• Derek fit le tour de la table et vint se mettre devant Meredith. Sans se soucier de ceux qui, autour d’eux, échangeaient des regards interloqués, il se pencha vers elle pour lui parler à l’oreille. Je… je suis désolé… Je ne peux pas…. Je ne peux pas te sauver. Je ne suis pas le meilleur pour toi. Il caressa un instant les longs cheveux blonds et donna un baiser sur les lèvres de son amie. Il se releva et regarda Mark, des larmes plein les yeux. Richard fit un signe à Daniel Lazar pour qu’il s’approche de la table. Mark prit son ami par les épaules et sortit avec lui. Dans le couloir, Derek s’effondra. J’ai échoué. Elle comptait sur moi pour la sauver et je n’y suis pas arrivé. Je n’ai pas pu. Je l’ai trahie.

    Arrête, gronda Mark. Tu déconnes là ! Meredith ne t’a jamais demandé de la sauver. C’est ce que tu t’es mis en tête mais ce n’est pas ce qu’elle veut. Il entraina son ami un peu plus loin. Jamais elle n’exigerait une telle chose de ta part, pas dans ces circonstances. Tu n’es pas un surhomme, Derek. Tu n’es qu’un homme et ce n’est déjà pas si mal.

    Derek regarda son meilleur ami avec un air désespéré. Tu ne comprends pas. Je lui avais promis d’être son chevalier et à la première occasion, je la laisse tomber. Il hocha lentement la tête. Mais je ne pouvais pas, Mark, c’était au-dessus de mes forces. Je ne pouvais pas lui faire courir ce risque.

    Tu as pris la seule décision raisonnable, assura Mark.

    Non, je ne suis qu’un lâche, se fustigea Derek.

    Mark sourit. Nous, les hommes, nous le sommes tous un peu. Ecoute, tu sais combien je suis sûr de moi mais si j’avais été à ta place et que sur la table, il y avait eu Ad… - il se reprit aussitôt - une personne à laquelle je tiens plus que tout, je n’aurais pas été capable d’aller jusqu’au bout non plus. La charge émotionnelle est trop forte. Nul ne peut faire face à ça. Ou alors, il n’est pas humain. Les gens qui étaient présents dans la galerie commencèrent à en sortir. Certains passèrent devant Derek sans oser le regarder. D’autres lui jetèrent un regard plein de pitié. Il ne baissa pas les yeux. Mais il ne put garder la même attitude lorsque Cristina surgit devant lui et le toisa avec mépris. Ça suffit ! Le spectacle est terminé, tonna Mark. Si vous voulez avoir affaire à moi…

    Laisse, murmura Derek. Si j’étais à leur place…

    Oui, ben, tu ne l’es pas et eux ne sont pas à la tienne, non plus, riposta Mark. On devrait aller ailleurs, Derek. On serait plus tranquille. Quand cela sera terminé, on viendra nous donner des nouvelles.

    Derek se laissa emmener sans résistance jusqu’au petit salon qui était réservé aux titulaires. Il resta totalement amorphe dans le canapé, durant les deux heures qui suivirent. Mark comprit son besoin de silence et se contenta de rester près de lui, sans prendre la peine de chercher un sujet de conversation. Enfin, on frappa à la porte. Les deux hommes sursautèrent. Entrez, dit Derek d’une voix mal assurée.

    Daniel Lazar pénétra dans la pièce. Ah ! Je vous trouve enfin. Ça fait un quart d’heure que je vous cherche. Derek lança un regard lourd de reproches à Mark. Rassurez-vous, poursuivit leur confrère. Tout s’est bien passé. Si Mark poussa un soupir de soulagement, Derek resta tendu, dans l’attente d’autres détails. Comme nous l’avions pensé, l’hématome n’était pas important, confirma Lazar. Il se serait sans doute résorbé de lui-même mais, avec l’intervention, au moins, nous avons éliminé le doute. Votre amie est en salle de réveil. Tout va bien aller pour elle. Il n’y aura aucune séquelle. Cependant, déconseillez-lui de faire du surf dans les jours qui viennent, conclut-il en souriant.

