• CHAPITRE 906

    Meredith essuya d’un geste rageur les larmes qui inondaient son visage. Cela lui avait pris quatre longues journées pour arriver à une certaine sérénité. C’était vraiment à contrecœur qu’elle avait plié devant l’autorité de Momsy et qu’elle avait accepté de sortir de sa chambre. Au début, cela n’avait pas été facile pour elle de s’impliquer dans la vie de la maison. Elle avait dû faire de gros efforts, même si les personnes qu’elle avait rencontrées étaient dans l’ensemble assez sympathiques. Elle avait surtout apprécié leur discrétion. Aucune question ne lui avait été posée. Une délicatesse imposée sans doute par la maîtresse de maison. Petit à petit, Meredith était sortie de sa réserve. Elle avait commencé à prendre part aux conversations et avait même ri à certaines plaisanteries. Pour soulager Frances, elle l’avait aidée dans quelques menues tâches, comme préparer le dîner ou pendre le linge. Elle avait accompagné Taylor à Santa Rosa pour faire un peu de shopping et en avait profité pour s’acheter quelques vêtements. C’est au cours de ce moment entre filles que Taylor l’avait assaillie de questions sur Mark. De retour à l’Hacienda, Meredith avait regardé "Les Feux de l’Amour" avec Momsy avant de commenter les derniers potins contenus dans les magazines people que lisait Taylor. Finalement, elle s’était prise au jeu et avait fini par croire qu’elle allait bien, que, tout compte fait, sa rupture avec Derek ne l’avait pas atteinte autant qu’elle l’avait cru. Elle en était même arrivée à faire des projets comme de passer le permis ou de réviser pour le SAT. Dix minutes de conversation avec Mark venaient de réduire tout cela à néant. La jeune fille réalisait que rien n’était réglé. Même si elle en voulait toujours énormément à Derek et qu’elle n’était absolument pas prête à lui pardonner, il lui manquait affreusement. Elle souffrait toujours autant de sa trahison. En définitive, elle n’avait réussi qu’à donner le change. Fait chier ! éructa-t-elle en visant autant Derek que Mark. Son humeur était si belle avant ce maudit coup de téléphone. Pourtant, elle n’en voulait pas vraiment à Mark. Il était l’ami de Derek depuis toujours. Les liens qui les unissaient étaient profonds, elle en était consciente. C’était normal qu’il tente de plaider sa cause. En revanche, les états d’âme de son ancien amant l’agaçaient au plus haut point. Elle avait eu droit à ses doutes, à ses peurs, et maintenant à ses regrets. J’vais t’en foutre des regrets, moi ! grogna-t-elle. Tu crois que je n’ai pas douté, moi, peut-être ? Que je n’ai pas eu peur ? Je ne me suis pas jetée sur le premier venu pour autant. Enfoncée dans son fauteuil, la lippe boudeuse, elle continua de faire la leçon à l’absent. J’aurais dû, tiens ! Ça t’aurait fait les pieds, Monsieur le séducteur ! Don Juan de pacotille ! Enervée, elle eut tout à coup l’impression d’étouffer et éprouva un besoin pressant de se retrouver à l’air frais. Elle sortit rapidement de la maison, avec Murphy qui trottinait derrière elle. Elle s’arrêta un instant sur la terrasse, regardant autour d’elle pour décider de la direction dans laquelle elle allait partir, avant de dévaler les quelques marches et de marcher avec détermination vers l’écurie. Les chevaux ! Eux seuls pourraient l’apaiser. Peut-être qu’en leur présence, elle cesserait de penser à ce que Mark lui avait dit, et qui l’avait atteinte plus qu’elle ne l’aurait imaginé : rongé par le remords, hanté par la peur de l’avoir perdue à jamais, Derek avait perdu toute envie, même celle d’opérer. Bien fait pour toi ! ronchonna-t-elle, les dents serrées.

