• Quand Meredith redescendit au rez-de-chaussée, George venait de partir et Izzie et Cristina n’étaient toujours pas rentrées. La jeune fille s’en réjouit. Avec un peu de chance, après avoir déjeuné avec sa tante, elle pourrait s’installer dans le salon pour regarder le DVD de la première saison de "Friends". Qu’y avait-il de mieux pour occuper un dimanche après-midi que de se plonger dans les amours tourmentées mais néanmoins hilarantes de Rachel et de Ross ?

    Elle se rendit à la cuisine où elle trouva sa tante, debout au milieu de la pièce, en train de regarder autour d’elle avec un air complètement perdu. Tu cherches quelque chose, Tante Ellis ? demanda-t-elle.

    Je ne sais pas, répondit Ellis. Je suis venue pour faire quelque chose mais j’ai oublié ce que c’était.

    Bah, ce n’est rien, dit Meredith pour la réconforter. Pourquoi tu ne t’assieds pas près de moi pendant que je prépare notre déjeuner ? Comme ça, on pourra papoter un peu. On n’en a pas encore eu beaucoup l’occasion depuis que je suis là.

    C’est vrai, reconnut Ellis en s’installant à la table. J’aimerais bien rentrer plus tôt pour te voir mais il y a tellement de travail à l’agence que ce n’est pas possible.

    Meredith ne releva pas ce que sa tante venait de dire. A cause de sa maladie, Ellis confondait souvent le passé avec le présent et Meredith ne savait pas comment réagir. Elle avait constaté que Gloria reprenait toujours Ellis quand elle divaguait mais elle, elle était trop mal à l’aise pour faire la même chose. Elle ne voulait pas faire de la peine à sa tante et surtout, elle ne voulait pas la contrarier et provoquer une crise qu’elle ne saurait pas gérer. Qu’est-ce que tu veux manger ? Elle ouvrit la porte du frigo. Alors, il y a des œufs et des champignons. Je peux faire une omelette. Ellis hocha énergiquement la tête. D’accord, pas d’omelette, traduisit Meredith avec un sourire. On a aussi des aubergines et des courgettes. Grillé avec un peu d’huile d’olives et des épices, c’est très bon.

    Ellis fit une mimique de dégoût. C’est dégueulasse. Ça me donne envie de gerber, précisa-t-il dans un langage qu’elle n’aurait jamais utilisé avant sa maladie. A nouveau, Meredith ne réagit pas. Il ne reste pas de la tourte de ton amie Mindy ? s’enquit Ellis avec un regard implorant.

    Tu veux dire Izzie, supposa Meredith en examinant le contenu du frigidaire.

    Non, je ne connais pas d’Izzie, affirma Ellis. Je veux parler de ton amie, la jolie petite blonde, Mindy.

    C’est Izzie, tante Ellis, insista Meredith. Son prénom, c’est Isobel. C’est pour ça que tout le monde l’appelle Izzie. Elle sortit du frigo une platine avec une moitié de tourte au jambon et au poireau. Ça te va, ça ? Ellis fit signe que oui. Tu veux de la salade avec, ou des carottes râpées ? Sa tante plissa le nez et tira la langue avec une expression de dégoût profond. La grimace était tellement inconvenante pour une dame de son âge que Meredith ne put s’empêcher de rire. Donc, pas de crudités pour toi, en déduisit-elle. Elle alluma le four avant de prendre de la vaisselle. Sa tante resta assise avec un air absent.

    Et tu t’es fait de nouveaux amis depuis que tu es ici ? lança-t-elle soudain, alors que Meredith préparait une vinaigrette.

    Non. Avec la boutique, je n’ai pas vraiment le temps de sortir et de rencontrer des gens, expliqua Meredith. En plus, ce n’est pas vraiment mon genre d’aller vers des personnes que je ne connais pas.

    Pour ça, tu es comme ta mère, dit Ellis avec un petit sourire. Mais tu dois forcer ta nature, sinon tu vas finir toute seule, comme elle. Ce serait vraiment dommage, une belle fille comme toi. Elle regarde sa nièce avec un air intrigué. Tu n’as pas envie d’avoir un amoureux ?

