• Finalement, contrairement à ce que Meredith avait imaginé, la journée s’était déroulée agréablement. Il y avait eu tellement de choses à faire que George n’avait plus eu le temps de lui poser des questions dérangeantes sur ses activités nocturnes. Quant à elle, après l’appel de Derek, elle s’était donnée à fond si bien que Cristina n’avait plus fait aucune remarque. Maintenant, avant d’attaquer le nettoyage de la salle, elle s’octroyait une pause en buvant un coca avec Izzie lorsque Cristina sortit de l’arrière-boutique avec un grand sourire. J’ai une grande nouvelle ! clama-t-elle en agitant un petit carnet vert. Aujourd’hui, on a fait notre meilleure recette depuis qu’on a ouvert cette boutique. Ses amies poussèrent des exclamations de joie tandis que George, qui avait la bouche pleine des restes de sablés au citron, se contentait d’applaudir. On doit fêter ça, décréta Cristina. Vous avez quelque chose de prévu ce soir ? Meredith fit signe que non.

    Moi, quand je rentre, je dois skyper avec ma mère, répondit Izzie. Et après, je regarde Desperate Housewives. J’ai trois épisodes de retard.

    Et moi, je sors avec des copains, dit George.

    Cristina le regarda avec un air perplexe. Parce que tu as des copains ici, toi ? C’est nouveau, ça !

    Ben oui, qu’est-ce que tu crois ! répliqua George. J’ai une vie en-dehors de cette boutique.

    Ouais, j’en suis sûre, ironisa Cristina. Et demain ?

    Meredith secoua à nouveau la tête. Toujours rien.

    Moi, j’ai mon cours de zumba, déclara Izzie, l’air désolé. Et après, je vais manger avec des filles du cours. Mais lundi, je suis libre.

    Bon, eh bien, si ça vous arrange tous, je vous invite au resto lundi soir pour célébrer notre réussite, annonça Cristina. Izzie et Meredith échangèrent un regard ravi. Et ce sera un vrai restaurant, pas un Burger King ou un KFC, précisa Cristina. Et j’en profiterai pour vous expliquer mes projets pour l’avenir.

    Je me disais aussi, grommela George.

    Cristina se tourna vers lui avec un regard peu amical. Si ça te gonfle, t’es pas obligé de venir, Goofy.

    Non, c’est bon, je serai là. George ouvrit la porte qui menait à la cave. Et Goofy t’emmerde ! cria-t-il alors qu’il était au milieu des escaliers.

    Il est vraiment trop con, grogna Cristina. Je vais à la banque, informa-t-elle ses camarades avant de sortir de la boutique.

    Izzie soupira. Ah ces deux-là ! Ils sont vraiment comme chien et chat.

    Ça a toujours été le cas mais ça a empiré depuis qu’on est ici, fit remarquer Meredith.

    Faut dire que mon cousin ne s’est pas arrangé, déplora Izzie. La ville ne lui réussit pas. Tu les connais, toi, ses copains ? demanda-t-elle à Meredith.

    Celle-ci hocha la tête. Pas du tout. Mais en même temps, lui et moi, maintenant, tu sais…

    Oui. Izzie lui adressa un sourire coquin. Et puis, tu as mieux à faire. Meredith sourit aussi. Tu as l’air heureuse, constata Izzie. Je suis contente pour toi. Elle se leva. Bon, c’est pas tout ça mais le travail ne va pas se faire tout seul. Elle alla dans la cuisine.  

    Meredith se leva à son tour et commença à retourner les chaises sur les tables. Elle avait presque terminé quand elle ressentit une douleur dans le bas du dos. Voilà ce qui se passe quand on ne fait plus aucun sport ; on s’ankylose, chuchota-t-elle. Elle se redressa, bien droite, et plaça ses mains au creux de ses reins, pour les masser. Au même moment, d’autres mains la saisirent à la taille. Elle sursauta en poussant un petit cri tout en retirant vivement les mains importunes. Quand elle se retourna et qu’elle découvrit Derek, son expression hostile fit place à un beau sourire. Oh c’est toi ! Elle ne s’attendait pas à le revoir si vite et donc, la surprise n’en était que plus agréable. Mais qu’est-ce que tu fais là ?

    Derek effleura légèrement ses lèvres. Je sors de la clinique et j’ai eu envie de te dire un petit bonjour. Ça ne te fait pas plaisir ?

