• Meredith fut dans un état second le reste de la journée. Que ce soit en servant les clients ou en réassortissant les présentoirs et les vitrines, elle ne put s’empêcher de penser au Dr Shepherd et à chaque fois, elle eut l’impression de sentir les doigts de ce dernier sur sa bouche ainsi que la douceur de ses lèvres sur sa joue. Jamais elle n’avait ressenti une telle chose. Le chirurgien avait fait naitre en elle des sentiments qu’elle était bien en peine d’identifier et elle ne savait pas comment réagir face à cela. C’était à la fois excitant et effrayant. Toutes ces réflexions l’avaient tellement tracassée qu’elle n’avait pas du tout fait attention au regard railleur que Cristina avait posé à maintes reprises sur elle, par plus qu’à celui, plus étrange, plus déconcertant, de George. Elle n’avait pas entendu non plus Izzie qui n’avait pas arrêté de parler du style de robe qu’elle voulait porter au gala. 

    Le soir, après le diner, ils se retrouvèrent tous les quatre dans le salon d’Ellis. Ils étaient exténués mais heureux. Chacun avait une raison différente d’avoir apprécié cette journée mais tous se réjouissaient du succès qu’avait connu la boutique, en ce premier jour d’ouverture. Mes enfants, ça a été super aujourd’hui mais il va falloir répéter l’exploit ! claironna Cristina qui était allongée en travers de son fauteuil, ses jambes passant au-dessus de l’accoudoir. Alors pas question de nous endormir sur nos lauriers !

    Comme si tu allais nous en laisser l’occasion, grommela George dans sa barbe. Meredith lui fit les gros yeux pour qu’il se taise.

    Comme d’habitude, Cristina ignora son camarade. Elle se pencha vers la table pour saisir sa canette de Pepsi et en but une gorgée avant de la reposer. En se redressant, elle remarqua qu’Izzie était perdue dans ses pensées. Regardez-moi ça, lança-t-elle en prenant Meredith et George à témoin. Cendrillon rêve de son bal. Dommage que son prince charmant soit ce gros lourdaud de chirurgien ! George l’approuva par un ricanement sonore.

    Izzie se tourna vers son amie avec un regard hostile. Tu ne pourrais pas changer de refrain, parce que là, ça devient lassant ? Mark Sloan n’est pas un lourdaud, affirma-t-elle avec force. Il est charmant, spirituel et beau, et en plus, il vient de m’inviter à la soirée de l’année, ce qui prouve que c’est un homme de goût.

    Cristina hocha la tête en levant les yeux au plafond. Et toi ? dit-elle en regardant Meredith. Pourquoi tu nous racontes pas ce qui s’est passé avec ton médecin ? Vous êtes restés enfermés plutôt longtemps dans l’arrière-boutique et après, quand il t’a emmenée dehors, ça avait l’air plutôt…

    Caliente, précisa Izzie avec un sourire un peu coquin. George se renfrogna.

    Meredith devint rouge comme une pivoine. Vous dites n’importe quoi, murmura-t-elle.

    Ce mec est aussi lourdaud que son copain, commenta George avec une certaine agressivité. Je ne comprends pas comment tu peux écouter tous ses bobards.

    Je ne t’ai pas demandé ton avis, George, répliqua Meredith.

    Cristina comprit que son amie ne se confierait pas en présence d’une personne hostile. Bien dit, Mer ! En faisant claquer ses doigts, elle fit signe à George de s’en aller. Va voir ailleurs si on n’y est pas, Goofy !

    Et pourquoi ? bêla George, scandalisé.

    Parce qu’on a des choses à se dire entre filles, expliqua Cristina sur un ton bêtifiant. Et comme tu n’es pas une fille… Elle reprit une intonation normale. Allez, ouste, dégage ! George se tourna vers sa cousine en quête d’appui mais la jeune fille ouvrit légèrement les bras en dirigeant ses paumes vers le plafond, avec une grimace pour exprimer son regret. Comprenant qu’il ne devait pas compter sur son aide, il sortit de la pièce en trainant des pieds tandis que Cristina s’asseyait convenablement dans son fauteuil. Bon, maintenant qu’on est seules, raconte.

