• Toute la journée, Derek avait reculé le moment de se rendre à la boutique pour y affronter Meredith. Il avait usé de tous les prétextes pour différer l’épreuve mais maintenant, il les avait tous épuisés. L’échéance était là ! C’est donc avec des pieds de plomb qu’il partit vers Sweet Dream.

    Le dernier client venait de partir et Izzie était déjà rentrée pour essayer une nouvelle recette de tourte. Cristina, le nez dans la caisse, comptait avec application la recette de la journée et notait toutes les opérations dans un grand livre. Derrière le comptoir, George passait la serpillière avec une mollesse affligeante. Quant à Meredith, elle était occupée à dresser les tables pour le lendemain. Lorsque Derek passa le seuil, elle releva vivement la tête. Il eut la désagréable impression qu’elle avait eu le même réflexe à chaque fois qu’une personne était entrée dans la boutique, comme si elle avait passé la journée à l’attendre. C’est à ce moment-là qu’il se souvint que la veille, il lui avait promis de revenir la voir. Il se sentit encore un peu plus mal. Si seulement elle pouvait me détester pour ça, pensa-t-il. Son espoir fut aussitôt détrompé quand il la vit lui sourire chaleureusement. Salut, marmonna-t-il, mal à l’aise. Je peux vous parler ?

    Maintenant ? Meredith fit une petite grimace. Tout de suite, ça ne va pas être possible. Je dois encore préparer les tables pour demain matin, expliqua-t-elle, en lui désignant la salle. Et après, je dois ranger la vaisselle.

    Derek regarda sa montre. Il lui tardait d’en avoir fini, de pouvoir quitter cet endroit pour ne plus croiser ces deux yeux innocents qui le regardaient avec adoration. Allez hop, vas-y franchement, s’encouragea-t-il mentalement. Tranche dans le vif ! Il releva la tête vers la jeune fille en tentant d’ignorer le regard inquisiteur des deux autres. J’ai un problème… Vendredi… le gala… ça ne va pas être possible.

    Oh ! fit simplement Meredith en essayant de cacher sa déception. Depuis qu’elle avait accepté l’invitation du chirurgien, elle n’avait plus cessé d’y penser et elle se faisait une joie de l’accompagner à cette soirée. Et voilà maintenant que son rêve tombait à l’eau ! Pour se donner une contenance, elle tira sur un coin de la nappe pour la tendre. 

    Derek s’était préparé à ce que la jeune fille lui adresse de vifs reproches, ou tout au moins qu’elle lui demande des explications, et en tout cas qu’elle tente de le faire changer d’avis. Aussi ce silence, cette résignation le surprit. Bizarrement, il ressentit le besoin de se justifier. On m’a demandé… comme un service… d’escorter quelqu’un… quelqu’un d’autre, bafouilla-t-il comme il ne l’avait encore jamais fait. C’est une collègue… de New York… une personne très importante… dans notre métier… Je ne pouvais pas refuser. Je suis désolé, vraiment.

    Même si Meredith comprenait qu’il doive se plier à certains impératifs professionnels, elle ne pouvait s’empêcher d’être terriblement désappointée et d’une certaine façon, elle lui en voulait un peu de lui avoir promis une magnifique soirée à laquelle, au final, elle n’allait pas pouvoir participer. Mais elle était trop fière pour montrer à quel point elle était dépitée. Ce n’est pas grave, je vous assure, prétendit-elle en lissant la nappe avec application. De toute façon, je ne voulais pas y aller, alors…

    Derek sauta immédiatement sur la perche qu’elle lui tendait. Oui, c’est un peu pour ça aussi que… Je me suis dit que ça vous arrangerait. Je sais que vous avez accepté parce que j’ai insisté. Je n’aurais pas dû.

    Agacée par ce discours qu’elle trouvait totalement hypocrite, Cristina, qui avait bien compris que les explications du médecin ne tenaient pas debout, referma sa caisse d’un geste brusque. Vous vous conduisez comme un salaud avec toutes les femmes ou c’est seulement avec elle ? lança-t-elle en avançant vers le couple. Parce que là, vous faites fort !

