• Après avoir jeté un dernier coup d’œil au reflet de son visage dans le rétroviseur intérieur, Derek sortit de la Porsche. Il se dirigeait vers l’entrée de la clinique lorsqu’un klaxon retentit derrière lui. Il poussa un profond soupir en reconnaissant le son caractéristique de l'avertisseur du Hummer. Mark faisait partie des deux personnes qu’il n’avait pas du tout envie de voir ce matin-là mais il ne put faire autrement que de l’attendre, espérant être suffisamment retors pour que son meilleur ami ne devine rien de ses coupables activités nocturnes. S’il y avait bien une chose qui ne le tentait pas, c’était de se perdre dans des discussions et justifications sans fin et si Mark devinait quoi que ce soit, vu la relation d’amitié qu’il avait développée récemment avec Meredith, il ne lui épargnerait pas ses commentaires désobligeants, c’était plus que certain.

    Alors que Mark marchait vers lui, Derek remarqua sa mine abattue et son regard où ne brillait pas la moindre parcelle d'énergie. Eh ben ! T’en fais une tête ! Ça ne va pas ? s’inquiéta-t-il, se disant dans le même temps que faire parler Mark de lui l’empêcherait peut-être de prêter attention à autre chose. Tu as des ennuis ou c’est une fille qui te donne du fil à retordre ?

    Les deux, pensa Mark en serrant la main que lui tendait Derek. Il avait passé une nuit vraiment épouvantable, écartelé entre sa tristesse pour Momsy, la peur qu’il ne lui arrive quelque chose avant qu’il ait pu la revoir, et des rêves où il s’était vu embrassant et faisant l'amour à Meredith. Non, ce n’est pas ça, répondit-il. C’est ma grand-mère. Sa dame de compagnie m’a téléphoné hier soir pour me dire qu’elle avait fait un nouvel infarctus et… La voix de Mark se cassa. On dirait bien que c’est la fin, cette fois.

    Oh merde ! Je suis désolé, mon vieux, compatit Derek en posant une main sur l’épaule de son ami. Je sais à quel point toi et ta grand-mère vous êtes proches. Il eut un sourire attendri. Momsy ! On lui en a fait voir tous les deux, hein ? Il me semble que c’était hier qu’on allait passer nos vacances à l’hacienda. Il vit la mine dévastée de Mark et cessa d’évoquer ses souvenirs. On a encore un peu de temps devant nous, constata-t-il en regardant sa montre. Ça te dirait un petit café ?

    Mark acquiesça d'un signe de tête. Ouais, ça ne peut pas me faire de tort. Depuis son réveil, il était pressé de revoir Meredith, pour la remercier d’avoir été l’oreille compatissante dont il avait eu besoin la veille. Il l’avait déjà fait par l’intermédiaire de son message, certes, mais cela ne lui semblait pas suffisant. Il voulait le faire de vive voix et s’était promis de se rendre à la boutique dès qu’il en aurait l’occasion. Et voilà que c’était Derek qui la lui donnait. C’était bien là le hic. Mark connaissait assez son ami pour savoir quelle serait sa réaction quand il apprendrait qu’après avoir refusé de le voir, Meredith avait passé la soirée avec un autre. Et invoquer leur amitié ou prétexter qu’il n’avait été qu’une roue de secours n’aiderait en rien. La jeune fille en prendrait pour son grade de toute façon. Mark décida donc de ne pas rajouter aux problèmes de son amie et de garder le silence sur sa visite improvisée de la veille. Dans ce cas, il devait trouver un moyen de la prévenir avant qu’elle ne commette une gaffe.

    Derek poussa doucement Mark pour le faire avancer. Allez, viens, on va aller se prendre un petit-déjeuner et tu me raconteras ta vie. Ça fait longtemps qu’on ne s’est plus vraiment parlé, nous deux. Tant que Mark lui confierait ses malheurs, il ne penserait pas à autre chose et ils éviteraient ainsi d’évoquer le sujet favori de ces dernières semaines. Meredith ! Qu’est-ce que tu dirais d’une bonne omelette à la Miranda ? proposa-t-il sur un ton faussement guilleret.

    Mark pila net et regarda son ami avec étonnement. Miranda ? Pourquoi Miranda ? On ne va pas au Sweet Dream ?

