• Callie souffla. Mais refuser de te donner au moins la chance de t’expliquer, je trouve ça… je trouve ça puéril. En la voyant s’avancer d’un pas chaloupé, avec son sourire charmeur et ses cheveux de deux couleurs qui faisaient penser à un zèbre, Mark se tassa dans son fauteuil en prévision de l’orage qui n’allait pas tarder à éclater.

    Effectivement, les yeux de Derek s’obscurcirent. Puéril ? Vraiment ? Callie acquiesça d’un énergique signe de tête. Tu ne sais vraiment pas de quoi tu parles, gronda le chirurgien. J’étais son premier amour. Elle m’aimait vraiment et elle me faisait totalement confiance et… et… – fou de rage, il se mit à bafouiller – et elle m’a tout, oui, tout donné et… et moi… moi, je l’ai tra… trahie, je l’ai… je l’ai blessée. Alors non, ce n’est pas puéril. Sa mâchoire se contracta sous l’effet de la fureur. C’est normal. Sa réaction est normale. Meredith a une réaction tout à fait normale, insista-t-il avec force. C’est toi qui racontes n’importe quoi.

    Oh tu sais, moi, ce que j’en disais, persifla Callie, vexée d’avoir une fois de plus été désavouée au profit de Meredith. Même absente, celle-ci arrivait encore à lui gâcher la vie.

    Ben, ferme-la alors ! ordonna Derek avec méchanceté. C'était injuste mais il ne pouvait s’empêcher de penser que, sans Callie, rien de tout cela ne se serait produit. Si elle ne l’avait pas incité à parler de Meredith, celle-ci n’aurait pas surpris leur conversation. Elle n’aurait jamais su qu’elle avait été trompée. Il aurait pu, comme il en avait le projet, lui parler de ses sentiments. Il serait devenu le petit ami parfait et ils couleraient des jours heureux.

    Mark jugea bon d'intervenir. Bon, on se calme, là. Il se tourna vers son ami. Que Meredith ait raison ou tort, il est clair qu’elle fait un blocage. Elle pique une crise à chaque fois qu’elle entend ton prénom, alors… Il eut mal au cœur en voyant Derek baisser la tête. Il détestait ce rôle de bourreau que la vie lui faisait endosser. Laisse-lui un peu de temps, Derek.

    Callie embraya aussitôt pour tenter de rentrer dans les bonnes grâces de celui qu’elle idolâtrait. Mais oui, bien sûr. Avec du temps, tout s’arrange. Elle va finir par comprendre qu'elle doit te laisser une seconde chance. Elle claqua ses mains l’une contre l’autre. Et en attendant, si on faisait un peu la fête ? proposa-t-elle sur un ton plein de gaieté. Un Derek triste était un Derek qui avait besoin d’être consolé. Et dans ce rôle-là, elle était la meilleure, elle le savait.

    La réponse de Derek fusa, telle un éclair. Sans moi.

    Oh allez, Derek, insista Callie. Un petit dîner chez moi, à la bonne franquette.

    Mark haussa les épaules. OK pour moi, mais pas ce soir, objecta-t-il avec une pensée pour l’infirmière qu’il comptait bien mettre dans son lit. Ah et pas de machin mexicain, s’il te plait. Pitié pour mon estomac, supplia-t-il en se tapotant le ventre avec une grimace. Callie le remercia d’un sourire. Du moment où il acceptait son invitation, Derek ne pourrait que suivre. Elle se tourna vers l’intéressé, dans l’attente de sa réponse favorable.

    J’ai dit sans moi, répéta Derek en détachant chaque mot.

    Allez, chouchou, implora Callie, inconsciente de la menace contenue dans la voix métallique de son ancien amant.

    Ce petit mot tendre dont elle l’affublait dans leurs moments d’intimité, son sourire qui se voulait irrésistible, ses regards langoureux, tout dans son attitude fit voir rouge à Derek. Il la regarda avec morgue. Et après le dîner ? Qu’est-ce que tu as prévu ? On s’envoie joyeusement en l’air tous les trois ? Comme au bon vieux temps ? Interloquée par son intonation vindicative, Callie recula de deux pas.