    Je ne vois pas ce que vous voulez dire, répliqua Derek. Et de toute façon, ça ne vous regarde pas. N’y avait-il pas moyen, dans cette foutue boutique, d’avoir une conversation privée, sans que tout le monde s’en mêle ? Tout ici prenait des allures d’affaire d’état.

    Pas la peine de prendre vos grands airs avec moi, ça ne m’impressionne pas, riposta Cristina. Et vous savez très bien ce que je veux dire. Ça fait des jours que vous faites le siège de cette boutique pour qu’elle sorte avec vous et maintenant qu’elle a dit oui, vous la plantez ? Ses yeux lancèrent des éclairs en direction de Derek. Mais pour qui vous vous prenez pour la traiter comme ça ?

    Laisse, supplia Meredith que l’intervention de son amie embarrassait terriblement. Ce n’est pas grave.

    Mais si, c’est grave ! cria Cristina, indignée par la passivité de Meredith. Et si tu ne t’en rends pas compte, c’est que tu es débile. Meredith baissa la tête. Il t’a fait miroiter la soirée de ta vie et maintenant, il te jette, poursuivit Cristina qui se tourna vers Derek avec un air accusateur. C’est dégueulasse !

    Je ne lui ai rien fait miroiter du tout, s’écria le chirurgien, de mauvaise foi. Je l’ai juste invitée une soirée tout à fait banale.

    Scandalisée par ce mensonge, Cristina ouvrit de grands yeux ronds. Vous vous foutez de qui, là ? Ça fait des jours que vous nous gonflez avec la soirée de l’année !

    Cristina, tais-toi, chuchota Meredith qui aurait aimé pouvoir se cacher sous terre. 

    Non, je ne me tairai pas, répondit sèchement Cristina avant de s’en prendre à nouveau à Derek. J’aimerais comprendre un truc. Pourquoi être venu ici faire le joli cœur jusqu’à ce qu’elle vous dise oui ? C’était quoi, le but ? L’impressionner pour pouvoir la mettre dans votre lit ? 


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  • Derek s’étonna d’avoir été perçu à jour par cette fille, manifestement moins naïve que sa copine. Mais il n’avait d’autre choix que de nier. Il n’a jamais été question de ça, s’écria-t-il avec indignation. Et je n’avais pas de but, comme vous dites. J’ai invité Meredith seulement pour qu’on passe un bon moment… entre amis. Ça ne peut pas se faire, j’en suis désolé.

    Ouais, j’en suis sûre, ironisa Cristina. C’est que du baratin, comme tout ce qui sort de votre bouche d’ailleurs. Qu’est-ce qui s’est passé entre hier et aujourd’hui ? Vous vous êtes dit qu’elle n’était pas assez bien pour vous ? Ou bien vous avez rencontré une fille plus jolie, plus sexy ? Parce qu’il ne faut pas être très futé pour deviner que Mer n’est pas le genre de fille que vous avez l’habitude de sauter, ajouta-t-elle sans réaliser à quel point ses propos étaient blessants pour son amie. Celle-ci se retourna précipitamment et fixa les tourtes au saumon et brocoli en essayant de réfréner son envie de pleurer.

    Oh génial ! s’exclama Derek qui s’était contenu jusqu’à présent parce que, étonnamment, il se sentait coupable du mauvais coup qu’il avait joué à Meredith, mais qui n’en pouvait plus de se faire donner des leçons de bonne conduite sans pouvoir réagir. Quelle bonne amie vous faites ! En la défendant, vous n’arrêtez pas de la déprécier.

    Pendant que Derek et Cristina réglaient leurs comptes, George se rapprocha de Meredith avec l’intention de lui ouvrir les yeux mais aussi de lui faire payer l’indifférence dont elle avait fait preuve à son égard, depuis leur arrivée à San Francisco. Il était temps pour lui de reprendre la main. Non mais tu t’attendais à quoi ? lui demanda-t-il à mi-voix. Il n’en a rien à foutre de toi. Il te fait marcher depuis le début et toi, tu cours, ma pauvre fille ! C’est pathétique !

    Laisse-moi tranquille, supplia Meredith. Les larmes qu’elle contenait déjà difficilement coulèrent lentement sur ses joues. Le pire, ce n’était pas l’attitude de ses amis, c’était le fait qu’ils avaient raison. Comment avait-elle pu croire, ne fut-ce qu’une seconde, qu’elle pouvait plaire à un homme comme Derek Shepherd ?