    Ah nom de Dieu ! s’exclama Mark. Ah nom de Dieu ! Ça fait du bien, une telle nouvelle. S’il était arrivé quelque chose à Meredith, je m’en serais voulu toute ma vie. Quand je pense que c’est moi qui t’ai incité à aller à Hawaii…

    Oh vous savez, dit Lazar, j’ai opéré des traumas bien plus graves que celui-ci, chez des patients qui n’avaient jamais mis un pied hors de leur patelin, alors… 

    Mark sourit. C’est vrai. Alors, mon vieux, ça vous dit, un petit verre pour nous remettre de nos émotions ? Mon ami Derek cache quelque part dans cette pièce une bouteille de scotch pur malt dont vous me direz des nouvelles. Derek, où… Les deux hommes se tournèrent vers l’intéressé. Ils virent alors qu’il était penché en avant, la tête entre les mains et les épaules secouées de sanglots silencieux. Ils échangèrent un regard plein de compassion.

    Le jeune médecin de Mercy West toussota. Dr Shepherd, je voudrais que vous sachiez… J’admire beaucoup votre travail. Vous êtes un maître en matière de neurochirurgie.

    Derek releva son visage mouillé de larmes et ricana. Vraiment ? Après ce que vous avez vu, vous pensez encore que je suis un exemple à suivre ? Ouvrez-les yeux, mon vieux.

    J’en suis certain, aujourd’hui plus encore qu’avant, affirma Lazar. Vous êtes le meilleur. Vous aviez raison.

    Je ne crois pas, non.

    Si, vraiment, insista Lazar, encouragé par Mark qui lui faisait signe de continuer. Ce qui s’est passé aujourd’hui au bloc… c’est normal. N’importe lequel d’entre nous aurait pris la même décision que vous. S’il avait été question de ma femme je n’aurais pas réussi à l’opérer, moi non plus. Vous ne pouviez pas opérer votre amie. C’est parce que vous l’avez admis que vous êtes le meilleur.


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  • Derek fronça les sourcils. Le ciel était couvert et la température ne devait pas dépasser les 20°. En regardant plus attentivement la jeune fille, il remarqua quelques gouttes de sueur perler sur son front et au-dessus de sa lèvre. Tu transpires, lui indiqua-t-il. Et vu le temps qu’il fait, ce n’est pas normal. Mal de tête ? Meredith hocha la tête avec un air excédé. Pas de vertiges ? insista Derek. Nausées, oreilles qui bourdonnent, vision trouble ? Elle souffla bruyamment. Je n’ai pas envie que tu refasses un malaise vagal, argumenta le chirurgien.   

    Tu es vraiment toujours obligé de dramatiser ? répliqua Meredith en le fusillant du regard. Peut-être que je couve un rhume, tout simplement.

    Même un rhume, il faut le soigner ! riposta Derek.

    Meredith leva les yeux au ciel. Eh bien, je te promets qu’en rentrant, je prendrai une aspirine, un thé, et que je me mettrai au lit juste après avoir pris un bain bien chaud. Je déteste quand tu joues au médecin avec moi, se plaignit-elle avec une voix de petite fille contrariée. 

    Tu n’as pas toujours dit ça, se moqua Derek.  

    Oh toi ! Meredith se pelotonna contre lui en nichant son visage dans son cou.

    Au comble du bien-être, Derek ferma les yeux et caressa les cheveux de son amie. Mais ce moment de douce quiétude fut presque immédiatement interrompu par la sonnerie du téléphone de Derek. Ce dernier soupira de regret. Il prit l’appareil dans sa poche et lut le texto que Mark venait de lui envoyer pour lui rappeler leur rendez-vous. Je dois y aller, dit-il à contrecœur.

    Meredith se redressa. Encore une urgence ?