    Mais qu’est-ce que tu veux que je dise ? demanda Meredith, mal à l’aise.

    Eh bien, par exemple, pourquoi tu as été absente tout l’après-midi ? répondit Cristina sur un ton ironique. Meredith allait protester mais Cristina ne la laissa pas parler. Je veux dire, tu étais là physiquement, bien sûr, mais ton esprit était ailleurs. Elle dressa son auriculaire. Et mon petit doigt me dit qu’il était avec le bellâtre de la clinique. Alors qu’est-ce qu’il t’a dit pour te mettre dans un état pareil ?

    Meredith soupira. Il m’a invitée à l’accompagner au gala, révéla-t-elle d’une toute petite voix.

    Izzie écarquilla les yeux. Au gala ? Le même que le mien ? Meredith fit signe que oui. Le visage d’Izzie s’illumina. Oh Mer, c’est super ! On va y aller ensemble. En plus, on sera sûrement à la même table. C’est trop génial !

    Meredith baissa la tête. Je ne sais pas, je ne suis pas sûre d’y aller.

    Mais pourquoi ? s’enquit Izzie, qui ne comprenait pas comment on pouvait envisager de renoncer à une telle opportunité.

    Parce que je ne sais pas pourquoi il m’a invitée, avoua Meredith, la voix étranglée par l’émotion. 


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  • Izzie la regarda avec un air stupéfait. Ben, parce que tu lui plait, bien sûr !

    Mais enfin, Izzie, regarde-moi, cria Meredith, dont les yeux s’embuèrent de larmes. Comment je pourrais plaire à un homme comme lui ? Elle se tassa dans son fauteuil. Regardez-moi, gémit-elle. Je ne ressemble à rien. Qu’est-ce qu’il peut bien me trouver ?

    Cristina et Izzie échangèrent un regard attristé. Il te plait, ce mec ? demanda Cristina. Le regard douloureux de Meredith lui donna une réponse sans équivoque. Eh bien, alors, donne-toi les moyens de l’avoir ! Et commence par arrêter de t’apitoyer sur ton sort !

    Je ne m’apitoie pas sur mon sort, protesta Meredith. Je suis lucide, tout simplement. J’ai quand même bien vu, ces derniers jours, à chaque fois qu’il est venu à la boutique, il n’a parlé qu’à Izzie.

    Oui, mais ça, c’est un vieux truc, se récria cette dernière avec un grand sourire. Quand un garçon veut une fille et qu’elle lui résiste, il fait semblant de draguer sa copine. Il s’est intéressé à moi juste pour te rendre jalouse. Son amie la regarda avec un air perplexe. Ton problème, Mer, c’est que tu n’as pas confiance en toi, poursuivit Izzie. Tu ne penses pas que tu peux plaire parce que tu ne te rends même pas compte à quel point tu es jolie. Meredith la regarda comme si elle était en train de perdre l’esprit. Mais si, je t’assure, insista Izzie. Malheureusement, tu ne sais pas te mettre en valeur. Une autre coiffure, un peu de maquillage, et tu attirerais tous les regards. Et tes vêtements ! Sérieusement, Mer, tu t’habilles de la même façon depuis tes douze ans. Tu as un corps magnifique et…

    Meredith lui coupa vivement la parole. Je n’ai pas un corps magnifique.

    Mais si, bien sûr ! répliqua Izzie. Tu es élancée, tu as une taille de guêpe et une superbe poitrine. Seulement, tu te caches sous des trucs mille fois trop larges.

    Justement, si tout ce que j’ai de bien est caché, comment il peut être attiré par moi ? s’enquit Meredith avec un air buté.

    Cristina sourit. Oh à mon avis, il a l’œil en matière de nanas.

    Dès demain, je vais t’emmener faire les boutiques, promit Izzie que cette perspective enthousiasmait au plus haut point. Et tu vas voir, tu ne seras plus la même après.

    Je n’ai pas d’argent pour ça, Iz, maugréa Meredith.