    Derek, dit Mark en guise d’avertissement. Il avait senti, dès que son ami était arrivé, que ce dernier était à bout de nerfs et qu'il risquait à tout moment d’exploser mais il était hors de question que cette pauvre Callie en fasse les frais.

    Derek n’en eut cure. Sa rancœur éclata. C’est ça, Callie, hein ? On bouffe et puis on baise. Il lui désigna Mark de la tête. L’un après l’autre. Il ouvrit de grands yeux comme s’il avait soudain une idée géniale. Oh et pourquoi pas les deux en même temps ? On ne l’a pas encore fait, ça.

    Arrête, prévint Mark en se levant.

    Derek joua l’étonné, au mépris du chagrin qu’il lisait dans les yeux de son amie. Mais pourquoi ? Elle est prête à tout, tu sais. Elle aime ça ! Hein Callie, un devant, un derrière, ça devrait être génial.

    Shepherd, ferme-la, menaça Mark, les dents serrées. Callie était libertine, certes, mais ils l'étaient aussi, tout autant qu'elle. Ils n’avaient donc aucune leçon à lui donner. De plus, durant des années, ils avaient apprécié qu’elle se montre toujours disponible pour assouvir leurs désirs. Elle aussi, à sa manière, leur avait tout donné, sans jamais rien exiger pour elle-même. A ce titre, elle ne méritait pas le traitement que Derek était en train de lui infliger.

    Cruel, celui-ci continua pourtant de s’en prendre à sa consœur qui restait muette de stupeur devant un tel déferlement de haine. Qu’est-ce que tu crois ? Que tu vas réussir à me faire oublier Meredith ? Il secoua la tête avec une expression de dégoût sur le visage. Alors, c’est que tu ne me connais vraiment pas. Toi et moi, c’est fini. Il n’y aura plus jamais rien. Je préférerais crever que de coucher encore avec toi.


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  • Callie encaissa mal le coup. Tout ce qu’elle avait toujours redouté venait de se produire. Par ses paroles, Derek venait de mettre fin à une relation à laquelle elle se raccrochait encore, envers et contre tout. Elle sentit les sanglots lui monter à la gorge. Un dernier sursaut de fierté la fit réagir. Mark essaya de la retenir alors qu’elle passait devant lui. Elle se dégagea d’un coup sec et partit en courant, pas assez rapidement cependant pour ne pas entendre les derniers mots que Derek lui criait. Tu n’es pas Meredith, tu ne seras jamais elle et ce ne sont pas quelques mèches blondes qui y changeront quelque chose.

    Mark toisa son camarade avec sévérité. Tu es fier de toi ? s’enquit-il froidement. Derek lui répondit par un regard mauvais qui n’impressionna guère celui auquel il s’adressait. Un jour, il faudra que tu m’expliques pourquoi, quand tu es malheureux, tu ressens toujours le besoin de faire du mal aux personnes qui t’aiment. Comme il n’obtenait pas de réaction, Mark insista. Parce qu’elle t’aime. Tu t’en es rendu compte, j’imagine ?  

    C’est justement ce que je lui reproche, vociféra Derek. Je l’avais prévenue. Elle ne devait pas tomber amoureuse de moi.

    Mark le couvrit d’un regard railleur. Ah vraiment ? Si je me souviens bien, tu avais dit la même chose à Meredith. Et toi aussi, tu ne devais pas tomber amoureux. On voit ce que ça a donné. Confondu, Derek haussa légèrement les épaules. Les sentiments, ça ne se commande pas, continua Mark. Callie n’a pas choisi de tomber amoureuse de toi, crois-moi ! Si elle avait pu éviter… Il en parlait d’autant plus facilement qu’il était dans le même cas que leur amie et qu’il savait très bien, pour l’éprouver lui-même, ce qu’elle ressentait. Tu devrais la comprendre mieux que personne, asséna-t-il en guise de conclusion.