    Dans un geste plein de tendresse, Derek lui remit une mèche de cheveux derrière l’oreille. Non pas du tout, c’est Mark. Il m’attend, on a quelque chose de prévu ce soir. Alors, je dois y aller, répéta-t-il sans toutefois bouger d’un pouce.

    Ah une sortie entre hommes ! s’exclama Meredith comme si elle était contente pour lui alors qu’elle aurait préféré de loin qu’il reste avec elle.

    Derek opina de la tête. Oui, il a une folle envie de manger des sushis, alors je pense que je ne vais pas pouvoir y échapper. Meredith sourit. Après, il veut aller au Back Flip, poursuivit Derek. Mais ça ne me tente pas vraiment.

    C’est quoi, le Back Flip ?

    Une discothèque, répondit Derek. Tu sais, le genre où les gens se secouent en rythme, comme s’ils étaient en transe. De la musique électro, quasiment que des gamins. Il fit une grimace éloquente. Je t’y emmènerai un jour, si tu veux. C’est plus de ton âge que du mien. Je me fais l’effet d’être un fossile dans ce genre d’endroit, maintenant, ronchonna-t-il.

    Meredith noua ses mains dans la nuque de son ami. Oh je crois que tu pourrais faire des ravages même chez les gamines.

    Si ce n’est que les gamines ne m’intéressent pas du tout, répliqua Derek en tirant légèrement sur la fermeture de son corsage. Meredith lui donna une légère tape sur la main et referma son haut. Et puis, je t’ai, toi, lui signala-t-il Tu es presque encore une gamine toi-même. Pourquoi voudrais-je en trouver une autre ?

    Parce qu’il y a des gamines qui ont beaucoup plus d’expérience que moi, j’en suis sûre, argumenta Meredith.

    Derek fit une petite moue. Bah, l’expérience, tu sais… Il n’y a pas que ça qui compte. Et puis, tu n’es plus si novice que ça, maintenant. Il la regarda d’un air faussement sévère. Arrête donc de te dévaloriser. Je t’ai déjà dit – il baissa la voix – que tu étais très bien. J’adore faire l’amour avec toi. D’ailleurs, si je m’écoutais….

    Meredith sourit, toute étonnée de se sentir émoustillée. Quoi donc ?

    Tu sais bien.

    Elle baissa la tête et glissa son index entre deux boutons de la chemise de Derek, jusqu’à toucher sa peau. Alors, écoute-toi.

    Ils échangèrent un regard complice où pouvait se lire aussi tout le désir qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Elle avait envie qu’il reste, il n’avait pas réellement envie de la quitter mais une nouvelle sonnerie de son téléphone lui rappela qu’il n’avait pas vraiment le choix. Mark s’impatiente, soupira-t-il. Meredith se leva pour lui permettre de faire la même chose mais ils restèrent serrés l’un contre l’autre. J’aimerais bien rester avec toi, murmura Derek.

    Et moi, j’aimerais bien que tu restes, dit Meredith sur le même ton.

    Derek soupira. Je sais mais j’ai promis à Mark…

    La jeune fille fit un pas en arrière. Alors, tu dois y aller. De toute façon, on n’est pas vendredi ! lui rappela-t-elle sur un ton quelque peu persifleur.

    Amusé par cette réaction qui avait quelque chose d’enfantin, Derek sourit. Et on n’est pas vendredi ! Alors, je m’en vais. Il prit Meredith dans ses bras et l’embrassa, en se délectant de la douceur de ses lèvres et la chaleur de sa langue. Il dut se faire violence pour s’en séparer. Je t’appelle dans la semaine, promit-il avant de s’éloigner à grandes enjambées, sans se retourner, pour ne pas être tenté de revenir sur ses pas.