    Izzie était bien décidée à avoir le dernier mot. Tu peux bien te permettre quelques fantaisies, tout de même. Et puis, on peut trouver de très chouettes trucs pour pas cher. De toute façon, tu ne peux pas aller à cette soirée habillée comme une souillon. Vexée, Meredith se rembrunit

    Cristina regarda sa montre. Bon, les filles, ce n’est pas que je m’ennuie mais je suis crevée. Et demain, on a encore une longue journée qui nous attend. Alors, je vais me coucher, et vous, ne tardez pas trop, recommanda-t-elle. Elle quitta la pièce sur un signe de main à l’intention de ses amies.

    Donc, demain, on va faire un peu de shopping, reprit Izzie avec entrain. On ira au Westfield Center, il y a des petites boutiques de fringues super sympas et très abordables. Et on t’achètera quelques produits de beauté aussi parce que c’est important de prendre soin de ta peau. Evidemment, le mieux, ce serait que tu ailles dans un institut…

    Izzie, je n’ai pas d’argent, répéta Meredith. Je te rappelle que j’ai quasiment tout investi sans ton commerce !

    Izzie grimaça légèrement. Oui, c’est vrai. Mais si notre affaire continue à avoir autant de succès qu’hier, tu pourras bientôt te permettre d’aller à l’institut toutes les semaines, assura-t-elle avec conviction. En attendant… Elle se leva de son canapé et tendit la main à Meredith. Viens avec moi. Résignée, Meredith la suivit docilement sans poser de questions. Les deux jeunes filles montèrent à l’étage et entrèrent dans la chambre d’Izzie. Cette dernière fouilla quelques secondes dans une trousse avant de sortir un pot en verre bleu qu’elle brandit en l’air. Voilà ! claironna-t-elle sur un ton triomphant. Je vais te faire un masque.

    Maintenant ? s’écria Meredith en regardant l’horloge qui pendait au mur de la chambre. Il était presque minuit et il était prévu qu’ils se lèvent à 6h.

    Ben, oui, et alors ? Et ne te plains pas, moi, je vais devoir me lever encore plus tôt que toi, pour cuisiner, lui rappela Izzie. Elle fit signe à son amie de s’asseoir au bord du lit et sans plus lui laisser le temps de parler, elle lui appliqua une épaisse couche de crème sur le visage. C’est bon, maintenant, tu peux aller te coucher, annonça-t-elle avec satisfaction.

    Abasourdie, Meredith pointa son index vers son visage. Avec ça ? Mais je vais en mettre partout sur ma taie d’oreiller !

    Izzie pouffa de rire. Mais non, gros bêta ! On appelle ça un masque, mais en fait c’est une crème hydratante un peu épaisse. Demain, tu rinces ta figure à l’eau et ta peau sera toute douce et plus lumineuse. Allez, au lit maintenant !

    Meredith regagna sa chambre, partagée entre le doute et l’espoir. Au fond d’elle, elle ne pensait pas que quelques crèmes et une nouvelle garde-robe pouvaient changer sa vie mais ça ne lui coûtait rien d’essayer. Après s’être déshabillée et avoir enfilé son pyjama en flanelle aux motifs de petits oursons, elle se coucha. Ses yeux étaient à peine fermés que Derek Shepherd lui apparut et, avec lui, la promesse d’un avenir qu’elle ne pouvait imaginer que radieux. 


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  • Quand Meredith se réveilla, son premier réflexe fut de courir à la salle de bains qui, par chance, était encore libre. Comme Izzie le lui avait conseillé, elle rinça son visage à l’eau. Quand elle se regarda ensuite dans le miroir, elle ressentit une immense déception. Elle s’attendait à un énorme changement mais elle ne vit rien. Sa peau ne paraissait pas plus lumineuse que la veille. Elle toucha sa joue du bout des doigts et, nouvelle déception, ne la trouva pas plus douce que d’ordinaire. Elle ricana. Qu’avait-elle espéré ? Les miracles n’existaient pas. Ce n’était pas un simple masque, fût-il de nuit, qui allait la changer et changer sa vie. Le cœur gros, elle s’était préparée, pestant contre elle-même d’avoir cru aux boniments d’Izzie et bien décidée à refuser l’invitation de Derek. Elle n’allait pas se rendre encore plus ridicule qu’elle ne l’était déjà. Tout avait été remis en question lorsqu’elle était arrivée dans la cuisine et qu’Izzie s’était extasiée sur son teint de pêche. Et maintenant, elle était là, en train d’installer les tables en terrasse tout en se demandant si oui ou non, elle devait accepter cette satanée invitation ! Elle était tellement absorbée par sa réflexion qu’elle ne prêta pas attention au bruit désormais familier d’un moteur puissant, pas plus qu’au léger crissement des pneus de la voiture qui se garait. 