    Eh bien, j’avais pensé… Derek chercha ses mots pour ne pas éveiller les soupçons de son ami. On pourrait peut-être changer pour une fois. L’omelette me fait vraiment envie.

    Ben, il y a des omelettes chez Meredith, aussi, fit remarquer Mark. Il ne comprenait pas ce revirement soudain de Derek qui, depuis des semaines, ne voulait plus aller déjeuner ailleurs que chez sa petite amie.

    Oui, bien sûr mais chez Meredith, il y aura aussi les autres, la blonde, la mégère. Et maintenant Alex en plus. Derek fit une moue. Pas franchement idéal pour discuter tranquillement.

    Depuis quand tu te préoccupes de ça, toi ? s’étonna Mark. Je m’en fous, moi, de ces gens-là. Et puis, t’imagines, Meredith ? Qu’est-ce qu’elle va penser si elle nous voit passer devant sa boutique pour aller bouffer chez la concurrence ? Elle va penser que c’est moi qui veux l’éviter, se dit-il. Parce que je suis gêné d’avoir pleuré devant elle, ou que sais-je. Super comme remerciement ! Il hocha la tête. On ne peut pas ne pas aller chez elle, Derek, reprit-il à voix haute. Il n’y a aucune omelette au monde qui vaille qu'on lui fasse de la peine.

    A court d’arguments, Derek renonça à insister pour ne pas éveiller les soupçons de son ami. Oui, tu as raison. Je ne sais pas où j’avais la tête. Allons chez Meredith. Ce fut avec des pieds de plomb qu’il recommença à marcher, sentant déjà le malaise l’envahir. La perspective de revoir Meredith, après ce qu’il avait fait cette nuit avec une autre, ne le réjouissait pas et il ne savait pas du tout quel comportement adopter pour que la jeune fille ne se doute de rien, devinant que de toute façon, quel que soit son choix, il serait dans l’excès.


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  • Meredith était sur la terrasse en train de prendre une commande lorsqu’elle aperçut Derek et Mark qui se dirigeaient vers la boutique. L'expression fermée du premier la frappa et elle pensa qu’il était au courant de la visite de Mark chez elle la veille. Il n’avait certainement pas apprécié d'apprendre qu’elle avait passé la soirée avec leur ami, alors qu’elle avait refusé de le voir, lui. Elle n’avait rien fait de mal, pourtant elle s’en voulut de ne pas avoir pensé à demander à Mark de rester discret à ce sujet. Elle ne se sentait pas de taille à subir une scène de jalousie, et encore moins en public. Feignant de ne pas les avoir vus, elle leur tourna le dos, comme si cela suffirait à retarder le moment où elle devrait faire face à la colère de son amant.

    Derek écoutait distraitement Mark lui raconter ce que la dame de compagnie de sa grand-mère lui avait dit. Il était en fait tout entier tourné vers Meredith avec laquelle le moment de la confrontation était imminent. Il aurait donné n’importe quoi pour se trouver ailleurs. Quelle idée avait-il eue de proposer un petit-déjeuner à Mark ! Comme s’il n’était pas évident que ce dernier insisterait pour venir le prendre au Sweet Dream !

    Tout en parlant, Mark ne quittait pas la jeune fille des yeux, l’observant en train de parler à ses clients avant de passer à la table voisine pour la desservir. Il fallait absolument qu’il arrive à la prévenir que Derek n’était au courant de rien avant qu’elle ne fasse une quelconque allusion à leur entrevue de la veille. Il ne voulait certainement pas être à l’origine d’une dispute entre eux. Salut, ma belle ! lança-t-il alors qu’il se trouvait à quelques pas d’elle.

    Meredith se retourna et fit semblant de les découvrir. Oh, vous êtes là ! Elle se jeta aussitôt dans les bras de Derek. Par-dessus son épaule, elle vit Mark agiter rapidement une main de droite à gauche, l’index levé en l’air, tout en remuant les lèvres. Je n’ai rien dit pour hier, réussit-elle à y lire, juste avant qu’il ne mette son index devant la bouche pour lui faire comprendre qu’il valait mieux garder le silence à ce sujet. Soulagée, elle lui sourit.