    Peut-être mais là, je n’ai pas le temps de me préoccuper de ce qu’elle ressent. Derek prit une profonde inspiration. Toute mon énergie, je la garde pour Meredith, pour le jour où je pourrai la revoir, où elle me laissera lui parler, lui expliquer. En attendant… Il fit un geste vague de la main. En attendant, tout ce qui n’était pas Meredith lui était totalement indifférent. Désespéré, il se laissa tomber sur une chaise.

    Mark observa son ami quelques secondes. On était bien loin du bonhomme arrogant et sûr de lui que tout le monde redoutait. Ce n’était plus qu’un être dérouté et fragile. Comment aurait-il pu résister à tant de détresse ? Je vais lui parler, je te le promets. Mais en attendant, évite de t’en prendre à toute la planète.

    Derek se redressa instantanément. Non, je n'attendrai pas. Il faut que tu lui parles maintenant.

    Quoi ? Maintenant tout de suite ? s’inquiéta Mark qui regrettait déjà sa bonne intention.

    Je t’en prie, Mark, supplia Derek. Appelle-la. Et mets le haut-parleur. Comme ça, j’entendrai ce qu’elle te dit. Mark le regarda avec inquiétude. Elle n’en saura rien, assura Derek, galvanisé par la perspective d’avoir enfin des nouvelles de la voix même de Meredith. Je ne dirai rien, je ne ferai pas un geste. Allez, mec… J’ai envie… Il se reprit précipitamment. J’ai besoin d’entendre sa voix. Il faut… il faut que je l’entende.

    T’es malade, mon vieux, souffla Mark. Si jamais elle s’en rend compte, on est mort. Pour toute réponse, Derek tendit le téléphone à son ami avec des yeux suppliants de cocker. Mark le fusilla du regard. Néanmoins, il prit l’appareil et composa le numéro de l’Hacienda. Ce fut Frances qui lui répondit. A partir de maintenant, plus un mot, plus un mouvement, ordonna-t-il à Derek, tandis que la dame de compagnie allait chercher Meredith.

    Ce fut Derek qui appuya sur le bouton du haut-parleur, juste à temps pour entendre la voix fine de la jeune fille saluer leur ami commun. Coucou Mark. Frémissant d’émotion, il ferma les yeux.

    Hé, Mer, claironna Mark, mal à l’aise. Il avait l’impression d’abuser de la confiance de son amie. Comment ça va, ma belle ? 

    Ça va, répondit Meredith, avec une voix dénotant l’impatience. J’attendais ton coup de fil. J’ai tellement de trucs à te raconter. Du moins si tu as un peu de temps pour moi.

    En l’entendant, Derek ne put s’empêcher de penser à une petite fille. Il rouvrit les yeux et échangea un sourire attendri avec Mark. J'ai tout mon temps, dit ce dernier. Vas-y, je t’écoute.

    Eh bien, pour commencer, j'ai retrouvé Murphy, annonça Meredith. Il va super bien. Tu le verrais, ce n'est plus le même. Il a déjà repris du poids et son poil est plus brillant, il est magnifique maintenant. Et normalement, Momsy ne veut pas que les chiens rentrent dans la maison mais pour moi, elle a fait une exception. Alors, Murphy a dormi dans ma chambre cette nuit. Et là, il est à mes pieds.

    Ah mais c'est super tout ça ! se réjouit Mark en lançant un regard amusé à Derek qui, lui-même, arborait un sourire béat.

    Et puis, Momsy a dit que je pourrais passer mon permis de conduire ici, déclara encore Meredith. Je vais rouler un peu dans la propriété avec Jackson, histoire de me remettre dans le bain, et après, je passerai l’examen.

    Génial ! s’enthousiasma Mark. Tu vas me réussir ça les deux doigts dans le nez.