    Mais qu’est-ce qui t’a pris ? insista George qui éprouvait un plaisir sadique à la voir pleurer. Quand je pense à tout ce que tu étais prête à faire pour un type pareil ! Mais qu’est-ce que tu as cru ? Qu’il allait faire de toi la reine de la soirée et te mettre dans son lit ?

    Meredith rougit violemment. Mais non, pas du tout ! protesta-t-elle. Je n’ai jamais pensé à ça.

    Tout en se disputant avec Cristina, Derek avait perçu quelques bribes du discours de George et ça commençait à l’énerver. Il ne respectait pas grand-chose en ce bas monde mais l’amitié était une valeur en laquelle il croyait réellement, et la façon dont George se comportait avec Meredith ne lui semblait pas digne d’un ami sincère. Si ce balourd ne se calme pas, je vais lui remettre les idées en place, se promit-il.

    Cela faisait des semaines que George ruminait sa rancœur à l’égard de Meredith. Maintenant que celle-ci était à sa merci, il eut envie de lui faire du mal, tout comme elle lui en faisait en ignorant les sentiments qu’il éprouvait pour elle et, pire encore, en manifestant de l’intérêt pour un autre homme. Il se laissa emporter par sa colère. Comme si tu pouvais lui plaire ! Non mais regarde-toi, bon sang ! asséna-t-il méchamment, sans réaliser qu’il avait haussé le ton. Qui voudrait de toi avec une telle dégaine ?

    Cristina et Derek entendirent l’insulte proférée par le jeune homme et le gémissement poussé par Meredith. Ils se retournèrent vers eux dans un même mouvement. La ferme, George, cria Cristina. 

    Ta gueule, sale con ! éructa au même moment Derek dont la rage trop longtemps ravalée explosa. Si tu la traites encore comme ça, tu auras affaire à moi.

    George n’apprécia pas du tout le ton à la fois familier et menaçant sur lequel le chirurgien s’adressait à lui. Il se redressa de toute sa hauteur et le défia du regard. Non mais dis donc, qui tu es pour me parler comme ça ? riposta-t-il en insistant sur le pronom. Tu débarques ici avec ta belle bagnole et tes grands airs et…

    Derek fit un pas dans sa direction. Ferme-la, espèce de connard ! Ferme-la, ou tu vas recevoir mon poing dans la figure !

    Calmez-vous, tous les deux, tenta d’intervenir Cristina, sans pourtant parvenir à ce que les deux hommes lui accordent la moindre attention.

    George ne prit pas au sérieux l’avertissement que Derek venait de lui donner et s’entêta. Pour une fois, il voulait être considéré comme un homme et pas comme une mauviette. Tu n’as pas d’ordre à me donner, lança-t-il au médecin. Et je suis son ami, alors j’ai le droit de…

    Une fois encore, Derek lui coupa la parole. Je n’en ai rien à foutre, que tu sois son ami ! Tu pourrais être son frère que je ne supporterais pas une seconde de plus que tu lui parles de cette façon, cria-t-il, le visage déformé par un rictus de colère. 


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  • George croisa le regard plein de tristesse mais aussi de reproches que Meredith posait sur lui. Il le prit comme un désaveu pour lui et une marque de soutien envers le chirurgien. Mais réveille-toi, pauvre cloche, hurla-t-il, enragé. Il se fout de toi. Il avança vers elle, le bras tendu, dans l’intention de la secouer mais subitement, il se retrouva projeté au sol.

    En le voyant s’approcher de Meredith, le bras levé, Derek avait cru qu’il voulait la frapper et avait pris les devants. Il avait frappé le premier. Si tu la touches encore…, dit-il, menaçant.

    Cristina sentit monter en elle une envie irrépressible de rire. George avait l’air tellement ridicule, affalé par terre, en train de tâter son nez et de faire aller sa mâchoire de droite à gauche pour vérifier qu’elle n’était pas cassée. Quant au chirurgien, il ressemblait à un fauve prêt à sauter sur sa proie. Si Cristina s’était écoutée, elle l’aurait applaudi. George avait été vraiment infect avec Meredith et il méritait une bonne leçon. Mais son sens de l’amitié et son inimitié pour le médecin furent les plus forts. Elle se précipita pour aider George à se relever tout en invectivant son agresseur. Non mais ça va pas ? Vous êtes malade ?