    Derek l'avait prise maladroitement par la taille pour lui déposer un baiser sur la tempe. Il se sentait gauche et encore plus mal à l'aise que quelques minutes auparavant. Il aurait aimé pouvoir la serrer contre lui, l’embrasser fougueusement comme il le faisait d’habitude, mais il n’osait pas de crainte qu’une trop grande proximité ne permette à la jeune fille de deviner ce dont il était coupable. Les femmes avaient de ces instincts parfois ! De la sentir tout contre lui lui confirma, si besoin était, que ce qui s'était passé, la veille, dans cette chambre d’hôtel, n’avait rien changé. Il était toujours ce même imbécile en proie aux affres de l’amour. Enervé par cette faiblesse, il s’écarta rapidement de son amie en lui désignant Mark. Je te l’ai amené parce qu’il a besoin de réconfort. Les nouvelles de sa grand-mère ne sont pas très bonnes. Elle a eu une nouvelle alerte, assez sérieuse. Enfin, voilà…

    Evidemment, Meredith fit celle qui ignorait tout. Elle s’avança vers Mark et le serra dans ses bras. Je suis tellement désolée, murmura-t-elle en l’embrassant sur la joue. Mark l’enlaça étroitement pour lui rendre son baiser et la maintint quelques minutes contre lui. Malgré la tristesse qui noyait son cœur, il se sentit plus léger, comme si le simple fait d’être avec elle soulageait sa peine. Merci, chuchota-t-elle à son oreille, de telle manière qu’il n’y ait que lui qui l’entende. Je savais que je pouvais compter sur toi. Craignant que leur enlacement prolongé ne paraisse suspect, il la lâcha et lui sourit tendrement, préférant se taire que de dire une banalité qui aurait gâché le moment.

    Tu peux t’occuper de nous ? demanda Derek, toujours aussi nerveux.

    Bien sûr ! Meredith leur désigna la table qu'elle venait de débarrasser. Installez-vous ici. Qu'est-ce que vous avez envie de manger ?

    Ton mec a envie d'une omelette, signala Mark. Et pour moi, n'importe quel truc sucré fera l'affaire.

    Non, pas d'omelette, finalement, déclara Derek dont le peu d'appétit avait maintenant totalement disparu. Je vais prendre la même chose que toi. Et du café. 

    Très bien, je vais vous chercher ça. Meredith rentra dans la boutique en bénissant Mark d'avoir gardé le silence sur leur soirée. Il lui avait sans doute évité le pire. A la façon dont Derek venait de l’embrasser, pas aussi chaleureuse que d’habitude, elle avait compris qu’il lui en voulait encore. Elle n'osait pas imaginer sa réaction s’il avait appris qu’elle avait passé la soirée avec Mark !

    Assis à la table qu’elle leur avait choisie, Derek regarda sa montre. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de temps ce matin, annonça-t-il à Mark. Ça va être une journée d’enfer. Il aurait donné n’importe quoi pour être à des milles d’ici. Il détestait le mensonge et se sentait mal d’y être obligé. Pour se donner une contenance, il prit le set de table en papier à l’enseigne de la boutique et commença à le rouler entre ses doigts, à le déplier, pour finalement entreprendre de le déchirer en petits morceaux. Dans une heure, j’ai la tournée des patients et puis, une craniotomie. Après, j’ai une réunion avec Richard. Et je crains que cet après-midi ne soit guère plus calme.

    Pendant que son ami monologuait, Mark observait, à travers la vitre, Meredith qui préparait leur plateau. Elle semblait tellement lasse qu’il s’en inquiéta. Il se tourna vers Derek. Tu ne trouves pas qu’elle a une petite mine ?

    Qui ?

    Mark haussa les yeux vers le ciel. Ben, Meredith, bien sûr ! Qui veux-tu ?

    Derek ne leva même pas la tête des détritus de papier qui commençaient à encombrer la table. Non, elle m’a semblé très bien. Comme d’habitude, quoi !


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  • Mark réalisa alors que, depuis qu’ils étaient assis, pas à un seul moment Derek n’avait regardé en direction de Meredith, alors que d’habitude il la suivait des yeux dans chacun de ses mouvements. Perplexe, il observa son ami qui était en train de démolir ce qui restait du set. Ça va, toi ? T’as l’air bizarre.

    Moi ? Mais pas du tout, répliqua Derek sur un ton agressif. Pourquoi tu dis que je suis bizarre ? Je vais très bien. Je… je suis… je suis normal, bafouilla-t-il sous l'effet de l'énervement. J’ai seulement beaucoup de travail, je te l’ai dit.

