• Tu veux bien le faire ? demanda Meredith sans oser le regarder. Si elle était presque sûre que Derek ne prendrait pas sa requête pour une invitation à franchir certaines limites, elle redoutait qu’il comprenne que c’était pour elle le moyen de tester ses propres réactions face à ce qui était, d’une certaine façon, des attouchements.

    Oui, si tu veux, dit prudemment Derek. Il rouvrit le tube de gel tandis que Meredith posait son pull sur le lit. Troublé, Derek, qui avançait déjà la main vers elle, s’arrêta net. Elle était bouleversante de beauté, avec ses joues légèrement rougissantes, les yeux baissés, tremblant un peu sous l’effet conjugué de l’appréhension et de la fraicheur qui régnait dans la pièce. S’il n’y avait pas eu les traces de coups, Derek aurait pu se croire revenu au temps de leurs premiers rendez-vous, lorsqu’ils commençaient à se découvrir, si ce n’est que son émotion était bien plus forte maintenant, parce qu’il avait appris à la connaitre, parce qu’il s’était attaché à elle, malgré tous ses efforts pour ne pas s’impliquer, et aussi parce qu’il avait conscience de l’effort qu’elle faisait sur elle-même et de la confiance qu’elle lui témoignait. Sans un mot, la gorge serrée, il laissa dériver son regard sur les seins dont certaines marques semblaient déjà devenir plus claires. Une fois de plus, il s’extasia devant la perfection de ces globes à la tenue impeccable. En d’autres circonstances, il se serait empressé d’y enfouir son visage, de les embrasser, de les lécher, de les dévorer. Il se contenta de les effleurer du bout des doigts. Je ne te fais pas mal ?

    Non, pas du tout. Attendrie par la retenue dont il faisait preuve, Meredith l’encouragea d’un sourire. Intimidé comme un adolescent inexpérimenté, osant à peine la toucher, et encore moins la regarder ouvertement, craignant malgré tout de lui faire mal ou, pire, de la choquer, Derek répartit une dose de gel sur le haut de la gorge, l’étalant par légères touches d’une épaule à l’autre, s’enhardissant parfois, mais à peine, jusqu’à la naissance des seins. Meredith devina qu’il n’oserait pas en faire plus. Tu sais, je n’ai pas d’hématomes là. Ils sont plus bas. Comme il ne bougeait pas, elle lui prit la main et la posa sur son sein droit.

    Tu es sûre ? lui demanda-t-il. Elle fit signe que oui. Si c’est plus facile pour toi, pense à moi comme à un médecin, lui recommanda-t-il.

    Non ! protesta-t-elle vivement. Je ne veux pas penser à toi comme ça. Je dois surmonter tout ça. Et puis, j’ai confiance en toi. Elle planta son regard dans celui de son amant. Tu n’es pas lui. Tu ne me feras pas de mal. Il confirma en hochant la tête de gauche à droite. Tu n’es pas lui, répéta-t-elle d’une voix douce.

    Bouleversé, Derek flatta le galbe du sein, passant ses doigts sur toute la surface, évitant pourtant soigneusement d’approcher l’aréole de trop près, pour ne pas déclencher une réaction du téton qui pourrait gêner son amie. Après avoir concerté celle-ci du regard, il reprit du gel qu’il étendit sur le globe, en imprimant de petits cercles sur sa peau pour faire pénétrer la solution semi-solide. La caresse était innocente et cependant, il ne voulait pas qu’elle prenne fin. Il était comme un oisillon affamé, prêt à se contenter de tout ce que Meredith voudrait bien lui donner. Tu es bien ? chuchota-t-il.