    Lorsque Derek sortit de son bolide, Meredith frottait une table, penchée sur elle et passant la lavette si énergiquement que tout son corps en bougeait. Le médecin s’adossa contre sa Porsche pour contempler quelques instants le spectacle du postérieur de la jeune fille qui remuait de droite à gauche. Woaw ! pensa-t-il. Jolie carrosserie ! L’arrière est bien plus attrayant que l’avant. Je la prendrai en levrette. Il approcha sur la pointe des pieds et, sans faire de bruit, vint se placer derrière Meredith, en prenant garde toutefois de ne pas signaler sa présence. Lorsque la jeune fille se releva, il passa le bras autour de sa taille et posa une main sur son ventre. Elle fit aussitôt volte-face et se retrouva presque nez-à-nez avec le médecin. En voilà des manières ! s’exclama-t-il, l’œil rieur. On ne vous a jamais dit que ça ne se faisait pas de sauter au cou d’un inconnu ? Il remit aussitôt son bras autour de la taille de Meredith.

    Sauf que vous n’êtes pas un inconnu ! répliqua-t-elle en essayant de s’écarter.

    Il la serra un peu plus fort. Donc vous saviez que c’était moi et vous l’avez fait exprès ! Il feignit d’être choqué. Petite allumeuse ! La jeune fille rougit de confusion, ce qui amusa le chirurgien. Il décida de poursuivre son petit jeu. Moi qui pensais que vous étiez sage ! Me voilà bien étonné. Mais ça ne me déplait pas… au contraire.

    Meredith tenta une nouvelle fois d’échapper à l’étreinte de son soupirant. Les mains à plat sur le torse de ce dernier, elle le repoussa mais sans grand résultat. S’il vous plait, murmura-t-elle, les yeux baissés.

    Cette fois, Derek la laissa partir mais la suivit dans la boutique. Il se réjouissait d’être seul avec elle quand George surgit de derrière une porte. Les deux hommes échangèrent un regard peu amène. Par pur esprit de provocation, Derek attrapa Meredith par la main et la tira vers lui. Venez donc par ici. Il enserra le visage de la jeune fille entre ses mains. Elle en fut tellement surprise qu’elle ne dit rien, pas plus qu’elle ne réagit lorsqu’il posa délicatement la bouche sur sa joue, frôlant celle-ci avec ses lèvres qu’il fit glisser lentement jusqu’à la bouche, ne s’arrêtant qu’à la commissure des lèvres.

    Mais qu’est-ce que vous faites ? demanda Meredith d’une voix à peine audible.

    J’expérimente un nouveau traitement contre les ecchymoses, murmura-t-il tout contre sa bouche. Est-ce qu’il est efficace ?

    Meredith perdit totalement le contrôle. Plus rien n’eut d’importance que les lèvres du chirurgien au coin des siennes. Le charme fut rompu lorsque George laissa tomber bruyamment une chaise. Meredith sursauta. Semblant réaliser la situation, elle s’écarta vivement du médecin. Je… je dois… j’ai du travail, balbutia-t-elle, en se maudissant de n’avoir pas plus de répartie. Elle trouva refuge derrière le comptoir.

    Sans se soucier de George qui lui jetait des regards assassins en soufflant, Derek s’installa à une table et, le menton dans une main, regarda Meredith qui disposait des tartelettes aux fraises dans le présentoir. Je pourrais passer des heures comme ça, rien qu’à vous regarder, prétendit-il après quelques minutes. Je ne sais pas comment vous faites, mais vous arrivez à transformer un travail tout à fait ordinaire en quelque chose de terriblement sexy. George ricana avec mépris devant une flatterie aussi évidente.

    Meredith enfonça la tête dans les épaules, comme si cela allait lui permettre de disparaitre à la vue des deux hommes. Arrêtez de vous moquer, implora-t-elle Derek.

