• Mark afficha un sourire moqueur. Dit le mec qui sort avec une fille qui vient tout juste d’avoir vingt-et-un ans. 

    Ne compare pas ce qui n’est pas comparable ! répliqua Derek avec une totale mauvaise foi. Meredith, elle est exceptionnelle.

    Oui, tu n’as pas tort, concéda Mark. Ah on est bien avec nos nanas !

    Meredith n’est pas une nana, s’insurgea Derek. Et Taylor n’est pas la tienne et ne doit jamais le devenir, tu m’entends !

    Quel putain de rabat-joie ! s’écria Mark, tout en sachant que Derek avait pertinemment raison.

    Qui est rabat-joie ?

    En entendant la voix de Meredith, Derek, dont la chaise tournait le dos à l’entrée, sursauta violemment. Il se leva précipitamment, faisant tomber son siège dans le mouvement, et découvrit la jeune fille, vêtue seulement d’un tee-shirt qui lui arrivait à mi-cuisses. Il sentit une bouffée de chaleur l’envahir. Pour dissimuler son émotion, il se pencha pour relever sa chaise. Momsy est morte, se répéta-t-il plusieurs fois, très vite, en espérant que cette triste évocation suffirait à empêcher toute manifestation extérieure trop visible de son trouble. Effectivement, le souvenir de la vieille dame, ainsi que la certitude que le moindre faux pas pouvait tout compromettre, parvint à le calmer. Tu ne dors pas ? bafouilla-t-il en se redressant. Elle est conne, ta question, se dit-il. Si elle est là, c’est qu’elle ne dort pas ! Il vit Meredith qui secouait la tête et, sans savoir pourquoi, il saisit la boite de brownies pour la lui tendre. Tu en veux un ? Il entendit Mark pouffer de rire. Mais qu’est-ce qui te prend ? T’as l’air d’un débile avec ta boite de gâteaux ! hurla-t-il intérieurement. Ils sont délicieux. Cette Frances est un fin cordon bleu, fut pourtant tout ce qu’il trouva à ajouter.

    C’est vrai mais, ceux-là, c’est moi qui les ai faits, répondit Meredith, rougissante. Ce n’était pas l’éloge qui la bouleversait, mais la vision de Derek en boxer. Elle avait toujours admiré sa prestance. Même nu, ce salaud avait de l’allure. T’as pas honte ! se morigéna-t-elle. Un mec à moitié à poil et voilà que tu mouilles ta culotte. Cette dernière pensée, qui ne lui ressemblait pas, la fit devenir écarlate.

    Woaw ! s’extasia Derek qui se méprit sur la cause de la confusion de Meredith. Il n’aurait jamais imaginé qu’un compliment sur son talent culinaire lui ferait autant plaisir. Si, pour se faire bien voir d’elle, il fallait qu’il se fasse exploser en dévorant tous les brownies de la boite, il n’hésiterait pas. Il reprit le gâteau qu’il n’avait pas terminé. J’en ai jamais mangé de meilleur, dit-il en mordant dedans. Tu devrais en prendre un, conseilla-t-il à Mark. Ils sont géants. Mark secoua la tête en souriant. Derek et ses gros sabots ! Il en faisait trop mais cela avait quelque chose de touchant.

    Meredith avança vers la table, en prenant bien garde à ce que son regard ne tombe pas sur son ex pratiquement nu. Alors, c’est qui le rabat-joie ? demanda-t-elle à nouveau.

    C’est lui, répondit Mark, le doigt pointé vers son ami, tout en suivant de son œil appréciateur la jeune fille qui marchait. Cela n’échappa pas à Derek qui passa derrière lui pour venir lui donner une forte tape à l’arrière de la tête. Aie ! cria Mark en se frottant le crâne. Il prit Meredith à témoin. Tu vois ce que je te disais ?

    J’essaie de lui remettre les idées en place, précisa Derek pour répondre à l’interrogation contenue dans le magnifique regard vert de Meredith. Et les yeux aussi, ajouta-t-il sèchement à l’intention de son ami.