    Elle lui sourit. Super bien. Au début, elle avait été un peu tendue, parce qu’elle redoutait de voir surgir à tout instant le souvenir de George et des outrages qu’il lui avait fait subir. Mais bizarrement, même le fait de penser que cela pourrait arriver n’avait pas déclenché le flot d’images horribles qui l’avaient assaillie depuis l’agression, à chaque fois que Derek s’était montré trop tendre. Elle n’avait vu que lui et sa délicatesse. Pour la première fois, elle se sentait totalement en sécurité, presque à l’aise même, au point de pouvoir envisager qu’un jour, peut-être pas si lointain, elle arriverait à totalement s’abandonner à nouveau et à faire l’amour avec lui. Elle éprouva le besoin de le lui dire. Tu sais, j’avais un peu peur. Je ne savais pas si je supporterais. Et finalement… – elle lui prit la main – je n’ai pas eu peur du tout. J’ai même aimé sentir tes mains sur moi. Elles m’ont fait du bien, et je ne parle pas du gel. Alors, je pense que, un jour… pas maintenant, mais bientôt, j’espère, on pourra… j’aurai envie de faire l’amour avec toi.

    Derek sentit s’évanouir un peu de l’angoisse qui le tenaillait. Ça me fait du bien que tu dises ça. Pas pour le sexe, non. Mais j’ai tellement peur que cette histoire ne nous détruise, que tu me rejettes, avoua-t-il. Meredith hocha la tête. Il la reprit dans ses bras et déposa sur ses lèvres un long baiser enfiévré, partant à la rencontre de sa langue dans une danse sensuelle. Quand le baiser prit fin, Meredith reposa sa tête sur l’épaule de son amant en fermant les yeux. Il devina qu’elle était fatiguée. Tu devrais dormir un peu maintenant, lui conseilla-t-il.

    Et toi ?

    Il s’agenouilla devant elle. Je vais dormir aussi mais avant, j’aimerais bien prendre une douche, expliqua-t-il en l’aidant à retirer son jean. Mais je vais attendre que tu t’endormes. Après avoir écarté la couette, il prit Meredith par les épaules et la poussa doucement en arrière, en suivant le mouvement. Tourné vers elle, la tête appuyée sur son bras plié en deux, il recommença à promener ses doigts, aussi légers qu’une plume, du cou de la jeune fille à son ventre, en passant sur sa poitrine, déviant parfois sur ses côtes.

    Je crois qu’on va être heureux ici, murmura-t-elle juste avant de s’endormir.

    Derek remonta la couette sur elle. Il attendit quelques minutes avant de se lever en prenant garde à ne pas déranger son amie. Il passa dans la salle de bains pour prendre une douche. Quand il en revint, vêtu seulement de son boxer, il s’allongea à côté de Meredith et resta longtemps à la regarder, veillant sur son sommeil, ses mains vagabondant sur son corps en une caresse apaisante, jusqu’à ce que, vaincu par la fatigue, il ne s’endorme à son tour.


    3 commentaires
  • Il était encore tôt lorsque Derek se réveilla le lendemain matin. Le soleil traversait les persiennes en parsemant ses rayons en faisceaux. Une colonie d’oiseaux particulièrement braillards volait au-dessus de la maison, en poussant de grands cris, avant d’aller chercher sa pitance dans le parc. Si ce vacarme avait tiré le chirurgien de son sommeil, il n’en était rien pour Meredith, comme il put le constater. Pelotonnée contre lui, elle dormait encore profondément, le bras passé au-dessus de son buste et les jambes entremêlées aux siennes. La tête nichée au creux de son aisselle, elle avait posé les lèvres sur son torse, comme pour un baiser. Derek soupira. En cet instant, si on lui avait demandé de décrire son image du bonheur, ça aurait été celle-là. Meredith était là, tout à lui, et il n’avait besoin de rien d’autre.

    Un oiseau se posa sur la rambarde de la terrasse. Ses cris stridents troublèrent le repos de la jeune fille qui lâcha, en poussant quelques grognements, son compagnon pour se retourner et cacher sa tête sous la couette. Derek n’osa bouger, de crainte de la réveiller tout à fait, espérant qu’elle reviendrait vers lui. Malheureusement, elle se rendormit aussitôt dans cette nouvelle position. Légèrement désappointé, Derek se leva et se rendit dans la salle de bains, dont il sortit un quart d’heure plus tard, simplement vêtu d’une serviette nouée autour de la taille. Comme Meredith dormait encore, il descendit au rez-de-chaussée. Après avoir bu un café, il alluma la télévision pour suivre les informations du matin. Celles-ci étant somme toute assez inintéressantes, il prit une revue automobile qui trainait sur une table mais n’y trouva rien qui soit digne d’intérêt. Désœuvré, se sentant seul dans cette grande maison silencieuse, il décida de téléphoner à Mark.

