• La nuit était tombée sur Seattle.

    Derek Shepherd stationna sa voiture et resta assis au volant quelques minutes, les yeux dans le vague, comme s’il n’était pas certain de ce qu’il allait faire. Il se décida enfin à sortir de son véhicule et à monter la colline au sommet de laquelle se trouvait son mobil home.

    Il ouvrit la porte et se laissa tomber sur la banquette, en poussant un énorme soupir de dépit. Il tenta de faire le point sur les évènements de la journée. Il avait opéré un homme qui avait un piolet planté dans la tête, à la suite d’une escapade entre copains. Il avait fait part de ses soupçons sur les circonstances de l’accident à la police. L’épouse de Richard Webber, Adèle, s’était retrouvée enceinte à 52 ans mais avait fait une fausse couche. L’inconnue du ferry avait enfin été identifiée et était repartie avec sa famille… Tout cela n’était jamais que le quotidien d’un grand hôpital comme le Seattle Grace.

    Il y avait eu d’autres faits qui l’avaient touché plus personnellement. Richard l’avait choisi comme chef du service chirurgie. Cependant, il s’était senti obligé de refuser le poste, parce qu’il avait d’autres priorités. Il devait d’abord mettre de l’ordre dans sa vie avant d’être  capable et digne d’assumer de telles fonctions. Le mariage de Preston Burke et de Cristina Yang s’était écroulé avant même d’avoir été conclu. Le futur marié avait planté sa fiancée devant l’autel. Il avait pris la fuite et ne reviendrait plus.

    Mais le pire moment avait été, sans conteste, la fin de sa relation avec Meredith Grey.

    Plus il y pensait, moins Derek comprenait comment ils avaient pu en arriver là. Leur liaison durait depuis une année, elle avait connu des hauts et des bas, certes, mais de là à se terminer de cette manière ! Une minute avait suffit : un "c’est fini" dont il se demandait  encore s’il s’adressait à lui en particulier ou à l’assemblée de deux cents personnes venues assister à des noces qui n’auraient jamais lieu… et effectivement, cela avait été fini. Meredith avait fui et l’avait laissé là, sans un regard, sans même une explication qui tienne debout. Une minute avait suffi pour mettre sa vie en lambeaux.

    Dans l’espoir de trouver un indice, il se remémora le fil des évènements, comment il avait essayé de rendre Meredith jalouse en lui apprenant que la veille, chez Joe, il avait flirté avec une jeune femme. Il devait reconnaître que flirter était un bien grand mot. Il n’avait fait qu’échanger quelques paroles avec cette fille mais il avait perçu que les choses auraient pu aller plus loin, s’il l’avait voulu. C’est ce qu’il avait laissé entendre à son amie dans l’espoir de la secouer, de lui faire prendre conscience que leur couple était menacé par ses silences et son indifférence. Elle n’avait pas eu exactement la réaction qu’il espérait. Elle s’était contentée de lui demander si elle devait s’inquiéter. Piqué au vif, il n’avait pu que lui dire oui.

    Plus tard, quand il était venu la chercher pour l’emmener au mariage, il avait immédiatement ressenti le malaise qui planait entre eux. Les mains sur les hanches, elle l’avait sommé de rompre avec elle s’il voulait rencontrer d’autres femmes. Il avait souri. Décidément, elle ne comprenait rien. L’aurait-il voulu, il était totalement incapable de la quitter. Il ne pouvait vivre sans elle, elle était l’amour de sa vie. Mais il en avait assez d’être constamment repoussé au profit de la bande de copains qui squattait chez elle. Elle ne pouvait plus faire comme s’il n’existait pas, désirer sa présence un jour, la rejeter le lendemain. Il l’aimait mais il ne pouvait pas tout supporter. C’était ce qu’il lui avait expliqué avant de la supplier : si elle ne l’aimait pas avec la même force, si elle ne croyait plus en eux, alors… c’était à elle de mettre un terme à leur histoire. Elle devait le libérer.

    Elle avait souri et il avait repris espoir… surtout quand elle avait ajouté qu’elle ne pouvait pas. Mais l’illusion n’avait duré que quelques secondes. Elle ne pouvait pas, non pas le quitter, comme il l’avait cru. Elle ne pouvait pas rester. Elle était attendue au mariage de Cristina, son amie avait besoin d’elle. Elle avait été obscure quand elle lui avait dit devoir s’assurer que la mariée arriverait à l’autel. Déçu, il n’avait pas insisté.

    Puis il y avait eu l’épreuve de la chapelle… tenir son rôle de témoin du marié, cacher sa peine, faire bonne figure… Il avait presque craqué, cependant, quand Preston, le devinant au bord des larmes, l’avait interrogé. Il s’était borné à répondre qu’il était probable que Meredith et lui ne voyaient plus les choses de la même façon, mais il ne s’était pas appesanti. Il n’était pas dans ses intentions de gâcher le grand jour de son ami.