    Oh mais j’en ai un, lâcha Meredith en se reprochant aussitôt d’avoir été trop spontanée. Comme elle n’avait pas encore parlé à sa mère de sa relation avec Derek, elle n’avait pas envie que sa tante le fasse avant elle.

    Aaaaah petite cachottière ! s’exclama Ellis. Et il s’appelle comment, ce garçon ? 

    Meredith se maudit à nouveau d’avoir été trop bavarde. Maintenant sa tante allait l’assaillir de questions et elle ne voyait pas ce qu’elle pourrait invoquer comme excuse pour ne pas lui répondre. Il ne restait qu’à espérer que la mémoire défaillante d’Ellis lui ferait rapidement oublier toutes les informations que Meredith allait se sentir obligée de lui donner. Il s’appelle Derek, révéla-t-elle à contrecœur en enfournant la tourte.

    Et qu’est-ce qu’il fait dans la vie, Derek ? Il est étudiant comme toi ? l’interrogea Elis.

    Je ne suis pas étudiante, rectifia Meredith. Je travaille dans une boutique de douceurs, une sorte de restaurant. Et Derek est neurochirurgien.

    Chirurgien ? s’écria Ellis. Mais quel âge a-t-il ?

    Meredith regretta une fois encore de ne pas être capable de mentir. Trente-cinq ans, murmura-t-elle.

    Trente-cinq ans ! Ellis eut l’air atterrée. Mais Meredith, tu es folle. Il a le double de ton âge.

    Mais non, tante Ellis, j’ai presque vingt-et-un ans, lui rappela la jeune fille. Donc, il a maximum quinze ans de plus que moi.

    Quand bien même, c’est toujours trop vieux pour toi ! s’entêta Ellis.

    Eh bien moi, je ne trouve pas ! asséna Meredith avec un agacement manifeste.


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  • Meredith regardait la télévision d’un œil morne lorsque Cristina fit irruption dans la pièce avec un plateau rempli de sandwiches. T’en veux ? dit-elle en le présentant sous le nez de son amie.

    Celle-ci repoussa le plateau avec une moue de dégoût, comme si la vue de toute cette nourriture l’écœurait au plus haut point. Plus faim ! Je m’ennuie tellement que je n’arrête pas de manger. J’ai pris quatre kilos depuis que j’ai quitté l’hôpital. Elle abaissa les yeux vers le bas de son corps. Je ressemble à une baleine, constata-t-elle avec un air désespéré.

    Cristina se laissa tomber lourdement dans le canapé à côté d’elle. Tu devrais revenir bosser !

    T’as qu’à dire ça à mon médecin ! rétorqua Meredith.

    Il fait toujours barrage ? Cristina ouvrit deux sandwiches pour voir ce qu’ils contenaient et opta pour celui à la dinde. Elle tendit l’autre, au pastrami, à Meredith, qui le refusa d’un signe de tête.

    Plus que jamais. Le pire, c’est qu’il a mis Alex et Izzie de son côté, déplora Meredith avec amertume. Ils sont pires que des gardiens de prison.

    Peut-être que McDreamy a envie que tu deviennes une femme au foyer. Cristina prit un ton ironique. Ou alors il apprécie tes nouvelles rondeurs, il veut te gaver.

    Meredith ricana nerveusement. Tu parles ! Pour ça, il faudrait déjà qu’il s’en aperçoive !

    Cristina la regarda d’un air surpris. Oh ! Toujours rien ?

    Meredith posa la tête sur l’épaule de sa camarade. J’ai l’impression de vivre avec mon frère.

    Et t’as essayé le truc que je t’ai dit ? se renseigna Cristina tout en mordant dans son pain.

    J’ai tout essayé, soupira Meredith. La lingerie fine, le parfum, le massage aux huiles essentielles, l’alcool… Rien n’y fait. Un soir, je me suis promenée devant lui, totalement nue. Elle releva la tête et regarda son amie d’un air désespéré. Il m’a dit de me couvrir pour ne pas prendre froid !

