• Derek poursuivit par un examen oculaire. Meredith cligna des yeux lorsqu’il dirigea le faisceau lumineux de sa lampe vers ces derniers. Il s’approcha pour regarder sa pupille. Son visage n’était plus qu’à quelques centimètres et elle en profita pour l’observer à son aise. Il était vraiment très, très beau. Des traits fins et réguliers, de longs cils surplombant des yeux d’un bleu incroyable, un léger duvet dans le bas du visage et au-dessus de la lèvre supérieure – ordinairement, Meredith détestait ça mais dans le cas du chirurgien, elle trouvait cela torride – et les lèvres justement, sensuelles à souhait… Ses propres pensées la firent rougir de honte. Jamais, elle n’avait éprouvé de telles choses pour un homme, même pas pour Chace Crawford, son acteur préféré. Et pourtant Dieu sait qu’elle était fan !

    Evidemment, la façon dont elle le regardait ne pouvait échapper à Derek. Cela ne l’étonna pas. Il était parfaitement conscient de l’effet qu’il faisait aux femmes et il était habitué à ces manifestations d’admiration. Parfois cela l’agaçait, d’autres fois, cela l’amusait. Il devait être dans un bon jour, parce que là, ça l’amusait et aussi ça l’attendrissait un petit peu. Cette fille était si jeune, elle venait à peine de sortir de l’adolescence. De plus, il y avait fort à parier qu’elle n’avait jamais vu un homme comme lui dans son bled natal. Il devinait sans peine l’impression qu’il pouvait lui faire. Mais il ne put résister à la tentation de jouer un peu avec elle. Arrêtez, murmura-t-il avec sensualité.

    Quoi donc ? demanda-t-elle d’une petite voix tremblotante.

    La façon dont vous me regardez. Vous allez me faire perdre tous mes moyens et, dans mon métier, ça peut être dangereux. Sans lui laisser le temps de réagir, il lui saisit un pied qu’il déchaussa prestement, et l’effleura avec un morceau de mousse, du talon vers les orteils. Instinctivement, elle recroquevilla ces derniers. Très bien, dit-il, redevenu professionnel. Bon réflexe pupillaire et Babinsky impeccable. Il ne prit pas la peine de répondre à l’interrogation muette qui flottait dans ses yeux. Bien que plongé dans son examen, son esprit était déjà tourné vers d’autres pensées. Que faisait Mark en ce moment ? Avait-il réussi à se concilier les bonnes grâces de la jolie blonde ? Il était temps de passer à la vitesse supérieure pour ne pas trop lui laisser le champ libre. Dites-moi, qu’est-ce qu’elle voulait dire, votre amie, tout à l’heure en parlant de boutique de douceurs ?

    En fait, on va proposer des gâteaux, des beignets, des muffins, enfin plein de choses dans ce style, s’empressa de répondre Meredith, autant soulagée que déconcertée qu’il ait rapidement changé de sujet.

    Donc, vous voulez ouvrir un tea-room, conclut Derek avec un certain dédain. Il y en a déjà pas mal, à San Francisco, vous savez.

    Le mépris qu’il manifestait envers son projet blessa un peu Meredith. Je sais mais notre boutique sera différente. Tout sera fait maison, avec des tartes à l’ancienne, des tourtes salées et même un coin confiseries ! dit-elle avec un grand sourire comme s’il n’y avait rien de mieux au monde.

    Il sourit avec un peu de condescendance. Je vois… un super méga tea-room, en fait. Froissée par son manque de considération, elle se renfrogna. Il passa derrière elle pour examiner son crâne à la recherche de lésions. Pas d’hématome apparent, constata-t-il. Vous ne ressentez ni nausée ni étourdissement ? Elle secoua la tête. Il revint se mettre face à elle. Avec ses deux pouces de part et d’autre de la figure de la jeune fille, il tâta ses maxillaires, avant d’examiner l’intérieur de ses oreilles. Très bien, répéta-t-il. Pas d’ecchymose rétro-auriculaire ni d’hémotympan. Pas plus que de rhinorrhée, ni d’épistaxis, ni otorrhée, ni otorragie.