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  • Lorsque Derek arriva devant la chambre où Meredith venait d’être transférée, la jeune femme était en train de parler avec son chirurgien. Elle l’aperçut et lui sourit, en lui faisant signe d’entrer. Lazar tourna la tête et découvrit Derek. Il se leva aussitôt, avec un large sourire. Ah Dr Shepherd ! Je suis heureux de vous rendre votre patiente en pleine forme. Tout va bien se passer maintenant. D’ailleurs, elle va vous le confirmer elle-même.

    Derek ne dit pas un mot mais lui serra la main. Dans cette poignée, il mit toute la gratitude qu’il ressentait envers son jeune collègue. Celui-ci parti, il alla s’asseoir près de Meredith. Elle lui sembla si fragile, toute pâle, avec ses grands yeux clairs dévorant son visage et ce bandage blanc qui entourait son crâne, laissant échapper quelques mèches de cheveux blonds. L’émotion s’empara de lui, il ne put la maîtriser. Elle le regardait intensément, elle aussi, quand elle vit des larmes poindre dans ses yeux. Je vais bien, Derek, je vais bien… c’est fini maintenant.

    Je m’en veux tellement, murmura-t-il, défait. Tout est de ma faute.

    Meredith hocha lentement la tête. Non, ce n’est pas ta faute si j’ai voulu affronter les rouleaux d’Hawaii alors que je n’avais aucune expérience. J’ai été imprudente, c’est tout.

    J’aurais dû t’en dissuader, insista Derek.

    Tu n’étais même pas là, voyons, le gronda gentiment Meredith.

    Derek s’entêta. Justement ! Je n’aurais pas dû te laisser seule.

    Meredith leva la main jusqu’au visage de son amant dont elle caressa furtivement la joue. Derek, je ne suis plus une enfant qu’il faut surveiller à chaque instant.

    Rien de ce qu’elle disait n’aurait pu le convaincre qu’il n’était pas coupable. Tu étais blessée, j’aurais dû être plus scrupuleux. Il secoua la tête. J’aurais dû t’examiner, se reprocha-t-il encore.

    Mais c’est moi qui t’en ai dissuadé ! lui rappela-t-elle.

    J’aurais dû insister. Et après… si nous n’avions pas fait l’amour, peut-être que…

    Meredith en eut assez de l’entendre faire son mea culpa et posa la main sur sa bouche, pour le faire taire. Ecoute, personne ne peut dire ce qui se serait passé si on avait agi différemment. Alors, ça ne sert à rien de continuer. C’est la fatalité, un point c’est tout. Tu ne dois pas t’en vouloir, ni pour ce qui s’est passé là-bas, ni pour ce qui s’est passé ici.

    Ces derniers mots firent comprendre à Derek qu’elle avait déjà appris ce qui s’était passé au bloc. Tu es déjà au courant, constata-t-il avec amertume.

    Oui. Mark m’a expliqué, l’autre docteur aussi et Cristina.

    Oh ! Cristina aussi… Sentant à nouveau le poids du regard méprisant que la jeune femme lui avait lancé à la sortie de la galerie, Derek baissa la tête. Je suis désolé. J’aurais voulu être à la hauteur mais…

    Meredith lui coupa vivement la parole. Arrête de dire des bêtises. Tu as pris la bonne décision. Ce n’était pas à toi de m’opérer, ajouta-t-elle d’un ton péremptoire.

    Derek fit une moue dubitative. Ce n’est pas ce que Cristina semblait penser tout à l’heure.

    Cristina… - Meredith soupira - Cristina ne sait pas… l’amour, toutes ces choses… Pour elle, la chirurgie passe avant tout le reste. Elle prit la main de son ami et la serra. Derek, moi non plus, je n’aurais pas pu. S’il fallait t’opérer, j’en serais incapable.

    C’est mon rôle de te protéger, Meredith.

    Légèrement agacée, elle leva les yeux au ciel. Derek…

    Il ne la laissa pas parler. J’ai agi en égoïste. J’ai refusé qu’on te soigne à Honolulu pour pouvoir te ramener ici. Je voulais être celui qui te sauve mais, une fois au pied du mur, je n’ai pas pu. Ce n’est pas moi qui t’ai sauvée, encore une fois. Pire, je t’ai mise en danger. Je ne me le pardonnerai jamais.