    Meredith se serra contre lui. Bien sûr que si ! Mais je pensais que tu ne travaillais pas le week-end.

    Normalement non, mais on m’a rappelé pour une urgence, lui apprit Derek. Il se pencha à nouveau vers elle pour lui donner un baiser. En passant, j’ai vu que tu étais encore là, alors, je me suis dit… George sortit de la cave. En voyant Derek, il ne put dissimuler que cette visite le contrariait fortement. Pour éviter les ennuis, il le salua d’un signe de tête mais le regretta aussitôt parce que Derek ne lui rendit pas la politesse. En effet, le chirurgien l’ignora totalement. Il y a encore moyen d’avoir un café ? demanda-t-il à Meredith. Et si par hasard, il y avait quelque chose à grignoter. Je meurs de faim.

    Je vais t’apporter ça tout de suite.


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  • Restée seule avec sa mère, Meredith se tourna vers elle. Tu aurais pu trouver un autre moyen de me revoir, lui fit-elle remarquer sans aucune animosité.

    Ah oui ? ricana Ellis. Lequel ? T’apparaître en rêve ? Hanter la maison ? Ça se passe peut-être comme ça dans les films mais pas dans la réalité… enfin, ma réalité. Je n’avais pas d’autre solution. Elle vint s’asseoir à côté de sa fille.

    Maman, je suis vraiment contente de te revoir. Si, si, je t’assure, ajouta Meredith devant l’incrédulité manifeste de sa mère. Mais il faut que je reparte. Derek doit être fou d’inquiétude.

    Bien fait pour lui ! asséna Ellis, contrariée.

    La jeune femme ne cacha pas qu’elle était choquée par cette remarque. Pourquoi tu dis ça ? 

    Ellis la regarda avec sévérité. Ma petite fille, crois-tu qu’il soit très judicieux de partir en vacances alors que tu es en première année de résidence et que tu as encore tellement de choses à apprendre ?

    Meredith jeta les yeux au plafond. On n’a pris qu’une semaine !

    Tu auras bien le temps de prendre des vacances une fois que tu seras titulaire ! objecta sa mère.

    Alors, pourquoi tu ne l’as jamais fait ? répliqua Meredith d’un ton sarcastique.

    Là n’est pas la question ! riposta Ellis. Elle ne voulait pas se laisser embarquer dans cette discussion qui, elle le savait, ne tournerait pas à son avantage. Pour le moment, ta seule priorité devrait être ta résidence. Si ce Derek avait un tant soit peu de considération pour toi et ta carrière, il te pousserait à travailler. Mais non ! Il préfère te garder à sa disposition. Elle eut une moue de dégoût. Ah je l’avais bien jaugé, celui-là ! Je connais ce genre d’hommes. Ils ne cherchent qu’à épater la galerie en s’affichant avec une jolie jeune femme, qui les admire et qui flatte leur ego.

    Derek n’est pas comme ça, protesta Meredith.

    Vraiment ? dit Ellis sur un ton dédaigneux avant de ricaner méchamment Ce que j’en vois, moi, c’est qu’il préfère t’attirer dans un lit que dans un bloc ! A ce point là, c’est presque maladif ! conclut-elle avec mépris.

    Tu exagères ! Meredith réalisa soudain ce que sa mère venait de dire. Comment sais-tu que…  ? Elle ouvrit de grands yeux épouvantés. Ne me dis pas que tu nous regardes quand… Maman ! cria-t-elle d’une voix aigue.

    Ellis soupira. Grâce à Dieu, je ne vois pas les choses, je ne fais que les ressentir. Malheureusement, ce sont des sensations qu’une mère ne devrait pas avoir quand il s’agit de sa fille.

    Meredith cacha son visage dans ses mains. Tu n’as pas le droit ! gémit-elle.

    Cesse de faire l’enfant, la gourmanda Ellis. J’ai l’impression de te revoir à 15 ans. Dieu merci, tu n’as plus ces horribles cheveux roses.

    Justement, je n’ai plus 15 ans, lui rappela sa fille. Je suis adulte et j’ai le droit d’avoir de l’intimité. Elle se leva et commença à marcher dans la pièce, la mine contrariée.

    Oh ça, tu ne t’en prives pas ! riposta Ellis. Moi, j’aimerais savoir ce qu’il en est de ton droit à avoir une carrière. Qu’as-tu décidé ? As-tu déjà choisi une spécialité au moins ?

