• Une fois la porte fermée, Meredith ne put retenir ses larmes plus longtemps. Elle se maudit d’avoir accepté, non, provoqué la partie de jambes en l’air dans l’escalier. Comment, après ça, faire croire à Derek qu’elle n’éprouvait plus rien pour lui ? Voilà trois jours qu’elle essayait de prendre ses distances et il avait suffit d’un baiser pour que tous ses efforts soient réduits à néant. Elle grimpa l’escalier quatre à quatre et s’enferma dans la salle de bains. Elle se déshabilla en toute hâte, fit couler l’eau et se précipita sous la douche. Elle se sentait sale après ce qui venait de se passer. Incapable de maîtriser ses pulsions, elle avait sauté sur Derek comme un animal en rut et après, elle lui avait fait du mal pour qu’il s’en aille. Puisqu’elle était incapable de lui résister, elle devait prendre les mesures qui s’imposaient, éviter tout contact avec lui en dehors du cadre strictement professionnel, et même dans ce cas, rester à une distance respectable, ne pas l’approcher à moins d’un mètre… non, disons même deux. Il avait trop d’emprise sur elle et ça ne semblait pas près de s’arranger.

    Pourtant, à leur première rencontre, elle ne s’était pas méfiée. Il l’avait accostée au comptoir, chez Joe. Il était beau gosse. Il avait joué de son regard et de son sourire, à tel point qu’elle avait imaginé qu’il était un dragueur professionnel. Il avait de l’esprit, il l’avait fait rire. Surtout il l’avait fait boire. Non, là encore, elle était injuste, il avait bu autant qu’elle. Et de toute façon, elle n’avait jamais eu besoin de personne pour se saouler. Les nuits passées dans les bars qui s’achevaient à l’aube, aux côtés d’un inconnu, avec la gueule de bois, elle ne connaissait que trop bien. Et Derek n’avait pas fait exception à la règle ! Elle s’était réveillée sur le canapé et l’avait trouvé en train de dormir, nu, à ses pieds, à même le sol. Elle s’était vaguement souvenue de la rencontre de la veille et n’avait eu aucun mal à imaginer comment la soirée s’était terminée. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire : se débarrasser de ce bel inconnu au plus vite. Elle avait rougi quand il lui avait tendu le soutien-gorge qui traînait par terre, et aussi quand il lui avait proposé de reprendre leurs ébats là où ils en étaient restés. Après avoir échangé quelques paroles désolantes de banalité, elle l’avait laissé, certaine de ne plus jamais le revoir. Aussi avait-elle été plus que surprise quand, lors de sa première journée d’internat au Seattle Grace, elle l’avait aperçu parmi les membres du corps médical. Cerise sur le gâteau, il était un de ses professeurs. Elle avait eu l’impression qu’elle se vidait de son sang et elle avait voulu fuir pour reprendre ses esprits et mettre au point un plan d’action. Mais on n’échappait pas à Derek Shepherd, elle l’avait appris à ses dépens. Il l’avait poursuivie et elle s’était retrouvée avec lui dans la cage d’escalier, tentant de le persuader qu’il n’y aurait désormais plus d’autres contacts entre eux que ceux strictement exigés par l’exercice de leur métier. A partir de là, il ne l’avait plus lâchée. Quoiqu’il en dise, il avait été le chasseur, elle avait été la proie. Après avoir faiblement résisté, elle était tombée dans ses filets et n’en était plus ressortie.

    C’est qu’il savait y faire, le séduisant Dr Shepherd. Des yeux bleus qui exprimaient toute la palette des émotions, un sourire à faire se damner la Vierge Marie, un corps musclé juste ce qu’il faut, des cheveux épais dans lesquels il faisait bon passer la main… Il n’y avait rien à jeter chez cet homme-là. Ajoutez à tout cela de l’humour, de la sensibilité, une incroyable humanité, un sens profond du devoir, une intégrité absolue et tous les ingrédients étaient réunis pour donner l’homme parfait selon Meredith Grey.

    Il y avait encore un élément qui était loin d’être négligeable pour expliquer le pouvoir que Derek exerçait sur elle ; il l’avait révélée en tant que femme. Certes, quand elle l’avait rencontré, elle n’était plus vierge, loin s’en faut. Très jeune déjà, elle avait eu des relations sexuelles avec ses petits amis du collège d’abord, de l’université ensuite. Son voyage en Europe aussi lui avait permis d’explorer d’autres lits. Si elle n’avait jamais été dégoûtée par l’amour physique, elle n’y était pas non plus accro. La multiplication de ses amants ne s’expliquait pas par un appétit sexuel hors normes, mais plutôt par le besoin de susciter chez l’autre l’intérêt dont elle avait manqué quand elle était enfant. Etre désirée par un homme s’apparentait en quelque sorte à la reconnaissance et l’affection que ses parents lui avaient toujours refusées.

