• Deux heures plus tard, Derek se dépêcha de revenir près de Meredith. Il la trouva profondément endormie, l’air serein, les cheveux éparpillés autour de son visage. Ainsi, elle ressemblait à la Madone. Il s’assit au pied du lit et contempla la jeune fille pendant un long moment. Mais que lui arrivait-il, bon sang ? Il avait l’impression de ne plus avoir rien d’autre qu’elle à l’esprit. Pire encore, elle parvenait à le distraire de ce qui avait été sa seule passion jusqu’à ce jour, son travail. Et là… Avant elle, jamais ce qui s’était passé ces derniers jours ne se serait produit. Pour tout autre malade présentant les mêmes symptômes, il aurait gardé son sang-froid, analysé froidement les faits, ordonné des examens dès les premiers soupçons. Mais pour elle, il avait tergiversé, douté, remis au lendemain, autant pour la ménager que par peur d’apprendre quelque chose qui lui déplaise. En un mot, il avait laissé son cœur prendre le pas sur sa raison. Et ça, ça ne lui ressemblait pas du tout. Pensif, il ressortit de la chambre sur la pointe des pieds.

    Il revint voir Meredith à intervalles réguliers. A chacune de ses visites, elle lui parut paisible et sereine, ce qui le rassura pleinement. Finalement, il y avait eu plus de peur que de mal. Maintenant, il en était certain, elle était consciente des dangers de ce type de médicaments et elle serait prudente. Il appréciait aussi d’avoir pu vérifier qu’elle ne lui avait pas menti et que, donc, il pouvait continuer à avoir confiance en elle. Pour lui, c’était primordial qu’il puisse croire en elle et en son honnêteté.

    Le lendemain, après avoir quelque peu sommeillé sur le canapé de son bureau, il se rendit dans la chambre de Meredith pour annoncer à cette dernière qu’elle pouvait sortir. En entrant dans la pièce, il nota avec plaisir le teint rose de la jeune fille, son air reposé et ses yeux brillant de plaisir à sa vue. Il s’approcha d’elle et l’embrassa tendrement. Bonjour, toi. Tu te sens bien ?

    Oui, beaucoup mieux, répondit Meredith avec un grand sourire.

    L’air de rien, Derek serra délicatement son poignet pour prendre son pouls. Ça ne m’étonne pas. Je suis venu te voir plusieurs fois cette nuit et à chaque fois, tu dormais à poings fermés.

    Tu aurais dû me réveiller, lui reprocha gentiment Meredith.

    Derek alla au pied du lit et y prit la feuille sur laquelle le personnel avait noté ses éventuelles observations durant la nuit. Certainement pas ! Le principe, c’était que tu dormes le plus possible.

    C’est ce que j’ai fait alors, dis-moi que je vais pouvoir sortir d’ici, lui dit Meredith, d’une voix suppliante.

    Satisfait de ce qu’il avait lu, Derek remit la feuille à sa place. Oui, c’est ce que j’étais venu t’annoncer. J’ai reçu les résultats de ta dernière prise de sang. Il releva la tête vers son amie. A ce propos, ça s’est bien passé ?

    Meredith fit une moue boudeuse. Oui mais j’aurais préféré que ce soit toi qui la fasses. J’ai moins peur quand c’est toi.

    Derek eut l’air désolé. Je sais, bébé, mais là, je n’avais vraiment pas le temps. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a plus de trace de benzodiazépine dans ton sang et que donc, je peux te ramener chez toi.

    Pas à la boutique ?

    Il s’assit sur son lit et lui prit la main. Non, j’ai bien dit chez toi. Certes, tu as passé une bonne nuit, tu as l’air d’aller mieux, je le vois, mais je préfèrerais que tu t’accordes encore une journée de repos, chez toi.

    Meredith soupira. C’est vraiment nécessaire ? Je me sens bien, tu sais.

    Comprenant qu’elle allait tenter de négocier, Derek se montra plus catégorique. Ecoute, Meredith, on ne va pas perdre de temps à discuter. Si tu ne veux pas rester chez toi, alors, je te garde ici.