    Mark ne lui répondit pas, car il était à nouveau en train de surveiller Meredith. Ses gestes étaient nerveux, ses yeux plissés, et elle semblait contrariée. On dirait que quelque chose la mine, dit-il. J’espère qu’elle n’a pas encore eu des problèmes avec les autres.

    Mais qu’est-ce que tu veux que j’en sache, moi ? s’emporta Derek. Demande-lui si tu veux savoir ! Interloqué, Mark le dévisagea en fronçant les sourcils.

    Meredith réapparut avec un plateau sur lequel elle avait disposé deux tasses de café, une assiette sur laquelle s'empilait des pancakes, une bouteille de sirop d'érable et une petite corbeille en osier remplie de muffins au chocolat et aux myrtilles. Ces messieurs sont servis ! lança-t-elle avec une intonation exagérément joyeuse. Si vous avez besoin d'autre chose, dites-le-moi.

    Ça me semble parfait, répondit Mark avec un grand sourire.

    Derek grommela un remerciement inaudible et se jeta sur sa tasse de café, jurant parce qu’il venait de se brûler la langue, avant de prendre un muffin qu’il posa sur son assiette, sans y toucher. Il tourna la tête vers la rue et feignit de s’intéresser aux voitures qui passaient, en priant pour que Meredith soit rapidement appelée à une autre table.

    L'attention de Mark fut à nouveau attirée par les yeux cernés de Meredith et sa pâleur. Il se souvint subitement qu’elle n’avait pas diné la veille et, la connaissant, il y avait peu de chances qu’elle ait mangé au matin. Dis donc, toi, tu es sûre que tu manges à ta faim ? T’aurais pas zappé le petit-déjeuner ?

    Si. Je n'avais pas très faim, reconnut-elle. Mais j'ai bu un jus d'orange.

    Oh vraiment ! Un jus d'orange. Tu m’en diras tant, ironisa Mark. Et tu crois que c’est suffisant ? Il prit son ami à témoin. Dis-lui, toi, qu’il faut qu’elle mange !

    Sans même leur accorder un regard, Derek haussa les épaules avec un air indifférent. Si elle n’en a pas envie, qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Je ne vais pas l’obliger. Elle est assez grande pour savoir ce qu’elle doit faire. Devant cette réaction hostile, les yeux de Meredith se noyèrent de larmes et elle baissa la tête pour que les deux hommes ne les remarquent pas.

    Justement, je ne crois pas, non. Irrité par l’attitude puérile de son ami, Mark se leva et prit une chaise qu'il installa à côté de celle de Derek, avant d'y faire asseoir la jeune fille. Mets-toi là et ne bouge pas. Je reviens. Il entra dans la boutique et, sans se soucier du regard indigné de Cristina, passa derrière le comptoir, où se trouvait la machine à café, pour servir une troisième tasse de café.

    Au supplice, ne sachant que dire ou que faire, Derek commença à martyriser son muffin de la même façon que le set de table, en priant le ciel pour que son bipeur sonne. Il aurait au moins une bonne excuse pour fuir cet endroit qui s’apparentait maintenant pour lui à une salle de torture. De son côté, Meredith n’était guère plus à son aise. Elle sentait bien que Derek était habité par une colère sourde et elle se demandait quelle en était la raison, ne pouvant croire que leur discussion de la veille en était la seule cause. Ça va ? demanda-t-elle d’une voix neutre, espérant qu’une conversation banale lui permette de renouer le dialogue.

    Ouais, ça va, marmonna Derek.

    Mark revint avec la tasse de café et la posa devant Meredith. Tiens, voilà pour toi. Et tu vas me faire le plaisir d’avaler quelque chose. Il lui tendit la corbeille dans laquelle elle choisit un muffin au chocolat et s’installa ensuite face au couple autant pour avoir la possibilité d’observer les réactions de Derek, qui l’intriguait de plus en plus, que pour le plaisir de contempler la jeune fille, dont la beauté et la fragilité le bouleversaient.

    Elle se tourna vers Derek. Je t’ai appelé hier soir.