    Mais je ne me moque pas du tout, protesta ce dernier. Vous êtes vraiment très sexy au milieu de toutes ces fraises. Vous savez à quoi je pense, là, tout de suite ? Elle hocha la tête. A "9 semaines et demi".

    C’est quoi ? demanda-t-elle.

    Mais c’est toute votre éducation qui est à faire ! s’écria Derek en riant. Il allait la renseigner quand il fut interrompu par George.

    C’est un film cochon avec Kim Basinger ! lança le jeune homme que les agissements du chirurgien commençaient à agacer sérieusement.

    Meredith fut tellement surprise par cette révélation qu’elle ne réfléchit pas au sens réel des propos de Derek. Ah bon, Kim Basinger a joué dans ce genre de film ? 

    Derek rit de plus belle. Ah Meredith ! Si vous n’existiez pas… Quant à lui… Il regarda vaguement en direction de George. Ne l’écoutez pas, il n’y connait rien. "9 semaines et demi" n’a rien de cochon. Il y a seulement quelques scènes érotiques. Nous le regarderons ensemble un jour. Après, vous ne verrez plus jamais la nourriture de la même façon. Il darda sur elle un regard charmeur. Vous me donnez envie de manger des fraises… et de faire tout un tas d’autres choses. Son ton sans équivoque fit rougir Meredith comme une écrevisse et elle se retourna pour masquer sa gêne.


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  • La réaction de la jeune fille n’échappa pas à George qui en conçut un certain ressentiment. Comment pouvait-elle être troublée par ce dragueur à deux balles ? Ce chirurgien n’était là que pour son cul et elle ne s’en rendait même pas compte. Au contraire, elle se pâmait à chacune de ses apparitions, buvant toutes ses paroles et rougissant comme une première communiante au moindre mot. George jeta un regard vindicatif en direction de son rival qui ne semblait pas pressé de partir. C’est pas que vous nous dérangez, mais un peu quand même, laissa-t-il tomber en traversant la boutique, les bras chargés d’assiettes. On a encore plein de choses à faire et les clients ne vont pas tarder à arriver.

    Derek fit comme s’il n’avait rien entendu. Il se leva pour rejoindre Meredith derrière son comptoir. En le voyant, avec ce petit sourire sur les lèvres, elle se sentit fondre. En cet instant précis, il ressemblait à un enfant. Je dois… J’ai besoin de vous parler… seul à seul, lui dit-il à voix basse. Mais avec ce type, c’est impossible. Je vous en prie, faites-le partir. Je veux être seul avec vous.

    Pourquoi ? s’enquit-elle sur le même ton que lui.  

    Il se pencha vers elle. Je vous le dirai quand nous serons tous les deux.

    Cette voix mélodieuse, cette intonation chaude, ce souffle caressant sur son oreille… comment aurait-elle pu lui refuser quoi que ce soit ? George, tu veux bien nous laisser, s’il te plait ? demanda-t-elle à son ami, sans même le regarder. Il prit cela comme un affront. Meredith, sa Meredith, qui le connaissait depuis le berceau ou presque, le snobait pour un type qu’elle ne connaissait pas deux semaines auparavant. Il s’abstint de tout commentaire pour ne pas s’attirer à nouveau les foudres du chirurgien mais sortit de la boutique sans cacher qu’il était de fort méchante humeur.

    De son côté, Derek ne cacha pas non plus qu’il était plus que satisfait devant ce qu’il était tenté d’appeler la soumission de Meredith. Il la connaissait à peine et pourtant, il arrivait déjà à lui faire faire tout ce qu’il voulait. Cela lui serait très utile pour gagner son pari. Mmm… une femme autoritaire ! susurra-t-il. J’adore ça. Avec vous, je vais être obligé de bien me tenir.

    Vous dites vraiment n’importe quoi, le gourmanda-t-elle sur un ton plein d’indulgence. Elle recommença à disposer les pâtisseries dans le présentoir. Alors, de quoi vous vouliez me parler ?

    Derek lui lança un regard légèrement réprobateur. Comme si vous ne le saviez pas !

    Votre invitation, c’est ça ? demanda Meredith. Il acquiesça. Elle soupira. Qu’est-ce que j’irais faire à ce genre de soirée ? Au milieu de tous ces gens que je ne connais pas… qu’est-ce que je vais pouvoir leur raconter ?