    J’ai une idée, oui, admit Meredith avec une certaine réticence. Impatiente, Ellis lui fit signe de continuer. Je pense que je vais opter pour la neurochirurgie.

    Ellis grimaça. Pourquoi ne suis-je pas étonnée ? Cet homme a beaucoup trop d’influence sur toi, Meredith. Tu lui es totalement soumise. Je ne t’ai pas élevée comme ça, ma fille.

    Derek n’est pour rien dans mon choix, déclara Meredith avec assurance. J’admire son travail en tant que chirurgien, bien sûr. C’est un des plus talentueux, si pas le plus talentueux, dans son domaine. C’est une telle chance de travailler à ses côtés. J’ai tellement appris. Il a vraiment réussi à m’intéresser à la neuro. Mais ce n’est pas à cause de lui que je veux m’orienter dans cette voie. C’est à cause de toi. Ellis haussa les sourcils. Meredith sourit tristement. Ta maladie nous a empêchées d’avoir une vraie relation mère-fille à un moment où cela aurait été enfin possible. Je ne veux plus que cela se produise.

    C’est trop tard pour nous, Meredith, constata Ellis avec regret.

    Meredith vint se rasseoir aux côtés de sa mère. Oui, je sais… mais si je peux éviter cela à d’autres…

    Mmm… c’est bien. Mal à l’aise parce que trop émue, Ellis tapota la main de sa fille pendant quelques secondes. Alors, ce Derek… Parle-moi de lui.

    Il est merveilleux, dit Meredith avec un sourire extasié.

    Mais encore ?

    C’est avec enthousiasme que Meredith commença à énumérer les qualités de son petit ami. Il est tellement gentil… et attentionné. Il essaie de me comprendre. Pourtant, je ne lui facilite pas la tâche, fit-elle remarquer avec un air attendri. Je ne parle pas beaucoup, je ne dévoile pas mes sentiments mais… il reste à l’écoute. Il est là pour moi, toujours. Il m’aime, tout simplement. Je ne pensais pas qu’un homme comme lui pouvait exister ailleurs que dans les livres.

    Evidemment, avec tout ce que je t’ai dit sur les hommes, tu ne pouvais qu’être agréablement surprise, déplora Ellis, la mine sombre.

    Non, lui, il est vraiment différent, insista Meredith. Elle regarda sa mère avec des yeux brillants. Il me rend heureuse, maman. C’est la première fois que je peux envisager de partager ma vie avec quelqu’un, avec tout ce que cela comporte. Je sens qu’avec lui, je peux tout avoir… être heureuse dans ma profession et ma vie personnelle. Je ne veux pas laisser passer cette chance.

    Tu dois avoir raison, admit Ellis. Peut-être bien que j’ai raté ma vie, d’une certaine manière. Mais cette profession m’a apporté plus de joies qu’aucun homme n’aurait pu m’en donner. C’est une certitude. Alors, ne la néglige pas, pour quelque motif que ce soit. Soudain, elle tressaillit. Tu dois partir, Meredith, dit-elle en se levant. Maintenant !

    La jeune femme l’imita. Est-ce qu’on va se revoir ?

    Pas avant très, très longtemps, j’espère. Ellis prit sa fille dans ses bras et la serra contre elle. Il ne faut plus que tu reviennes ici. Tu as une belle et longue vie qui s’ouvre devant toi. Profites-en mieux que je n’ai su le faire. Et si ce Derek t’est indispensable pour ça, eh bien soit… Je serai contente pour toi. En s’écartant, elle vit que les yeux de Meredith étaient pleins de larmes. Allons, allons ! Pas de sentimentalisme. Ça ne nous ressemble pas et surtout, nous n’avons pas le temps pour ça. Il faut que tu t’en ailles maintenant. Elle la repoussa délicatement. Va, ma fille, va… Après un dernier regard pour sa mère, Meredith se mit à courir.


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  • Meredith allait s’éloigner mais Derek la retint par la main. Hors de question ! Je ne suis pas venu pour te regarder travailler. Il retira les chaises d’une table et les remit sur le sol. Assieds-toi, ordonna-t-il à la jeune fille qui obéit docilement. Il s’assit à côté d’elle. Ensuite, il héla George qui, de toute évidence, n’avait pas grand-chose à faire mais feignait le contraire pour avoir une bonne raison de rester dans la boutique et les épier. Hé toi, au lieu de faire semblant de travailler, rends-toi utile en apportant du café. Et de quoi manger aussi, un morceau de tarte ou quelque chose de ce genre.