    Cristina ouvrit de grands yeux. A ce point ? Alors, c’est plus grave que je ne le pensais.

    Meredith opina de la tête avec un air grave. Dis-moi… il est comment ? Comme Cristina la regardait sans comprendre, elle reformula sa question. A l’hôpital, il est normal ou il est bizarre ?

    Bizarre comment ?

    Bizarre comme… comme quelqu’un qui a quelque chose à cacher. Une liaison, par exemple.

    Cristina fronça les sourcils. Tu crois qu’il te trompe ?

    Je cherche une explication, soupira Meredith. Avant, il ne se passait pas un jour sans qu’on ne… Et là, ça fait trois semaines que… rien, rien du tout, dit-elle tristement. Un bisou sur les lèvres le matin, un sur le front avant de dormir, et rien entre les deux. En plus, il rentre de plus en plus tard.

    Tu lui en as parlé ?  s’enquit Cristina en saisissant un autre sandwich.

    Meredith haussa les épaules. Non. De toute façon, il va me dire que je me fais des idées.

    Il aura sans doute raison, répondit Cristina en tartinant son pain de ketchup. Je ne l’aime pas beaucoup mais je ne crois pas que ce soit son genre d’être infidèle.

    Ah oui ? fit Meredith avec un air goguenard. Je te rappelle qu’il a couché avec moi alors qu’il était marié, et qu’il s’était bien gardé de me le dire.

    Ce n’était pas la même chose, objecta Cristina. Et j’imagine qu’il n’est pas assez stupide pour avoir une liaison là où tout le monde vous connaît en tant que couple et, surtout, là où tous tes amis travaillent. En tout cas, s’il y avait un truc de ce genre ici, j’en aurais entendu parler et ce n’est pas le cas. Parfois, je le vois chez Joe, avec Sloan, mais il n’y a jamais de fille avec eux. En plus, parait que Sloan est devenu un mec sérieux depuis qu’il sort avec une hôtesse de l’air.

    Sloan, casé ? persifla Meredith. Tu parles ! Derek me l’aurait dit.

    Pas s’ils font des trucs à trois ! décréta Cristina, la bouche pleine.

    Qui fait des trucs à trois ? demanda Izzie qui venait de surgir à la porte.

    Shepherd, Sloan et une hôtesse de l’air. Devant l’air atterré d’Izzie, Cristina crut bon de donner quelques précisions. En fait, ce n’est pas certain. Mais comme Shepherd ne touche plus Meredith, on cherche une explication plausible.

    Izzie secoua lentement la tête avec un air désapprobateur. Vous délirez, les filles. Derek ne ferait jamais ça. Elle vint s’asseoir près de ses amies. Meredith … il est inquiet pour toi, c’est tout. Il veut sûrement que tu ailles mieux avant de… recommencer.

    Mais je vais bien et j’ai envie de sexe ! couina Meredith. J’ai besoin de sexe ! Dans mon état, c’est même recommandé, ça libère des endorphines.

    T’as qu’à prendre un amant ! décréta Cristina.

    Tu as essayé les dessous coquins ? demanda Izzie, avec un vif intérêt.

    Oui ! clamèrent en chœur les deux autres.

    Elle se balade toute nue sous ses yeux et il reste de glace, commenta Cristina, fataliste.

    Alors c’est qu’il est impuissant ! conclut Izzie. Meredith la regarda avec effroi. Ben quoi ? Ça arrive fréquemment après un traumatisme.

    C’est Meredith qui a eut un coup sur la tête, pas lui, rétorqua Cristina.

    Ce que je veux dire, c’est que pas mal d’hommes ont des troubles de l’érection après un choc psychologique, parce qu’ils sont anxieux ou dépressifs, expliqua Izzie d’un ton savant.

    On sait tout ça, Izzie ! Nous sommes médecins, nous aussi, je te le rappelle, dit Cristina, vexée.