    J’espère. Et cet après-midi, je vais faire une promenade à cheval avec Taylor, poursuivit la jeune fille. Sa voix était claire et vive, pleine d’entrain. Derek se sentit partagé entre le soulagement et l’angoisse. Et si ce qu’elle lui avait dit était vrai ? Peut-être l’avait-elle déjà rayé de sa mémoire, comme s’il n’avait jamais existé. L’idée qu’elle avait déjà surmonté leur rupture le ravagea.


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  • Inconsciemment, Mark se redressa sur sa chaise. Ah Taylor ! 

    Ouais, Taylor, répéta Meredith avec un petit rire. Tu lui as vraiment tapé dans l’œil, tu sais.

    Arrête de déconner, grommela Mark. Elle a quel âge ? Seize, dix-sept ans ?

    Oui, elle vient d'avoir dix-sept, confirma Meredith. Mark soupira. Sa grand-mère ne lui avait pas menti, la gamine était encore mineure. Elle n’arrête pas de me poser des questions sur toi, continua Meredith. Quel est ton genre de femme, si tu as quelqu'un dans ta vie pour le moment, si tu es un bon coup… Tu penses que je devrais lui parler du truc des préliminaires ? lui demanda-t-elle en feignant d'être dans l’incertitude.

    Je pense que tu ferais mieux de la fermer, répliqua Mark sur un ton bourru.  

    Hilare, Meredith se tortilla sur son fauteuil. Allez, avoue qu’elle t’intéresse.

    Ben, il faut bien dire qu’elle est canon. A l’intention de Derek, Mark dessina avec ses deux mains le contour d’une silhouette aux courbes avantageuses. Il ne réussit pourtant qu’à arracher un maigre sourire à son camarade.

    Meredith eut un petit rire. Elle avait raison.

    Mark plissa le front. Raison sur quoi ?

    Elle m’a dit qu’elle savait qu’elle t’intéressait, lui confia Meredith. Elle a remarqué la façon dont tu l’avais regardée pendant le dîner.

    Ouais, mais elle n’est pas la seule, bougonna Mark. Ma grand-mère aussi l’a remarqué. Alors, j’ai intérêt à me tenir à carreau. Et puis, de toute façon, dix-sept ans… Ah putain, je suis écœuré ! s’exclama-t-il soudain en réalisant qu’il avait l’âge d’être le père de cette jeune beauté à qui il semblait avoir fait forte impression. C’était réciproque mais cela allait en rester là malheureusement. Décidément, il avait la poisse ces derniers temps. Il fut tiré de ses pensées par le rire frais de Meredith et vit Derek qui frissonnait, ramassé sur lui-même. Il comprit que ce rire lui faisait ressentir plus cruellement encore le manque de la jeune fille. Mark prit une profonde inspiration et se lança. Mer, faut que j’te parle d’un truc. C’est à propos de Derek.

    Meredith se raidit. Tu ne lui as pas dit où j’étais, j’espère ! Derek nota immédiatement que d’amical, le ton était devenu agressif.

    Si Mark avait eu l’intention de dire la vérité, il aurait compris à la voix de Meredith que ça aurait été une erreur. Non. Mais je lui ai dit que j’avais eu de tes nouvelles et que je savais où tu étais.

    Mark, geignit Meredith. Tu m’avais promis 

    Il était fou d’inquiétude, Mer, se justifia Mark. Je ne pouvais pas le laisser comme ça. Elle lui répondit par un ricanement. Il s’en veut terriblement, argumenta-t-il encore une fois.

    Et alors ? C’est la moindre des choses, non ? riposta Meredith. De toute façon, ce qu’il pense ne m’intéresse pas ! Atterré, Derek baissa les yeux. La discussion commençait vraiment très mal.

    Cependant, Mark ne s’en laissa pas conter. Il ne va vraiment pas bien du tout, tu sais.

    Meredith prit un ton cassant. Mark, je ne veux pas parler de ça. J’en ai fini avec lui. Je pensais que tu l’avais compris.