    Tous ces mots savants ravivèrent les craintes de Meredith. Je vais devoir passer au scanner, c’est ça ? s’enquit-elle. Sans laisser au chirurgien le temps de répondre, elle l’implora. S’il vous plait, je ne veux pas de piqûre. En croisant le regard moqueur de Derek, elle réalisa qu’elle était en train de se ridiculiser et se tut. Inutile de paraître plus bête qu’elle ne l’était déjà !

    Ainsi donc, vous avez bien peur des docteurs, ironisa Derek. Et des piqûres ! Vous savez, je fais très bien les piqûres. Je suis un neurochirurgien, j’ai la main sûre. Il vit que les yeux de Meredith s’emplissaient de larmes. Allons, n’ayez crainte. Je plaisantais. Tout ce charabia médical signifie que vous êtes en bonne santé. Vous avez eu beaucoup de chance en tombant sans vous faire trop de mal. Il prit le téléphone et appela le bureau des infirmières pour qu’on lui apporte un dossier vierge.

    Pendant qu’il était en conversation, Meredith remit son tee-shirt puisque, apparemment, l’examen était fini. Dommage, elle serait bien restée encore un moment avec le si beau Dr Shepherd. Elle ressentit soudain de la tristesse. Elle n’aurait sans doute plus jamais l’occasion de le revoir, du moins pas d’aussi près, et encore moins seul à seul. Elle se demanda comment elle pouvait trouver un moyen de prolonger ce moment. Vous êtes devenu médecin par vocation ? lui demanda-t-elle dès qu’il eut mis fin à son entretien téléphonique.

    Et vous, vous faites des donuts par vocation ? se moqua-t-il.

    Non bien sûr, mais ce n’est pas comparable, affirma-t-elle. Vous, vous sauvez des vies. Et pour ça, vous plongez vos mains dans le corps des gens. Elle fit une petite grimace pour exprimer son dégoût. On ne fait pas ça sans en avoir vraiment envie. Alors que moi, faire des gâteaux, c’est juste un moyen de réaliser mes rêves. J’aurais fait n’importe quoi pour quitter Crestwood.


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  • Crestwood ? C’est là que vous viviez tous avant de venir ici ? s’enquit Derek. On frappa à la porte et une jeune femme entra pour remettre à Derek le dossier qu’il avait demandé. Il la renvoya d’un geste avant de s’asseoir devant une petite table. Bon, votre nom… Meredith Grey, c’est bien ça ?

    Oui, c’est ça, répondit Meredith, toute étonnée qu’il s’en souvienne.

    Et votre âge ?

    Vingt ans. Et vous ? C’était comme si, sans s’en rendre compte, elle avait dit à haute voix ce qu’elle pensait. Confuse, elle rougit et, dans un geste enfantin, mit une main devant sa bouche, comme pour s’empêcher d’encore dire des bêtises. Excusez-moi, j’ai parlé sans réfléchir.

    Derek sourit. Il n’y a pas de mal. Ça ne me dérange pas de dire mon âge, ce n’est pas encore un secret. J’ai trente-cinq ans.

    Oh je ne vous croyais pas si vieux, déclara candidement Meredith. Interloqué, Derek eut un léger sursaut. En réalisant ce qu’elle venait de dire, Meredith eut envie de rentrer sous terre. Enfin, je voulais dire, je ne vous aurais pas donné tout ça… Vous ne faites pas votre âge… Il vaut mieux que je me taise, gémit-elle, de plus en plus rouge.

    Derek éclata de rire. Cette gamine était réellement désarmante de fraîcheur. Je suppose que c’est un compliment. Elle opina vivement de la tête. Alors, merci. Et vos amis, ils ont le même âge que vous ? la questionna-t-il.

    Heureuse qu’il ne lui tienne pas rigueur pour ces bévues, Meredith se détendit. Izzie et George oui. Et Cristina a vingt-et-un ans ! dit-elle comme si c’était quelque chose de sensationnel.