    Tiré de son sommeil par la sonnerie de son téléphone portable, celui-ci tâtonna sur la table de chevet, à la recherche de son appareil. C’est à moitié endormi qu’il le porta à son oreille. Qui que vous soyez, je vous déteste, marmonna-t-il.

    Menteur ! répliqua Derek. Tu m’adores, inutile de nier.

    Le son de sa voix réveilla tout à fait Mark qui s’assit aussitôt dans son lit, les yeux grands ouverts. Derek ? C’est toi ? Qu’est-ce qui se passe ? Y a un problème avec Meredith ?

    Derek eut un petit sourire en entendant la pointe d’affolement dans la voix de son ami. Du calme ! Tout va bien. Meredith dort à poings fermés.

    Pourquoi tu appelles alors ? bougonna Mark en jetant un coup d’œil à son réveil. T’as vu l’heure ?

    Désolé, répondit Derek, un peu déçu. Je vais te laisser, alors. Tu vas pouvoir te rendormir.

    Trop tard ! s’exclama Mark en arrangeant les oreillers derrière lui, pour être installé plus confortablement. Maintenant que je suis réveillé…. Alors, qu’est-ce que tu as à me raconter ?

    Je crois que c’est plutôt toi qui as des choses à me dire, rétorqua Derek qui avait envie de gentiment se venger de son ami, après l’accueil peu chaleureux que celui-ci venait de lui réserver.

    Mark haussa les sourcils. Moi ? Qu’est-ce que j’ai encore fait ?

    Parait que tu as massé ma copine, déclara Derek sur un ton détaché.

    Embêté, Mark fronça le nez tout en se grattant la tête. Oh ça… Il soupira. Ces gonzesses ! Toutes les mêmes, incapables de tenir leurs langues !

    Derek se rendit dans la cuisine pour se servir un autre café. Alors, tu m’expliques ?

    Expliquer quoi ? maugréa Mark. Il s’assit sur le bord du matelas et chercha du regard le boxer qu’il avait jeté au sol avant de se mettre au lit. Je lui ai donné le gel à l’arnica, elle avait mal, alors elle m’a demandé de lui en mettre, je l’ai fait. Ni plus, ni moins. Y a vraiment pas de quoi fouetter un chat !

    Tout en l’écoutant, Derek avait ouvert quelques armoires dans l’espoir de trouver quelque chose qui calmerait sa faim. Il fit un petit sourire de satisfaction en découvrant le paquet de cookies que Mark avait ouvert la veille. Et je peux savoir ce que tu as plus ou moins massé ? insista-t-il.

    Son dos, mec, rien que son dos et encore, que le haut. Mark, nu comme un vers, se mit à quatre pattes sur la moquette pour regarder en-dessous du lit, à la recherche de son sous-vêtement. Je te l’ai déjà dit, arrête de te faire des films. Il repéra son boxer et avança la main pour le prendre. De toute façon, même si j’avais une idée derrière la tête, je perdrais mon temps parce que… - il se releva en soufflant, le slip à la main – parce que ta copine, elle ne voit que toi et rien que toi.

    Derek s’installa à la table de la cuisine, face à la fenêtre, avec son café et le paquet de gâteaux. Qu’est-ce qui te permet de dire ça ? demanda-t-il en souriant avant de croquer dans un cookie.

    Mark leva les yeux au ciel. Son ami était-il véritablement un imbécile ou bien avait-il simplement envie d’entendre ce qu’il savait déjà ? Il singea la voix de Meredith. J’espère que Derek ne va pas tarder. Mark, ça fait combien de temps que Derek est parti ? Tu ne trouves pas qu’il met trop de temps pour revenir ? J’ai envie qu’il soit là. Derek me manque. Je ne veux pas le perdre.