    D’accord, d’accord, t’énerve pas, maugréa-t-elle. Je suis prête à faire n’importe quoi pour sortir d’ici. De toute façon, je n’ai pas le choix. Je n’ai déjà pas les moyens d’aller dans un hôpital normal, alors ici… Derek lui lança un regard noir pour la mettre en garde. Et il est hors de question que je te laisse payer une nuit de plus pour moi, poursuivit-elle néanmoins. 

    Je croyais avoir dit que je ne voulais plus avoir ce genre de conversation, déclara froidement Derek.

    Oui, tu l’as dit, mais ce n’est pas parce que monsieur donne des ordres que je vais forcément obéir, répliqua Meredith. Tu dois aussi prendre en compte ce que je ressens. Je sais que tu as les moyens et que ça ne te pose pas de problèmes de payer pour moi. Tu es quelqu’un de généreux et ça me touche vraiment tout ce que tu fais. Mais moi, je ne peux pas te le rendre et j’ai peur que ça finisse par fausser notre relation. 

    Ça ne faussera rien du tout, la rassura Derek.

    Je ne veux pas que tu puisses croire que je suis avec toi à cause de ton argent, insista Meredith. Je ne veux pas que tu aies le moindre doute.

    Je n’en ai aucun, affirma Derek. Je n’en ai jamais eu. Si c’était le cas, on ne serait pas là. Tranquillisée, Meredith lui sourit. Et pour ce qui est de rendre, tu le fais, d’une autre façon. Et je ne parle pas de sexe, ajouta-t-il rapidement en voyant les sourcils de la jeune fille se froncer. Quoique… - il feignit de réfléchir – on pourrait envisager un plan de remboursement. Devinant ce qu’il allait dire, Meredith se mit à rire. Il l’imita. En nature, dès demain. Elle rit de plus belle. Il lui donna une légère claque sur les fesses tout en la poussant vers la salle de bains. Allez, va te préparer maintenant.


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  • Ils entrèrent dans le pub enfumé et bruyant. Face à la porte, il y avait une petite scène sur laquelle un groupe de quadragénaires, dont certains bedonnants, interprétait un vieux tube des Fleetwood Mac. Quelques couples tourbillonnaient au son de la musique devant l’estrade.

    Après avoir salué les musiciens d’un signe de la main, Derek parcourut la salle du regard et repéra ses amis qui étaient assis à une table, dans le fond du bar En tenant solidement Meredith par la main, il se fraya un passage parmi les nombreux clients pour les rejoindre. En le voyant arriver, ses amis se levèrent en poussant des cris de joie. Les hommes le saluèrent d’une franche poignée de main avant que leurs compagnes lui donnent une longue accolade. Pendant ce temps, Meredith resta un retrait, remarquant que les seules personnes qu’elle connaissait à cette table, Nancy et Jamie Lynn, l’ignoraient ostensiblement.

    Une fois les embrassades terminées, Derek enlaça étroitement sa compagne par la taille. Meredith, je te présente John, il était dans l’orchestre du lycée avec moi. La jeune femme lui lança un regard étonné. Saxophone, précisa-t-il. Je te raconterai ça un jour.

    Moi, c’était la trompette, dit John qui serra la menotte de Meredith entre ses deux grosses mains. Enchanté de vous rencontrer, Meredith.

    Derek poursuivit les présentations. Voilà Luke, mon ancien compagnon de pêche et son épouse Megan, et là, tu as Dean, le meilleur garagiste du comté, et sa femme, Marla. Les deux couples serrèrent chaleureusement la main de la Meredith. La jeune femme se retrouva soudain face à un très grand homme, blond comme les blés et au visage sympathique et rieur. Ce beau garçon, c’est Danny, lui apprit Derek. C’est l’ancien quarterback de l’équipe de foot du lycée et aussi le mari de Jamie Lynn que tu connais déjà.

    Voilà donc la mystérieuse jeune femme dont j’ai tant entendu parler, s’exclama le beau garçon en question. C’est bon d’enfin faire votre connaissance. Vous êtes encore plus belle que ce que Derek nous avait dit. Il prit Meredith dans ses bras et lui fit un baiser sonore sur chaque joue.

    C’est bon, c’est bon, n’en profite pas, dit Derek en riant. Il prit Meredith par les épaules pour la faire se tourner vers la scène. Enfin, ceux que tu vois sur scène forment le célèbre Canaan Boys Band. Quel que soit le titre que tu veux entendre, ils pourront le jouer.