    J’ai compris mais… c’est mon ami, Mer, et ça me fait mal de le voir comme ça. Tout en parlant, Mark observa Derek tassé sur lui-même. Il est vraiment malheureux. Il ne mange plus, il a une mine de déterré. Et encore, ça, c’est rien comparé au reste.

    Bien qu’elle s’en défende, Meredith était curieuse de savoir comment Derek vivait leur séparation. Seul son orgueil l’empêchait de le demander franchement à Mark. Elle se mordilla les lèvres pendant quelques secondes avant de céder à son envie. Et c’est quoi, le reste ? Derek se redressa aussitôt. Il avait craint qu’elle coupe court à la conversation, voire qu’elle raccroche au nez de Mark, et la voilà qui demandait des précisions. C’était donc que tout n’était pas perdu. Il regarda son ami avec espoir. C’était lui qui, maintenant, avait son destin entre les mains.

    La médecine, Mer ! s’écria Mark comme si cela tombait sous le sens. Il a fait deux jours sans aller au bloc parce qu'il était incapable d'opérer. Il avait les mains qui tremblent et tout ça. Là, il a repris mais c’est mécanique, sans âme. Il est au bloc mais son esprit est ailleurs. Les interventions, les patients, il se fout royalement de tout. Il ne pense qu’à toi, tout le temps, dit-il avec force. D’ici à ce qu’il fasse une connerie…

    Même si cela faisait plaisir à entendre, il en aurait fallu bien plus pour amadouer la jeune fille. Dommage qu’il n’ait pas pensé à moi quand il était en train de sauter cette Madelina ! persifla-t-elle. Le fait qu’elle se souvienne encore de ce prénom, alors que lui-même l’avait oublié à l’instant précis où il avait refermé la porte de la chambre d’hôtel, prouva à Derek, si besoin en était encore, à quel point elle avait été blessée. Cela lui confirma également que la tâche de Mark allait être plus qu’ardue. 

    Mer, une connerie ! souffla ce dernier, déjà épuisé par la bataille qu’il était en train de mener contre ses propres intérêts. Vanter les mérites d’un autre à la femme qu’on aimait n’était décidément pas de tout repos.


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  • Butée, Meredith secoua la tête. Pas une, Mark ! Plusieurs ! C’est lui qui me l’a dit. Tu as la mémoire courte.

    Mark fit la moue. Une, dix ou vingt, quelle importance ? Derek lui jeta un regard épouvanté. Son palmarès était déjà suffisamment important aux yeux de Meredith pour ne pas encore l’étoffer. Avec ses doigts, il indiqua le chiffre trois sans être tout à fait certain que c'était correct. Mark haussa les épaules. Ce qui compte, c’est qu’il t’aime comme un fou.

    On n’a pas la même vision de l’amour, lui et moi, déplora Meredith. Pour elle, l’amour, le vrai, était un sentiment avec lequel on ne pouvait pas négocier, auquel on s’abandonnait tout entier, sans réserve, et surtout sans partage. L’amour embrasait les cœurs et les âmes. Il rendait heureux, il aidait à s’épanouir. Il faisait naître la confiance, en l’autre bien sûr, mais aussi en soi-même. Il donnait des ailes et ouvrait l’horizon. Il transcendait chaque seconde de l’existence. Et surtout, l'amour n’était que simplicité. A partir du moment où on aimait quelqu’un, les choses devenaient simples. Lorsqu’elles devenaient compliquées, à partir du moment où on commençait à y réfléchir, où on éprouvait de la peur, c’est que l’amour n’était pas vrai.

    Peut-être, mais ça marchait plutôt pas mal entre vous, pourtant, avant, lui fit remarquer Mark

    Avant que je n’apprenne qu’il n’avait pas cessé de me tromper durant tout le temps qu’on était ensemble ! lâcha-t-elle avec froideur.

    Agacé par cette exagération, Derek souffla bruyamment. La tromper tout le temps ! Trois fois, eut-il envie de hurler. Et encore, dans son esprit, seule la dernière comptait réellement.