    Les yeux de Derek s’arrondirent sous l’effet de la stupéfaction. Dommage que ses insultes ne vous aient pas indignée autant que mon coup de poing ! Je ne vous ai pas entendu protester pendant qu’il la mettait plus bas que terre, fit-il remarquer en désignant Meredith qui restait sans réaction, interloquée par la situation.

    En voyant que non seulement Meredith ne lui ne manifestait aucune compassion, mais qu’en plus elle ne semblait éprouver aucun remords– après tout, c’était à cause d’elle qu’il avait été brutalisé – et pire encore, qu’elle ne désapprouvait pas haut et fort le comportement fou furieux du chirurgien, George se sentit humilié comme jamais auparavant. Sa hargne monta encore d’un cran. Espèce de salope ! vociféra-t-il. Comment oses-tu me faire ça, à moi, ton ami d’enfance ?

    Quand il entendit la nouvelle injure proférée par le jeune homme, Derek, aveuglé par la colère, perdant tout sens commun, saisit George par le cou et le colla contre le mur. Retire immédiatement ce que tu viens de dire, salopard ! hurla-t-il.

    Cristina se mit à crier tandis que Meredith courait se réfugier dans l’arrière-boutique. Elle était morte de honte à la pensée d’avoir causé tout ce désordre. Derek lâcha aussitôt le jeune homme qui commença à tousser en se tenant la gorge. Assassin ! parvint à articuler George d’une voix très rauque tandis que le médecin suivait la jeune fille dans l’autre pièce.

    Quand il entra, Meredith, le visage couvert de larmes, se laissait glisser contre le mur. D’habitude, rien n’énervait plus Derek qu’une femme qui pleurnichait sur son sort. Mais là… Le chagrin était sobre et surtout justifié. Derek s’en voulut d’en être la cause. Il ferma la porte derrière lui et se dirigea vers la jeune fille. Voulant se soustraire à son regard, elle enfouit la tête entre ses jambes. Il s’agenouilla face à elle et la força à le regarder. Meredith… ne pleurez pas. Il prit un mouchoir dans sa poche et essuya les larmes qui coulaient sur les joues de Meredith.

    Ce… Ce n’est pas… Ce n’est pas juste, bredouilla Meredith d’une voix entrecoupée de sanglots.

    Derek se releva et lui tendit la main pour l’aider à faire de même. Ensuite, il la prit délicatement par la nuque et l’attira contre lui, pour qu’elle se niche au creux de son épaule. Je vous en prie, arrêtez de pleurer. Mue par une impulsion, Meredith jeta ses bras autour du cou du médecin et se mit à sangloter éperdument. Derek soupira. Voilà qu’elle arrivait encore à l’émouvoir ! Il la serra contre lui. Je suis désolé… pour le gala, murmura-t-il. Elle haussa légèrement les épaules. Après ce qu’elle venait de vivre, le gala était le moindre de ses soucis. Et aussi pour ce qui vient de se passer, ajouta Derek. Je n’aurais pas dû le frapper mais la façon dont il vous a parlé… je n’ai pas supporté.

    Meredith s’écarta légèrement et le fixa de ses yeux pleins de tristesse. Pourquoi il me traite comme ça ? On se connaît depuis l’enfance et il me traite de salope ? Pourtant, il sait bien que je ne suis pas comme ça.

    Oubliez ce qu’il a dit. C’est un sale con. Derek essuya une fois encore les joues ruisselantes de larmes de Meredith. Il n’aurait pas vraiment su expliquer pour quelle raison mais cette petite arrivait à l’attendrir. Elle était tellement vulnérable qu’elle lui faisait de la peine. Il se sentait coupable également ; ses manigances, ses provocations à l’égard de George aussi, avaient sans aucun doute contribué à créer l’incident. Mais s’il pouvait le reconnaitre en son for intérieur, il ne supportait pas qu’on le lui dise, et là, le fait que Cristina lui ait fait la leçon ne passait pas, même s’il devait admettre que ses accusations étaient parfaitement fondées. Il éprouva soudain le besoin de prendre sa revanche et celle de Meredith aussi. Il prit le visage de cette dernière entre ses mains. Meredith, j’aimerais beaucoup que vous veniez avec moi à cette soirée.