    Si le regard vindicatif que lui lança le jeune homme ne l’impressionna pas, il eut l’effet inverse sur Meredith. Je peux très bien m’en occuper, dit-elle à Derek en se relevant.

    Lui aussi, objecta Derek en la faisant rasseoir. Il regarda avec insistance George qui, n’osant se rebeller, appuya sur le bouton de la machine à café d’un geste rageur.

    Il reste du cake aux pommes, je crois, lui indiqua Meredith pour lui faciliter la tâche du mieux qu’elle pouvait.

    Mais laisse-le faire ! la pria Derek. Il peut bien se débrouiller tout seul. Il se pencha vers elle pour lui parler à l’oreille. Quand je suis entré, tu te tenais le bas du dos. Tu as mal ? Elle acquiesça d’un signe de tête. Tourne-toi, je vais te masser. Il la reprit par la taille et appuya ses pouces dans le creux de ses reins, en appuyant légèrement. Meredith grogna de plaisir. Derek remarqua que George ne les quittait pas des yeux. Mon gars, tu vas être gâté, pensa-t-il avec un plaisir sadique. Il passa les mains sous le corsage de la jeune fille et lui massa le dos à même la peau, en remontant jusqu’au soutien-gorge. Meredith frissonna et plus encore lorsqu’une main de Derek s’insinua sous la ceinture de son pantalon pour caresser délicatement ses fesses. Elle inclina la tête en arrière pour solliciter un baiser qu’il lui donna bien volontiers. Elle fut la première à ouvrir la bouche et sa langue partit à la conquête de celle de Derek pour des retrouvailles ardentes.

    George ne perdit rien du spectacle et ce qu’il vit le dégoûta autant que cela le révolta. Au contact de ce chirurgien de malheur, son innocente amie d’enfance était devenue une trainée s’affichant publiquement dans des poses indécentes. Il ne la reconnaissait plus. Cette scène le renforça dans sa détermination à mettre fin à cette situation et, surtout, à se venger de l’humiliation qu’à cause de Meredith, il subissait depuis leur arrivée à San Francisco. Il était venu pour elle, pour être avec elle, mais elle l’avait lâché, lui, l’ami fidèle, son âme sœur, pour ce bellâtre snob qui, à quelques années près, aurait pu être son père. Elle lui avait tourné le dos pour ce type et maintenant, elle l’évitait comme s’il avait la peste. Bien sûr, il savait qu’il lui faisait peur, à cause de certains de ses comportements, mais il lui en voulait de ne pas avoir compris que s’il s’était parfois montré violent avec elle, c’était uniquement pour son bien. Il voulait simplement lui remettre les idées en place. Lui, il savait ce qui lui convenait, ce qui était bon pour elle. Pourtant, c’était l’autre qu’elle préférait écouter, cet autre qu’elle ne connaissait même pas trois mois plus tôt. Mais le pire aux yeux de George, c’était qu’elle laissait son amant le traiter comme s’il était un moins que rien. Il la soupçonnait même de l’y inciter. Mais bientôt, il lui ferait payer le prix de sa lourde erreur. Profites-en bien, ma cocotte, lui dit-il en pensée. Ça ne va pas durer. Il fouilla dans sa poche et en retira un petit carré de papier qu’il déplia avec soin, faisant apparaitre une gélule blanche. Il la regarda avec un mélange de peur et d’excitation. Il hésita une fraction de seconde mais un dernier coup d’œil vers Meredith qui s’abandonnait au baiser passionné que le chirurgien lui donnait, le décida. Il ouvrit la gélule, en versa le contenu dans la tasse et le dilua en tournant rapidement la cuiller dans le breuvage. Ensuite, il posa les deux tasses sur un plateau en posant un chocolat différent sur les sous-tasses afin de pouvoir distinguer le café destiné à Meredith. Après avoir ajouté une assiette contenant un morceau de cake, il apporta le plateau à la table et servit les tasses avant de déposer la pâtisserie devant Derek.

    Celui-ci leva la tête vers le jeune homme. Et Meredith ? Elle n’a pas droit à un morceau de cake ?  

    George résista à la tentation de lui écraser le cake sur la figure. Désolé, mais je vous ai servi le dernier, répondit-il avant de tourner les talons.