    Pendant que ces deux amies se chamaillaient, Meredith réfléchissait, le front plissé. S’il était devenu impuissant, il me l’aurait dit tout de même, laissa-t-elle tomber, accablée.

    Izzie la regarda avec un air moqueur. Tu en connais beaucoup, toi, des hommes qui avouent à leur femme qu’ils n’arrivent plus à mettre leur petit soldat au garde à vous ?

    Cristina approuva d’un signe de tête. Ouais, c’est ce qui fait leur identité d’homme, alors, ils veulent surtout sauver la face.

    Si c’est ça, j’en aurai le cœur net, s’exclama Meredith.


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  • Ellis ne sembla pas du tout convaincue par la conviction de sa nièce. Et ta mère, qu’est-ce qu’elle en dit ?

    Meredith versa la vinaigrette sur la salade qu’elle mélangea. Je ne lui en ai pas encore parlé.

    Ça vaut peut-être mieux, estima Ellis. Si elle était au courant, elle ne serait pas ravie, je pense.

    La sonnerie du four retentit et Meredith se leva pour aller prendre la tourte. Pourquoi ? Parce qu’il a quinze ans en plus que moi ? s’emporta-t-elle. Mais pourquoi est-ce que c’est tellement important ? Est-ce que le principal, ce n’est pas que je sois heureuse ? Il est beau, il est brillant, il est gentil et attentionné. Qu’est-ce que je pourrais demander de plus ? Elle sortit la tourte du four.

    C’est vrai, tu as raison. Ellis regarda sa nièce la servir. Elle se jeta sur son assiette mais après trois bouchées, elle ferma les paupières.

    Meredith s’inquiéta immédiatement. Ça ne va pas, Tante Ellis ?

    Celle-ci rouvrit les yeux. Mais si, je vais bien. Elle tourna la tête dans tous les sens. Mon frère n’est toujours pas arrivé ?

    Meredith la regarda avec commisération. Le frère en question était mort depuis plus de dix-sept ans. Elle se demanda à nouveau ce qui valait le mieux, dire la vérité et peut-être chagriner sa tante ou bien la laisser avec ses douces illusions et risquer qu’elle continue à réclamer un frère qui ne viendrait jamais. Elle choisit la première option. Tante Ellis, Papa est mort depuis longtemps, dit-elle d’une voix douce.

    Ellis haussa un sourcil. Mais pourquoi me parles-tu de ton père, ma petite ? Je ne le connais même pas.

    Meredith posa la main sur celle de sa tante. Bien sûr que si. Ton frère, c’était mon père.

    La nouvelle abasourdit Ellis. Ah bon ? Pourquoi il ne m’a pas dit qu’il avait un enfant ? On ne me dit jamais rien à moi, se lamenta-t-elle. Elle commença à s’agiter. Il va m’entendre quand il va arriver ! Il a eu un enfant et il ne me l’a même pas dit. Et il est où cet enfant, maintenant ?

    Meredith soupira. Elle avait l’impression de parler aux murs. Ce qui était terrible avec cette maladie, c’était que cela ne servait à rien de se battre, la guerre était perdue d’avance. Tu veux du cheesecake ? proposa-t-elle dans l’espoir de calmer sa tante. J’en ai vu dans le frigo.

    Les yeux d’Ellis brillèrent d’envie. Oh oui, du cheesecake. Elle battit des mains, comme une enfant. Heureuse d’avoir réussi à lui faire oublier un sujet douloureux, Meredith se dépêcha de lui couper un morceau de gâteau. Parle-moi encore de ton petit ami, la pria Ellis. Comment vous vous êtes rencontrés ? 

    La première fois, je l’ai vu de loin et je l’ai trouvé super beau. Et puis, quelques jours plus tard, on faisait des travaux à la boutique et je suis tombée d’une échelle. Il passait justement par là et il m’a emmenée à la clinique où il travaille, pour m’examiner, raconta Meredith, un sourire ému aux lèvres. Et ça a commencé comme ça.

    Un coup de foudre, en déduisit Ellis.