    Meredith se dégagea doucement et le regarda avec de grands yeux déconcertés. Mais… et cette collègue que vous devez accompagner ?

    A peine Derek avait-il posé sa question qu’il en avait mesuré la portée. Envolée la nuit torride avec la superbe Addison Forbes-Montgomery ! Mais quel con tu fais ! se fustigea-t-il mentalement. Au lieu de t’envoyer en l’air, tu vas jouer les nounous. Mais, en y réfléchissant à nouveau, la perspective de donner tort à Cristina et de faire enrager ce débile de George le consola. Finalement, elle n’est pas si importante que ça, déclara-t-il avec un petit sourire. Alors, c’est oui, vous viendrez avec moi ? 


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  • Même si son cœur avait bondi dans sa poitrine quand Derek l’avait à nouveau invitée, Meredith conserva une attitude neutre. Elle ne voulait pas que le médecin sache qu’elle mourait d’envie d’aller à cette soirée à son bras. Vous savez, vous ne devez pas vous sentir obligé, dit-elle en reculant de quelques pas. Vous ne me devez rien. Il ne faut pas changer vos projets pour moi.

    Derek prit la jeune fille par la main et la ramena vers lui. Meredith… je vous en prie, susurra-t-il de sa voix chaude à laquelle, il le savait, il était difficile de résister. C’est vous que j’ai invitée en premier lieu. Je me suis laissé convaincre d’en inviter une autre, mais c’était pour des raisons purement professionnelles et surtout, c’était à contrecœur, mentit-il. C’est avec vous que je veux être.

    C’était dit si tendrement, avec tellement de cœur. Comment Meredith aurait-elle pu continuer à refuser quelque chose dont elle avait tellement envie ? Alors… d’accord, fit-elle d’une toute petite voix, le rose aux joues. Mais vous êtes sûr que vous n’allez pas avoir de problèmes ? Cette dame a l’air importante et il s’agit de votre travail et…

    Plongé dans ses réflexions, Derek ne fit plus attention à ce qu’elle disait. Sa première pensée fut pour Mark. Tu penses avoir gagné le pari ? Eh bien, non ! Je suis à nouveau dans la course. Et je te jure bien que tu vas cracher au bassinet. Tes sept mille dollars, je les veux plus que jamais. Il était sûr de lui. La réaction de Meredith lui avait permis de mesurer combien elle tenait à l’accompagner à ce gala. Bien sûr, il y avait pour elle, pour la fille de la campagne qu’elle était, la perspective d’assister à la première grande soirée de sa vie. Mais il était assez habitué à la compagnie féminine pour percevoir qu’il y avait autre chose. Cette façon qu’elle avait de le regarder… Elle était séduite, c’était clair comme de l’eau de roche. Bah ! Retour à la case départ, se dit-il. J’oublie Addison. Au fond, je me suis peut-être monté la tête, elle n’aurait pas été si bien que ça. Et puis, je peux bien faire un sacrifice de temps en temps. La petite veut son gala, elle l’aura. Et après, je la fais grimper au septième ciel. Ça sera ma B.A. de la semaine. En prime, sept mille dollars. Finalement, la rouquine ne valait sans doute pas la peine de perdre ça. Il mit fin à son introspection pour revenir à Meredith. Elle le regardait, pleine de confiance et d’espoir. Il lui sourit. J’ai des choses à vous dire… mais pas ici, les murs ont des oreilles. Frémissante d’excitation, elle le suivit. Dans la boutique, Cristina avait repris ses occupations tandis que George tentait d’apercevoir son reflet dans la vitre du comptoir, pour estimer les dommages faits à son visage. Ils se tournèrent vers le couple avec un regard à la fois curieux et réprobateur. George nota avec déplaisir que le chirurgien tenait Meredith par la main. La jeune fille, mal à l’aise, baissa le regard alors qu’au contraire, Derek toisait son rival avec tout le mépris dont il était capable. Ils allaient passer la porte lorsque George s’interposa avec la ferme intention de parler à sa camarade. N’y pense même pas, aboya Derek, l’air menaçant. George se retira aussitôt, les laissant sortir. Derek emmena Meredith à quelques mètres de la boutique. Il commençait à en avoir assez de s’exhiber ainsi sur le trottoir, quasiment sous les fenêtres de la clinique, mais il n’avait guère le choix. Il poussa délicatement Meredith contre la façade d’un immeuble et se mit devant elle. Je suis désolé… pour tout ça. Je n’avais pas compris à quel point vous teniez à cette soirée.

