• La jeune fille opina de la tête avant de s’accroupir pour ramasser les débris de faïence. Gloria la fit relever aussitôt. Laisse donc, je vais m’en occuper. Elle lui prit la main. Elle ne pensait pas ce qu’elle a dit, chuchota-t-elle. Quand elle va bien, elle me dit à quel point elle est fière de toi et comme elle est contente que tu sois là, poursuivit-elle en se tournant de temps en temps vers Derek, comme pour le prendre à témoin. Alors, quand elle te parle comme ça, n’oublie pas que c’est parce qu’elle ne sait plus qui tu es. Elle regarda la malade avec commisération. La pauvre, elle s’en voudrait tellement si elle se rendait compte de ce qu’elle dit parfois.   

    Ne vous en faites pas, je le sais, la rassura Meredith. Ce n’est pas ce qu’elle me dit qui me rend triste, c’est de la voir dans cet état.

    Eh oui, que veux-tu, nous sommes peu de choses, commenta Gloria. Elle poussa gentiment le couple en-dehors de la pièce. Allez, filez, vous avez mieux à faire que de rester ici. Et moi, je dois empêcher Ellis de vider le paquet de beignets. Je suis désolée, ajouta-t-elle en regardant Derek avec un air contrit. Elle vous a gâché votre petit-déjeuner.

    Il lui sourit. Oh ce n’est rien, j’en ai vu d’autres. Il lui serra chaleureusement la main.

    Meredith serra Gloria contre elle et lui donna un baiser sur la joue. Merci pour tout ce que vous faites pour nous. Touchée, Gloria lui caressa la joue avant de refermer la porte.

    Le couple entendit Ellis qui poussait un cri de colère. Ellis, vous ne pouvez quand même pas manger tous les beignets ! invoqua Gloria.

    Meredith prit son sac. Pauvre Gloria, ça doit être épuisant de subir ça toute la journée. Derek lui ouvrit la porte. Je ne m’étais jamais rendu compte que c’était grave à ce point, ajouta-t-elle.

    Il lui prit le bras pour marcher jusqu’à la voiture. Et encore, ce n’est rien à côté de ce qui vous attend, dit-il franchement. Meredith lui jeta un regard où se lisait une certaine appréhension. Malheureusement, son état va empirer, précisa Derek. Et j’ai peur que vous ne soyez très bientôt plus capables de gérer la situation.

    Tu crois ? demanda Meredith d’une petite voix mal assurée.

    Derek fit signe que oui en lui ouvrant la portière de la Porsche. S’occuper d’une malade Alzheimer, c’est lourd, c’est très lourd.

    Meredith prit place dans la voiture. On s’en sort plutôt bien pour le moment, reprit-elle quand Derek s’installa au volant.

    Il approuva d’un signe de tête. Pour le moment, oui. Mais bientôt, tu ne pourras plus tout gérer, insista-t-il. Ta tante, ton travail, ta vie personnelle aussi. Déjà, la dame de compagnie, Gloria, elle est bien brave, cette dame, mais… Il fit une petite grimace. D’après ce que j’ai pu constater ce matin, ta tante en est au stade 2 de la maladie. Vous allez être très vite dépassés par les évènements.

    Pourquoi ? demanda Meredith en bouclant sa ceinture de sécurité.

    Derek fit de même. Quand les patients atteignent le deuxième stade, ils deviennent très dépendants de leur entourage. Premièrement, les problèmes de mémoire s’aggravent. Par exemple, en voyant une personne, certains malades pensent qu’ils ont affaire à des membres de leur famille, parfois décédés depuis très longtemps.

    Comme ma tante qui, tout à l’heure, t’a pris pour son mari qui est décédé depuis au moins dix ans, souligna Meredith.

    C’est ça. Derek lui prit la main. Mais ce que tu as vécu jusque maintenant n’est rien en comparaison avec ce qui va arriver. Ta tante va avoir de plus en plus de difficultés à interpréter les stimuli. Il sourit légèrement en voyant la mine interrogative de Meredith. Je veux dire qu’elle ne va plus réagir normalement au toucher, au goût, à l’ouïe. Dans sa vie quotidienne, ça va se traduire par des pertes d’appétit, une incapacité de lire. Elle va aussi avoir des hallucinations visuelles et auditives.