    Meredith fit une moue dubitative. Oh pas vraiment. Pas pour lui en tout cas. Au début, il venait pour Izzie mais après, les choses ont changé.

    Ellis opina de la tête. Il est tombé amoureux de toi.

    Je ne sais pas, avoua Meredith. Il ne me l’a jamais dit. Je crois qu’il tient à moi mais je ne sais pas s’il m’aime.

    En général, les hommes ne sont pas très à l’aise quand il s’agit de parler de sentiment, nota Ellis. Ce n’est pas très grave s’il ne te dit pas qu’il t’aime du moment qu’il te le prouve avec des actes. Meredith l’approuva en hochant la tête de bas en haut. Et toi, tu l’aimes ? demanda Ellis.

    Oui, je l’aime, répondit Meredith avec fougue. C’est l’homme de ma vie.

    Oh comme tu y vas ! s’exclama Ellis, amusée. Tu le connais à peine.

    Oui, évidemment, je le sais, répliqua Meredith, un peu agacée. Mais je le sens. Nous deux, c’est pour la vie.

    Tu ne devrais pas te mettre des idées pareilles en tête, la gronda gentiment Ellis. Tu es tellement jeune, tu dois profiter de ta jeunesse. Tu dois profiter de la vie. Il y a tellement de gentils et jolis garçons sur la terre. Moi, je trouverais dommage que tu te contentes d’un seul durant toute ta vie. Meredith fut choquée par les propos de sa tante. Comment celle-ci pouvait-elle lui conseiller de coucher avec d’autres hommes alors qu’elle était amoureuse de Derek ? La vie passe si vite, poursuivit Ellis. On croit qu’on a le temps et… Elle se pencha au-dessus de la table et prit le visage de sa nièce entre ses mains décharnées. Regarde-moi. Bientôt, je ne serai plus qu’un légume qui ne se souviendra de rien, même pas de qui je suis.

    Emue aux larmes, Meredith se leva précipitamment pour la serrer dans ses bras. Ne dis pas ça, Tante Ellis ! Elle s’assit à côté d’elle.

    Ellis posa sa main sur celle de la jeune fille et la tapota légèrement. Ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que ça ne va pas arriver, tu sais. Ne sachant que dire pour la réconforter, Meredith posa la tête sur son épaule. Quand elle se redressa après quelques minutes, elle remarqua que le regard de sa tante était de nouveau absent. Je me demande quand mon frère va arriver, dit Ellis.


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  • Tant de sollicitude agaça la jeune femme. Je vais tout à fait bien. Ça va faire Meredith était allongée sur son lit, en train de feuilleter des magazines féminins qu’Izzie lui avait apportés, lorsque Derek entra dans la chambre. Elle courut jusqu’à lui et lui sauta au cou. Il déposa un tendre baiser sur ses lèvres avant d’enfouir son nez dans ses cheveux pour en respirer le parfum. Comment s’est passée ta journée ? Qu’as-tu fait aujourd’hui ? demanda-t-elle, fébrile.

    Derek sourit. Rien de bien passionnant… la routine… tu sais bien…

    Raconte, supplia Meredith.

    Derek soupira. Que des banalités ! Des traumatismes crâniens, des nerfs à reconnecter. Si on parlait plutôt de toi ? Tu te sens bien ? Pas de migraines ? Elle secoua la tête. Des vertiges ? Des nausées ?

    bientôt un mois que j’ai été opérée. Je n’ai eu aucun trouble postopératoire. Pourquoi veux-tu que j’en aie maintenant ?

    Je veux juste m’assurer que tu vas bien.

    Je vais bien, répéta-t-elle sèchement. D’ailleurs, à ce propos, tu pourrais me rendre mes clés de voiture. J’en ai assez de devoir dépendre d’Alex ou de Cristina à chaque fois que je veux faire quelque chose.

    Le neurochirurgien fronça légèrement les sourcils. Ce n’est pas parce que tu commences à aller bien qu’il faut faire des imprudences. C’est trop tôt. Je n’ai pas envie que tu fasses un malaise au volant.