    Il n’en savait rien. Son téléphone est resté éteint jusqu'à ce matin et il n'avait pas vérifié son journal d'appels. Ainsi donc, elle avait cherché à le joindre. Peut-être au moment où il était en train de… La culpabilité qu’il ressentait déjà s'amplifia encore. Or, il détestait par-dessus tout se sentir coupable. J’étais occupé hier, répliqua-t-il sèchement. J’avais des trucs à faire. Mark regarda son ami par-dessus la tasse qu’il était en train de boire, s’étonnant du ton agressif qu’il employait et dont il n’était pas coutumier avec sa petite amie.

    Je comprends, répondit Meredith d’une voix compatissante. Mais j’avais besoin de t’entendre parce que…

    Derek ricana méchamment. Vraiment ? Ses lèvres se pincèrent de contrariété. Pourtant, si je me souviens bien, c’est toi qui n'as pas voulu qu'on se voie hier soir ! Si elle avait accepté sa proposition, il ne se serait pas retrouvé seul chez lui, il n’aurait pas eu cette idée stupide de faire le bilan de leur relation et il n’aurait pas réalisé qu’il l’aimait. Et donc, il n’aurait rien eu à oublier. De ce fait, il ne serait pas allé dans ce bar et il n’aurait jamais rencontré cette Madelina ! Oui, si Meredith avait accepté de passer la soirée avec lui, rien de tout cela ne serait arrivé et il ne se sentirait pas aussi mal dans sa peau. Ce qui s'était passé était entièrement sa faute à elle !


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  • Meredith n’en crut pas ses oreilles. Que Derek soit contrarié parce qu’elle avait refusé de passer la soirée avec lui, elle pouvait éventuellement l'admettre. Mais qu’il se mette dans une telle colère pour si peu, tout compte fait, lui semblait totalement démesuré. Bien sûr, elle comprenait que, n’étant pas habitué à ce qu’on lui refuse quoi que ce soit, il avait été blessé dans son orgueil mais ce n’était pas une raison pour la traiter de cette façon. Pourtant, elle tenta encore de composer. Je sais bien mais…

    Derek lui coupa la parole en lui jetant un regard furibond. Je ne suis pas à ta disposition, Meredith. J’ai une vie en-dehors de toi, figure-toi ! La jeune fille devint blême et ses lèvres se mirent à trembler. Derek se détourna aussitôt et, du revers de la main, fit voler les bouts de papier sur le trottoir. Il était évident qu'il lui avait fait de la peine, ce qui le faisait se sentir encore plus coupable, d'autant plus qu'il venait d’exprimer tout le contraire de ce qu’il pensait et surtout de ce qu’il avait vraiment envie de lui dire. Sa vie tournait désormais entièrement autour d'elle, il en était conscient, et il avait même l'impression que sans elle, cette vie ne vaudrait plus la peine d’être vécue. Mais bordel, pourquoi était-ce si difficile de le reconnaître à haute voix ?

    Mark sentit la colère monter en lui telle un tsunami. Il venait de comprendre la raison pour laquelle Derek s’était montré aussi odieux avec sa petite amie. Tout s’était éclairé avec ses derniers mots. Il savait trop bien ce que cela pouvait signifier dans sa bouche, avoir une vie en dehors de Meredith. Espèce de fils de pute ! Comment avait-il osé ? Et non content d’avoir trompé cette petite merveille – car, dans l’esprit de Mark, cela ne faisait plus aucun doute, Derek avait repris ses anciennes mauvaises habitudes – il osait la traiter comme si c’était elle la coupable. Voir Meredith au bord des larmes lui fut intolérable. Il se pencha discrètement et passa la main sous la table pour étreindre le genou de son amie.

    Les doigts de cette dernière vinrent s'agripper aux siens et la sensation de cette petite main froide et tremblante dans la sienne décupla la fureur de Mark, d'autant plus que Meredith posait sur lui un regard dans lequel il pouvait voir tout le désarroi qu’elle ressentait de s’être fait humilier de la sorte. Comme il aurait aimé pouvoir la prendre dans ses bras et l’emporter loin de ce salaud qui lui faisait tant de mal ! Il dut se faire violence pour ne pas faire une remarque désobligeante qui aurait cloué le bec de Derek. Il savait que ça n'apaiserait en rien le conflit et que ce serait Meredith, une fois de plus, qui devrait payer la note. Mais il ne pouvait pas rester là sans réagir. Il allait demander à Derek de se calmer lorsque celui-ci intervint à nouveau.