    Meredith ouvrit de grands yeux effrayés à l’idée de ce que sa tante allait vivre. Oh mon dieu ! Pauvre Tante Ellis !

    Derek la regarda avec tendresse. Comme d’habitude, elle se souciait plus des autres que d’elle. Oui, ça va être difficile pour elle mais ça va l’être encore plus pour vous. En voyant son air catastrophé, il s’en voulut de s’être lancé dans cette discussion, même s’il l’estimait nécessaire. Je ne veux pas t’alarmer mais je préfère que tu saches ce qui vous attend. Les crises auxquelles nous avons eu droit ce matin… il y en aura d’autres, de plus en plus fréquentes, de plus en plus fortes.

    La mine sombre, Meredith haussa les épaules. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais le choix. La condition pour vivre ici sans payer de loyer, c’est de m’occuper d’elle quand Gloria n’est pas là. Et puis, c’est ma tante, je ne peux pas la laisser tomber. Il faut juste espérer que son état de santé ne va pas se dégrader trop rapidement.

    Derek démarra. Tu sais que si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. Tu peux compter sur moi. La jeune femme le remercia avec un pâle sourire avant de se tourner vers la vitre. Durant tout le trajet, elle pensa à cette horrible maladie qui allait anéantir la vie de sa tante et sans doute ruiner la sienne.


    2 commentaires
  • Meredith cessa peu à peu de pleurer mais elle resta agrippée à Derek comme à une bouée de sauvetage. Lui, il aurait pu rester ainsi durant des heures s’il ne l’avait pas senti trembler et s’il n’avait pas été nécessaire de la soigner. Meredith, tu es blessée, tu as besoin qu’on s’occupe de toi. Alors je vais t’emmener ailleurs. D’accord ? Elle opina faiblement de la tête. Il l’aida à se mettre debout et à passer la blouse qu’il avait posée sur elle, en évitant de regarder son corps, pour ne pas la mettre plus mal à l’aise. Ensuite, il alla prendre une couverture dans laquelle il enveloppa précautionneusement son amie. Il souleva celle-ci dans ses bras et elle enfouit le visage dans son cou en tirant un coin de la couverture sur sa tête, pour se protéger des regards malsains et curieux. Derek ouvrit la porte et constata avec plaisir que le couloir était vide, l’œuvre sans doute de Bailey et de Mark. Celui-ci, qui était resté à son poste, lui emboita le pas. Ils pénétrèrent dans la première salle d’examen qui était libre. Mark se précipita pour fermer les stores afin que les éventuels indiscrets ne puissent pas les voir. Ensuite, sur un geste de Derek, il ressortit de la pièce et se planta devant la porte.

    Derek déposa délicatement Meredith sur le lit. Quand il voulut lui enlever la couverture, elle se raidit et resserra les bras sur elle-même. Je vais demander qu’on fasse venir Bailey, dit-il simplement. Ou peut-être que tu préfères Cristina ?

    Elle le retint par le bras et, compte tenu des circonstances, il fut étonné de la force de sa poigne. Non, personne, souffla-t-elle. Je ne veux voir personne.

    L’entendre parler pour la première fois depuis l’agression soulagea Derek. D’accord, fit-il d’une voix calme. Mais alors, tu va devoir me laisser faire. Tu es blessée, il faut te soigner, répéta-t-il. Si tu ne veux voir personne, c’est moi qui vais devoir le faire. Elle secoua la tête avec désespoir. Il prit prudemment le beau visage blessé entre ses mains mais sa voix se fit plus ferme. Je sais que c’est dur mais il est hors de question que je te laisse dans cet état, sans rien faire. Alors, tu n’as pas le choix. Il faut que tu me laisses t’examiner. Meredith ferma les yeux. Après quelques secondes, elle lâcha la couverture qui glissa sur elle pour tomber sur le lit. Très bien. Stressé bien qu’il n’en montrât rien, Derek prit une profonde inspiration. Tout d’abord, je dois te poser une question primordiale. Est-ce que…

    Il ne m’a pas violée, répondit Meredith avant qu’il ait eu le temps de terminer sa phrase. Il m’a d’abord prise pour son punching-ball. Il allait passer à autre chose quand tu es arrivé.