    Derek fronça légèrement les sourcils. Izzie ? Cristina ? Ça ne me dit pas grand chose, tout ça. Dites-moi qui est qui, la pria-t-il tout en consignant dans le dossier les observations qu’il avait faites.

    Meredith prit place sur un petit tabouret. Eh bien, en fait, Izzie est celle qui est restée avec votre ami et George est son cousin et Cristina est la jeune femme brune.

    Derek ne retint qu’une chose. La blonde – Izzie, donc – avait vingt ans. C’est vraiment de la chair fraiche, se dit-il. Il y a quelques années, on aurait pu être poursuivi pour détournement de mineur. Il poursuivit son interrogatoire. Donc, vous débarquez du Kentucky. Parlez-moi un peu de votre vie là-bas. Que font des filles de vingt ans à Crestwood, quand elles veulent s’amuser ?

    Meredith fit une petite mimique qu’il interpréta comme la preuve de son désabusement. On assistait aux matches de foot et de basket. Il y avait aussi le Redbox, un restaurant pour routier. C’est là qu’Izzie travaillait comme serveuse. On allait là-bas en attendant qu’elle ait fini son service et on terminait la soirée au Sloopy Joe. C’est un bar, précisa-t-elle à l’intention de Derek.

    Il referma son dossier en la regardant avec un petit sourire narquois. Et qu’est-ce qui vous a poussé à quitter cet endroit paradisiaque pour venir à San Francisco ?

    Evidemment, il se moquait d’elle, c’était à prévoir. Si elle ne voulait plus que ça se reproduise, il valait mieux qu’elle en dise le moins possible. L’envie de changement, de voir autre chose… Le silence s’installa. Pour se donner une contenance, elle regarda autour d’elle, en s’attardant plus particulièrement sur les instruments médicaux.

    Derek s’installa confortablement dans son fauteuil et l’observa durant quelques minutes. Elle était vraiment amusante dans son genre. Rassurez-moi, il y a un médecin à Crestwood ? lança-t-ilsur un ton malicieux.

    La question surprit Meredith. Oui, bien entendu. Pourquoi vous me demandez ça ?

    Parce que vous regardez autour de vous, comme si c’était la première fois que vous mettiez les pieds dans un cabinet médical.

    Les lèvres de Derek s’étaient étirées en un sourire espiègle et Meredith pensa qu’il avait intérêt à sourire plus souvent de cette façon, parce que ça le faisait paraitre encore plus jeune. Il me prend vraiment pour une idiote ! déplora-t-elle. Evidemment qu’on a un médecin, répondit-elle, le rose aux joues. C’est le vieux Dr Adams.

    Vieux ? Aussi vieux que moi ? ironisa Derek en se levant de son fauteuil. Il alla ouvrir la porte de la salle d’examen, faisant comprendre ainsi à sa patiente que la consultation était terminée.

    Meredith se leva à son tour. Oh non ! s’exclama-t-elle en toute candeur. Il est beaucoup plus vieux que vous ! Il doit avoir… au moins quatre-vingts ans. Et je peux vous assurer qu’il les fait bien. Pas comme vous !

    Ah ! Vous m’en voyez soulagé. Derek ouvrit la porte en éclatant de rire, ce qui attira immédiatement une multitude de regards étonnés sur lui. Venez, je vais vous raccompagner, ajouta-t-il gentiment, en prenant le coude de Meredith pour sortir dans le couloir.


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  • Je suis dispensée du fauteuil roulant, j’espère ? demanda Meredith, la mine légèrement boudeuse, quand elle aperçut l’engin dans le couloir.

    Derek sourit. Je pense qu’effectivement je peux vous épargner ce supplice. Il brandit son index en l’air et l’agita doucement devant le visage de la jeune fille. Mais vous devez me promettre de ne pas me traîner en justice si vous tombez avant d’avoir quitté la clinique.

    Déconcertée, Meredith plissa un peu les yeux. En justice ?

    Derek hocha la tête de haut en bas. Vous pourriez m’accuser de négligence, dire que vous étiez encore trop faible pour marcher, qu’en tant que médecin, j’aurais dû être plus prudent… Ça se produit tous les jours, vous savez.