    C’est vrai que j’en ai très envie, admit enfin Meredith. Je n’ai jamais vécu quelque chose comme ça, vous comprenez ? Même si je sais que je n’y serai pas à ma place.

    C’est le but du jeu, pensa Derek. Quelle drôle d’idée ! s’exclama-t-il à haute voix.

    Mais vous, vous êtes vraiment sûr d’avoir envie d’y aller avec moi ? insista-t-elle. Parce que je sais que Cristina a raison quand elle dit que je ne suis pas le genre de fille que vous fréquentez. Il prit un air sévère. Elle poursuivit malgré tout. Et si c’est par pitié…

    Il lui mit la main devant la bouche pour la faire taire. Arrêtez de dire des bêtises ! Quand vous me connaitrez mieux, vous saurez que je ne suis pas le genre d’homme à éprouver de la pitié. Il remarqua alors qu’elle lançait des petits coups d’œil inquiets en direction de la boutique. Il suivit son regard et constata que George avait passé le nez à la porte du magasin, pour les surveiller. Il la fit se déplacer jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus voir son camarade. Ne faites pas attention à lui. Et n’ayez pas peur, il ne vous fera rien, je l’en empêcherai. Personne ne vous fera du mal avec moi dans les parages. Voilà d’ailleurs une raison de plus pour m’accompagner à cette soirée, ajouta-t-il pour détendre l’atmosphère. Mais si vous voulez que je vienne vous chercher, il faudrait me donner votre adresse.

    850 Mason Street… à Nob Hill, lui répondit-elle.

    Il fit semblant d’être impressionné. Oh mais c’est dans les beaux quartiers, dites-moi. Aurais-je déniché une riche héritière sans le savoir ?

    Elle sourit. C’est l’adresse de ma tante. On habite chez elle, parce que ça nous permet d’économiser un loyer. Alors, non, je ne suis pas riche, désolée.

    Tant pis ! Il lui reprit la main. Je dois partir maintenant… Il faut que j’aille prévenir la personne que je devais escorter que ça ne sera pas possible. Vous voyez ce que vous me faites faire, vilaine fille ? Elle lui fit un sourire ravi, presque enfantin. Il se colla à elle et lui parla à l’oreille. Mais je suis heureux d’aller à ce gala avec vous. Je serai votre prince charmant pour la soirée. Alors, il faut que vous vous fassiez toute jolie. Il se redressa et lui caressa la joue d’un geste tendre. Ne pensez-vous plus à tout ce qui s’est dit ici. Pensez plutôt à votre belle robe… et à nous deux, vendredi. Il s’éclipsa sur un dernier sourire. 


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  • Le vendredi matin, Izzie déboula dans la chambre de Meredith et se jeta sur son lit. Debout, marmotte, cria-t-elle en secouant son amie. Aujourd’hui, c’est le début de ta nouvelle vie.

    Meredith s’assit sur son lit, les yeux encore voilés de sommeil. Il est quelle heure ?

    Neuf heures, claironna Izzie en allant ouvrir les rideaux. Ce qui veut dire que tu as quarante-cinq minutes grand maximum pour te préparer. Tu as un rendez-vous chez le coiffeur à 10h30, précisa-t-elle en voyant le regard étonné de Meredith.

    Iz, geignit cette dernière. Tu m’avais dit qu’on ferait du shopping pour trouver une robe. Tu n’as jamais parlé d’un coiffeur.

    Je n’en ai pas parlé parce que j’ai cru que ça allait de soi, répliqua Izzie. Tu ne vas tout de même pas aller à la soirée en robe du soir avec ta sempiternelle queue de cheval ! Elle rabattit la couette sur le pied du lit. Allez, debout ! On a une longue journée qui nous attend.

    Une demi-heure plus tard, Meredith retrouvait sa camarade à la cuisine. Tu as vu Cristina et George ce matin ? demanda-t-elle en se servant un jus d’orange.