    C’est vrai, ça a bien marché aujourd’hui, s’empressa de confirmer Meredith pour éviter un autre conflit. On a tout vendu.

    Derek lui sourit. Alors, on va partager ce morceau.

    Non, non, mange-le, dit Meredith. De toute façon, il va falloir que je me remette au boulot.  

    Derek lui prit la main. La terre ne va pas s’arrêter de tourner si tu fais une pause. Il la tira à lui et la fit asseoir sur ses genoux. Je suis venu uniquement pour te voir, lui rappela-t-il avec un regard tendre. Meredith ne résista pas à la prière contenue dans ses yeux bleus et se blottit contre lui, humant avec délice l’odeur de son eau de toilette. Ça s’est bien passé aujourd’hui ? s’enquit Derek avant de boire une gorgée de café.

    Pas mal ! On a eu un monde fou. On n’a pas arrêté, lui raconta Meredith. Et Cristina nous a dit qu’on avait fait la meilleure recette depuis l’ouverture. 

    Ah, elle doit être de bonne humeur, alors, persifla Derek. En reposant sa tasse, il fit un discret signe de tête en direction de George. Tu peux m’expliquer ta crise d’angoisse de tout à l’heure ? demanda-t-il à voix basse.


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  • Meredith avait subi un nouvel IRM. Un examen scrupuleux des clichés avait révélé une légère contusion cérébrale qui ne semblait justifier en rien l’état comateux. La présence d’un hématome sous-dural n’avait pas été établie avec certitude. Les avis des médecins étaient donc partagés. Les uns, dont Richard et Bailey, hésitaient. Ils ne voyaient pas l’utilité d’entreprendre une intervention dont rien ne certifiait qu’elle serait concluante. Les autres, dont Mark, Cristina et le neurologue de Mercy West, Daniel Lazar, voulaient tenter le tout pour le tout. Derek, lui, était dans l’expectative. Il répugnait à opérer Meredith sans garantie mais il ne supportait plus de la voir ainsi et de rester sans rien faire. Après une dernière réunion au sommet, il fut décidé de pratiquer une craniotomie peu invasive, dans le but de soulager la pression sur le cerveau. Bien que peu convaincu par le bien-fondé de l’intervention et contre l’avis de ses collègues Derek maintint sa décision d’opérer lui-même.

    Lorsqu’il entra dans la salle, il vit que Mark, Richard et Lazar étaient déjà là. Machinalement, il leva les yeux vers la galerie. Il eut l’impression que le tout Seattle Grace s’entassait dans le local pour guetter son faux pas. Il resta imperturbable. Il ne leur donnerait pas cette satisfaction, se dit-il. Il avait pratiqué ce genre d’intervention des centaines de fois, si pas des milliers. La personne qui était allongée là, sur la table d’opération, était une patiente lambda. La situation n’avait rien d’exceptionnel, chercha-t-il à se convaincre. Mais lorsque son regard tomba sur le visage de Meredith, il ne put plus se mentir à lui-même. Cette patiente n’avait rien en commun avec toutes les autres qu’il avait vues défiler dans sa carrière. Celle-ci, c’était Meredith, c’était la femme de sa vie. Il détourna rapidement les yeux. Il savait que, s’il continuait à la regarder, il n’aurait plus le courage de poursuivre. Il devait effectuer une craniotomie et il le ferait.

    Avec assurance, il tendit sa main vers l’infirmière du bloc pour qu’elle y dépose le scalpel. Il présenta ce dernier au-dessus du crâne de Meredith. Il avait insisté pour qu’on ne rase pas totalement la belle chevelure blonde à la senteur de lavande dans laquelle il aimait tant enfouir son visage. Seul un petit morceau de peau avait été dégagé, pour lui permettre d’inciser. Il en approcha son instrument.

    C’est alors qu’il l’entendit… faiblement d’abord, comme s’il était loin, puis de plus en plus nettement, comme s’il se rapprochait. Le rire de Meredith résonna dans sa tête, ce petit rire qu’elle avait quand il la soulevait dans ses bras et la faisait tournoyer dans les airs, quand il lui murmurait à l’oreille toutes les choses qu’il avait envie de lui faire, quand il lui faisait comprendre avec les yeux qu’il n’aimait pas la sentir trop amicale avec un autre homme, quand il l’entraînait dans une salle de repos pour l’embrasser dans le cou et caresser sa poitrine par-dessus sa blouse. Tout à coup, ce rire prit toute la place et empêcha Derek de penser à rien d’autre qu’à Meredith.