    Même si la nouvelle était bonne et que la légère ironie dont Meredith faisait preuve avait quelque chose de rassurant, Derek sentit la chape de plomb qui pesait sur son cœur, s’alourdir un peu plus. Ce que ce type t’a fait subir… c’est de ma faute. Je n’aurais jamais dû te laisser seule avec lui. Et s’il t’avait… - sa voix se cassa un peu - je ne me le serais jamais pardonné.

    Derek… Meredith s’interrompit en entendant des éclats de voix dans le couloir. Elle n’eut aucun mal à reconnaitre Cristina, qui exigeait de Mark qu’il la laisse entrer. Je ne veux voir personne, même pas Cristina, précisa-t-elle d’une voix blanche. Pas maintenant.

    Derek se montra rassurant. Mark ne va pas la laisser passer. Cependant, comme le ton montait entre les deux belligérants, il se décida à intervenir. 

    Comment va-t-elle ? s’enquit Cristina en le voyant sortir de la salle.

    Elle irait beaucoup mieux si vous cessiez de vociférer, tous les deux, grogna-t-il entre ses dents serrées. Elle n’a pas besoin de ça pour le moment.

    Je veux la voir, exigea Cristina en se dirigeant vers la porte de la salle où se trouvait Meredith.  

    Derek s’interposa. Mais elle, elle ne veut voir personne.

    Cristina le regarda avec méfiance. Ce n’est pas possible. Je suis sa personne. Elle ne peut pas ne pas vouloir me voir.

    Désolé de vous décevoir, mais c’est pourtant ce qu’elle m’a dit, répliqua Derek. Alors, allez-vous en. C’est le meilleur service que vous pouvez lui rendre. Il ignora le regard indigné de la jeune femme et se tourna vers Mark. Et toi, fais en sorte qu’on ne nous dérange plus. Sans leur laisser le temps de réagir, il retourna dans la salle d’examen.

    Il retrouva Meredith tremblante et le visage ruisselant de larmes. Je déteste ce que cet homme a fait de moi, confia-t-elle à Derek. Cette pauvre petite chose fragile qui ne peut pas arrêter de pleurer. J’essaie mais je n’y arrive pas. Je suis pathétique et je déteste être pathétique.

    Il s’assit à côté d’elle. Tu n’es pas pathétique. Il lui prit la main. Au contraire. Tu es forte et tu m’impressionnes. Mais tu sais, même si tu étais pathétique, ce ne serait pas grave, parce que personne ne le saurait. Je ne le dirais à personne, chuchota-t-il comme si on pouvait l’entendre. Ce serait notre secret. Elle lui sourit à travers ses larmes et il sentit son cœur se dilater. Si le contexte avait été différent, il aurait adoré prolonger ce moment avec elle, rester là, sans se parler, avec uniquement leurs mains jointes, mais le visage de Meredith, sur lequel le sang commençait à sécher, était là pour lui rappeler que ce n’était pas possible.


    2 commentaires
  • Cristina avait quitté la maison de mauvaise humeur et cela ne s’était pas arrangé au fil des heures. L’absence prolongée de Meredith et le fait que celle-ci n’ait pas jugé bon de prévenir l’avait mise en rage. Si elle croit que je vais continuer à faire tout le boulot à sa place, elle se fourre le doigt dans l’œil et bien profond ! éructa-t-elle en déposant rageusement une pile d’assiettes sur le comptoir.

    C’est à cause de ce connard de toubib ! répliqua George qui était en train d’écrire les suggestions sur une ardoise.

    Trois heures de retard ! précisa Cristina en tapotant sur le cadran de sa montre. Trois heures de retard ! Si c’est pas se foutre de nous, ça !

    Bien sûr qu’elle se fout de nous ! renchérit George. Et lui encore plus !

    Oh mais arrêtez, vous deux ! cria Izzie depuis la cuisine, où elle était occupée à verser de la pâte à muffin dans des moules en papier. Meredith ne se fout de personne, elle est juste amoureuse. On dirait que ça ne vous est jamais arrivé. Quand on est en train de se faire des câlins, on ne voit pas le temps passer, c’est normal.