    1 commentaire
  • Derek perçut soudain un bruit sourd suivi d’une sorte de grommellement. Qu’est-ce qui se passe ?

    Rien, grogna Mark. Je me suis étalé en enfilant mon boxer. Va te faire foutre, ajouta-t-il en entendant son ami pouffer de rire.

    Excuse-moi, mais de t’imaginer par terre, à poil, c’est trop drôle. Je regrette de ne pas être là pour voir ça. Cette fois, Derek éclata franchement de rire. Vexé, Mark le singea, sans faire de bruit, en faisant exagérément des grimaces. Alors, qu’est-ce que tu disais à propos de Meredith ? poursuivit Derek dès qu’il eut repris son sérieux. C’est quoi cette histoire, elle ne veut pas me perdre ?

    Mark préféra s’asseoir sur le bord du lit pour mettre son sous-vêtement. Ben, elle est morte de peur, cette petite. Elle s’est quasiment fait violer mais la seule chose qui la préoccupe vraiment, c’est de savoir combien de temps elle va réussir à te retenir. Elle a compris que toi et l’abstinence, ça faisait deux.

    Derek fit pianoter nerveusement ses doigts sur la table. C’est ce qu’elle t’a dit ?

    Mark savait que s’il répondait positivement à cette question, son ami ne manquerait pas de l’interroger sur la conversation qu’il avait eue avec Meredith. Il n’avait pas envie de lui mentir, pas plus qu’il ne voulait trahir la jeune fille en révélant ce qu’elle lui avait confié, notamment sur ses sentiments. Dire à Derek que Meredith était amoureuse de lui, ce serait faire plus de mal que de bien. Mark préféra donc s’exprimer avec circonspection pour ne pas faire de gaffe. Non. Pas vraiment.

    Pas vraiment ? C’est qu’elle t’en a parlé quand même ? Qu’est-ce qu’elle t’a dit exactement ? l’interrogea nerveusement Derek, en enchainant les questions sans presque prendre le temps de respirer.

    Mark grimaça. S’il avait cru s’en tirer si facilement, c’était qu’il était bien naïf. Bien sûr que Derek n’allait pas lâcher l’affaire, maintenant qu’il avait la puce à l’oreille ! Ben, avec cette histoire, elle se pose des questions à propos de votre relation, dit Mark. Mal à l’aise, il toussota. A cause du sexe, tu vois. Elle ne me l’a pas dit, hein, s’empressa-t-il de préciser. Mais j’ai cru comprendre que… Il s’arrêta, ne sachant plus comment se sortir de ce mauvais pas.

    Derek soupira. Oui, elle m’en a parlé hier soir. Il se perdit dans la contemplation des branches d’arbre qui bougeaient sous la force du vent. Evidemment, pour le moment, elle ne veut pas qu’on couche ensemble. C’est normal, je comprends. Qui aurait envie de faire l’amour après une expérience pareille ?

    Ouais mais elle sait que toi, tu ne peux pas te passer de sexe, intervint Mark. Et forcément, ça la tracasse.

    Oui, ce n’est pas évident. C’est dur, admit Derek. Je ne sais pas comment faire. Je ne veux pas lui faire de mal.

    Mark se méprit sur le sens de ces paroles. Je lui ai juré que tu ne restais pas avec elle par pitié. J’espère que j’ai eu raison, dit-il sur un ton sec.

    Dis donc, toi ! protesta énergiquement Derek. Tu m’as déjà vu éprouver de la pitié pour qui que ce soit ?

    Non. Mark passa dans son dressing. Mais je ne t’avais encore jamais vu te comporter avec personne comme tu te comportes avec elle. Alors…

    Je n’ai pas pitié d’elle ! affirma Derek avec force. Si je reste avec elle, c’est parce que… Il marqua un temps. C’est parce qu’elle me plaît. Beaucoup. Et je suis bien avec elle. Ce qui s’est passé n’a rien changé pour moi.

    Mark se radoucit. Tant mieux. S’il y a bien quelque chose dont elle n’a pas besoin, c’est de pitié, surtout de ta part.