    Personne n’a dit que tu devais me sauver. Tu es mon prince charmant, pas mon garde du corps… ni mon médecin. Meredith caressa tendrement les boucles brunes de son amoureux. Reste mon prince. Tu es parfait dans ce rôle.

    Rassuré parce qu’elle ne lui en voulait pas, Derek saisit la main de la jeune femme et la porta à ses lèvres, pour en embrasser la paume, avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres. C’est encore pour moi que tu es revenue ?

    Meredith préféra rester mystérieuse. Un jour, peut-être, pourrait-elle lui raconter son expérience. La question ne s’est même pas posée. Je n’étais pas très loin. Je dormais, c’est tout.

    Derek la réprimanda tendrement. Tu aurais pu te réveiller plus tôt alors.

    J’aime me faire désirer. Ils se sourirent. Elle le regarda, un brin moqueuse. Je suis heureuse que tu n’aies pas été capable de m’ouvrir le crâne. Tu n’es pas sensé tout savoir de moi. Je ne veux pas que tu découvres tous les petits secrets qui sont encore cachés dans les méandres de mon cerveau.

    Derek se rapprocha. Tu sais que ça te va bien, ce petit bandage autour de la tête ? C’est très seyant. Je te trouve très sexy.

    Il entendit enfin ce petit rire qui lui avait tellement manqué depuis deux jours. Vraiment ? Ça te plaît ? Alors, je pourrais peut-être le ramener à la maison.

    Il s’approcha encore et se pencha vers elle, jusqu’à ce que leurs bouches finissent par se frôler. Un jour, murmura-t-il, quand tout ceci sera complètement fini… vraiment derrière nous…

    Que se passera-t-il ? demanda Meredith sur le même ton.

    Ce jour-là, je te redirai combien tu comptes pour moi et comme la vie ne vaut pas la peine d’être vécue si tu n’es pas à mes côtés. Meredith frissonna. Derek lui prit la main. Ce jour-là, continua-t-il, je te redirai que tu es la femme de ma vie. Ce jour-là, je te demanderai de m’épouser. Surprise, Meredith recula, sans quitter Derek des yeux. Leurs visages se firent graves. Elle sentit une boule naître dans le fond de sa gorge. Elle ne sut pas déceler si c’était de l’émotion ou de la peur. Il le sentit. Ce jour n’est pas encore arrivé… mais il viendra. Il viendra parce que je ne pourrai pas faire autrement et j’espère que ce jour-là…

    Elle lui fit signe de se taire et ferma les yeux quelques secondes. Quand elle les rouvrit, elle le vit qui la regardait, plein d’inquiétude. Elle lui sourit tendrement. Ce jour-là, je saurai quoi te répondre.


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  • Comme elle l’avait promis à Derek, Meredith prit une aspirine dès qu’elle rentra chez elle et elle but le thé au gingembre et à l’eucalyptus que lui prépara Gloria et qui, selon cette dernière, était souverain pour guérir n’importe quel rhume. Un peu plus tard, après avoir diné légèrement d’une salade, elle prit un bain chaud et alla se mettre au lit avec son lion de mer et une biographie de Nelson Mandela qui, aussi passionnante qu’elle soit, ne la garda pas éveillée plus de vingt minutes.

    Le lendemain, elle se leva en pleine forme avec la ferme intention de profiter pleinement de son dimanche. Un coup d’œil par la fenêtre lui indiqua que le temps promettait d’être ensoleillé. C’est avec entrain qu’elle dévala les escaliers après un rapide passage dans la salle de bains. Lorsqu’elle arriva dans la cuisine, elle trouva George en train de presser des oranges. Sa bonne humeur s’évanouit aussitôt. Salut, marmonna-t-elle.