    Je te rappelle que ce n’est pas moi qui ai demandé que tu retournes vivre chez ta tante. J’étais contre de toute façon, fulmina le chirurgien qui essayait désespérément de justifier son attitude. Et combien de fois, je t’ai proposé qu’on se voie hier soir ? Hein, combien de fois ? Il ne lui laissa pas le temps de répondre. Je t’ai même appelée en début de soirée, lui rappela-t-il, les yeux pleins de rage.

    Mais tu n'as rien dit ! objecta Meredith. Si tu voulais tellement qu’on se retrouve, tu n’avais qu’à me le demander à ce moment-là.

    Parce qu’il aurait fallu que je demande encore ? s’indigna Derek, en élevant le ton. Qu’est-ce que tu crois, Meredith ? Que je vais te supplier pour qu'on se voie ? Il secoua la tête avec un rictus dédaigneux sur les lèvres. Désolé, ce n’est pas mon genre. Manifestement, tu avais mieux à faire que de passer la soirée avec moi. Alors, j’ai fait ce que j’avais à faire.

    La jeune fille dut prendre sur elle pour ne pas se mettre à pleurer. Ce n'est pas que j'avais mieux à faire. Je voulais juste rentrer pour reprendre mes marques, se défendit-elle.

    Eh bien, tu les as reprises, et moi aussi ! répliqua méchamment Derek.

    Par cette phrase, Mark sut qu’il avait bien cerné la situation. Cela lui rendit l’attitude de Derek encore plus intolérable. Bon maintenant, tu te calmes et tu lui parles sur un autre ton, parce que tu commences sérieusement à me gonfler, avertit-il sur un ton nettement menaçant.

    Ne te mêle pas de ça, riposta Derek d'une voix cassante. C’est ma petite amie, pas la tienne. Tu n’es pas concerné.

    Mark le défia du regard. Ta petite amie ? Alors traite-la comme telle. Et du moment où ça se passe devant moi, ça me concerne. C’est mon amie et je ne tolérerai pas qu’on lui parle de cette façon, ni toi, ni personne !

    Meredith ne put supporter que ces deux hommes, qui étaient habituellement les meilleurs amis du monde, se querellent à son sujet. Elle se leva brusquement. Arrêtez ! cria-t-elle, faisant se retourner sur elle les quelques passants qui passaient par là. Je ne veux pas que vous vous disputiez à cause de moi. Elle fit un pas en direction de la boutique.

    Derek souffla. Oh c’est bon ! Ne dramatise pas. C’est une engueulade, pas la fin du monde. Rassieds-toi et finis ton petit-déjeuner. Comme pour donner l’exemple, il mordit dans son muffin. Celui-ci lui parut sans saveur et il éprouva toutes les peines du monde à avaler le morceau de gâteau. Il avait espéré que reprendre son ancienne vie le libérerait de l’emprise de la jeune fille mais c’était tout le contraire qui était en train de se produire. L’amour qu'il éprouvait pour elle était plus présent que jamais, décuplé même par la culpabilité qu’il ressentait.


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  • Mark connaissait Derek par cœur, Il devinait que ce dernier se sentait fautif vis-à-vis de la jeune fille mais il ne pouvait accepter que son ami veuille se soulager en rejetant sa faute sur elle. Il l’avait déjà vu dans des situations où il s'était montré au moins aussi infâme et cela ne l’avait jamais dérangé. Souvent même, il s’en était amusé. Mais là, c’était Meredith qui était visée et ce n’était plus drôle du tout. Il regrettait de ne pas pouvoir dire tout ce qu'il pensait à son ami, parce qu'il était hors de question qu'il soit celui qui révèle son infortune à Meredith. Après ce que George lui avait fait subir, elle risquait de ne pas s’en relever. Il se leva et l'attrapa par le bras. Calme-toi, je t’en prie. Il se pencha sur elle pour que nul autre qu’elle ne l’entende. Si je pouvais, j’interviendrais mais si je le fais, il risque de se braquer encore plus et ça ne va pas te rendre service. Il la tira légèrement par le bras pour la faire rasseoir à leur table. Ne fais pas attention à lui, il est trop con aujourd’hui, ajouta-t-il en fusillant Derek du regard. Celui-ci ne réagit pas.

    Meredith reprit sa place à contrecœur. Je voudrais seulement qu’il comprenne que, même si je préférerais passer tout mon temps libre avec lui, je dois aussi étudier, souligna-t-elle en désignant Derek du menton. Parce que si je ne m’y mets pas très sérieusement, je n’aurai vraiment aucune chance de réussir le S.A.T. Derek souffla à nouveau en tournant ostensiblement la tête vers la rue.