    Vous étiez tous dans le même lycée ? demanda Meredith sans s’adresser à une personne en particulier.

    Dans la même classe, aussi, pour la plupart, répondit Dean.

    Et aujourd’hui, vous vivez encore tous à Canaan ? s’enquit Meredith, un soupçon d’étonnement dans la voix.

    Cette fois, c’est John qui la renseigna. Oui. Quelques-uns d’entre nous sont partis mais ils sont revenus. De notre promo, seuls Derek et Mark ont réellement fait leur vie ailleurs.

    Ouais et maintenant, je comprends mieux pourquoi ça faisait une éternité qu’on ne t’avait plus revu, fit remarquer Danny en regardant Meredith d’un œil connaisseur. Derek éclata de rire tandis que Jamie Lynn se renfrognait un peu plus.

    Luke invita tout le monde à se rasseoir et amena deux chaises pour les derniers arrivés. Le peu de place fit qu’ils durent s’installer à côté de Jamie Lynn. Derek colla son siège à celui de sa compagne et posa sa main sur le genou de celle-ci, comme pour marquer sa propriété, ce qui n’échappa pas à son ex. Elle échangea un regard courroucé avec Nancy.

    Alors, comme ça, vous êtes la petite amie de Derek, insista Danny, comme s’il n’en revenait pas. Eh bien, mon gaillard, tu en as de la chance, ajouta-t-il à l’intention de son ami. Derek rit de bon cœur. Danny fit un clin d’œil à la jeune femme. Meredith, quand vous en aurez marre de lui, appelez-moi. Il ne remarqua pas le regard assassin que lui lançait sa femme.

    Par contre, la jalousie de Jamie Lynn n’échappa à Meredith. Elle fut tentée de profiter de la situation pour se venger des mesquineries dont elle était l’objet de la part de l’ancienne cheerleader, mais elle y renonça pour ne pas plomber l’ambiance. Elle décocha son plus beau sourire à l’intention de Danny C’est flatteur mais à votre place, je ne resterais pas à côté du téléphone. Les exclamations moqueuses et les éclats de rire saluèrent sa plaisanterie.

    Pourtant, prendre le mari des autres, ça vous connaît, laissa tomber froidement Nancy. La remarque fit mouche. Meredith blêmit sous l’insulte. Les autres convives plongèrent le nez dans leur verre pour dissimuler leur embarras.

    Derek regarda sa sœur avec stupéfaction. Tu arrêtes ça tout de suite, grogna-t-il entre ses dents.

    Nancy prit un air condescendant. Oh moi ce que j’en dis…

    Ne dis plus rien, cela vaut mieux, riposta sèchement Derek. Nous réglerons ça plus tard. Il resserra son étreinte sur le genou de Meredith, pour lui faire sentir qu’il était de son côté.

    Et si on commandait à boire ? proposa John pour faire diversion. Il fit signe au serveur.

    La musique s’arrêta et, après quelques applaudissements, une voix s’éleva dans le micro. Chers amis, saluons le retour au pays de l’enfant prodige qui, pour la deuxième fois en quelques jours, nous honore de sa présence. Derek, mon vieux, on est bien content de te revoir - Quelques cris et sifflets fusèrent dans la salle – d’autant plus content que ce soir, tu es accompagné et de quelle façon ! Mademoiselle, soyez la bienvenue parmi nous. Jamie Lynn lança un regard noir en direction de celui qui venait de prononcer ces mots. Elle vida le fond de son verre d’un trait. Derek, nous allons interpréter une chanson tout spécialement pour toi et ton amie, poursuivit le leader du Canaan Boys Band. N’hésitez pas à rejoindre la piste de danse.


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    Quel con celui-là, marmonna Jamie Lynn, alors que le groupe entamait son morceau. Comme s’il ne savait pas que tu ne danses jamais, ajouta-t-elle à l’attention de Derek. Elle ouvrit de grand yeux stupéfaits en voyant ce dernier se lever et tendre la main à Meredith.