    Salut, Mer, répondit le jeune homme sur un ton enjoué. Bien dormi ? Il feignit de ne pas voir le regard étonné qu’elle lui lançait. Je te sers un jus d’orange ?

    Surprise par cette amabilité qui était devenue inhabituelle, Meredith hésita un peu avant d’accepter la proposition. Je veux bien, merci. Était-il possible que George se soit fait une raison et qu’il ait décidé de redevenir l’ami fidèle qu’il avait toujours été ? Peut-être mais la jeune fille ne pouvait pas oublier tout ce qu’il lui avait fait subir ces dernières semaines. Elle se promit de rester sur ses gardes, le temps que George fasse ses preuves. Elle ouvrit une armoire pour y prendre un bol qu’elle remplit généreusement de muesli aux fruits rouges.

    Lorsqu’elle lui tourna le dos pour prendre la bouteille de lait dans le frigo, George profita de ces quelques secondes pour vider dans le verre de jus d’orange qu’il venait de servir, le contenu d’une gélule identique à celle qu’il avait utilisée la veille. Il tendit le verre à Meredith. Voilà, un bon jus tout frais. Elle le remercia avec un sourire. Il remplit un deuxième verre pour lui. Plein de vitamines ! Ça va nous mettre en forme pour toute la journée, ça. Il sirota son jus tout en la regardant boire le sien. 

    Pendant qu’il nettoyait son presse-fruits et faisait un peu de rangement dans la cuisine, Meredith mit à profit le temps de son petit-déjeuner pour réfléchir. La douleur qu’elle avait ressentie la veille dans le dos l’avait alertée sur le besoin de faire de l’exercice physique. Quand elle vivait à Crestwood, elle avait l’habitude de faire de la natation et du jogging, et elle faisait presque tous ses déplacements à vélo. C’était ce qui lui avait toujours permis de manger à peu près ce qu’elle voulait sans prendre du poids. Mais depuis qu’elle était à San Francisco, elle avait tout arrêté, par manque de temps mais aussi parce qu’elle avait cru que le travail à la boutique, assez exigeant physiquement, compenserait le sport qu’elle ne pouvait plus faire. Apparemment, elle s’était trompée. Outre le fait qu’elle avait l’impression d’être moins en forme qu’avant, elle avait constaté en montant sur la balance qu’elle avait pris deux kilos depuis son arrivée à San Francisco. Rien d’étonnant en soi. Il était incontestable que son alimentation était moins équilibrée qu’avant. Les menus du Sweet Dream avaient remplacé ceux, nettement plus diététiques, de sa mère, sans parler du fait que depuis qu’elle connaissait Derek, elle allait au moins une fois par semaine au restaurant. Comme il était hors de question qu’elle continue à grossir mais qu’elle ne voulait pas non plus renoncer à ces petits plaisirs de la vie, il n’y avait pas d’autre solution que de refaire du sport.

    Quand elle se leva de table pour mettre son bol dans le lave-vaisselle, George le lui enleva des mains. Laisse, je vais m’en occuper.

    Puisqu’il faisait preuve d’amabilités, Meredith lui rendit la pareille. Merci, c’est gentil. Elle fit un geste de la main vers la porte. Je vais aller courir un peu dans le quartier.

    Ah tu te remets au jogging ? dit George. T’avais arrêté depuis qu’on est parti de Crestwood.

    Oui, et ce n’était pas une bonne idée, déclara la jeune fille. J’ai déjà pris deux kilos.

    Ça ne se voit pas, la rassura George. Tu es magnifique. Il sentit aussitôt que son compliment mettait sa camarade mal à l’aise. Mais si tu ne te sens pas bien comme ça, tu as raison, ajouta-t-il sur un ton détaché. Vaut mieux faire du sport qu’un régime. Meredith acquiesça d’un signe de tête. Et tu en as pour longtemps ? se renseigna George. Elle le regarda bizarrement mais il fit semblant de rien. Je te demande ça juste pour savoir… comme ta tante ne peut pas rester toute seule. Iz et Cris sont déjà parties pour aller acheter je sais pas quoi, et moi, je dois retrouver des potes dans une heure et demie environ. Alors…

    Oh pas de problèmes, assura Meredith. Je serai revenue avant.