    Il régnait une douce chaleur dans l’écurie, qui embaumait le foin et le crottin. Quand Meredith y pénétra, les chevaux hennirent doucement, hochant leur tête de haut en bas, comme s’ils voulaient lui souhaiter la bienvenue. La jeune fille avança doucement dans l’allée, saluant chaque pensionnaire par le nom qui était indiqué sur la plaque, au-dessus de sa stalle. Bonjour Abakan. Salut Bluebelle. Hello Mercury. Ça va, Shutterfly ? Elle continua d’avancer jusqu’à arriver au fond, devant la dernière stalle dans laquelle, tête droite, immobile, Spitfire, le cheval que Taylor lui avait désigné par la fenêtre, le lendemain de son arrivée, la regardait approcher. C’était un pur-sang arabe d’environ cinq ans, avec une robe d’un bai fort soutenu, tellement que, parfois, sous une certaine lumière, elle paraissait noire. Une grande tache blanche s’étalait sur sa tête, naissant entre les yeux pour mourir juste au-dessus des naseaux. Taylor n’avait pas exagéré, il était vraiment splendide. Meredith s’arrêta devant lui et ils se regardèrent, comme deux personnes qui se jaugent. Bonjour, Spitfire. Moi, c’est Meredith. Elle tendit doucement le bras pour caresser sa tête, mais l’animal se déroba aussitôt, les naseaux retroussés. Oh je vois, murmura-t-elle en retirant son bras. Tu ne m’aimes pas beaucoup, toi.

    Ce n’est pas qu’il ne t’aime pas, dit une voix masculine qui fit sursauter la jeune fille. Mais il ne te connait pas. Alors, il se méfie.

    Meredith se retourna et découvrit un métis qui était adossé nonchalamment contre un mur. Un petit sourire sur les lèvres, il la fixait de ses magnifiques yeux verts que la pénombre qui régnait dans l’écurie faisait ressortir. Vu son âge – il devait approcher de la trentaine – Meredith sut avec une quasi-certitude qu’il s’agissait de Jackson, ce garçon dont lui avait parlé Taylor. Bonjour, dit-elle en avançant vers lui, la main tendue. Je m’appelle Meredith.

    Je sais, répondit-il en avançant à son tour. Je t’ai entendue quand tu te présentais à Spitfire. Et puis, Taylor m’a parlé de toi. Il lui serra franchement la main. Jackson, Jackson Avery.

    Je suis au courant. On a la même source d’information. Ils se sourirent, pressentant tous les deux, d’emblée, qu’ils allaient bien s’entendre.

    Jackson s’approcha de Spitfire qui avançait la tête vers lui, en montrant ses dents. Tout doux, Spit. C’est une amie. Elle ne te veut aucun mal. Il caressa la tête de l’animal. C’est un grand timide, expliqua-t-il à la jeune fille. Surtout avec les filles. Il n’a pas l’habitude. Meredith rit doucement. Donc, tu aimes les chevaux, déduisit Jackson.

    Je les adore, depuis que je suis toute petite. Mon oncle a quelques chevaux, lui révéla Meredith. Ma préférée, c’est une jument, elle s’appelle Arabesque. Oh bien sûr, elle ne lui ressemble pas, ajouta-t-elle en regardant Spitfire. Déjà, ce n’est pas un pur-sang et en plus, elle est vieille maintenant mais c’est un bon cheval et je l’aime. Elle s’interrompit soudain. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus pensé à Arabesque. Au tout début de son séjour à San Francisco, elle téléphonait régulièrement à sa mère et elle en profitait pour demander des nouvelles de la jument, mais très vite, Derek était entré dans sa vie et, petit à petit, le cheval avait disparu des conversations qui s’étaient raréfiées elles aussi, d’ailleurs. Sa mère, sa famille, Arabesque, tout son petit monde de Crestwood, elle les avait relégués à l’arrière-plan. Le réaliser la navra. Voilà ce qu’elle était devenue pour l’amour de Derek : une fille insensible et ingrate.


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mercredi 10 Avril 2019 à 13:45

    Meredith voit vraiment tout en noir maintenant. C'est vrai qu'elle s'est laissée déborder par ses sentiments pour Derek et par ce qu'elle vivait avec lui mais ca ne fait pas d'elle une fille insensible et ingrate. C'est simplement une jeune fille qui vit sa vie.

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