    J’ai évolué en vingt ans, tu sais, répondit-il avec une pointe de sarcasme dans l’intonation. En plus, je démarre une nouvelle vie avec Meredith. Ce n’est pas pour continuer à faire ce que je faisais quand j’étais ado ou pendant mon mariage. C’est sous les applaudissements et cris enthousiastes de ses amis qu’il entraîna sa compagne jusque devant la scène. Il l’enlaça amoureusement et ils commencèrent à tourner lentement sous les regards de toutes les personnes présentes dans bar, ou presque.

    Est-ce que ce n’est pas toi qui m’as dit un jour que tu ne dansais jamais en public ? murmura Meredith à l’oreille de Derek.

    Oui et c’était vrai. Mais j’ai dû danser avec Addison au bal de promo alors que c’était avec toi que je mourrais d’envie de le faire. Alors maintenant que j’en ai l’occasion… Il la serra plus fort. Et puis, avec toi, tout est différent. Je ne suis plus le même et j’ai envie d’essayer plein de nouvelles choses. Ils se perdirent dans le regard de l’autre. Il lui sourit. Ecoute cette chanson. A mon avis, ils ne l’ont pas choisie au hasard.

    Meredith lui obéit et fit attention aux paroles. 

    Je ne sais jamais ce que le futur apporte
    Mais je sais que tu es là avec moi maintenant
    Nous résisterons
    Et j'espère que tu es celle avec qui je partagerai ma vie...
    Et je souhaite que tu sois celle avec qui je mourrai
    Et je prie pour que tu sois celle avec qui je construirai ma maison
    J'espère que je t'aimerai toute ma vie

    Elle n’était pas le genre de femme qui se laissait facilement émouvoir et certainement pas par une chanson romantique. En d’autres temps, elle se serait sans doute moquée du besoin qu’avait Derek d’utiliser une ballade à l’eau de rose pour exprimer ce qu’il ressentait. Mais ce soir, bizarrement, elle se sentit émue. C’est vraiment ce que tu penses ?

    Le regard brillant qu’elle leva vers lui bouleversa Derek. Oui, je t’aime vraiment, plus que tout au monde, plus que je n’ai jamais aimé personne. C’est toi que je veux jusqu’à la fin de mes jours.

    Moi aussi. Meredith se pelotonna contre lui pendant quelques secondes avant de lui désigner les chanteurs d’un discret signe du menton. C’est toi qui leur as demandé de chanter ça ?

    Non, quand est-ce que je l’aurais fait ?

    Donc cette chanson, c’est juste un hasard ?

    Peut-être pas. Derek lui sourit avec espièglerie. De quoi crois-tu que je leur ai parlé l’autre soir ? De toi, toujours de toi, exclusivement de toi. Tu m’obsèdes, chuchota-t-il à son oreille. Tu m’as envoûté. Il lécha le lobe de l’oreille de la jeune femme du bout de la langue. Je suis fou de toi.

    Elle frissonna. Mais ta sœur me déteste.

    Ne fais pas attention à elle, lui recommanda Derek. Ce soir, je veux que tu profites de ta soirée. Quant à Nancy, je crois qu’il est grand temps que j’ai une petite conversation avec elle, mais ça, ce sera pour demain.

    Je ne veux pas que tu…

    Il lui coupa la parole. Je ne vais pas la laisser continuer à t’insulter, Mer. Ce soir, je n’ai pas voulu faire d’esclandre mais demain, je lui dirai ma façon de penser. Elle ouvrit la bouche pour lui faire part de ses objections. Il la lui referma d’un baiser. Tu ne vas pas pouvoir m’en empêcher, alors n’insiste pas, d’accord ? Elle soupira mais ne dit plus rien. Il inclina la tête en souriant et la regarda avec des yeux tellement charmeurs mais aussi facétieux qu’elle pouffa de rire. Il l’enlaça plus étroitement encore, comme s’il voulait que leurs corps fusionnent. Tu sais, cet après-midi, quand on discutait avec ma mère, ça m’a rappelé des choses. On était tellement heureux avant qu’Addison vienne tout bouleverser. Nos conversations et nos baisers dans les ascenseurs, nos rendez-vous impromptus dans les salles de garde… Je veux retrouver ce bonheur-là, Meredith.

    Moi aussi, dit-elle dans un souffle, avant de poser sa tête sur l’épaule de son amant.