    Mark lui fit signe de se calmer. Il a eu peur, Mer. Il n’eut pas le temps d’en dire plus.

    La voix de Meredith s’éleva dans la pièce via le haut-parleur. Oh vous m’énervez tous les deux, à toujours répéter la même chose. Il a eu peur ? Les deux hommes entendirent le bruit de ses ongles qui martelaient une surface, sans doute une table. Peur de quoi, j’aimerais bien le savoir !

    Vous devriez en parler, je crois, lui conseilla Mark, bien décidé à ne pas lâcher le morceau. Il était évident que la diplomatie n’était pas son fort. Plus vite ces deux-là se retrouveraient pour évoquer leurs problèmes, plus vite il pourrait mettre fin à cette mission d’ambassadeur qui lui pesait énormément. Laisse-lui une chance de s’expliquer, Mer.

    Non ! s’écria-t-elle. Sans qu’elle s’en rende compte, elle éleva encore le ton. Je ne veux pas d’explication. Je ne veux plus le voir, je ne veux plus l’entendre. S’il a besoin d’une oreille indulgente, qu’il s’adresse à sa chère Callie. Enervée, elle se mit à pleurer. D’après ce que j’ai pu voir, c’est sa confidente attitrée. Elle saura très bien comment le réconforter. D’ailleurs, il devrait penser à se la faire, elle aussi. Comme ça, sa collection sera complète. Et puis… et puis… qu’il aille se faire foutre ! hurla-t-elle avant de raccrocher brutalement.

    Eh bien voilà ! Enfin, maintenant, on est au moins sûr qu’elle n’est pas au courant pour Callie et toi, conclut Mark, philosophe, en reposant le téléphone sur son socle. Ce qui était certain également, c’est que sa prochaine conversation avec Meredith serait houleuse. Il devrait se montrer plus que persuasif pour la convaincre que soutenir Derek n’était en rien une trahison.

    Figé, celui-ci ne répondit pas directement, totalement sidéré par la réaction de Meredith, tellement violente, autant que le premier jour, quand ils s’étaient disputés dans la cage d’escalier de la clinique. Il avait espéré qu’avec le temps, même s’il ne s’agissait que de quelques jours, elle se serait un peu calmée, mais il n’en était rien, il avait pu le vérifier à l’instant. C’est mort ! ânonna-t-il.

    Ce sera mort quand j’aurai dit que c’est mort, répliqua Mark. Et là, c’est encore un peu tôt pour ça. Il remarqua l’air désabusé de son ami. C’est quand même pas une gamine de vingt-et-un ans qui va nous abattre, merde !

    Parle pas d’elle comme ça, gronda Derek. C’est pas une gamine. C’est une femme merveilleuse et je… je l’aime. Putain ! Comment je vais faire sans elle ? murmura-t-il, totalement désemparé.

    Mark n’était pas habitué à voir son ami baisser les bras aussi facilement. Il le regarda avec une certaine irritation. Ouais ben, attends un peu avant de te lamenter ! Pense positif, bordel ! Et si tu l’aimes, dis-le-lui au lieu de me le dire à moi.

    Mais comment, bon sang ? s’emporta Derek. Elle refuse de me voir, de me parler, tu l’as entendu toi-même. De toute façon, tu m’as interdit d’aller à Santa Rosa. Il se leva et recommença à tourner en rond dans la petite salle. Et ça ne sert à rien que je lui laisse encore des messages parce que son téléphone est tout le temps éteint, je te l’ai déjà dit. D’un coup de pied, il envoya valser un tabouret qui était dans son chemin. Alors comment, Mark ?

    Celui-ci réfléchit quelques secondes. Tu veux lui laisser des messages ? Très bien, vas-y. Laisse-lui autant de messages que tu veux.

    Mais à quoi ça sert si elle ne les écoute pas ? se plaignit Derek.