    Enervé, Derek se leva si violemment qu’il fit tomber le banc sur lequel il était assis. Mais tu me fais chier avec ta pitié ! Il fit quelques pas entre la cuisine et le salon. Puisque je te dis que ce n’est pas ce que je ressens.

    Mark leva les yeux au ciel. Et le manque de sexe ? Tu ne peux pas nier que ça va être un problème. Comment tu vas faire ?

    La conversation prenait un tour qui ne plaisait absolument pas à Derek. Il résista à l’envie de raccrocher au nez de son ami. Je gère, marmonna-t-il.

    Il gère ! Mark ne put retenir un ricanement. Bien sûr ! Mais pour combien de temps ? Il alla se camper devant sa penderie. Tu sais comme moi qu’elle ne va pas s’en remettre en une semaine. Alors, je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais… - il baissa le ton de sa voix, comme s’il avait peur d’être entendu par une autre personne que son interlocuteur - quoi que tu fasses, tache d’être discret. Ce serait moche si Meredith devait te surprendre avec une autre nana. Surtout maintenant. Après ce qu’elle a subi, elle n’a vraiment pas besoin de ça.

    Il n’est pas question d’une autre nana ! vociféra Derek, furieux que Mark le renvoie à cet aspect de sa personnalité qu’il n’appréciait plus depuis un moment, mais contre lequel il n’était pas certain de pouvoir lutter.


    2 commentaires
  • Pour le moment, non, bien entendu, concéda Mark. Mais dans quelque temps…

    Exaspéré par son obstination, Derek se mit à crier. Tu m’emmerdes ! Dans quelque temps, ce sera la même chose. Puisque je te dis que je gère ! Il remit le banc sur ses pieds.

    Mark éleva la voix, lui aussi. Derek, ne me raconte pas de conneries et, surtout, ne t’en raconte pas à toi-même. Comme tu l’as si bien dit, cette histoire n’a rien changé. Il revint dans la chambre et jeta sur le lit les vêtements qu’il avait choisis. Alors, si l’occasion se présente, et elle se présentera un jour ou l’autre, tu ne cracheras pas dessus, surtout si tu es en manque. On le sait tous les deux. Je ne te juge pas, je suis comme toi. Tout ce que je te demande, c’est de faire en sorte que Meredith n’en sache rien, le jour où ça arrivera.

    Tu n’as pas besoin de le demander, je sais ce que j’ai à faire, rugit Derek. Et ça n’arrivera pas. Il prit une grande inspiration pour se calmer. Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas lui faire de mal, reprit-il avec une voix normale. Je… je l’aime bien. Beaucoup. Vraiment. Et après ce qu’elle vient de vivre, si je couchais avec une autre alors qu’elle essaie de surmonter ce qui lui est arrivé, je ne pourrais même plus me regarder en face. Alors, il ne se passera rien avec personne, conclut-il avec une conviction sincère.

    Tant mieux parce que… La voix de Mark se teinta d’émotion. Tu es mon ami, Derek, le meilleur que j’aie jamais eu, le seul même. Tu es comme un frère pour moi et j’ai toujours été de ton côté, tu le sais, quoi que tu fasses.

    Mais ? Derek se rassit à la table.

    Moi aussi, j’aime bien cette gamine, avoua Mark en commençant à s’habiller. Pas comme toi, bien sûr, mais… Enfin, on se comprend. C’est vraiment une chouette fille. Il soupira. Je sais qu’on n’est pas des enfants de chœur et que je n’ai absolument pas le droit de te donner des leçons mais ça m’emmerderait qu’elle découvre… Il n’en dit pas plus. Fais ce que tu veux, mec, mais si tu mets un pied de travers, arrange-toi pour qu’elle n’en sache jamais rien.

    C’est bien mon intention, murmura son ami qui, sans savoir pourquoi, se sentait coupable.

    C’est une fille droite, Derek, insista Mark. Elle sort avec toi et, pour elle, ça signifie vraiment quelque chose. Elle n’a pas compris ce que tu attends d’elle, le genre de relation que vous avez. Elle ne sait pas pour les autres. Elle ne doit jamais savoir, martela-t-il. Si elle devait l’apprendre, ça la démolirait. Elle ne mérite pas ça.