    Vous avez de drôles de manières dans les grandes villes, fit remarquer Meredith.

    Des manières qui peuvent rapporter des millions de dollars à ceux qui les adoptent, répliqua Derek.

    Meredith fit une moue dubitative. Oui peut-être, mais ce serait mal venu quand même, après tout ce que vous avez fait pour moi.

    Je n’ai fait rien d’autre que mon job, vous savez, objecta Derek. On y va ? J’ai des patients qui m’attendent. Et il faut que je récupère mon ami, sinon, je risque de ne plus le revoir avant longtemps. Dans un geste protecteur, il la prit par le bras pour la guider dans le dédale des couloirs.

    Ils venaient de passer devant le bureau des infirmières lorsque Rose surgit devant eux. Derek, dit-elle d’un ton sec. Le chirurgien la transperça de son regard acier. Impressionnée, la jeune femme adopta aussitôt un ton moins belliqueux. Il faut vraiment qu’on parle.

    Pas maintenant, répondit durement Derek en faisant passer Meredith devant lui.

    Tu n’as pas le droit de me traiter comme ça, protesta Rose. J’exige de…

    Pas main-te-nant, répéta Derek d’une voix glaciale en détachant chaque syllabe. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je ne suis pas seul. Il la prit vigoureusement par le bras. Et dites-vous bien que vous n’avez rien à exiger.

    Affreusement gênée, Meredith s’éloigna de quelques pas. Elle observa discrètement la jeune femme en se demandant qui elle était et ce qu’elle avait fait pour mériter un tel traitement. Apparemment, le médecin pouvait être charmant avec ses patients mais il était fort désagréable avec ses collaborateurs. Dr Jekyll et Mr Hyde, pensa-t-elle. Derek lâcha l’infirmière et, sans plus se préoccuper d’elle, ni de sa patiente, reprit sa route, en avançant à grandes enjambées. Meredith trottina derrière lui. Je sais que vous êtes pressé de rejoindre votre ami mais j’ai dû mal à vous suivre, se plaignit-elle après quelques instants.

    Derek s’arrêta et se tourna vers elle. Il remarqua alors qu’elle était pâle et essoufflée. Désolé, je n’ai pas pensé à vous, avoua-t-il franchement. Il posa une main amicale sur son épaule. Ça va ? Vous voulez vous reposer un instant ? lui demanda-t-il avec une douceur qui contrastait singulièrement avec le ton qu’il avait employé avec Rose.

    Troublée par les yeux bleus qui venaient de plonger dans les siens, Meredith se mit à bafouiller. Non… ça… ça va. Je… je dois… vraiment… y aller. J’ai… j’ai du… travail qui m’attend. 

    Comment ça, du travail ? Le regard de Derek se fit sévère. Il n’en est pas question. Vous allez me faire le plaisir de vous reposer. Et je ne veux plus vous voir sur une échelle. Meredith n’osa protester. Ils prirent l’ascenseur. Lorsque les portes s’ouvrirent sur le rez-de-chaussée, Meredith salua poliment les gens qu’elle croisa et remarqua à nouveau que le médecin ne prenait pas cette peine.

    Ils venaient de traverser le grand hall lorsque Meredith vit venir vers eux une belle femme brune et potelée, en blouse blanche. Sans même daigner accorder un regard à la jeune fille, cette femme s’adressa au chirurgien d’une voix que Meredith qualifia de sensuelle mais agaçante. Derek, mon chou, quand est-ce qu’on peut se voir ? Callie, car c’était elle, posa une main parfaitement manucurée sur le bras du chirurgien. J’aimerais te parler du cas de Madame Thomson.

    Derek regarda sa montre. Accorde-moi une heure et on en discute à mon retour, devant un bon café. Il gratifia sa collègue d’un chaleureux clin d’œil et recommença à marcher vers la sortie, Meredith sur ses talons.

    Vous savez, si vous êtes en retard, je peux très bien rentrer à pied, lui dit-elle alors qu’ils arrivaient sur le parking.

    J’ai dit que je vous raccompagnais. Il faudra que je vous le dise en chinois pour que vous compreniez ? s’écria Derek, exaspéré.