    Puis Derek était apparu dans sa vie et tout avait changé.

    Il ne lui restait que très peu de souvenirs de leur première nuit ensemble et, étrangement, ils ne concernaient pas la partie horizontale. Vu l’état d’ébriété avancée dans lequel ils étaient tous les deux, l’étreinte avait dû être plus que furtive, du moins elle le supposait. La seconde fois avait eu lieu dans la voiture de Derek, devant la maison de Meredith. Là encore, les fées ne s’étaient pas penchées sur leur cas. Elle, elle était saoule, une fois de plus. Lui, son grand corps était à l’étroit dans l’habitacle. Et tous les deux étaient stressés d’être découverts dans une situation aussi compromettante. Ils avaient fait l’amour en étant sans cesse aux aguets. Les quelques petites secondes durant lesquelles ils avaient baissé leur garde avaient d’ailleurs suffi pour que Miranda Bailey les surprenne. Elle ne leur avait pas caché sa désapprobation. Ils en avaient fait les frais pendant les quelques semaines qui avaient suivi.

    La véritable révélation avait eu lieu le lendemain. Toute la journée, par peur des conséquences sur son internat, Meredith avait hésité à poursuivre sa nouvelle relation. Finalement elle avait décidé de tenter sa chance et à la fin de la journée, elle avait attendu Derek devant son véhicule, sous la pluie, une bonne bouteille de vin à la main. Il l’avait emmenée dans un charmant petit hôtel. Meredith sortit de l’eau et s’assit, drapée dans une serviette de bain, sur le rebord de la baignoire. Tout en se séchant les cheveux, elle se souvint… Les mains de Derek qui parcouraient son corps au fur et à mesure qu’elles le dénudaient, sa bouche qui en explorait le moindre recoin, ses doigts qui s’aventuraient dans ses plis les plus intimes… Et elle, délicieusement affolée par ce plaisir inconnu qui montait en elle, comprenant enfin le véritable sens du mot volupté. Jamais homme avant lui n’avait été si attentif à son bien-être, si soucieux de sa jouissance. La violence de son orgasme l’avait surprise à un tel point qu’elle, d’habitude peu démonstrative, avait crié son plaisir à la face du monde. Avant cette nuit-là, elle n’avait jamais imaginé que le plaisir puisse être si intense.

    Meredith se leva pour se regarder dans le miroir. La seule vision de sa figure devenue écarlate à l’évocation de ce moment suffit à lui faire comprendre qu’elle restait un oiseau pour le chat et que, si elle n’y prenait pas garde, Derek n’éprouverait aucune difficulté à la ramener dans son lit.


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  • Oui, j’ai bien compris, répondit Cristina. Seulement, le problème, c’est qu’elle, elle ne veut absolument pas vous voir. J’aurais cru que vous l’auriez pigé après votre fiasco de cet après-midi.

    Où est-elle ? aboya Derek

    Aucune idée, prétendit Cristina. Elle regarda le chirurgien avec un air goguenard. Vous n’avez pas un film à tourner ? Il n’y a pas une garce qui vous attend quelque part, les cuisses ouvertes, pour jouer une scène de partouze ?

    Derek dut faire un effort surhumain pour ne pas lui river son clou par une de ces formules assassines dont il avait le secret. Mais il n’était pas en position de force, il en était conscient, et le moment était mal choisi pour se mettre les amis de Meredith plus à dos qu’ils ne l’étaient déjà. Ecoutez, je ne suis pas venu ici pour me disputer avec vous. Je veux voir Meredith et je ne partirai pas sans l’avoir vue.

    Cristina ricana. A votre place, je ne perdrais pas mon temps.

    George apparut derrière elle. Au cas où vous ne l’auriez pas compris, ça veut dire, foutez le camp !

    Bon, maintenant, j’en ai assez ! annonça Derek en poussant les jeunes gens afin de pouvoir pénétrer dans la boutique.

    George tenta encore de s’interposer en se mettant devant lui. Mais qu’est-ce que vous cherchez à la fin ? A ce qu’elle s’évanouisse encore, comme tout à l’heure ?

    Derek, qui l’avait déjà saisi par le tee-shirt pour le jeter sur le côté, le lâcha aussitôt. Il se retourna vivement vers Cristina. Elle s’est évanouie ?

