. Derek, vous ne pouvez pas…

    Si, je peux ! l’interrompit Derek. Je dois ! Tout ça est de ma faute. Elle a eu cet accident de surf et… Sa voix s’étrangla sous le coup de l’émotion. Si j’avais été là, jamais elle n’aurait pris cette leçon avec ce gamin… Et après, je ne l’ai même pas examinée, se reprocha-t-il. Elle m’a dit que tout allait bien et je l’ai crue. J’aurais dû être plus vigilant.

    Tu ne pouvais pas prévoir, estima Mark.

    Elle était blessée, souligna Derek avec insistance. J’aurais dû l’examiner. Mark haussa les épaules. Puis, il n’y a pas que ça. Derek baissa la tête. On a fait l’amour. Mark et Richard le regardèrent sans comprendre où il voulait en venir. Après l’accident, on a fait l’amour, répéta Derek, inconsolable. Je n’aurais pas dû. Peut-être que ça a aggravé son état.

    Mark leva les yeux au ciel. Faire l’amour n’a jamais plongé quelqu’un dans le coma, Derek. Cesse de te torturer avec ce genre d’hypothèse. Tu ne réagis pas en médecin, là.

    Derek releva la tête. Tu as raison. Je vais réagir en chirurgien et je vais l’opérer. Il se dirigea vers la porte de l’hôpital.

    Richard s’interposa. Derek, non. Je ne peux pas l’autoriser. Si jamais Meredith devait…

    Mourir ? Non ! vociféra le chirurgien dont le regard se durcit. Elle ne mourra pas. Il pointa un index accusateur vers son chef. Quand je l’ai sortie d’Elliott Bay, je vous ai écouté et je n’ai rien fait. Ce ne sera pas la même chose cette fois-ci. Son intonation se radoucit jusqu’à devenir suppliante. Elle veut vivre, Richard, je le sais. Elle veut vivre pour moi, pour nous. Je dois l’aider à revenir, c’est ce qu’elle veut.

    Richard et Mark échangèrent un regard inquiet. Comment sais-tu que c’est ce qu’elle veut ? demanda Mark, perplexe.

    Je le sais, c’est tout. Vous ne pouvez pas comprendre. Derek posa sur son chef un regard douloureux. Richard, nous avons déjà perdu assez de temps. Ne m’empêchez pas d’aller au bloc, je vous en prie. Je veux être là. Je dois être là.

    Richard consulta à nouveau Mark qui, une fois de plus, haussa les épaules. Richard soupira. OK Derek, mais vous ne serez pas seul. Nous serons là et, que vous soyez d’accord ou pas, le neurochirurgien de Mercy West sera là aussi. C’est non négociable, dit-il en voyant Derek ouvrir la bouche pour protester. Allons-nous préparer maintenant.


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