    Après le rire, vint la voix de la jeune femme, amenant avec elle des images qui se succédèrent dans la tête de Derek comme dans un kaléidoscope, à la limite de l’insoutenable. Je n’ai pas d’histoire, je suis juste une fille dans un bar… Ne me regardez pas comme si vous m’aviez vue nue… Je ne coucherai plus avec vous, vous êtes mon patron… Emmène-moi faire un tour, Derek… Je t’aime au point de te laisser le dernier morceau de gâteau, alors prends-moi, choisis-moi, aime-moi… Pourquoi es-tu charmant avec moi, ça ne m’aide pas, ça me blesse… Donc, nous sommes amis maintenant ?… Je croyais avoir rencontré la personne avec qui j’allais passer le reste de ma vie. Tu as choisi Addison. Tu n’as pas le droit de me traiter de pute… Je ne vais pas bien, parce que tu es marié et que notre chien est mort. Finn a des plans. Arrête de me regarder comme ça… Je veux des rendez-vous, des fleurs, de la romance, je veux qu’on me pelote… Je suis une fille qui a des problèmes d’abandon, il faut que tu dormes avec moi… Quand je me suis noyée, j’ai vécu des choses étranges mais je te veux dans ma vie… C’est fini, c’est tout à fait fini… Je ne suis pas prête pour ce que tu veux… Je suis revenue pour toi… Je t’aime Derek, je t’aime tellement… Tu as cru que j’avais envie de faire l’amour avec Kaona ?… Ce n’était qu’un accident, un tout petit accident… Je vais me reposer un peu, viens me réveiller dans une heure ou deux… Le bras de Derek resta tendu vers Meredith, comme suspendu. La main qui s’apprêtait à lui inciser le crâne se mit à trembler. Derek ne s’en rendit pas compte. Toute sa conscience, toute sa volonté était anéantie par cette voix qui emplissait sa tête.

    Richard posa la main sur son épaule. Derek… vous devez commencer maintenant.

    Derek secoua la tête. Oui, il devait commencer. Il rapprocha sa main et présenta le scalpel sur la peau, sans toutefois inciser. Il leva ses yeux vers la galerie, il lui sembla qu’ils étaient encore plus nombreux. Tous étaient graves, comme si leur sort dépendait de ce qu’il allait faire. Il se tourna vers son ami. Est-ce que j’ai raison de vouloir faire ça, Mark ? Dis-le moi, j’en ai besoin.

    Mark secoua la tête. Je ne peux pas… Il soupira. Tu es le seul à savoir ce que tu dois faire, Derek.

    Derek sentit les larmes lui monter aux yeux. Je dois la sauver. Je veux la sauver, mais… Si je n’étais pas le meilleur pour elle ?

    Suis ton instinct, lui conseilla simplement Mark. Jusqu’ici, il ne t’a jamais trompé.

    Derek ferma les yeux et tenta de voir clair en lui. La voix de Meredith revint le hanter, plus douce que jamais. Derek, je t’aime. Il entendit à nouveau son rire et eut la vision de ses yeux clairs qui le fixaient avec amour. J’ai confiance en toi. Tout à coup, la voix se fit plus forte. Je suis chirurgien. C’est moi qui sauve des vies. Et de toute façon, tu n’es pas mon chevalier servant… La voix se radoucit. Suis ton instinct. Fais ce que tu as à faire. Derek ouvrit les yeux. La vérité venait de le frapper de plein fouet.


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  • Tu exagères, le gronda gentiment Meredith. Je n’ai pas fait de crise d’angoisse. J’ai juste été surprise de le voir parce que je ne l’ai pas entendu arriver.

    Derek prit un air buté. Surprise ou pas, je persiste à dire que ce n’est pas normal que tu réagisses de cette façon avec un mec qui est ton ami d’enfance.

    Derek, n’en fais pas une montagne, implora Meredith. Je crie pour tout et pour rien. Regarde, quand tu es arrivé, j’ai crié aussi.

    Mais pas de la même façon, s’entêta Derek.

    Si tu continues, je vais aller travailler, menaça Meredith. C’est bien la peine de venir me voir si c’est pour me parler de lui.