    Cristina vint se camper dans l’ouverture de la porte. Putain, t’en as pas marre de lui trouver toujours des excuses ? Izzie leva les yeux au ciel. Amoureuse ou pas, ça ne lui donne pas le droit de travailler à mi-temps, insista Cristina.

    George fit une moue. Mi-temps, c’est vite dit. Quand elle est là, elle passe son temps au téléphone ou c’est l’autre qui vient lui rendre visite.

    Ça, c’est vrai, reconnut Cristina.

    Fort de cette approbation inattendue, George s’autorisa un autre commentaire. Une chance qu’on ne soit pas tous amoureux, on pourrait fermer boutique, ironisa-t-il.

    Cristina pointa un doigt vers lui. Goofy a parfaitement raison ! clama-t-elle avec un air presque admiratif.

    Izzie déposa sa poche à douille pleine de pâte et mit ses deux mains sur ses hanches. Bon, vous avez fini ? On dirait les deux petits vieux du Muppet Show, se moqua-t-elle. Elle rejoignit ses camarades dans la salle. N’oubliez pas que Meredith n’a jamais eu personne avant Derek. Oui je sais, il y a eu Billy Bob mais lui, ça ne compte pas, ajouta-t-elle à l’intention de George qui semblait choqué. C’est sa toute première relation et elle découvre en même temps l’amour et le sexe. Nous, on a eu toute notre adolescence pour découvrir tout ça. Elle pas, et en plus, elle le découvre avec un homme plus âgé qui a de l’expérience, et des exigences. Ça ne doit pas être facile pour elle.

    Tu voudrais pas qu’on la plaigne en plus ? grommela George.

    Cristina ricana. Faut pas compter sur moi pour ça, c’est sûr. Trois heures qu’elle s’envoie en l’air et que nous, on bosse.

    Izzie la regarda avec un air amusé. En fait, tu es jalouse parce qu’elle prend du bon temps et pas toi, plaisanta-t-elle avant de retourner dans sa cuisine.

    Ah ça, y a pas à dire, elle a de la chance, répondit Cristina. Ce mec doit être un super bon coup. Trois heures, je suis admirative.

    Ouais, eh bien moi, je vous parie tout ce que vous voulez qu’il prend du Viagra, déclara George en allant accrocher son ardoise au mur.

    Pfft ! N’importe quoi ! lança Izzie depuis sa cuisine. A son âge, il est en pleine possession de ses moyens. Il n’a pas besoin de Viagra, crois-moi !

    Viagra ou pas, il sait y faire assez pour que Meredith perde la tête, fit remarquer Cristina. Dès qu’il apparait, elle oublie tout. Son boulot, nous…

    Je suis sûr qu’elle le regrettera un jour, affirma George.

    Ou pas, rétorqua Cristina. Enfin, peu importe, ça commence à bien faire ! D’ailleurs quand elle va arriver, je vais…

    Izzie secoua vigoureusement la tête el lui faisant les gros yeux. Tu ne vas rien du tout ! Tu vas juste la laisser faire sa crise d’adolescence et attendre que ça se termine.

    Moi, quand j’étais ado, mon père me donnait une bonne correction quand je faisais une connerie, bougonna George.

    Pas assez souvent, à mon avis ! se moqua Cristina. Izzie pouffa de rire.  

    Vexé, George prit un Ice Tea dans le frigo et sortit le boire sur la terrasse. Cinq minutes plus tard, le Hummer de Mark s’arrêtait à quelques mètres de la boutique et entamait les manœuvres pour se garer. Le jeune homme se précipita à l’intérieur du restaurant. V’là l’autre qui arrive ! claironna-t-il.

    Cristina courut jusqu’à la porte pour s’en assurer. Putain, c’est vrai ! s’exclama-t-elle en voyant le chirurgien sortir de son véhicule. Bon sang, mais ils ne bossent jamais dans cette foutue clinique ? Les deux jeunes gens échangèrent un regard dégouté.