    La jeune femme prit un air dédaigneux. Puisqu’il vous le dit ! On n’est pas des menteurs, nous !

    Meredith n’eut que le temps de se lever et de retirer son tabouret. Derek entra comme un boulet dans l’arrière-boutique. Meredith l’accueillit avec un regard hostile. Qu’est-ce que tu fais ici ? Il me semblait t’avoir dit que je ne voulais plus te voir. Elle se retourna et feignit de reprendre le rangement de la vaisselle. 

    Je viens d’apprendre que tu avais fait un malaise, lui indiqua Derek en refermant la porte derrière lui.

    Si tu es venu pour une consultation, tu as perdu ton temps, répliqua Meredith. Ce n’est sûrement pas à toi que je ferai appel si j’ai besoin d’un médecin.

    Derek nota qu’elle était toujours aussi agressive à son égard. Et toi, si tu penses que je vais laisser tomber, c’est que tu me connais mal, riposta-t-il.

    Je dirais même plus, je ne te connais pas du tout, asséna la jeune fille dans le seul but de le blesser.

    Tu sais très bien que ce n’est pas vrai. Derek la força à s’asseoir sur une chaise et s’installa sur le tabouret, en face d’elle. Alors, tu t’es évanouie ? Elle ne dit rien. Comment ça se fait ?

    Oh je ne sais pas, peut-être l’émotion à l’idée de t’avoir connu ! ironisa Meredith. Elle voulut se lever mais Derek la maintint sur la chaise.

    Meredith, sérieusement… Comment tu te sens maintenant ? se renseigna-t-il d’une voix douce.

    Mais très bien, crâna Meredith. Et ça irait encore bien mieux si tu n’étais pas là.

    Derek soupira. Et si tu cessais de te conduire comme une gamine ?

    Meredith se releva brusquement. Ah parce que toi, tu as un comportement d’adulte peut-être ? Parier qu’on va coucher avec une fille, c’est bon pour des ados de quinze ans, le chapitra-t-elle.

    Tu as raison, admit Derek dont le calme contrastait avec la nervosité de la jeune fille. Je me suis conduit comme un imbécile mais je suis venu m’expliquer.

    L’irruption de George dans la pièce les fit sursauter. Ça va, Mer ? Si tu veux que je le foute à la porte, t’as qu’un mot à dire.

    Un sourire mauvais naquit sur les lèvres du chirurgien. Tu peux toujours essayer, espèce de guignol !

    C’est bon, George, ça va, je gère, répondit Meredith. Sans bouger de son tabouret, Derek claqua la porte sur le jeune homme qui n’eut que le temps de se reculer pour éviter de la recevoir en pleine figure. Meredith se tourna vers le chirurgien. Tu devrais le suivre.

    Pour lui montrer qu’il n’avait nulle intention de lui obéir, Derek allongea ses jambes. Il est hors de question que je m’en aille sans t’avoir parlé.

    Mais pour dire quoi ? criailla Meredith, exaspérée par l’insistance du chirurgien. Rien de ce que tu pourras dire ne pourra effacer le mal que tu m’as fait. Elle ouvrit la porte d’une armoire murale et commença à y ranger des verres.


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  • Pétrifié devant la porte qui venait de lui être claquée au nez, Derek n’en crut pas ses oreilles. Abasourdi, il se baissa, tel un robot, pour ramasser sa caisse avant de retourner à sa voiture. Au fur et à mesure qu’il s’en approchait, il sentit la rage monter en lui. Il envoya ses affaires valser dans le coffre et démarra sur les chapeaux de roues. Quelques rues plus loin, sa colère était déjà retombée, laissant place au désespoir. Le cœur brisé, Derek réalisa que son univers venait de s’écrouler. Il ne put se résoudre à affronter le silence de sa caravane et prit la direction de l’Emerald City Bar.

    A peine entré, il repéra Mark au comptoir. Manifestement, son ami n’en était pas à son premier verre. Derek le rejoignit et leur commanda un whisky. Mark releva la tête. Qu’est ce que tu fous ici ? ânonna-t-il. Tu ne devrais pas être chez Meredith, en train de la convaincre que tu es l’homme de sa vie ?

    Je sors de chez elle, lui apprit Derek en s’installant sur le tabouret voisin.

    Oh ! Mark se tourna vers son camarade. Si tu es ici, c’est que ça ne s’est pas bien passé. Je me trompe ?

    Derek donna l’impression de se parler à lui-même plutôt qu’à son ami. On a fait l’amour…

    T’as été si mauvais ? ricana Mark.