    Je sais tout ça, Mark, répondit Derek en détachant chaque syllabe.

    Tant mieux, répéta Mark. Sinon… sur ce coup-là, je ne suis pas certain que je resterais de ton côté.

    Derek sursauta. En plus de trente ans de vie quasi commune, jamais Mark n’avait menacé de le laisser tomber. Tu l’aimes vraiment beaucoup, dis-moi, fit-il remarquer sur un ton aigre.

    Ouais, effectivement, confirma Mark sans détours. Tu as raison, elle est différente des autres. Il n’y a pas une once de calcul chez cette fille-là. Il eut un sourire attendri qui n’aurait pas manqué d’étonner son ami, s’il avait pu le voir. Elle ne pense pas à elle. Elle pense seulement aux autres. C’est suffisamment rare pour qu’on le respecte, tu ne crois pas ?

    Oui. Oui, tu as raison, reconnut Derek. Il eut soudain envie de retrouver l’objet de leur conversation, de la serrer contre lui, d’oublier dans ses bras qui il était vraiment. Ce n’était qu’avec elle qu’il avait l’impression d’être un homme bien. Je dois te laisser. Elle m’appelle, prétendit-il.

    Oui, vas-y. Ne la fais pas attendre, recommanda Mark. Dis-lui que je devrais avoir les résultats du test HIV cet après-midi. Dès que je les ai…

    Pressé, Derek lui coupa la parole. Tu m’appelles. A plus, mec. Il raccrocha sans plus attendre et se rua hors de la pièce. Il grimpa l’escalier à toute vitesse et ne cessa de courir qu’une fois arrivé devant la porte de la chambre. Il l’ouvrit précautionneusement mais, à nouveau, ne put réfréner son impatience et avança à grands pas vers le lit. Il fut presque déçu d’y trouver Meredith encore endormie. Il mourait d’envie d’entendre sa voix, de toucher sa peau, de se perdre dans ses yeux. Il se rallongea à côté d’elle et, n’y tenant plus, embrassa délicatement ses lèvres. La jeune fille grogna légèrement en ouvrant les yeux. Il afficha une mine apitoyée qui était aux antipodes de ce qu’il ressentait. Oh je t’ai réveillée. Je suis désolé.

    La lueur que Meredith vit dans ses yeux lui indiqua que ses excuses n’étaient pas forcément sincères. Oh vraiment ? Elle le regarda avec un air amusé. Pourquoi j’ai des doutes ?

    Il leva les mains en l’air. Je suis démasqué. Je m’ennuyais tout seul dans cette grande maison, se justifia-t-il d’une voix geignarde. Tu me manquais trop. Il plongea le nez dans les cheveux de son amie. Mmm ! Tu sens bon. Il releva la tête et posa sur Meredith un regard intense. Et moi, je t’ai manqué ?


    2 commentaires
  • Meredith prit un air surpris. Je ne sais pas, je dormais. Est-ce que tu m’as manqué ? Elle feignit de réfléchir. Je ne crois pas, non.

    Méchante ! se plaignit Derek. Comment peux-tu être aussi belle et aussi méchante en même temps ? Il cacha à nouveau son visage dans le cou de la jeune fille, effleurant celui-ci du bout des lèvres. Moi qui avais tellement besoin de tendresse, dit-il en ponctuant chaque mot par un petit baiser.

    Attendrie, Meredith lui caressa les cheveux, s’attardant particulièrement sur les petites boucles qui tombaient sur sa nuque, en les enroulant autour de son index. Tu me manques toujours quand tu n’es pas là, même quand je dors, susurra-t-elle d’une voix toute douce.