    2 commentaires
  • Après avoir fouillé dans quelques armoires, Derek ramena près du lit une petite table à roulettes sur laquelle il avait disposé un flacon de désinfectant et de quoi appliquer ce dernier, ainsi qu’un anesthésique, des aiguilles et du fil chirurgical. Il prit ensuite un tabouret qu’il plaça devant Meredith. Ça va ? lui demanda-t-il en lui souriant tendrement. Tu te sens d’attaque ? Elle haussa les épaules. Oui, je sais… essaie de te détendre autant que tu le peux. Il enfila des gants. Je vais faire le plus vite possible. Il était en train de nettoyer délicatement le visage de la jeune femme, pour en effacer les traces de sang, lorsqu’il remarqua qu’elle présentait au niveau du cou des marques bleuâtres, qu’il supposa être celles des doigts de l’agresseur. En lui faisant pencher la tête sur le côté gauche, il constata qu’une de ces marques, plus importantes que les autres, se terminait par une griffe qui allait jusque dans la nuque. Il fronça les sourcils. Montre-moi un peu ça. Il se remit debout et voulut écarter l’encolure de la blouse pour pouvoir mieux regarder les blessures.

    Dans un geste instinctif, Meredith referma les bras sur sa poitrine. T’inquiète pas. Ça va. C’est rien.

    Non, ce n’est pas rien, répondit-il avec douceur. Alors, il faut que je t’examine. Elle secoua la tête. Il se rappela ce que Bailey lui avait dit, qu’après avoir été agressée par un homme, Meredith ne pouvait qu’éprouver de la méfiance pour tous les autres, y compris lui. Tu veux que je rappelle Cristina ? lui proposa-t-il.

    Non, pas Cristina. Personne…je ne veux personne, répéta-t-elle.

    Il la regarda affectueusement. Très bien. Mais comme il est hors de question que tu restes comme ça, tu as tout intérêt à me laisser faire. Au plus vite je t’examinerai, au plus vite tu auras la paix. Elle lui décocha un regard sombre mais elle finit par laisser tomber les bras le long de son corps. Derek passa derrière elle et souleva ses cheveux pour examiner l’arrière de son cou. Il constata qu’il y avait d’autres marques bleuâtres, certaines plus foncées que d’autres, de part et d’autre de la nuque. Putain, ce salaud a voulu l’étrangler, se dit-il. Il eut des sueurs froides à l’idée de ce qui aurait pu se passer s’il n’était pas arrivé à temps. Il prit la blouse par le col et la fit descendre légèrement sur les épaules, pour approfondir son examen. A son grand étonnement, c’est Meredith qui prit l’initiative de la retirer jusqu’à la taille. Il sentit son cœur se serrer quand il vit le dos de la jeune femme qui était marbré des traces de coups. Tu as mal ? Elle haussa les épaules. Il serra les dents avant de poursuivre comme s’il n’y avait rien d’anormal. Ton dos est marqué, mais a priori, rien de grave. Des ecchymoses, c’est tout. Il revint devant elle et se retint de hurler de rage en découvrant les jolis seins qu’il avait tellement caressés et embrassés, et qui étaient maintenant presque violacés.

    Son émotion n’échappa pas à Meredith. C’est moche, hein ! Incapable de dire un mot, Derek fit signe que non mais ne réussit pas à la duper. Tu sais, ce n’est pas ça le pire, lui dit-elle avec une certaine amertume.

    Derek dut prendre sur lui pour lui répondre d’une voix calme. Le pire est passé, Meredith, et tes bleus disparaitront mais je préférerais que tu passes une IRM, par mesure de sécurité. Il remonta la blouse sur les épaules de son amie et la referma. Pour le moment, l’urgence, c’est ton visage. Il faut le désinfecter et suturer les plaies. Tu veux bien que je m’en occupe ?

    Si ce n’est pas toi, ce ne sera personne d’autre, affirma-t-elle, catégorique.

    Alors, j’ai plutôt intérêt à être bon, se força-t-il à plaisanter. Il versa un peu de désinfectant sur une compresse avec laquelle il commença à tamponner délicatement les lésions. Une heure plus tard, il avait terminé. Et voila ! Finalement, je crois que je suis assez doué en chirurgie plastique, fanfaronna-t-il pour détendre l’atmosphère. Tu vas être fière de moi.

    Meredith lui fut reconnaissante de tous les efforts qu’il faisait pour rendre la situation moins pénible qu’elle ne l’était, et même s’il n’y réussissait pas vraiment, elle voulut lui faire croire que oui. Elle lui sourit. Pourquoi penses-tu que je n’ai voulu que toi pour me soigner ?