    A la table, Jamie Lynn, qui ne les avait pas quittés des yeux, se tourna vers Nancy. Cette fille n’est pas son genre. A mon avis, ça ne va pas durer. Nancy resta silencieuse mais fit une moue dubitative. ça ne peut pas être sérieux, s’entêta Jamie Lynn. D’ailleurs, quand il me l’a présentée, il m’a dit que c’était sa collègue ou une amie, je ne sais plus exactement. Et tout le temps que j’ai été là, il n’a pas vraiment fait attention à elle.

    Ben, si tu veux mon avis, la situation a bien évolué depuis, clama John. Les hommes éclatèrent d’un rire sonore.

    Entre eux, ça dure depuis qu’il est arrivé à Seattle, expliqua Nancy. Ils ont rompu plusieurs fois mais ça a toujours fini par s’arranger. Et là, ça vient manifestement de s’arranger une fois de plus.

    L’autre soir, quand il est venu, il n’a eu qu’un prénom à la bouche, Meredith, rappela Luke. J’ai eu l’impression qu’elle comptait énormément pour lui. D’ailleurs, je l’ai dit à Megan. Celle-ci opina.

    Dean intervint à son tour. Il m’a dit que c’était un peu compliqué mais qu’il pensait avoir enfin trouvé la femme de sa vie. Fusillé du regard par Jamie Lynn, il n’en dit pas plus.

    Danny observait le couple depuis un bon moment. Mais regardez-les ! ça saute aux yeux que Derek est accro. S’il pouvait, il lui ferait l’amour, là, sur place. Je ne l’ai jamais vu comme ça, même pas avec Addison. Il ne vit pas que sa femme levait les yeux au ciel.

    La musique cessa sous les applaudissements des clients. Derek embrassa une dernière fois les lèvres avant de la prendre par la main pour la ramener à la table. Il tira la chaise pour qu’elle s’asseye et se réinstalla à ses côtés, non sans avoir déposé un baiser dans ses cheveux, sous l’œil moqueur de ses compères, qu’il ignora délibérément.

    Paroles et traduction de "If You're Not The One"


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  • Une heure plus tard, ils franchissaient le seuil de la maison de Nob Hill, que tous ses habitants semblaient avoir désertée. Il n’y a personne ici, fit remarquer Derek en passant la tête à la porte de la cuisine.

    Vu l’heure, ils sont déjà à la boutique, répondit Meredith. Et Gloria a dû emmener Tante Ellis faire sa promenade quotidienne. Elle le poussa un peu pour entrer dans la pièce. Tu veux boire quelque chose ?

    Non, merci. A ce propos, fais-moi plaisir, à partir d’aujourd’hui, ne bois plus que ce que tu t’es servi toi-même, lui recommanda-t-il.

    Meredith sourit. C’était bien mon intention. Elle prit un verre qu’elle remplit au robinet. On monte ? proposa-t-elle. A sa grande surprise, elle se sentait fatiguée et elle n’avait qu’une envie, retrouver son lit douillet, le signe sans doute qu’elle n’était pas encore tout à fait remise de ses aventures. Tu avais raison, reconnut-elle en sortant de la cuisine. Une journée de plus à ne rien faire me fera le plus grand bien.

    J’ai toujours raison, prétendit Derek. Meredith émit un petit rire moqueur. Ils montèrent à l’étage, lui la précédant pour la tirer par la main. Arrivée dans sa chambre, la jeune fille ne perdit pas une seconde pour enfiler un vieux tee-shirt ample qui lui arrivait à mi-cuisses. Pendant qu’elle se changeait, Derek regarda un panneau rempli de photos retraçant la vie de Meredith à Crestwood. C’est ta maman, là ? demanda-t-il en pointant l’index sur un cliché où l’on voyait Meredith, plus jeune de deux ou trois ans, le sourire timide et la tête inclinée vers une dame relativement jeune encore, au sourire tout aussi doux .

    Meredith se retourna brièvement pour ce dont il parlait. Oui. C’est au mariage de ma cousine, précisa-t-elle en pliant ses vêtements

    Tu lui ressembles, constata Derek.

    Oui mais il parait que je ressemble encore plus à mon père, indiqua Meredith.

    Derek passa une nouvelle fois les photos en revue. Il est où sur le panneau, que je puisse me faire une idée ?

    La photo en haut, à droite. Après avoir posé ses vêtements sur la chaise, Meredith se glissa sous la couette. 