    Mark tenta d’alléger l’ambiance. Ah pourtant, t’as intérêt à y arriver ! Pour une fois que je fais un cadeau !

    Meredith approuva d'un hochement de tête. Compte sur moi. Et en plus, je dois réussir pour prouver à Cristina que je ne suis pas la conne qu'elle pense que je suis. Tout à l'heure, elle s'est encore moquée de moi parce que je veux aller à l'unif alors que je n'ai même pas passé le permis de conduire. 

    Quel rapport ? aboya Derek.

    Meredith haussa les épaules. Aucun.

    Pourquoi tu ne l'as pas passé, le permis ? s'enquit Mark.

    La jeune fille rosit légèrement. Parce que je n'avais pas confiance en moi. Mon grand-père a voulu m'apprendre à conduire mais j'ai refusé, parce que je pensais que je n'en serais pas capable. Mais maintenant, je veux le faire. J'en ai marre que Cristina me prenne pour une idiote pour tout. Elle tourna vers Derek pour tenter une nouvelle approche. Tu voudrais bien m’apprendre à conduire ? demanda-t-elle timidement.

    La perspective de passer de longues heures avec elle dans l’habitacle étroit de son bolide épouvanta Derek. C'était au-dessus de ses forces pour le moment. Pour que tu bousilles ma bagnole ? s’écria-t-il, se rendant immédiatement compte à quel point il se montrait mesquin. Il se moquait totalement du sort de sa voiture, qu’il pensait d’ailleurs remplacer par un modèle plus récent, mais seulement voilà, il était trop en colère pour faire marche arrière. Il s'enferra donc. J’aimerais autant éviter.

    Choquée et blessée, Meredith se leva d'un bond. Très bien. Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Appelle-moi quand tu seras de meilleure humeur.

    Mais non, ne pars pas. Une fois encore, Mark retint la jeune fille qui s'apprêtait à rentrer dans la boutique. Tu n'as encore rien mangé en plus. Il se tourna vers Derek. Mais dis quelque chose, toi, nom de dieu ! C’est quoi, ton problème, aujourd’hui ? lui demanda-t-il, tout en connaissant déjà la réponse. Derek ne dit rien, se contentant de hausser les épaules.

    Meredith se dégagea en secouant la tête. De toute façon, je n'ai pas faim. Et j'ai du travail qui m'attend. Elle embrassa Mark sur la joue. Ne perds pas espoir pour ta grand-mère, lui chuchota-t-elle. Et n'oublie pas que je suis là pour toi, si tu en as besoin. Elle le serra contre elle avant de tourner les talons.  

    Après l’avoir regardée disparaître dans la boutique, Mark se tourna d’un seul mouvement vers Derek. Ça va ? Tu es content de toi ? Comment tu as osé lui faire ça ? éructa-t-il, les dents serrées, prenant garde toutefois de ne pas parler trop fort.

    Oh c’est bon ! rétorqua Derek, en évitant toutefois de regarder son ami en face. Mark était la seule personne sur cette terre qui pouvait lire en lui à livre ouvert et qui était donc capable de deviner l'énorme connerie qu’il avait faite la veille. C’est jamais qu’une dispute. Pas la peine d’en faire tout un plat ! Et de toute façon, la Porsche n’est pas automatique. Ce serait trop compliqué pour elle.

    Non, non, c’est pas de ça dont je te parle, espère d’enfoiré ! Mark se pencha au-dessus de la table. Je te parle de ce que tu as fait hier soir.

    Je ne vois pas à quoi tu fais allusion, affirma Derek qui persistait à nier l’évidence, bien qu’il ait été découvert, il le savait.

    Ah ouais ? Vraiment ? Mark secoua la tête avec une expression de dégoût sur le visage. Ne me prends pas pour un con en prime. Il s'adossa au dossier de sa chaise, en dévisageant froidement son camarade. Alors, elle était comment ? C’était un bon coup ? Ça valait la peine que tu fasses tant de mal à Meredith ?

    Je ne veux pas en parler, murmura Derek, les yeux irrémédiablement fixés sur le muffin auquel il n’avait plus touché. Son estomac fut soudain au bord de la nausée.


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