    L’air féroce, Mark tapa du poing sur la table. Elle les écoutera. Je m’en occupe, foi de Mark Sloan.


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  • Meredith essuya d’un geste rageur les larmes qui inondaient son visage. Cela lui avait pris quatre longues journées pour arriver à une certaine sérénité. C’était vraiment à contrecœur qu’elle avait plié devant l’autorité de Momsy et qu’elle avait accepté de sortir de sa chambre. Au début, cela n’avait pas été facile pour elle de s’impliquer dans la vie de la maison. Elle avait dû faire de gros efforts, même si les personnes qu’elle avait rencontrées étaient dans l’ensemble assez sympathiques. Elle avait surtout apprécié leur discrétion. Aucune question ne lui avait été posée. Une délicatesse imposée sans doute par la maîtresse de maison. Petit à petit, Meredith était sortie de sa réserve. Elle avait commencé à prendre part aux conversations et avait même ri à certaines plaisanteries. Pour soulager Frances, elle l’avait aidée dans quelques menues tâches, comme préparer le dîner ou pendre le linge. Elle avait accompagné Taylor à Santa Rosa pour faire un peu de shopping et en avait profité pour s’acheter quelques vêtements. C’est au cours de ce moment entre filles que Taylor l’avait assaillie de questions sur Mark. De retour à l’Hacienda, Meredith avait regardé "Les Feux de l’Amour" avec Momsy avant de commenter les derniers potins contenus dans les magazines people que lisait Taylor. Finalement, elle s’était prise au jeu et avait fini par croire qu’elle allait bien, que, tout compte fait, sa rupture avec Derek ne l’avait pas atteinte autant qu’elle l’avait cru. Elle en était même arrivée à faire des projets comme de passer le permis ou de réviser pour le SAT. Dix minutes de conversation avec Mark venaient de réduire tout cela à néant. La jeune fille réalisait que rien n’était réglé. Même si elle en voulait toujours énormément à Derek et qu’elle n’était absolument pas prête à lui pardonner, il lui manquait affreusement. Elle souffrait toujours autant de sa trahison. En définitive, elle n’avait réussi qu’à donner le change. Fait chier ! éructa-t-elle en visant autant Derek que Mark. Son humeur était si belle avant ce maudit coup de téléphone. Pourtant, elle n’en voulait pas vraiment à Mark. Il était l’ami de Derek depuis toujours. Les liens qui les unissaient étaient profonds, elle en était consciente. C’était normal qu’il tente de plaider sa cause. En revanche, les états d’âme de son ancien amant l’agaçaient au plus haut point. Elle avait eu droit à ses doutes, à ses peurs, et maintenant à ses regrets. J’vais t’en foutre des regrets, moi ! grogna-t-elle. Tu crois que je n’ai pas douté, moi, peut-être ? Que je n’ai pas eu peur ? Je ne me suis pas jetée sur le premier venu pour autant. Enfoncée dans son fauteuil, la lippe boudeuse, elle continua de faire la leçon à l’absent. J’aurais dû, tiens ! Ça t’aurait fait les pieds, Monsieur le séducteur ! Don Juan de pacotille ! Enervée, elle eut tout à coup l’impression d’étouffer et éprouva un besoin pressant de se retrouver à l’air frais. Elle sortit rapidement de la maison, avec Murphy qui trottinait derrière elle. Elle s’arrêta un instant sur la terrasse, regardant autour d’elle pour décider de la direction dans laquelle elle allait partir, avant de dévaler les quelques marches et de marcher avec détermination vers l’écurie. Les chevaux ! Eux seuls pourraient l’apaiser. Peut-être qu’en leur présence, elle cesserait de penser à ce que Mark lui avait dit, et qui l’avait atteinte plus qu’elle ne l’aurait imaginé : rongé par le remords, hanté par la peur de l’avoir perdue à jamais, Derek avait perdu toute envie, même celle d’opérer. Bien fait pour toi ! ronchonna-t-elle, les dents serrées.