    Super ! s’exclama George. Allez, cours bien !

    Dix minutes plus tard, Meredith courait à petites foulées dans les rues pentues de Nob Hill. Cela la mena jusqu’au Huntington Park, un petit jardin très verdoyant dont elle fit plusieurs fois le tour en admirant au passage la fontaine, la statue des Farfadets Dansant, et la cathédrale Grace qui se trouvait juste à côté. Elle ne s’arrêta que pour regarder pendant quelques minutes les tableaux exposés par des artistes amateurs. Sur le chemin du retour, elle pensa à la chance qu’elle avait de vivre dans une ville où il y avait autant de choses à faire et tant de belles choses à voir, une ville surtout qui lui avait permis de rencontrer l’amour de sa vie. Penser à Derek fit naitre un sourire béat sur ses lèvres. Mais quand elle s’arrêta devant la maison de sa tante, elle était en sueur, ses jambes tremblaient, son cœur battait à tout rompre et elle avait un goût de sang dans la bouche. Eh bien, il était temps que tu t’y remettes, se dit-elle avant de rentrer.


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  • Meredith était en train de récurer la baignoire de la salle de bains lorsqu’Izzie y fit une entrée fracassante. Meredith ! Veux-tu bien arrêter ça tout de suite et retourner dans ton lit !

    C’est bon, Izzie ! répliqua Meredith avec agressivité. Tu n’es pas ma mère.

    Izzie vint se camper devant elle, les deux mains à la taille. Est-ce que tu es folle ? Tu as subi une craniotomie et je te retrouve la tête en bas en train de nettoyer une baignoire que, soi dit en passant, j’ai lavée hier.

    Voilà trois semaines que je suis dans cette maison à ne rien faire, lui rappela Meredith. Je vais devenir folle. Il faut que je m’occupe.

    Eh bien, va regarder la télévision ou lis un livre, recommanda Izzie. Fais des mots-croisés ou remets-toi au tricot. Fais ce que tu veux pourvu que ça t’oblige à garder le lit ! Elle ne se laissa pas influencer par le regard mauvais que lui jeta son amie. La convalescence est longue, Meredith, tu le sais bien. Tu dois te ménager.

    Mais je vais très bien, affirma Meredith. Je ne comprends pas pourquoi je dois rester immobile, comme une momie. Je me sens tout à fait apte à reprendre normalement mes activités.

    Ce n’est pas ce que dit Derek, lui fit remarquer Izzie en tentant de prendre l’éponge que Meredith tenait en main.

    Je me moque bien de ce qu’il dit, riposta Meredith en s’accrochant solidement au petit rectangle spongieux. Il n’a pas été capable de m’opérer, je ne vois pas pourquoi il devrait décider de mon sort.

    Scandalisée par le propos, Izzie lâcha l’éponge. Meredith, tu es injuste et méchante. Il ne cherche qu’à te protéger.

    C’est pour ça qu’il m’a placée sous haute surveillance ? Meredith brandit l’éponge juste sous le nez de son amie. Je ne comprends pas comment vous avez pu accepter ce tour de garde qu’il a instauré.

    Izzie repoussa le bras de Meredith. Il a pensé que ce serait mieux si l’un de nous restait près de toi, au cas où tu aurais un malaise. Même Cristina était d’accord avec lui. Moi, je trouve ça super romantique, ajouta-t-elle avec un sourire attendri.

    Au début peut-être, mais maintenant… Meredith fit une moue boudeuse. J’en ai assez qu’on me materne.

    A ce moment-là, les deux femmes entendirent la porte d’entrée claquer. Izzie soupira de soulagement. C’est Alex, dit-elle. Elle se précipita dans les escaliers pour aller à sa rencontre.