    Derek quitta lentement son cou, le bécotant millimètre par millimètre, pour remonter petit à petit sur la joue. Je suis tellement bien avec toi, chuchota-t-il, ses lèvres toujours collées à la peau de la jeune fille. Tout à coup, il écarta la couette et, passant un bras sous le corps de Meredith, à hauteur de la taille, roula avec elle sur lit. Quand elle se retrouva sur lui, les seins nus écrasés contre son torse, il frissonna de désir contenu, ce qui l’obligea à penser à nouveau à la conversation qu’il avait eue avec Mark. C’est vrai qu’il avait tellement envie de Meredith que c’était insupportable de penser qu’il ne la posséderait peut-être pas avant longtemps, et c’était évident que ce ne serait pas facile de gérer la situation, le manque de sexe et tout ça. Mais il se promit que, peu importe ce qui arriverait, il ne serait pas celui qui la ferait souffrir. Il referma les bras sur elle, dans un geste de protection. Et toi, tu es bien avec moi ? demanda-t-il à mi-voix, avec des yeux brillants.

    Oui. Vraiment, vraiment bien, répondit-elle dans un souffle, en réalisant avec étonnement qu’elle n’éprouvait aucune peur ni aucune gêne, alors qu’elle était presque nue dans les bras d’un homme qui, de toute évidence, la désirait. Au contraire, elle était troublée. Elle y vit le signe qu’elle était déjà sur la voie de la guérison.

    Derek prit ses lèvres, les pinçant tendrement entre les siennes avant de les franchir pour prendre totalement possession de la bouche. Ses mains, qui étaient enfouies dans les cheveux de Meredith, s’égarèrent sur le dos de cette dernière qu’il caressa sagement du plat de la paume. Leurs langues tournoyaient l’une autour de l’autre depuis longtemps lorsque Derek sentit que la situation risquait de lui échapper. Le moment était trop beau pour le gâcher en mettant la jeune fille mal à l’aise. Il roula à nouveau d’un quart de tour pour qu’ils se retrouvent sur le côté, face à face. Ça va ? s’enquit-il en lui caressant la joue. Elle fit signe que oui. Tu n’as toujours pas froid ? se renseigna-t-il encore.

    Un peu.

    Il tira la couette sur elle et l’emmitoufla dedans. Ça va mieux comme ça ?

    C’est parfait. Elle le regarda avec des yeux où transparaissait, sans qu’elle s’en rende compte, une sorte de dévotion. Il était tellement gentil avec elle, tellement attentionné. Elle savait, pour l’avoir déjà vu avec d’autres personnes, qu’elle était la seule avec laquelle il se comportait de cette façon. Ça ne pouvait être que parce qu’elle et leur relation étaient spéciales pour lui. Cette idée la conforta dans sa résolution de ne pas laisser ce qui lui était arrivé s’interposer entre eux et les séparer. Elle ne voulait pas le perdre.

    Tu sais, je me disais… Derek se tut, ne sachant comment formuler, sans trop lui donner d’importance, l’idée folle qui lui était subitement venue à l’esprit.

    Eh bien, continue, l’encouragea Meredith, intriguée.

    Quand tout ça… Derek lui prit la main. Quand cette histoire sera derrière nous, qu’on aura repris nos vies normales, on pourrait… Il hésita encore, non pas parce qu’il craignait la réponse de Meredith, mais parce qu’il avait peur de commettre une erreur. Chose inhabituelle chez lui, le cœur l’emporta sur la raison et il exprima ce qu’il avait en tête. On pourrait se voir plus souvent.

    Plus souvent ?

    Plus souvent qu’une fois par semaine, précisa-t-il.

    C’est ce qu’on faisait déjà, non ? lui fit-elle remarquer.

    Oui, oui, mais je veux simplement… Il lui adressa un sourire charmeur. Je veux simplement mettre officiellement fin à cette stupide règle que je n’ai jamais été capable de respecter.

    Bizarrement, Meredith le dévisagea avec un air suspicieux. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

    Lui qui s’attendait à une explosion de joie, ne put cacher sa déception devant cette réaction qu’il trouvait froide. Mais parce que. Parce que j’y pense maintenant. Qu’est-ce que ça change ?

    Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir ? insista Meredith. En d’autres temps, la demande de Derek l’aurait fait hurler de joie mais là, vu le contexte, elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la réelle motivation de son compagnon.  

    Il secoua la tête. Non, vraiment pas. Il lui sourit tendrement. Je crois même que je n’ai pensé qu’à moi.


    6 commentaires