    J’ai très bien compris ! riposta Meredith, agacée qu’il la traite encore comme si elle était stupide. Mais je ne voudrais pas que votre femme vous reproche de…

    Derek lui coupa la parole avec de grands yeux étonnés. Ma femme ?


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  • Meredith fit un geste vague de la main vers la clinique. Oui, la belle jeune femme avec qui vous devez prendre un café… ce n’est pas votre épouse ? demanda-t-elle.

    Derek feignit d’être horrifié. Grands Dieux non ! s’exclama-t-il avant de prendre un air faussement désapprobateur. Votre mère ne vous a jamais dit que ce n’était pas poli d’écouter les conversations des grandes personnes ? Elle ne comprit pas qu’il plaisantait et rougit de confusion. Ne voulant pas la mettre plus mal à l’aise qu’elle ne l’était déjà, il changea de ton. Et qu’est-ce qui vous fait penser que je suis marié ?

    Ben, en général, les gens de votre âge le sont, murmura Meredith tout en se promettant de ne plus poser aucune question. Chacune d’entre elles la faisait paraitre plus bête que la précédente.

    Derek émit un léger rire amusé. A Crestwood peut-être mais pas à San Francisco. Alors, pour votre information, je ne suis pas marié et pas prêt de l’être, d’ailleurs. Le Dr Torres est une amie, tout simplement.

    Le naturel curieux de Meredith prit le dessus sur ses bonnes résolutions. Et l’autre jeune femme, celle avec qui vous vous êtes disputé, c’est votre petite amie ?

    Derek eut un petit sursaut d’étonnement. Décidément, vous êtes bien curieuse, jeune fille !

    Meredith se maudit intérieurement – Est-ce que tu ne pourrais pas tenir ta langue, espère de cruche ? Comment veux-tu qu’il ne te prenne pas pour une débile ?  - avant de se confondre en excuses. Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolée. Vous avez raison, ça ne me regarde pas. Oubliez ça !

    Derek sourit. Cette fille n’est pas ma petite amie, lui apprit-il. C’est seulement quelqu’un avec qui je travaille.

    Une fois encore, Meredith ne réfléchit pas à l’impact qu’allaient avoir ses propos. Eh bien, je n’aimerais pas travailler avec vous, lança-t-elle en faisant une petite grimace. Vous êtes dur avec votre personnel.

    Piqué au vif par la remarque de la jeune fille, Derek s’arrêta net en plein milieu du parking. Je suis chirurgien, pas pâtissier, riposta-t-il sèchement. Je dois pouvoir compter sur mon équipe. Je n’ai pas besoin de gens fragiles qui perdent leur self-control parce que, s’ils me font faux bond, ça peut entrainer la mort d’une personne. Voilà pourquoi je suis dur avec eux. Vous, vous pouvez vous permettre de minauder avec vos amies. Si vous ratez la cuisson d’un muffin, ça n’affecte personne.

    Le ton cassant qu’il avait employé pour lui faire la leçon et le regard glacial qu’il posait encore sur elle, le même qu’il avait eu pour l’autre fille un peu plus tôt, bouleversèrent Meredith. Jamais personne ne l’avait traitée de la sorte. Sa lèvre inférieure se mit à trembler. Je sais bien que je ne suis pas très maligne, dit-elle d’une voix étranglée par les sanglots qui menaçaient d’éclater. Et que je dis n’importe quoi et que travailler dans un tea-room, ça n’a rien de glorieux. Mais ce n’est pas la peine de me le dire comme ça.

    Derek détestait les pleurnichardes. D’habitude, il aurait crucifié verbalement toutes celles qui auraient réagi comme Meredith. Mais avec cette dernière, il ne s’en sentit pas le droit. Elle lui donnait l’impression d’être tellement naïve et fragile. S’adresser à elle comme il le faisait avec les autres, c’était comme s’en prendre à une petite fille. Mais qui éduque encore ses enfants comme ça, de nos jours ? se demanda-t-il. Il soupira. Vous avez raison. Je n’aurais pas dû vous parler de cette façon. Et si je vous ai fait croire que je méprisais votre travail, j’en suis désolé. Ce n’était pas mon intention. Il lui tendit la main. On fait la paix ? Elle lui serra la main en reniflant tout en utilisant l’autre main pour essuyer ses yeux humides. Venez, dit-il sur un ton plus doux. Nous devons y aller. Ils arrivèrent à la décapotable dont il lui ouvrit la portière. Quand elle fut installée, Il fit le tour de son véhicule et, prenant appui sur la carrosserie, sauta souplement par-dessus, pour s’installer au volant.