    Il lui rendit son sourire. Oui, je suis victime de mon succès, c’est terrible. Il redevint sérieux. Mais ton visage… il était gravement blessé… Je ne peux pas tout réparer, pas comme il faut en tout cas. Mais Mark pourra le faire. Le visage de Meredith se ferma instantanément. Il la regarda avec des yeux implorants. Meredith, je t’en prie. Elle secoua la tête avec un air buté. Il lui prit la main. Ecoute-moi. Mark est le meilleur dans son domaine et je veux le meilleur pour toi. Je veux qu’un jour tu puisses oublier ce qui s’est passé aujourd’hui mais si on ne te soigne pas convenablement, tu te souviendras de tout, tous les jours, à chaque fois que tu regarderas ton visage dans un miroir. Si tu ne me laisses pas appeler Mark pour te soigner, tu ne pourras jamais oublier. Et ça… ça, ce n’est pas une option que je vais te laisser, Meredith. Il alla jusqu’à la porte et fit entrer Mark.

    Bon sang ! éructa celui-ci à la vue de la jeune femme. Ce salaud n’y a pas été avec le dos de la cuiller. Le regard furieux de son ami le fit taire immédiatement. Se rendant compte de son manque de tact, Mark toussota. Désolé. Il vint s’asseoir sur le tabouret que Derek avait occupé et regarda attentivement le visage de Meredith. Je peux ? lui demanda-t-il avant de la toucher. Pour toute réponse, elle ferma les yeux. Mark se tourna vers Derek qui lui fit signe de continuer. N’ayez pas peur. Je vais y aller doucement mais si je vous fais mal, n’hésitez pas à me le dire, et la même chose si vous voulez souffler un peu. Il se releva pour aller se laver les mains tandis que Derek se plaçait derrière Meredith, en l’enlaçant par les épaules. Il sentit qu’elle se détendait un peu. Mark revint s’asseoir et approcha très lentement son visage de celui de la jeune femme. Bon, voyons voir ça. Il frôla les différentes plaies du bout des doigts. C’est impressionnant mais il n’y a rien de dramatique. T’as fait du bon boulot, mon pote. Pour ce qui reste, quelques points de suture de mon cru et il n’y paraîtra plus, foi de Mark Sloan.


    2 commentaires
  • Une semaine plus tard, Derek était en train de lire un article sur les adénomes hypophysaires quand Alex passa sa tête à la porte. Je peux vous voir un instant ?

    Le neurochirurgien referma sa revue médicale. Oui, bien sûr, entre. Il fit signe à Alex de s’asseoir.

    Voilà, c’est à propos de Meredith, annonça Alex. Vous lui avez parlé dernièrement ?

    Non, répondit Derek. Pas depuis son agression, en fait. Ses yeux prirent un reflet d’amertume. Elle m’a fait savoir par Cristina qu’elle avait besoin d’un peu d’espace pour le moment, alors… Il remarqua l’air soucieux du résident. Pourquoi ? Il y a un problème ?

    Ouais, et un sérieux, bougonna Alex. Vous n’auriez pas dû la laisser rentrer aussi vite chez elle. Elle pète les plombs, Doc.

    Derek fronça les sourcils. Comment ça, elle pète les plombs ? s’étonna-t-il. Mais à chaque fois que je vous demande de ses nouvelles, vous me dites que tout va bien.

    Embarrassé, Alex se gratta le cuir chevelu. Tout ne va pas si bien que ça, avoua-t-il. On vous dit ça parce que… - il fit un geste vague de la main pour signifier que cela n’avait pas beaucoup d’importance - mais en réalité… - il grimaça - je crois que vous n’auriez pas dû l’autoriser à rentrer aussi vite chez elle.

    Et pourquoi je ne l’aurais pas fait ? protesta Derek. C’était ce qu’elle voulait et d’un point de vue strictement médical, je n’avais aucune raison de la garder ici. Ses blessures avaient été soignées, ses plaies étaient en cours de cicatrisation et il n’y avait pas d’infection.

    Si vous voulez mon avis, c’était quand même une sacrée erreur, s’entêta Alex.