    Derek fit une moue quelque peu dédaigneuse. Vous n’aurez pas à leur parler puisque vous serez avec moi. Du bout de l’index, il fit une légère caresse sur le bout du nez de la jeune fille. J’exige d’avoir l’exclusivité de votre présence. Vous n’êtes pas bien avec moi ? Troublée, elle opina faiblement de la tête, sans oser le regarder. Je suis heureux que vous veniez avec moi à cette soirée, chuchota-t-il à son oreille, la voix vibrante de trémolos.

    Elle releva la tête vers lui. Je n’ai pas encore dit oui !

    Quoi ? Elle hésitait encore ? Bon sang, à quoi jouait-elle ? Derek arriva à dissimuler sa stupéfaction. Vous refusez alors ? demanda-t-il avec un air tout penaud. Vous voulez briser mon cœur ?

    Oh je ne crois pas que j’ai ce pouvoir là, répliqua Meredith. Ecoutez, je ne comprends vraiment pas pourquoi vous tenez tant à m’emmener à cette soirée. Je vais vous faire honte et vous le savez.

    Me faire honte ? s’écria Derek. Mais qu’est-ce qui vous fait penser ça ? Il sentit l’agacement s’emparer de lui. Ça commençait à bien faire ! Bien sûr, il y avait le pari et les sept mille dollars en jeu mais surtout, il y avait son honneur. Cette gamine du Kentucky ne pouvait pas gagner cette bataille. Meredith, je vous veux… –  il s’arrêta sciemment quelques secondes avant de reprendre – à mes côtés à cette soirée. Il vint se coller tout contre elle et lui prit la main. Je ne vous lâcherai pas tant que vous ne m’aurez pas dit oui. Je sais que vous en mourrez d’envie. Je le vois dans vos yeux, comme en ce moment. La sonnerie de son bipeur résonna au fond de sa poche. Il ne prit même pas la peine de lire le message qui lui avait été envoyé. On m’attend mais ne croyez pas que j’en ai fini avec vous. Je vais revenir et je vais vous harceler jusqu’à ce que vous acceptiez. Dites-vous bien que je n’abandonnerai pas. Il tourna les talons et sortit de la boutique.

    Meredith le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il monte dans sa voiture et démarre en trombe. Elle était à la fois flattée et surprise par l’acharnement qu’il mettait à la convaincre de l’accompagner à ce gala, un peu perplexe aussi. Cet homme devant lequel toutes les femmes de la ville, ou presque, devaient se pâmer, qui avait très certainement l’embarras du choix, s’entêtait à vouloir sortir avec elle et elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Le retour de ses camarades l’empêcha de s’appesantir plus longtemps sur son problème. Elle se remit au travail et n’eut guère le temps de réfléchir à l’invitation du chirurgien.


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  • De son côté, bien que sa matinée ait été bien remplie, Derek n’avait pu s’empêcher de penser à Meredith. Cette gamine allait le rendre chèvre. Il lui donnait la chance d’assister à l’événement mondain de l’année, et qui plus est, d’y assister en sa compagnie. Il n’allait pas jouer les faux modestes, il était un des plus beaux hommes de la ville. N’importe quelle femme aurait été folle de joie d’être seulement remarquée par lui. Et voilà que cette bouseuse de Crestwood, Kentucky, osait lui tenir la dragée haute ! Sur les nerfs, il sortit du bureau où il venait de donner sa dernière consultation, et, sans même prendre le temps d’enlever sa blouse blanche, il quitta la clinique pour se diriger d’un pas décidé vers le magasin de douceurs, avec la ferme intention d’enfin obtenir ce qu’il voulait. Cette affaire n’avait que trop duré.

    Cristina était en train de compter les recettes quand elle le vit entrer en conquérant dans la boutique. Elle sut immédiatement qu’il n’était pas venu pour déjeuner. Je ne savais pas que notre boutique était devenue l’annexe de votre clinique, persifla-t-elle. Votre ami était là il y a à peine une heure.

    Derek fit comme s’il n’avait rien entendu et approcha d’elle avec un sourire mielleux. Auriez-vous l’amabilité de me dire où se trouve Meredith ? Je dois absolument lui parler.