    Meredith plongea son regard dans celui de Mark. Là, au moins, elle ne risquait rien. Cela devenait intenable. Depuis qu’elle était entrée dans cette pièce, elle ne pensait plus qu’à Derek, à sa langue dans sa bouche, à ses mains qui la caressaient si bien, à son sexe qui lui donnait tant de plaisir, à son corps contre lequel elle aimait se blottir, après l’amour. Ce même corps qui s’exhibait maintenant sans vergogne, avec ses épaules solides, ses bras musclés juste comme il le fallait, son ventre plat, ses petites fesses rondes, cette légère bosse à l’avant… Oh seigneur ! A quoi pensait-elle ? Non, non, ne pense pas à ça, s’encouragea-t-elle. Pense plutôt à Madelina et aux autres, à toutes les autres. Il leur a fait la même chose qu’à toi, voilà ce que tu dois te dire. Son sexe a été dans leur bouche, à elles aussi ! Il a joui dans leur corps. Mais au même moment, elle entendit, dans un coin de sa tête, la voix de Momsy, et son petit rire. Tu sais, une fois que c’est lavé, c’est comme neuf. Elle se sentit perdue. Qui avait raison ? Que devait-elle écouter ? Sa raison ou son cœur ? Là, tu aurais plutôt tendance à écouter ton sexe, se fustigea-t-elle. Alors, tu te calmes !

    Mer, ça va ? s’inquiéta Mark qui avait compris, à sa mine tourmentée, qu’elle était en train de mener un combat intérieur.

    Elle émergea de ses pensées dans un léger tressaillement. Oui, ça va. Elle lui sourit affectueusement. Alors, tu as besoin qu’on te remette les idées en place ?

    Il paraît, d’après ce monsieur, répondit-il en désignant Derek du menton. Il s’est mis en tête de m’apprendre ce que c’est que la vie, l’amour. Meredith ne put s’empêcher de tourner un regard ironique vers l’intéressé.

    Celui-ci se sentit contraint de se justifier. J’essayais juste de lui faire comprendre qu’il était un peu trop vieux pour faire la sortie des lycées, si tu vois ce que je veux dire.

    Meredith comprit immédiatement l’allusion. Mark ! Tu m’avais promis. Tu as juré, lui rappela-t-elle, le ton de sa voix teinté de reproches.


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  • Hé, je n’ai rien fait ! Je n’ai fait qu’envisager, se défendit Mark.

    C’est encore trop, objecta Derek. Il vint se rasseoir à la table, juste en face de Meredith, à la fois pour l’admirer à loisir et ne rien perdre de ses réactions.

    Il a raison, reconnut-elle, même si cela lui écorchait la bouche de le dire. Taylor est une fille intelligente. Elle a compris que tu – elle leva les deux mains en l’air et agita ses index et majeur collés l’un à l’autre, pour mimer le signe des guillemets –"envisageais", si ce n’est qu’elle pense que c’est bien plus que ça. Elle s’est mis en tête des tas de choses et ce ne sont pas les mêmes que celles que tu envisages, Mark.

    Elle n’est pas comme toutes ces filles qu’on a sautées. L’intonation de Derek fit se tourner Meredith vers lui. Elle vit alors qu’il la fixait intensément et comprit que ce n’était pas de Taylor qu’il parlait. Elle est jeune et pleine d’illusions. Elle a confiance en toi. Et si tu la blesses, elle en souffrira et toi… toi, tu ne pourras plus te regarder dans un miroir. Touchée malgré elle par ces paroles, la jeune fille baissa la tête, ce qui ne découragea nullement Derek. Si elle ne voulait pas le regarder, au moins ne pouvait-elle pas éviter de l’entendre. Il arriverait bien, un jour, à la convaincre de sa bonne foi. On ne peut pas jouer avec les sentiments. C’est quelque chose que j’ai appris il y a longtemps, à mes dépens, mais je l’avais oublié. Quelqu’un me l’a rappelé récemment, conclut-il dans un murmure avant de se tourner vers Mark. Ne fais pas la même erreur que moi. Meredith frissonna. Les paroles de Derek, ainsi que sa façon de les dire, l’atteignaient en plein cœur. Pourtant, quelque chose, tout au fond d’elle, la faisait toujours douter qu’il soit totalement sincère.

    Mark aussi était conscient que ce message s’adressait bien plus à leur amie qu’à lui. Mais comme elle ne réagissait pas, il embraya. Bah ne vous en faites pas ! Il ne se passera rien avec Taylor. Il soupira pour exprimer ses regrets. Quand je suis venu… le week-end dernier, ajouta-t-il à l’intention de Meredith, j’ai juré à Momsy que je ne toucherais jamais à la petite. Je ne reviendrai pas sur ma parole. C’est vrai qu’elle est mignonne, Taylor, mais elle ne vaut pas la peine que je trahisse la confiance que ma grand-mère avait en moi. Meredith lui sourit avec satisfaction.