    Derek, je t’en prie !

    Nous en reparlerons dans une quinzaine de jours, d’accord ? Il voulut lui redonner un baiser mais elle le repoussa et alla se jeter sur le lit, faisant semblant de replonger dans sa lecture. Il choisit d’ignorer son mouvement d’humeur et continua la conversation comme si de rien n’était. Et toi, qu’as-tu fait, aujourd’hui ?

    Meredith lui répondit sans lever la tête de son magazine. Au contraire de toi, que des choses passionnantes ! Elle énuméra d’un ton monocorde. J’ai fait la lessive. J’ai nettoyé la chambre et les salles de bains de fond en comble. J’ai fait du rangement dans la buanderie. Ensuite, j’ai voulu faire des cookies en suivant la recette d’Izzie mais je les ai laissé trop longtemps dans le four, donc j’ai dû les jeter.

    Derek ne put s’empêcher de sourire. Ce n’est pas encore demain que tu deviendras une parfaite cuisinière, donc. Piquée au vif, Meredith préféra ne rien dire. Je vais prendre un bain, la prévint-il après quelques longues secondes de silence.

    Elle le regarda pleine d’espoir. Oh, je peux venir avec toi ?

    Il fut aussitôt sur ses gardes. Ecoute… je préfèrerais être seul. J’ai besoin de me relaxer un peu… faire le vide. Tu comprends ? Meredith haussa les épaules et, à nouveau, feignit de s’intéresser à son hebdomadaire. Derek souffla de soulagement. S’il avait été plus observateur, il aurait remarqué que Meredith tournait les pages tellement vite qu’il lui était impossible de lire. Il passa dans l’autre pièce et ouvrit le robinet. Pendant que l’eau coulait, il s’assit sur le rebord de la baignoire et prit sa figure entre les mains, en priant pour que l’angoisse qui serrait sa gorge et contractait son estomac, disparaisse ne fut-ce qu’une minute. Les minutes s’égrenèrent. Lorsqu’il se releva, il se vit dans le miroir. Il lui fallut quelques secondes avant de se reconnaitre dans cet homme fatigué et désespéré. Tu peux continuer à me parler, tu sais. Je t’entends, lança-t-il après un long silence. Qu’est-ce que tu lis d’intéressant ? 

    Des magazines qu’Izzie m’a apportés, lui répondit froidement Meredith. J’ai lu un article très intéressant sur différents produits antirides. Et il paraît que les tissus en lainage seront à la mode cet hiver. Ah oui ! J’allais oublier. Tu savais que le vernis aubergine est très tendance cette année ?

    Super ! cria Derek depuis la salle de bains.

    Etonnée, Meredith releva la tête avec la très nette impression qu’il n’avait pas du tout fait attention à ce qu’elle lui avait dit, parce que si cela avait été le cas, il se serait moqué de son tout nouvel intérêt pour la mode. Il y avait aussi une enquête édifiante, poursuivit-elle pour le tester. Comment les hommes jugent les femmes qui s’éclatent sexuellement ? C’est dingue, la plupart des hommes couchent à droite et à gauche et n’y trouvent rien à redire. Par contre, s’il s’agit de leurs femmes, alors là… elles sont considérées comme des salopes. Derek ne dit rien. Tu m’entends ? dit-elle un peu plus fort.

    Oui, oui, c’est vraiment génial.

    L’impression de Meredith se confirma mais la jeune femme voulut en avoir le cœur net. Cet après-midi, j’ai couché avec Alex. On a fait l’amour comme des bêtes sur le sol de la salle de bains. J’ai pris un de ces pieds !

    Tu as bien fait !

    Meredith fut contrariée et inquiète à la fois. Même aux pires moments de leur relation, Derek s’était toujours montré attentif à ses désirs, soucieux de son bien-être, prenant en compte ce qu’elle ressentait. Jamais elle n’avait eu à gérer une telle indifférence de sa part. Elle se leva et alla jusqu’à l’entrée de la salle de bains. Elle découvrit son compagnon, allongé dans la baignoire, la tête en arrière, les yeux fermés. Derek, tout va bien ?