    Il régnait une douce chaleur dans l’écurie, qui embaumait le foin et le crottin. Quand Meredith y pénétra, les chevaux hennirent doucement, hochant leur tête de haut en bas, comme s’ils voulaient lui souhaiter la bienvenue. La jeune fille avança doucement dans l’allée, saluant chaque pensionnaire par le nom qui était indiqué sur la plaque, au-dessus de sa stalle. Bonjour Abakan. Salut Bluebelle. Hello Mercury. Ça va, Shutterfly ? Elle continua d’avancer jusqu’à arriver au fond, devant la dernière stalle dans laquelle, tête droite, immobile, Spitfire, le cheval que Taylor lui avait désigné par la fenêtre, le lendemain de son arrivée, la regardait approcher. C’était un pur-sang arabe d’environ cinq ans, avec une robe d’un bai fort soutenu, tellement que, parfois, sous une certaine lumière, elle paraissait noire. Une grande tache blanche s’étalait sur sa tête, naissant entre les yeux pour mourir juste au-dessus des naseaux. Taylor n’avait pas exagéré, il était vraiment splendide. Meredith s’arrêta devant lui et ils se regardèrent, comme deux personnes qui se jaugent. Bonjour, Spitfire. Moi, c’est Meredith. Elle tendit doucement le bras pour caresser sa tête, mais l’animal se déroba aussitôt, les naseaux retroussés. Oh je vois, murmura-t-elle en retirant son bras. Tu ne m’aimes pas beaucoup, toi.

    Ce n’est pas qu’il ne t’aime pas, dit une voix masculine qui fit sursauter la jeune fille. Mais il ne te connait pas. Alors, il se méfie.

    Meredith se retourna et découvrit un métis qui était adossé nonchalamment contre un mur. Un petit sourire sur les lèvres, il la fixait de ses magnifiques yeux verts que la pénombre qui régnait dans l’écurie faisait ressortir. Vu son âge – il devait approcher de la trentaine – Meredith sut avec une quasi-certitude qu’il s’agissait de Jackson, ce garçon dont lui avait parlé Taylor. Bonjour, dit-elle en avançant vers lui, la main tendue. Je m’appelle Meredith.

    Je sais, répondit-il en avançant à son tour. Je t’ai entendue quand tu te présentais à Spitfire. Et puis, Taylor m’a parlé de toi. Il lui serra franchement la main. Jackson, Jackson Avery.

    Je suis au courant. On a la même source d’information. Ils se sourirent, pressentant tous les deux, d’emblée, qu’ils allaient bien s’entendre.

    Jackson s’approcha de Spitfire qui avançait la tête vers lui, en montrant ses dents. Tout doux, Spit. C’est une amie. Elle ne te veut aucun mal. Il caressa la tête de l’animal. C’est un grand timide, expliqua-t-il à la jeune fille. Surtout avec les filles. Il n’a pas l’habitude. Meredith rit doucement. Donc, tu aimes les chevaux, déduisit Jackson.

    Je les adore, depuis que je suis toute petite. Mon oncle a quelques chevaux, lui révéla Meredith. Ma préférée, c’est une jument, elle s’appelle Arabesque. Oh bien sûr, elle ne lui ressemble pas, ajouta-t-elle en regardant Spitfire. Déjà, ce n’est pas un pur-sang et en plus, elle est vieille maintenant mais c’est un bon cheval et je l’aime. Elle s’interrompit soudain. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus pensé à Arabesque. Au tout début de son séjour à San Francisco, elle téléphonait régulièrement à sa mère et elle en profitait pour demander des nouvelles de la jument, mais très vite, Derek était entré dans sa vie et, petit à petit, le cheval avait disparu des conversations qui s’étaient raréfiées elles aussi, d’ailleurs. Sa mère, sa famille, Arabesque, tout son petit monde de Crestwood, elle les avait relégués à l’arrière-plan. Le réaliser la navra. Voilà ce qu’elle était devenue pour l’amour de Derek : une fille insensible et ingrate.


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