    Non, ils étaient déjà partis quand je me suis levée, répondit Izzie qui était en train de se beurrer un toast. Mais Cristina m’a appelée il y a une heure pour me rappeler de ne pas trainer en ville, parce qu’il était hors de question qu’elle se tape tout le boulot. Et pendant qu’elle me parlait, elle engueulait George parce qu’il ne travaillait pas assez vite.

    Pauvre George, commenta Meredith en s’asseyant à la table en face d’Izzie. Elle en a toujours après lui.

    Izzie fit une petite grimace. Il faut dire que parfois, il le cherche. Et avec toi, ça va maintenant ? se renseigna-t-elle. Il s’est calmé?

    Oui, oui, c’est arrangé, certifia Meredith. Ça fait deux jours qu’il n’arrête pas de me présenter ses excuses.

    Izzie hocha lentement la tête de bas en haut. Je crois qu’il s’en veut vraiment de t’avoir parlé comme ça. Il m’a dit qu’il se rendait compte qu’il avait été trop loin mais que ça l’avait mis en colère de voir que tu ne te rendais pas compte que Derek se moquait de toi.

    Oui, il m’a dit ça aussi. Pensive, Meredith joua avec un morceau de sucre, le faisant glisser sur la table en suivant les carreaux de la nappe en toile cirée, tandis qu’Izzie finissait de manger son toast en surveillant le parcours du sucre. Meredith finit par relever la tête vers son amie. Toi aussi, tu crois qu’il se moque de moi ? la questionna-t-elle d’une voix pleine d’appréhension.

    Izzie fit une petite moue. Je ne crois pas. Il a quand même vachement insisté pour que tu l’accompagnes à cette soirée et en plus, il s’est battu avec George pour te défendre. S’il se moquait de toi, il n’en aurait rien eu à faire. Elle se leva pour aller déposer la vaisselle sale dans l’évier. Mais tu sais, c’est un homme, alors… il ne faut jamais leur faire totalement confiance.

    Si seulement je comprenais pourquoi il tient tellement à ce que je l’accompagne à ce gala, murmura Meredith. Izzie lui lança un regard surpris. Non mais tu l’as déjà bien regardé ? dit Meredith sur un ton plaintif. Il peut avoir toutes les femmes qu’il veut. Alors, pourquoi moi ?

    Ah tu ne vas pas recommencer ! s’écria Izzie avec un air sévère. Tu n’es pas plus mal qu’une autre. Il suffit de mieux t’arranger. Et c’est ce qu’on va faire aujourd’hui. D’ailleurs, il est temps d’y aller si tu ne veux pas être en retard à ton rendez-vous.

    Un quart d’heure plus tard, les deux filles montaient à bord d’un tramway qui les déposa à Union Square. Située au cœur de la ville, cette vaste place bordée de palmiers était le paradis des amateurs de shopping. On y trouvait aussi bien des grands noms de la couture que des grands magasins et des boutiques de toute sorte.

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    Izzie prit son amie par le bras et l’entraîna dans Powell Street dont les trottoirs grouillaient de monde. Où est-ce que tu m’emmènes ? s’enquit Meredith.

    Izzie leva légèrement les yeux au ciel. Ben, chez le coiffeur. Elle pointa son index en direction d’une devanture noire et blanche. Chez Jason Richard. C’est un des meilleurs salons de coiffure de la ville.

    En découvrant l’entrée luxueuse du salon entièrement recouverte de marbre rose, Meredith eut un mouvement de recul. Izzie, ça va me coûter une fortune ici, chuchota-t-elle. Je pourrais très bien aller chez un petit coiffeur de quartier. Il y en a un près de la maison qui a l’air très bien.

    J’en suis sûre, mais toi, il te faut autre chose que du très bien, riposta Izzie en se tournant vers Meredith avec un air sévère. Est-ce que Derek te plait vraiment ? Elle donna elle-même la réponse. Oui, il te plait. Alors, ce soir, tu dois être exceptionnelle, Mer. Cet homme ne se contente pas de très bien. Ça, il peut en avoir tous les jours. Lui, il lui faut de l’exceptionnel, et c’est pour ça que tu dois entrer dans ce salon. Sans plus attendre, elle entraina son amie à l’intérieur. 


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