    Il ouvrit les yeux et regarda dans sa direction, avec un petit sourire las. Oui, bien sûr. Pourquoi ça n’irait pas ? Il pointa le doigt vers sa serviette de bain. Tu peux me la passer, s’il te plaît ?

    Meredith lui tendit la serviette. Si tu avais un souci, tu me le dirais, n’est-ce pas ?

    Derek sortit de l’eau à la dernière minute et s’enroula dans le tissu éponge, à la hâte, comme s’il voulait masquer sa nudité aux yeux de son amie. Un souci ? Quel genre ?

    Un souci en général. Tout se passe bien à l’hôpital ?

    Il s’empara de sa brosse à dents et du tube de dentifrice. Oui, bien entendu.

    Meredith vint se coller à lui, dans son dos, et l’enlaça à la taille. Elle sentit qu’il se raidissait. Si tu avais des problèmes de santé, tu me le dirais ?

    Je vais très bien, Meredith, je t’assure.

    Tu sais, je peux tout entendre.

    Derek eut un petit rire embarrassé. Mais enfin, qu’est-ce que tu veux me faire dire ? Tout va très bien, ici comme au boulot. Tu vas très bien, donc je vais très bien aussi.

    Meredith vint se placer juste à côté de lui. C’est juste que… toi et moi… depuis l’accident…

    Il évita de croiser son regard dans le miroir. Tu viens de subir une opération très importante. Tu es affaiblie. C’est normal que tu sois à fleur de peau. Ça t’amène à voir des problèmes où il n’y en a pas. Tu as seulement besoin de repos…  beaucoup de repos… un repos complet. Fais-moi confiance, je sais ce que je fais.


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  • Lorsque la sonnerie stridente du réveil retentit dans le silence de la chambre, Meredith repoussa les couvertures et, après s’être étirée, elle se leva, un petit sourire sur les lèvres. Ce n’était pas qu’elle était heureuse d’entamer une nouvelle semaine de travail mais cette dernière impliquait qu’elle allait revoir Derek et cette perspective suffisait à la combler de bonheur. Elle était certaine que, comme il le lui avait quasiment promis, il n’attendrait pas le vendredi pour faire une apparition à la boutique.

    A Sausalito, Derek sortait de la douche. Il s’enveloppa dans une serviette avant de s’asseoir sur le rebord de la baignoire et de prendre son téléphone pour appeler Meredith. Hello, bébé, dit-il d’une voix suave quand la jeune fille prit la communication.

    Hello, répondit-elle avec un sourire qui allait d’une oreille à l’autre. Elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis qu’il l’avait quittée le samedi, pour rejoindre Mark, et elle n’avait pas osé l’appeler de peur d’enfreindre les règles qui régissaient leur relation. Aussi était-elle ravie de cet appel inattendu. Tu es déjà réveillé ? demanda-t-elle.

    En entendant sa voix, Derek réalisa qu’elle lui avait vraiment manqué. Ben, oui, qu’est-ce que tu crois ? répliqua-t-il sur un ton espiègle. Y a pas que toi qui bosse !

    Meredith se rassit sur son lit. Et tu m’appelles pour quelque chose de spécial ? Elle saisit son lion de mer et le prit sur ses genoux. Pourvu qu’il appelle pour qu’on se voie avant vendredi ! pensa-t-elle.

    Non, rien de spécial, déclara Derek. Pourquoi ? Je te dérange ? Tu n’es pas seule ? plaisanta-t-il avec la décontraction de ceux qui savent qu’ils ne risquent rien.  

    Pftt ! souffla Meredith, un peu déçue que sa prière n’ait pas été exaucée. T’es bête ! Avec qui veux-tu que je sois ?

    Je ne sais pas, moi. Derek se leva et se plaça devant le miroir. Avec un de tes nombreux amants. Il passa la main sur sa barbe de deux jours et sortit la bombe de mousse à raser qu’il déposa sur le bord du lavabo. Et tu aurais pu faire de nouvelles rencontres ce week-end. Qui sait ?  