    En levant ostensiblement les yeux au ciel pour lui signifier clairement sa désapprobation et son agacement, Cristina lui désigna l’arrière-boutique d’un vague mouvement de la tête. Il allait se diriger vers cette pièce lorsque George en sortit. Le jeune homme n’eut pas besoin que le chirurgien lui explique le motif de sa visite. Meredith, c’est l’heure de ta consultation, lança-t-il d’une voix forte, ce qui fit se retourner quelques clients, raison pour laquelle Cristina le fusilla du regard.

    La jeune femme apparut aussitôt dans l’encadrement de la porte avec un air presque apeuré. En découvrant Derek, elle eut la confirmation de ce qu’elle craignait et s’avança vers lui avec une certaine appréhension. Il l’accueillit avec un sourire enjôleur. Vous savez pourquoi je suis là, n’est-ce pas ? Je vous avais prévenue. Je n’abandonne jamais.

    Si vous croyez que j’ai eu le temps de penser à ça, chuchota-t-elle. J’ai eu du travail.

    Très bien ! C’est vous qui l’aurez voulu ! Il avisa une table libre et alla s’y installer, légèrement avachi sur la chaise, les deux jambes étendues devant lui. Je ne repartirai pas d’ici tant que vous ne m’aurez pas donné votre réponse… positive, bien sûr, ajouta-t-il avec un air malicieux.

    Cristina vint se planter devant lui. Si vous voulez restez là, vous allez devoir consommer.

    Derek fouilla dans la poche de sa blouse et sortit un billet de cinquante dollars. Voilà, ça devrait suffire pour payer la location de la chaise ! Cristina prit l’argent d’un geste sec et repartit compter ses billets, non sans avoir jeté un regard désapprobateur à son amie.

    Celle-ci se tourna vers Derek avec un air catastrophé. Vous allez me faire avoir des ennuis, à débarquer ici tout le temps, pour des bêtises. Il lui fit un grand sourire qui ressemblait plus à un rictus. Vous n’avez pas des patients qui vous attendent ? lui demanda-t-elle sur un ton implorant.

    Bien sûr que oui, répliqua-t-il en faisant semblant d’être outré qu’elle puisse en douter. Et d’ailleurs, s’il leur arrive quelque chose, vous en serez responsable. Il pointa son index vers elle. Alors, dépêchez-vous de me dire oui !

    George, qui ne les avait pas quittés des yeux un instant, en eut assez de voir la fille qu’il aimait se faire draguer par un autre, et surtout y être sensible. Il saisit le premier prétexte venu pour mettre fin à leur aparté. Meredith, tu peux m’apporter les grands compotiers ? Ceux qui sont dans le haut de l’armoire.

    En haut de l’armoire ? répéta Meredith, inquiète à l’idée de devoir monter sur l’escabeau pour atteindre les compotiers.  

    Derek se redressa aussitôt sur sa chaise pour invectiver le jeune homme. Dites donc, mon vieux, qui est l’homme dans cette boutique ? Vous avez besoin de l’aide d’une femme pour prendre de la vaisselle dans une armoire ? Il prit un air dégouté. Vous faites vraiment pitié. Les yeux de George lancèrent des éclairs mais il n’osa pas riposter. Il n’était pas de taille à gagner ce combat. Tandis qu’il allait prendre les fameux compotiers dans l’armoire, il entendit le chirurgien gourmander Meredith. Si jamais je vous prends à monter ne fût-ce que sur un tabouret, vous allez entendre parler de moi.  

    Je vous le promets. Maintenant, allez-vous en, le supplia-t-elle. Par défi, il s’avachit encore un peu plus sur son siège. Elle haussa les épaules et reprit son travail. Il ne la quitta pas des yeux tandis qu’elle nettoyait les tables inoccupées. Comme au matin, ses mouvements énergiques faisaient bouger chaque partie de son corps. Derek ne put détacher son regard de ses fesses qu’il devinait fermes et de ses seins qui tressautaient doucement. Il avala sa salive. Son instinct lui disait que cette fille recelait bien des secrets et son corps semblait en être un. Plus que jamais, il en faisait une affaire personnelle. La séduire passait désormais au premier plan, avant même l’enjeu de sept mille dollars. 


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