    Mais quelle erreur ? s’exclama Derek que l’inquiétude commençait à ronger. Qu’est-ce qui se passe, nom de dieu ? Pourquoi me dis-tu que ça ne va pas alors que ce matin, Cristina m’a assuré que tout allait bien, que Meredith passait son temps à se balader, à faire du shopping ou à regarder la télévision ?

    Et ça ne vous a pas semblé bizarre ? répliqua Alex. Depuis quand Meredith fait-elle du shopping ? La seule chose qui l’intéresse, c’est la chirurgie. Après sa noyade, elle a repris directement le travail. Et là, elle préférerait aller se promener ? Il vit que ses arguments interpellaient Derek. Cristina vous a menti, et nous aussi, on vous a menti, confessa-t-il. Meredith ne va pas bien du tout. Elle ne va pas se balader et elle ne fait pas de shopping, pour la simple et bonne raison qu’elle ne met pas le nez hors de sa chambre depuis une semaine, et vous le savez comme moi, la seule télévision de la maison se trouve dans le salon.

    C’est elle qui vous a demandé de me mentir ? demanda Derek, complètement abasourdi par les révélations d’Alex.

    Celui-ci secoua la tête. Non. C’est Cristina qui a tout décidé. Elle ne vous aime pas, Doc, et elle est persuadée que Meredith est beaucoup mieux sans vous. C’est peut-être vrai, j’en sais rien et ce ne sont pas mes affaires, mais ce que je sais, c’est que pour le moment, Meredith ne va pas bien et qu’elle a besoin d’aide. Sous prétexte qu’elle est sa meilleure amie, Cristina croit qu’elle sait ce qu’il faut faire et qu’à nous trois, on peut y arriver mais moi, je vous le dis, on n’est pas capable de gérer ça.

    Explique-moi en détail ce qui se passe, Alex.

    Il y a tellement à dire que je ne sais pas par où commencer, soupira ce dernier. Déjà, elle ne mange presque pas. Et elle ne parle pas, même pas à Cristina. Les rideaux de sa chambre restent fermés toute la journée mais la nuit, elle allume toutes les lampes. Ça doit être à cause de ses cauchemars. Certaines nuits, elle pousse des cris… à vous glacer le sang. Je pense qu’elle revit son agression parce qu’on l’entend supplier le type de la laisser. Derek sentit son ventre se tordre tellement fort qu’il crut qu’il allait vomir. Elle panique au moindre bruit, poursuivit Alex. Un pot d’échappement qui explose ou bien Izzie et moi en train de… vous voyez ce que je veux dire. Derek opina de la tête. On fait attention mais… Franchement, c’est plus une vie, conclut Alex.

    Bon sang, Karev ! s’emporta Derek. Tu aurais dû me dire tout ça plus tôt. 

    Alex prit un air penaud. Je sais mais au début, on a pensé qu’il suffisait qu’elle ne soit pas seule, se défendit-il. Alors on s’est relayé, comme après son retour d’Hawaii, vous savez, quand vous nous aviez imposé un tour de garde. Mais cette fois, ça ne marche pas et puis… - il hésita quelques secondes avant de dire le fond de sa pensée - je ne veux pas passer pour un salaud mais il faut voir les choses en face. Rester 24 heures sur 24 avec elle, ce n’est plus possible. On n’arrive pas à dormir plus de trois heures d’affilée. C’est notre première année de résidence, rappela-t-il. On a plein de boulot et on ne peut pas se permettre de foutre une année en l’air. Je suis désolé d’être aussi vache mais c’est la vérité. Izzie est d’accord avec moi. Mais Cristina ne veut rien entendre. Elle dit qu’elle peut aider Meredith mais c’est faux. La situation la dépasse, elle nous dépasse tous. Il faut que vous interveniez.

    C’est ce que je vais faire, compte sur moi, promit le chirurgien dont la mâchoire se contractait sous l’effet de l’énervement. Il faut juste que je trouve comment convaincre Meredith de me laisser l’aider.

    Le jour où c’est arrivé, vous êtes la seule personne qu’elle a écoutée, la seule personne qu’elle a laissé approcher, lui fit remarquer Alex. Elle a refusé de voir Cristina mais elle vous a laissé la prendre dans vos bras. A mon avis, ça veut dire quelque chose. Vous êtes le seul qui pouvez faire quelque chose pour elle.


    2 commentaires