    Votre portière est cassée ? demanda Meredith timidement.

    Derek la regarda bizarrement. Non. Pourquoi vous me demandez ça ? Elle n’osa pas le lui dire. Il devina la réponse. Ah parce que je ne l’ouvre pas pour rentrer. Il rit. On ne fait pas ça dans votre bled ?

    Meredith fit une mimique avec sa bouche. Vous savez, il n’y a personne qui a une voiture comme celle-ci à Crestwood.

    Ah mais c’est pour ça, alors ! plaisanta Derek. Elle est marrante, cette petite, se dit-il intérieurement. Il mit le contact et démarra dans un bruit assourdissant.

    En arrivant à proximité de la boutique, ils aperçurent George et Cristina en train de laver les vitrines. Oh là là, fit Meredith, en apercevant son amie perchée sur l’échelle.

    Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit Derek en garant la voiture.

    Meredith se tassa sur son siège. Cristina… Elle déteste tout ce qui est manuel. Elle s’est occupée de la comptabilité d’un magasin, vous savez, ajouta-t-elle, parce qu’elle voulait qu’il sache qu’il n’y avait pas que des paysans à Crestwood.

    Derek haussa les épaules. Et alors ? En quoi ça l’empêche de mettre la main à la pâte ?

    Rien mais ce n’est pas son rôle, estima Meredith.

    Et c’est votre rôle de monter sur une échelle malgré votre vertige ? Tout en parlant, Derek chercha Mark des yeux et l’aperçut, assis devant l’échoppe d’Alex, à qui il avait emprunté sa chaise, en train de conter fleurette à Izzie, confortablement installée sur une autre chaise. Derek sortit de son véhicule et très galamment, alla ouvrir la portière à Meredith. 


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  • Dès qu’ils virent leur amie, Izzie et George se jetèrent sur elle. Oh Mer, j’ai cru que tu étais morte, dit la première. On était si inquiet, ajouta le second.

    Mark arriva dans le sillon d’Izzie. Le toutou à sa mémère, pensa Derek qui se promit de railler son ami dès qu’ils se retrouveraient seuls.

    George courut jusqu’à la boutique et revint avec un tabouret qu’il déposa sur le trottoir, à côté de Meredith. Derek fit signe à cette dernière de s’y installer. Alors ça va mieux ? lança Cristina qui venait de descendre de son échelle. Tu es d’aplomb maintenant ?

    Oui, oui, je vais bien. Je vais pouvoir travailler, assura Meredith en se levant, trop rapidement sans doute car elle vacilla.

    Hé là ! s’exclama Derek. Il la fit rasseoir avant de la gourmander gentiment. Vous voyez que je ne dis pas des bêtises quand je vous conseille de rester tranquille ? Meredith acquiesça timidement. Derek se tourna alors vers Cristina. Aujourd’hui, elle doit se reposer. Si vous voulez, je peux vous signer une attestation, ajouta-t-il sur un ton ironique. La jeune femme lui lança un regard mauvais qui le laissa indifférent. Et dans tous les cas, il est hors de question qu’elle remonte sur cette échelle ou quoi que ce soit qui y ressemble. Parce qu’il ne perdait pas de vue la raison de sa présence, il décocha un sourire charmeur à Izzie. Je compte sur vous pour la surveiller. Les hauteurs lui sont interdites, elle a le vertige. Alors, je vous la confie. Izzie opina de la tête avec un joli sourire.