    Derek vit un très jeune homme souriant, au regard franc, blond comme les blés, posant à côté d’un ancien modèle de Chevrolet avec un bébé dans les bras. De toute évidence, la photo n’était pas récente. Le bébé, c’est toi ? se renseigna Derek. Meredith fit signe que oui. C’était la seule photo du père, alors qu’il y en avait plusieurs de la mère. Derek en déduisit que Meredith avait peu connu son géniteur. Il se demanda si celui-ci était décédé jeune ou s’il avait disparu de la circulation. Toutefois, il ne posa pas la question, de peur que cela n’incite la jeune fille à l’interroger sur sa famille. C’est vrai, tu lui ressembles, tu as ses yeux, se contenta-t-il de dire. Une autre photo attira son attention. On y voyait le groupe des quatre amis, jeunes adolescents, poser devant l’objectif. Mais ce qui frappa Derek, ce fut le regard énamouré que George posait sur Meredith. Il est amoureux d’elle, pensa-t-il, et ça ne date pas d’hier. C’est pour ça qu’il est comme ça, il se bat pour elle, il veut l’avoir pour lui. L’enfoiré ! L’espace d’une seconde, il imagina que Meredith avait eu une histoire avec son ami d’enfance et qu’elle le lui avait caché. Il en éprouva du dégoût mêlé à une jalousie intense. Mais il se raisonna aussitôt. Par sa totale inexpérience, Meredith lui avait prouvé qu’elle était vierge de tout contact avec la gent masculine. Tu disjonctes, mon vieux.

    Il remarqua alors une étagère pleine de livres et se mit à lire les titres des ouvrages. Une fois encore, il fut surpris par le niveau des lectures de son amie et leur éclectisme. Les recueils de poésie de Walt Whitman et d’Emily Dickinson se mêlaient aux romans de Steinbeck et Hemingway, ainsi qu’à des livres d’histoire ou des traités de psychologie enfantine. Il se promit, dès que l’occasion se présenterait, de parler à Meredith de son avenir, de lui faire comprendre qu’elle gâchait son temps et son talent dans la boutique, de la convaincre qu’il était temps pour elle de prendre son envol. Il prit en main un livre qui traitait de la maltraitance des enfants et le feuilleta rapidement. Il observa qu’il était abondamment annoté dans les marges. Les remarques qu’il y lut lui parurent tout à fait pertinentes et pleines de bon sens, quoiqu’un peu idéalistes parfois. Mais c’était justement cela aussi ce qu’il appréciait chez Meredith. Au-delà d’un physique irréprochable, elle avait une belle âme. Elle était pure et naïve, elle avait foi en l’homme. Il se dit que c’était grâce à cet aspect de sa personnalité qu’elle lui avait donné sa chance, qu’elle s’était attachée à lui. Et c’était réciproque, il ne fallait pas s’en cacher. A ses côtés, il devenait méconnaissable, plus humain, moins froid, dépourvu de la dureté qui était redoutée de tous. A son contact, il devenait un homme meilleur. Il fut alors frappé par l’idée qu’elle était en train de bouleverser sa vie. Sans qu’il s’en rende compte, elle s’était introduite dans le cercle très restreint et très fermé des personnes avec lesquels il s’autorisait à être lui-même. Elle allait même au-delà car il partageait avec elle une intimité qu’il avait toujours été incapable de connaitre avec d’autres. C’était comme si elle était parvenue à faire sortir une part de lui qui n’avait pas encore été révélée, une part plus détendue, plus douce, plus humaine en fait.

    Il se retourna et vit alors que la jeune fille s’était endormie. Il ressentit un élan de tendresse comme il n’en avait eu auparavant et en fut bouleversé. Oui, tu disjonctes vraiment. Tu la vois endormie et te voilà prêt à pleurer comme une gonzesse. Le manque de sommeil certainement, se rassura-t-il sans être totalement dupe. Il alla s’asseoir près d’elle et se perdit dans sa contemplation. En cet instant précis, il ne la désirait pas, non. Il avait simplement envie d’être là, près d’elle, à ne rien faire d’autre qu’à écouter son souffle et à la regarder. Ce qu’il éprouva lui fit peur. Non, non, il ne voulait pas… Il y avait bien longtemps, il s’était promis que… Il prit quasiment la fuite pour repartir à la clinique. Seule la chirurgie pouvait chasser ses démons.


