• CHAPITRE 350

    Une heure plus tard, ils franchissaient le seuil de la maison de Nob Hill, que tous ses habitants semblaient avoir désertée. Il n’y a personne ici, fit remarquer Derek en passant la tête à la porte de la cuisine.

    Vu l’heure, ils sont déjà à la boutique, répondit Meredith. Et Gloria a dû emmener Tante Ellis faire sa promenade quotidienne. Elle le poussa un peu pour entrer dans la pièce. Tu veux boire quelque chose ?

    Non, merci. A ce propos, fais-moi plaisir, à partir d’aujourd’hui, ne bois plus que ce que tu t’es servi toi-même, lui recommanda-t-il.

    Meredith sourit. C’était bien mon intention. Elle prit un verre qu’elle remplit au robinet. On monte ? proposa-t-elle. A sa grande surprise, elle se sentait fatiguée et elle n’avait qu’une envie, retrouver son lit douillet, le signe sans doute qu’elle n’était pas encore tout à fait remise de ses aventures. Tu avais raison, reconnut-elle en sortant de la cuisine. Une journée de plus à ne rien faire me fera le plus grand bien.

    J’ai toujours raison, prétendit Derek. Meredith émit un petit rire moqueur. Ils montèrent à l’étage, lui la précédant pour la tirer par la main. Arrivée dans sa chambre, la jeune fille ne perdit pas une seconde pour enfiler un vieux tee-shirt ample qui lui arrivait à mi-cuisses. Pendant qu’elle se changeait, Derek regarda un panneau rempli de photos retraçant la vie de Meredith à Crestwood. C’est ta maman, là ? demanda-t-il en pointant l’index sur un cliché où l’on voyait Meredith, plus jeune de deux ou trois ans, le sourire timide et la tête inclinée vers une dame relativement jeune encore, au sourire tout aussi doux .

    Meredith se retourna brièvement pour ce dont il parlait. Oui. C’est au mariage de ma cousine, précisa-t-elle en pliant ses vêtements

    Tu lui ressembles, constata Derek.

    Oui mais il parait que je ressemble encore plus à mon père, indiqua Meredith.

    Derek passa une nouvelle fois les photos en revue. Il est où sur le panneau, que je puisse me faire une idée ?

    La photo en haut, à droite. Après avoir posé ses vêtements sur la chaise, Meredith se glissa sous la couette. 

    Derek vit un très jeune homme souriant, au regard franc, blond comme les blés, posant à côté d’un ancien modèle de Chevrolet avec un bébé dans les bras. De toute évidence, la photo n’était pas récente. Le bébé, c’est toi ? se renseigna Derek. Meredith fit signe que oui. C’était la seule photo du père, alors qu’il y en avait plusieurs de la mère. Derek en déduisit que Meredith avait peu connu son géniteur. Il se demanda si celui-ci était décédé jeune ou s’il avait disparu de la circulation. Toutefois, il ne posa pas la question, de peur que cela n’incite la jeune fille à l’interroger sur sa famille. C’est vrai, tu lui ressembles, tu as ses yeux, se contenta-t-il de dire. Une autre photo attira son attention. On y voyait le groupe des quatre amis, jeunes adolescents, poser devant l’objectif. Mais ce qui frappa Derek, ce fut le regard énamouré que George posait sur Meredith. Il est amoureux d’elle, pensa-t-il, et ça ne date pas d’hier. C’est pour ça qu’il est comme ça, il se bat pour elle, il veut l’avoir pour lui. L’enfoiré ! L’espace d’une seconde, il imagina que Meredith avait eu une histoire avec son ami d’enfance et qu’elle le lui avait caché. Il en éprouva du dégoût mêlé à une jalousie intense. Mais il se raisonna aussitôt. Par sa totale inexpérience, Meredith lui avait prouvé qu’elle était vierge de tout contact avec la gent masculine. Tu disjonctes, mon vieux.

    Il remarqua alors une étagère pleine de livres et se mit à lire les titres des ouvrages. Une fois encore, il fut surpris par le niveau des lectures de son amie et leur éclectisme. Les recueils de poésie de Walt Whitman et d’Emily Dickinson se mêlaient aux romans de Steinbeck et Hemingway, ainsi qu’à des livres d’histoire ou des traités de psychologie enfantine. Il se promit, dès que l’occasion se présenterait, de parler à Meredith de son avenir, de lui faire comprendre qu’elle gâchait son temps et son talent dans la boutique, de la convaincre qu’il était temps pour elle de prendre son envol. Il prit en main un livre qui traitait de la maltraitance des enfants et le feuilleta rapidement. Il observa qu’il était abondamment annoté dans les marges. Les remarques qu’il y lut lui parurent tout à fait pertinentes et pleines de bon sens, quoiqu’un peu idéalistes parfois. Mais c’était justement cela aussi ce qu’il appréciait chez Meredith. Au-delà d’un physique irréprochable, elle avait une belle âme. Elle était pure et naïve, elle avait foi en l’homme. Il se dit que c’était grâce à cet aspect de sa personnalité qu’elle lui avait donné sa chance, qu’elle s’était attachée à lui. Et c’était réciproque, il ne fallait pas s’en cacher. A ses côtés, il devenait méconnaissable, plus humain, moins froid, dépourvu de la dureté qui était redoutée de tous. A son contact, il devenait un homme meilleur. Il fut alors frappé par l’idée qu’elle était en train de bouleverser sa vie. Sans qu’il s’en rende compte, elle s’était introduite dans le cercle très restreint et très fermé des personnes avec lesquels il s’autorisait à être lui-même. Elle allait même au-delà car il partageait avec elle une intimité qu’il avait toujours été incapable de connaitre avec d’autres. C’était comme si elle était parvenue à faire sortir une part de lui qui n’avait pas encore été révélée, une part plus détendue, plus douce, plus humaine en fait.

    Il se retourna et vit alors que la jeune fille s’était endormie. Il ressentit un élan de tendresse comme il n’en avait eu auparavant et en fut bouleversé. Oui, tu disjonctes vraiment. Tu la vois endormie et te voilà prêt à pleurer comme une gonzesse. Le manque de sommeil certainement, se rassura-t-il sans être totalement dupe. Il alla s’asseoir près d’elle et se perdit dans sa contemplation. En cet instant précis, il ne la désirait pas, non. Il avait simplement envie d’être là, près d’elle, à ne rien faire d’autre qu’à écouter son souffle et à la regarder. Ce qu’il éprouva lui fit peur. Non, non, il ne voulait pas… Il y avait bien longtemps, il s’était promis que… Il prit quasiment la fuite pour repartir à la clinique. Seule la chirurgie pouvait chasser ses démons.


  • Commentaires

    1
    Nolcéline 97234
    Lundi 22 Février 2016 à 21:00

    Bonsoir à tous, eh bien Derek il serait temps de lui dire ce que tu ressens parce que là clairement tu es amoureux d'elle même si tu refuses de l'admettre , en tout cas c'est vrai qu'à son contact tu as changé yes. Merci pour la suite et bonne soirée à tous.

    2
    lindagr54
    Lundi 22 Février 2016 à 21:15

    Ah Derek  a dû  mal à  s'avouer  qu'il est amoureux  de Méredith. 

    J'espère  qu'il  ne va pas avoir peur et faire un pas en arrière  en refusant  de la voir.

     

     

    3
    sammy
    Mardi 23 Février 2016 à 00:41

    Si Meredith est si importante pour lui Derek ne doit pas cacher ses sentiments !!!

    4
    Alba06
    Mardi 23 Février 2016 à 02:47

    Derek semble être un écorché vif, il faut laisser le temps au temps. 

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