    Tu as raison, admit Derek. Pardon. Mais je ne supporte pas ce type. Je m’en méfie comme de la peste. Le regard lourd de reproches de Meredith lui indiqua qu’il était temps de changer de sujet. Et si on goûtait ce cake ? Avec sa fourchette, il en coupa un morceau qu’il tendit à Meredith avant d’en redécouper un pour lui. Mmm ! Fameux ! commenta-t-il quand il eut avalé.

    Oui, Izzie est la reine de la pâtisserie, déclara fièrement Meredith. Elle fit une petite grimace. Par contre, moi, je suis nulle.

    Derek resserra légèrement son étreinte autour de la taille de la jeune fille. On ne peut pas être bon en tout. La façon dont il le dit, son regard, son petit sourire, tout exprima ce à quoi il faisait allusion. Meredith rougit.  

    Izzie apparut dans l’entrebâillement de la porte de la cuisine. George ? Elle aperçut Derek. Oh vous êtes là ? Bonjour. Vous allez bien ?

    Oui, très bien, merci. Et vous-même ? Sans attendre la réponse qui de toute façon, ne l’intéressait aucunement, Derek pointa sa fourchette vers le morceau de cake. Délicieux, votre cake aux pommes ! D’habitude, je ne suis pas amateur de dessert, mais là, je dois dire, je suis conquis. Il exagérait un peu mais Izzie étant la seule à être aimable avec lui et, surtout, à sembler se soucier sincèrement de Meredith, il voulait lui faire plaisir.

    Effectivement, Izzie fut extrêmement flattée par le compliment que le chirurgien venait de lui faire. Oh merci beaucoup. C’est très gentil. Elle lui adressa un grand sourire avant de se tourner vers son cousin. George, j’ai besoin de toi. Tu peux venir ? Le jeune homme la rejoignit en trainant des pieds.

    Enfin seuls ! se réjouit Derek. Il présenta un autre morceau de gâteau à Meredith.

    C’était quoi, ton urgence ? se renseigna-t-elle avant de prendre le bout de cake en bouche.

    Un patient que j’avais opéré hier et qu’il a fallu réopérer, lui apprit Derek.

    Et il va s’en sortir ? s’enquit encore Meredith.

    Normalement oui, même si le contraire serait probablement préférable, allégua Derek de façon plutôt énigmatique.

    Meredith parut intriguée. Pourquoi dis-tu ça ?

    Cet homme est responsable de l’accident de voiture dans lequel sa femme et ses enfants, sont décédés, lui expliqua Derek. Meredith prit un air horrifié. Quand il va se réveiller et qu’il va apprendre que toute sa famille a disparu par sa faute, il va sans doute regretter de s’en être sorti et il va me maudire de lui avoir sauvé la vie, conclut Derek...

    Meredith posa sa main sur le bras de son amant. Que pourrais-tu faire d’autre ? Tu es médecin, c’est ton rôle de sauver des vies.

    Je sais. Derek secoua la tête, comme s’il désirait chasser de sombres images. Parlons de quelque chose de plus gai. Il la regarda avec un air espiègle. Est-ce que tu es contente de me voir, au moins ?

    Meredith lui sourit. Comme si tu ne le savais pas ! Mais je suis un peu étonnée, je ne pensais pas te voir avant vendredi.

    Pourtant, je t’ai dit que je passerais de temps en temps, lui rappela–t-il. Je ne peux pas faire autrement. On mange trop bien ici. Il mit en bouche un morceau de cake.

    Meredith feignit d’être choquée. Ah parce que tu ne viens même pas pour moi ?

    Derek fit signe que non. Elle leva la main et fit mine de vouloir lui donner une tape sur la tête mais il la saisit par le poignet. J’avais vraiment envie de te voir, chuchota-t-il. Il s’apprêtait à l’embrasser lorsque George sortit de la cuisine dont il claqua la porte.

    Hé, du calme ! cria Izzie de l’autre côté.

    Derek poussa légèrement Meredith pour qu’elle se mette debout. Viens, on sort. Il la prit par la main pour l’entraîner sur la terrasse. Après s’être assis, il reprit son amie sur ses genoux. Ici, au moins on sera tranquille. George apparut sur le pas de la porte mais le regard que Derek lui jeta l’enjoignit à rentrer directement.

    Meredith passa une main sur son front. Il fait chaud, ce soir, tu ne trouves pas ?


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