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  • On ne savait pas que tu dansais si bien, ironisa Danny. Quand je pense que tu évitais les bals dans notre jeunesse ! Quel gâchis !

    Jamie Lynn coupa la parole à son mari. Ouais, n’exagère pas, ce n’est pas Fred Astaire non plus !

    Les époux se défièrent du regard jusqu’à ce que Danny choisisse de détourner les yeux, pour éviter une dispute en public. ça vous dit, une partie de billard, les gars ? demanda-t-il à ses compagnons. Laissons ces dames papoter entre elles.

    Derek se pencha vers Meredith pour lui parler à mi-voix. Tu veux bien ? Bien qu’elle ne soit pas enthousiaste à l’idée de rester seule avec Nancy et ses copines, elle opina de la tête. Tu es sûre ? insista Derek.

    Meredith prit sur elle pour avoir un ton enjoué. Mais oui ! Que veux-tu qu’il m’arrive ici ? De toute façon, tu ne seras pas loin.

    Bien sûr, je serai juste là. Derek lui désigna le billard qui était situé à environ trois mètres de la table. Et puis, je ne te laisse pas toute seule. Il se tourna vers Nancy. Je te la confie. C’est l’occasion pour jamais de te faire pardonner. Il alla rejoindre ses amis après avoir fait un dernier sourire à Meredith.

    Celle-ci se retrouva seule face à l’hostilité, à peine dissimulée sous un sourire de façade, de ses compagnes de table. Après quelques minutes d’un silence pesant, Marla se décida enfin à entamer la conversation. Alors, Meredith, que pensez-vous de Canaan ? Vous avez déjà eu l’occasion de visiter ?

    Meredith la regarda avec gratitude. Oui. Ce matin, Derek m’a montré ses endroits favoris. J’aime beaucoup. C’est tellement pittoresque. Presque en dehors du temps.

    Vous vous sentez prête à vivre ici ? se renseigna Jamie Lynn, après avoir consulté Nancy du regard.

    Meredith la dévisagea avec étonnement. Vivre ici ? Je ne sais pas. La question ne se pose pas, je pense.

    Jamie Lynn feignit d’être surprise. Pourtant, l’autre soir, Derek a envisagé la possibilité de revenir aux sources et d’ouvrir un cabinet dans les environs. Il ne vous en a pas parlé ? demanda-t-elle avec perfidie.

    Meredith ne put cacher qu’elle était déstabilisée. Non, non, bafouilla-t-elle. Je ne comprends pas. C’est un chirurgien renommé. Il ne peut pas envisager de devenir médecin de campagne.

    Vous savez, les Etats-Unis ne se limitent pas à Seattle, intervint Nancy avec un air hautain. La ville d’Hartford n’est pas très loin et il y a des hôpitaux, là aussi. Ils seraient on ne peut plus heureux d’accueillir un chirurgien de son niveau.

    Oui, bien sûr, mais aucun de ces établissements n’a le niveau du Seattle Grace, répliqua Meredith. Et il n’est pas question pour moi de quitter le programme, Derek le sait. S’il devait s’établir ici, ce serait sans moi. Ce n’est pas ce qu’il envisage pour nous… enfin, il me semble, conclut-elle avec un peu moins d’assurance.

    Peut-être envisage-t-il une relation longue distance ? dit Megan.

    Je ne crois pas, non, répondit Meredith avec un petit sourire.

    En tout cas, si c’est ce qu’il vous propose, refusez ! clama Jamie Lynn. Derek est le genre d’homme qu’on ne lâche pas d’un pouce.

    Oui, il est exceptionnel, confirma Meredith avec un sourire attendri. J’ai beaucoup de chance.

    Jamie Lynn prit un air condescendant. Oh ce n’est pas à ça que je pensais. Derek est un amoureux charmant et attentionné, c’est vrai. Mais il est aussi très exigeant et surtout, il ne supporte pas d’être seul. J’en ai fait la triste expérience.

    Meredith fronça les sourcils. Que voulez-vous dire ?