    Meredith les entendit qui échangeaient quelques mots sous le ton de la confidence. Cessez de dire du mal de moi ! leur cria-t-elle. Ou alors quittez cette maison. Je suis chez moi après tout. Je n’ai même plus le droit d’y faire ce que je veux. Ah ma pauvre fille ! continua-t-elle en grommelant entre ses dents. Ta mère te l’avait bien dit. Les hommes, tous les mêmes ! Elle empoigna son éponge et s’attaqua énergiquement au lavabo. Ils ne cherchent qu’à nous mettre en cage. Je suis chirurgienne et me voilà réduite à jouer les Cendrillons. S’il croit que je vais me laisser faire, alors là…

    Tu parles toute seule, maintenant ? dit Alex, mollement appuyé contre le chambranle, un sourire moqueur sur les lèvres.

    Fiche-moi la paix ! aboya Meredith.

    Guère impressionné, le jeune homme continua de se moquer. Il semblerait que les séquelles de ton accident soient plus importantes que prévues. Faudra que j’en parle au Doc.

    C’est ça ! Va faire ton rapport à ton maître. Meredith lui jeta l’éponge à la tête. Il l’esquiva en riant. Mouchard ! Lèche-cul ! Faux frère ! cria-t-elle, folle de rage.

    Alex referma la porte derrière lui. Calme-toi. C’est mauvais pour ce que tu as. Dis-moi plutôt quel est le problème.

    Le problème, c’est que j’en ai assez d’être espionnée par mes amis, grommela Meredith.

    On ne t’espionne pas, la reprit Alex. On se relaie pour te tenir compagnie pendant ta convalescence, pour que le temps te paraisse moins long.

    Meredith le fusilla du regard. C’est Derek qui vous a dit de me dire ça ? Et selon vous, me tenir compagnie signifie me tenir enfermée dans cette maison, à ne rien faire ?

    Pas du tout. Tu veux sortir ? proposa Alex. Pas de problèmes. Le visage de Meredith se détendit instantanément. Où veux-tu aller ? Au parc ? Au centre commercial ?

    La réponse fusa. Non, je veux aller au Seattle Grace.

    Pourquoi ? demanda Alex, subitement soupçonneux. Qu’est-ce que tu vas faire là-bas ?

    Je veux parler au chef, répondit Meredith. Il faut que je recommence à travailler.

    C’est trop tôt, objecta Alex. Tu as été opérée il y a moins d’un mois.

    Mais je me sens très bien.

    Alex s’adressa à elle comme à une enfant qu’on tente de raisonner. Oui, parce que tu es ici, au calme. Tu es en forme pour aller te promener ou pour nettoyer la salle de bains. Mais franchement, Meredith – il l’obligea à s’asseoir sur le rebord de la baignoire -  tu connais comme moi la pression qui pèse sur nous quand on rentre dans un bloc. Puis il y a les heures de garde qu’on enchaîne sans pouvoir se reposer. Je ne crois pas que tu sois déjà prête à assumer tout ça.

    Je n’en saurai rien tant que je n’aurai pas essayé.

    Alors, il faudrait que tu en parles à Shepherd avant.

    La jeune femme regarda son ami avec des yeux implorants. Alex ! S’il était d’accord, je n’aurais pas besoin de demander ton aide.

    Alex secoua la tête. Il sait ce qu’il fait. Ne compte pas sur moi pour agir dans son dos. Tu devrais plutôt mettre à profit ce repos forcé pour prendre du bon temps. Tu as toute la journée pour te reposer et te faire belle, comme ça, le soir, quand il rentre… Il fit un clin d’œil égrillard à sa camarade.

    Celle-ci baissa la tête avec un air découragé. Pfft… ça comme le reste, marmonna-t-elle.

    Qu’est-ce que tu veux dire ?

    Meredith lui décocha un regard lourd de reproches avant de se remettre debout. Laisse tomber ! Je dois encore passer l’aspirateur.


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