    Derek ne releva pas. Après, elle m’a regardé et… j’ai eu l’impression que je venais de la violer.

    Et ce n’était pas le cas ? Mark prit le verre que Joe venait de déposer devant lui et le vida à moitié.

    Derek sembla se réveiller. Pour qui me prends-tu ? s’indigna-t-il. Bien sûr que non. Elle était consentante. C’est même elle qui a pris l’initiative… Et après… après, elle m’a fait me sentir plus bas que terre, murmura-t-il avec une voix atone.

    Mark secoua lentement la tête avec un air dégouté. Tu veux que je te dise, mon vieux ? Les nanas, toutes des salopes ! éructa-t-il. Regarde Addison… Je lâche tout pour cette femme ! New-York, la ville que j’aime le plus au monde, mon cabinet, mes copains, mon club de tennis, mes habitudes… Je viens la rejoindre dans ce trou pourri. Je remets mon cœur entre ses mains, cria-t-il avec emphase, et tout ce qu’elle en fait… Tu veux savoir ce qu’elle en fait ? Mark leva le doigt vers le ciel. Elle le piétine, mon vieux, elle le piétine !

    Tu l’as un peu cherché !

    Celui-ci fit légèrement dodeliner sa tête de droite à gauche. Ouais… peut-être un peu… Mais ce qu’elle vient de faire… partir pour l’autre bout du pays… sans un mot d’explication, sans même me prévenir… Mark regarda son meilleur ami avec un air de petit garçon désorienté. Est-ce que je suis un si mauvais gars que je ne mérite pas un meilleur traitement ?

    Tu n’es pas mauvais, Mark, le rassura Derek. Tu es particulier. Je suppose qu’elle a eu peur que tu cherches à la convaincre de rester.

    Elle disait qu’on était des amis… des amis ! Tu parles ! brailla Mark sans se soucier des autres clients. Des amis de merde, oui !

    Tu sais, je suis à la même enseigne que toi en ce qui la concerne, lui rappela Derek avant de boire une gorge de son whisky.

    Ouais. Nous revoilà compagnons d’infortune. On aura au moins gagné ça… Mark vida la moitié restante de son verre. Alors, Meredith ? Qu’est-ce que tu comptes faire ?

    Je ne sais pas, admit Derek avec dépit. Je ne sais plus ce que je dois faire. Je l’aime mais…

    Mark lui coupa vivement la parole. Tu veux un conseil d’ami ? Laisse tomber ! Les femmes, c’est jamais qu’un sac d’embrouilles ! Il faut les fréquenter pour l’hygiène mais une fois que les sentiments s’en mêlent, c’est foutu.

    Sur un signe de tête de Mark, Joe vint leur servir un autre verre. Alors Messieurs, des soucis avec vos dames, à ce que j’entends ?

    Présentement, tu as devant toi deux nouveaux célibataires, lui expliqua Mark, la bouche pâteuse. On vient de se faire jeter comme des malpropres.

    Oh, je ne m’en fais pas pour vous, Doc, dit Joe qui avait souvent vu Mark trainer dans son bar en galante compagnie. Ça va vite s’arranger.

    Mark fit la moue. J’ai des doutes. La femme que j’aimais vient de mettre les bouts pour Los Angeles. Quelle bonne blague, hein ? Il eut un rire mauvais. Joe, tu ne sais pas la chance que tu as de ne pas avoir de femme. Une femme, une seule je veux dire, ce n’est qu’ennuis et compagnie.

    Joe sourit. Vous savez, Walter n’est pas toujours facile.

    Mark balaya d’un revers de la main cette objection. Oui mais les mecs, ce n’est pas la même chose… Nous, on fait moins de chichis. Il se tourna vers Derek qui, en pleine déprime, ne suivait que très peu ses délires. Je me demande si on ne devrait pas essayer…

    Quoi donc ? demanda distraitement son ami.

    Mark se pencha vers lui en parlant à voix basse. On devrait peut-être … tu sais… virer notre cuti… comme Joe.

    Derek fronça les sourcils. Qu’est-ce que tu racontes ? le gronda-t-il. Tu déconnes !

    Hé, je cherche une solution ! protesta Mark.

    Joe se mit à rire. Si vous voulez, je peux vous présenter des copains. Vous devriez leur plaire. Sam surtout. Vous êtes tout à fait son genre.

    Ce fut comme si ces mots faisaient enfin apparaitre à Mark tout ce que son projet impliquait. Euh non. On va laisser tomber. C’est pas une bonne idée finalement.


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