    Vous êtes certainement déjà au courant que Derek et moi avons eu une très longue relation. J’ai longtemps cru que nous ferions notre vie ensemble. Jamie Lynn marqua volontairement un temps, pour ménager son effet. Dans ma famille, on est très croyant. Il n’était pas envisageable que j’aie des relations intimes avec un garçon, peu importe lequel, avant le mariage. Mais Derek…  Elle soupira. Il voulait, il insistait et je l’aimais tellement. Alors… alors, j’ai fait ce qu’il voulait. Pour moi, il était le bon.

    Je ne vois pas en quoi tout ceci me concerne, fit remarquer Meredith, légèrement agacée par l’évocation de ces souvenirs.

    J’y viens… Nous étions quasiment fiancés quand il est parti à la fac, raconta Jamie Lynn. Il aurait très bien pu choisir l’université de Hartford. Ce n’est pas bien prestigieux, me direz-vous, mais c’était à côté. Ou alors il y avait Yale, à New Haven. C’est l'un des établissements les plus renommés du pays, membre de l’Ivy League, la rivale d’Harvard. Nous aurions pu continuer à nous voir régulièrement. Mais non, il rêvait de New-York et comme Mark Sloan y était inscrit… il est parti et ça a été la fin pour nous.

    Les amours de jeunesse résistent rarement à l’université, dit Meredith qui ne voyait toujours pas où l’autre voulait en venir.

    Jamie Lynn hocha la tête. Nous deux, c’était bien plus que ça. C’était sérieux. Nous formions un couple solide. Sur le plan sexuel, nous étions en phase, se fit-elle un plaisir de préciser, devinant que ce détail déplairait à Meredith. Derek était un amant merveilleux, très prévenant, très à l’écoute. Et moi, je faisais tout ce qu’il voulait. Mais il avait des besoins, de grands besoins. Il n’en avait jamais assez. Marla et Megan, qui commençaient à être mal à l’aise, échangèrent un regard, ce qui n’empêcha pas Jamie Lynn de poursuivre. Alors, quand il est parti… le manque, vous comprenez… il a sauté sur la première venue. C’en était fini de moi.

    Excusez-moi, mais je ne vois toujours pas le rapport avec moi, insista Meredith.

    Il est évident pourtant. Si vous laissez trop d’espace à Derek, il vous trompera, asséna Jamie Lynn. Si vous ne faites pas ce qu’il attend de vous, il trouvera quelqu’un d’autre et il vous remplacera. C’est aussi simple que ça.

    Meredith secoua la tête en souriant. Derek n’est pas comme ça. Du moins, il ne l’est plus. Elle se tourna vers Nancy, espérant un soutien de sa part. Mais la sœur de Derek resta imperturbable.

    Vous en êtes convaincue ? Vraiment ? demanda Jamie Lynn, les yeux écarquillés par l’incrédulité. Vous êtes naïve à ce point ?

    Je ne suis pas naïve, riposta Meredith qui en avait assez que cette dinde de Jamie Lynn la traite comme une idiote. Je n’ai pas connu Derek ado mais je le connais maintenant et je ne le reconnais pas du tout dans celui que vous me décrivez. Il a évolué. Il est différent du jeune homme que vous avez aimé. Et notre histoire n’a rien à voir avec la vôtre. 

    Nancy parla enfin, mais pas pour dire ce que Meredith attendait. Pourtant, il a couché avec vous, quinze jours à peine après avoir trouvé l’amour de sa vie dans un lit avec son meilleur ami. Et croyez-moi, il adorait sa femme. Il ne pouvait pas l’avoir oubliée si rapidement. Il devait avoir une raison pour se tourner vers quelqu’un d’autre… le dépit… ou autre chose. Meredith pâlit sous l’affront.

    Jamie Lynn enfonça le clou. Et d’après ce que j’ai entendu dire, tous les deux, vous avez traversé une mauvaise passe dernièrement et il en a immédiatement profité pour sortir avec une infirmière.

    Il ne s’est rien passé avec elle, répliqua Meredith, humiliée que tout le monde soit au courant de cette anecdote.

    Jamie Lynn ricana. Evidemment ! C’est ce qu’ils disent toujours. Vous avez eu de la chance. Cette fille ne lui a pas convenu. Il est revenu vers vous. Elle prit un air faussement amical. Je vous le répète, Meredith, méfiez-vous. Derek n’est pas celui que vous croyez.


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