    Pourquoi ? Tu en as fait, toi ? La question avait jailli tout naturellement, sans aucune arrière-pensée de la part de Meredith car elle avait une totale confiance en Derek. Elle espéra qu’il n’y verrait pas une mauvaise intention de sa part.

    L’intéressé se raidit légèrement. On ne pouvait pas parler de nouvelle rencontre au sens propre du terme, parce qu’il connaissait déjà vaguement la personne, mais toujours est-il qu’il avait couché avec une des serveuses du Back Flip. L’expérience – debout, contre un mur, dans la ruelle attenante à la discothèque – s’était révélée désastreuse, lui inspirant, comme à chaque fois ces derniers temps, un peu plus de dégoût pour lui-même. Au fond, quand il faisait le point sur sa vie sexuelle des douze derniers mois au moins, il n’y avait qu’avec Meredith qu’elle avait été satisfaisante. Et encore, le mot était mal choisi. C’était bien plus que satisfaisant ; c’était génial et ce qui était mieux encore, c’était l’impression que ça ne pouvait que s’améliorer. Alors, pourquoi avait-il ressenti le besoin de sauter cette serveuse qu’il ne trouvait même pas attirante au demeurant ? Pour être honnête, il n’en savait trop rien. L’occasion s’était présentée, il l’avait prise, par habitude sans doute, et peut-être aussi un peu pour mettre un terme aux commentaires sarcastiques de Mark sur son nouveau statut d’homme pratiquement marié. Non, aucune rencontre, certifia-t-il en priant pour que la gêne qu’il ressentait ne transparaisse pas dans sa voix, ou que du moins Meredith ne s’en rende pas compte. Il ne voulait pas la perdre. Contrairement à ce qu’il avait prétendu à Mark, il était parfaitement conscient qu’elle n’était pas du tout le genre de femme à accepter de le partager. Ce n’était pas un hasard s’il était volontairement resté évasif sur ce qu’impliquait réellement son concept de relation libre. Aucune rencontre à part des masses d'adolescentes boutonneuses toutes plus moches les unes que les autres, ajouta-t-il sur un ton plus léger, de peur que sa première réponse, trop brève et peut-être un peu sèche, n’alerte la jeune fille.

    Celle-ci pouffa de rire. T’es vache ! Mais tu t’es bien amusé quand même ?

    Ça allait, marmonna Derek en restant sur ses gardes. Tu sais, les soirées en discothèque, c’est toujours un peu la même chose.

    J’imagine, dit sobrement Meredith. Même si elle mourait d’envie d’en savoir plus, elle s’abstint de poser d’autres questions. Elle ne voulait pas courir le risque que Derek la rembarre en lui rappelant qu’il n’avait pas de compte à lui rendre.

    Il détestait jusqu’à l’idée de devoir lui mentir et en plus, il n’était pas doué pour ça. Aussi apprécia-t-il qu’elle ne pousse pas plus loin son interrogatoire. Il se détendit et se rassit sur le bord de la baignoire. Et toi, qu’est-ce que tu as fait ? s’enquit-il.

    Meredith ne put s’empêcher de sourire. N’était-ce pas lui qui avait affirmé qu’il ne posait jamais de question et qu’il détestait qu’on lui en pose ? Pourtant, il avait répondu aux siennes d’assez bonne grâce et maintenant, il l’interrogeait sur son week-end. Cela lui sembla de bon augure concernant un éventuel non-respect des autres règles. Oh pas grand-chose ! lui confia-t-elle. J’ai fait un peu de jogging mais j’ai senti que j’avais perdu l’habitude parce…

    Derek l’interrompit. J’ai envie de toi, susurra-t-il, la voix chargée de désir.

    Meredith rougit, en même temps qu’une vague de chaleur se répandait dans son corps. C’est vrai ? Elle aurait aimé être capable de dire quelque chose de plus original, de plus spirituel, de plus excitant aussi, mais elle manquait trop de confiance en elle et d’audace pour ça. 


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