    Et garde tes distances aussi, l’adjura Derek. Qu’elle ne puisse plus se faire de film !

    Promis ! clama Mark.

    Tout à coup, Meredith bailla à s’en décrocher la mâchoire. Quoi ? demanda-t-elle aux deux hommes qui la regardaient en souriant.

    Tu ne penses pas que tu serais mieux dans ton lit ? suggéra Mark avec tendresse.

    Les épaules de la jeune fille se soulevèrent légèrement. Je n’arrive pas à dormir. Je pense à des trucs… à la mort de Momsy, à tout ce qui s’est passé depuis et… Ses yeux s’emplirent soudainement de larmes. Je ne peux pas…

    Qu’est-ce que tu ne peux pas ? questionna Mark, déconcerté par le ton grave qu’elle avait pris et la tristesse qui marquait ses traits.

    Accepter l’argent de ta grand-mère. Je ne peux pas. Les deux hommes échangèrent un regard entendu. A la fin de la journée, l’avocat de Momsy s’était présenté à l’Hacienda afin de procéder à la lecture du testament. A son grand étonnement, Meredith avait été conviée à y assister, au même titre que les autres habitants de la maison. C’était avec une grande émotion que tous avaient pris connaissance des dernières volontés de Susan Lee Sloan. Sans surprise, elle laissait à Mark tout ce qu’elle possédait, à savoir différentes maisons à San Francisco, un appartement à New York, sur Central Park, un cottage à Martha’s Vineyard, la propriété de Santa Rosa bien sûr, de même que tous les avoirs en argent. Il y avait cependant quelques clauses particulières à respecter. Une confortable rente mensuelle serait versée à Frances, jusqu’à la fin de ses jours, et les frais d’études de Taylor seraient intégralement couverts par un fonds spécialement créé à cet effet. Frances était également autorisée, si elle le souhaitait, à demeurer aussi longtemps qu’elle le désirerait à l’Hacienda, où elle conserverait son emploi de gouvernante. Mère et fille avaient fondu en sanglots devant tant de générosité. Quant à Jackson, Momsy espérait qu’il accepterait de rester le régisseur de la propriété et que Mark et lui pourraient s’entendre pour que cette dernière continue à prospérer. Elle insistait sur le fait qu’un de ses vœux les plus chers était que les deux hommes fassent la paix, comme ultime preuve de l’amour qu’ils avaient eu pour elle. Meredith avait été rassurée de constater qu’ils avaient été tous deux particulièrement émus à la lecture de ce passage. C’était sûrement de bon augure. Avaient ensuite suivi différents legs d’argent, de bijoux ou autres objets aux employés de Momsy, à quelques personnes que Meredith ne connaissait pas, ainsi qu’à diverses œuvres de charité. La jeune fille continuait à se demander ce qu’elle faisait là lorsque l’avocat avait annoncé qu’une dernière clause avait été ajoutée au testament trois jours plus tôt. Quelques minutes avaient été nécessaires pour qu’elle comprenne qu’elle héritait d’une somme de deux cent cinquante mille dollars destinée à financer les études universitaires dont elle rêvait. Tout ce dont elle se souvenait après, c’était le sourire à la fois ému et heureux que lui avait décoché Mark. Il lui avait fallu du temps pour digérer la nouvelle et prendre une décision. Je ne peux pas accepter cet argent, Mark, reprit-elle de sa voix douce mais néanmoins pleine d’assurance. C’est extrêmement généreux de la part de Momsy et je lui serai toujours très reconnaissante de m’avoir fait ce magnifique cadeau mais je ne peux pas l’accepter.

    Pourquoi ? s’étonna Mark.

    Parce que je n’y ai pas droit, dit-elle avec simplicité. Je ne suis pas de la famille et…

    Mark lui coupa directement la parole. Qu’est-ce qu’on en a à foutre ? Ma grand-mère a légué une partie de ses biens à des gens dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Elle l’a fait parce qu’elle les appréciait, qu’elle les aimait et qu’elle voulait leur témoigner qu'ils étaient importants pour elle. C’est tout ce qui compte, à mes yeux.


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