    Depuis que Meredith était revenue, George ne l’avait pas quittée des yeux. Et ce qu’il voyait ne lui plaisait pas du tout. Elle regardait son sauveur improvisé avec une admiration teintée de joie enfantine, sans doute parce qu’elle était heureuse que le médecin se soucie autant d’elle. Comment savez-vous qu’elle a le vertige ? demanda George sur un ton peu amène. Derek ne prit même pas la peine de lui répondre, se contentant de le regarder avec tant de mépris que George eut l’impression de n’être qu’un minuscule insecte.

    Faites-lui confiance, conseilla Mark en s’adressant plus à Izzie qu’à quiconque d’autre. Tel que je le connais, mon ami a examiné cette jeune fille sous toutes les coutures. Seul Derek perçut l’ironie de ses propos.

    Cristina tapa dans ses mains comme le font certaines maitresses d’école pour appeler les enfants après la récréation. Bon maintenant, on pourrait penser à se remettre au boulot non ? Cette boutique ne va pas s’ouvrir toute seule.

    Et si au lieu de passer votre temps à donner des ordres, vous vous y mettiez, vous, au boulot ? répliqua Derek, que la jeune femme agaçait prodigieusement, avec ses airs de commandant en chef. En silence, ce ne serait pas mal, non plus. ça nous ferait des vacances.

    Cristina ne se laissa pas impressionner. Dites donc, vous, pour qui vous vous prenez ? Meredith se tassa sur son tabouret. Elle détestait les conflits, surtout quand elle en était l’origine.

    Ho là, on se calme, intervint Mark. Ça ne sert à rien de s’énerver. En plus, tu mets la demoiselle mal à l’aise, ajouta-t-il à l’intention de son ami, en désignant Meredith. Izzie l’approuva d’un signe de tête et lui sourit.

    Ce détail n’échappa pas à Derek. Je suis désolé, dit-il à la jolie blonde qui se demanda pourquoi il lui présentait des excuses. C’est juste que je déteste l’injustice, prétendit-il. Pendant que je l’examinais, Meredith n’a cessé de me répéter à quel point elle était embêtée de vous laisser tout le travail. Elle a insisté pour que je la ramène au plus tôt. Meredith tiqua légèrement. Pourquoi le médecin mentait-il ?Elle supposa qu’il voulait que ses amis ne lui tiennent pas rigueur de son absence et elle n’en éprouva que plus de reconnaissance pour lui. Et je préférerais que vous aussi, vous évitiez de prendre des risques, poursuivit Derek en souriant à Izzie. Je n’aimerais pas revenir pour vous soigner, même si ce serait un plaisir de vous revoir. Troublée par son regard pénétrant, la jeune fille rosit. Je viens de marquer un point, pensa Derek. Maintenant, il fallait empêcher Mark de surenchérir. Il se tourna vers son ami. Il faut qu’on y aille, dit-il d’un ton qui ne souffrait aucune contestation.

    Pourtant, Mark ne bougea pas. Déjà ? fit-il, en couvant Izzie du regard. Je suis bien ici, moi.

    Oui, moi aussi, mais nos patients nous attendent, lui rappela Derek. Alors on y va ! Tandis que Mark disait au revoir à Izzie, lui promettant de revenir la voir très souvent, Derek se tourna vers Meredith. Je vous en prie, aujourd’hui, laissez travailler vos amis, lui recommanda-t-il une fois encore. Reposez-vous ! Je ne veux pas vous revoir à l’hôpital, compris ?Il lui fit un petit clin d’œil avant de s’éloigner, Mark sur ses talons.

    Pendant qu’ils se dirigeaient vers la voiture de Derek, Mark observa ce dernier avec un brin d’ironie. C’était quoi, ça ? Derek le regarda avec un air interrogateur. Le clin d’œil, expliqua Mark avant de singer son ami. Je vous en prie, reposez-vous, je ne veux pas vous revoir à l’hôpital. Il ricana. Tu deviens sympa maintenant ?

    Derek haussa les épaules avec un air agacé. Pourquoi je ne le serais pas ? C’est une chouette fille.

    Ouais… Dis plutôt que tu te ramollis ! Mark évita de justesse la bourrade que voulait lui donner Derek.


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