    Il n’était pas au bout de ses peines pourtant : lorsque Meredith avait remonté la nef, sous le regard intrigué de tous les invités, il avait compris que quelque chose de grave venait de se produire. Avant de monter sur l’estrade, elle lui avait lancé un regard dont le seul souvenir suffisait à lui glacer le sang. Ce regard-là était éteint. Il avait compris alors qu’elle abandonnait, qu’une fois de plus elle baissait les bras, qu’une fois de plus elle fuyait. Elle s’était adressée à l’assistance pour annoncer que tout le monde pouvait rentrer chez soi, tout était terminé. Et elle était repartie comme elle était venue. Lui était resté là, sans réaction.

    Lorsqu’il s’était repris, il était trop tard. Il avait parcouru les locaux dans l’espoir de la retrouver. Elle devait être aussi malheureuse que lui, il en était certain. Mais elle avait disparu.

    Maintenant il était là, dans sa caravane, à broyer du noir, à se demander ce qu’il aurait pu faire pour empêcher ce désastre de se produire.


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  • A quelques centaines de mètres de là, Derek, qui ne se doutait absolument pas de ce qui se tramait, marchait dans les couloirs, en compagnie de Mark. Ils se dirigeaient vers le grand hall de la clinique, où les attendait Richard pour accueillir une patiente de marque, l’épouse d’un des membres du conseil d’administration.

    Ça alors, je n’en reviens pas, s’écria Mark, l’air abasourdi.

    Et moi, tu crois que je n’ai pas été surpris ? dit Derek, avec la mine sombre de celui qui n’a pas dormi de toute la nuit.

    Bon sang ! s’exclama Mark qui n’arrivait pas à s’en remettre. Je ne savais même pas que ça existait encore, enfin pas au-delà de quinze, seize ans. Il soupira avec un air accablé. Sans doute qu’à la campagne, ça doit encore se rencontrer.

    C’est bien toi qui m’as dit que les gens de la campagne étaient plus délurés que les autres, pourtant, persifla Derek. Le contact de la nature, l’observation des mœurs animales, tu te souviens ?

    Oui, je le croyais, reconnut Mark. M’enfin, tout ça ne m’explique pas pourquoi tu n’as pas couché avec elle, puisque tu en avais envie.

    Je sais que je ne suis pas un modèle de vertu, mais tout de même, grogna Derek. Et puis… non, je n’aurais pas pu.

    Mark se mit devant celui-ci, l’obligeant à s’arrêter. Bon, elle est vierge, et alors ? Il écarquilla les yeux et tendit légèrement ses mains vers l’avant, paumes tournées vers le haut, en signe de perplexité. Ça n’empêche pas qu’elle soit bandante. Alors, qu’est-ce que ça change ? Je veux dire – il posa une main sur l’épaule de son ami – il faut juste être plus doux, plus attentionné, mais ça peut être chouette aussi, tu sais.

    Derek lui lança un regard furibond. T’es vraiment lourd quand tu t’y mets ! Il le poussa sur le côté et reprit sa route. Ce n’est pas l’acte en lui-même qui m’a fait reculer mais tout de ce que ça impliquait.

    Mark le suivit. Comment ça ?

    Tu l’aurais vue ! Les yeux de Derek se perdirent dans le vague. Tu l’aurais vue quand elle me parlait de l’amour avec un grand A, qu’on ne connait qu’une seule fois dans sa vie et qu’elle attendait pour se donner. Il secoua légèrement la tête comme s’il voulait chasser certaines images de son esprit. Qu’aurais-tu voulu que je fasse ? Que je lui fasse croire que j’étais cet homme-là et que par la même occasion, je détruise tous ses rêves de petite fille ?

    Guère convaincu par cet argument, Mark fit la moue. Mouais… je ne sais pas. Je ne crois pas que j’aurais eu autant de scrupules que toi.

    Derek haussa légèrement l’épaule droite. Je sais que c’est étonnant mais j’en ai eu. Dieu sait pourtant que ça m’en a coûté. J’avais envie de cette fille, à un point, tu ne t’imagines même pas. Il soupira. Ça ne m’était plus arrivé depuis… - sa bouche se tordit en une légère grimace, un peu comme un tic nerveux - depuis une éternité.

    Mais maintenant, ça t’est passé ? lui demanda Mark avec un air inquiet.

    Evidemment ! affirma Derek avec une certaine fanfaronnerie. Toute cette histoire de virginité, ça m’a vraiment refroidi. Le chapitre Meredith Grey est clos et bien clos !

    Mark prit un ait mielleux. Donc, si moi, je voulais…

    Derek le regarda avec dureté. Si je n’ai pas couché avec elle, ce n’est pas pour que toi, tu le fasses. Mark fit une grimace de dépit. Laisse tomber, poursuivit Derek. Laisse-la tranquille. Avec nos conneries, on lui a fait suffisamment de mal. C’est inutile d’en rajouter. 

    Les deux hommes débouchèrent dans le hall où Richard et Callie se trouvaient déjà, en compagnie d’une femme d’une cinquantaine d’année, richement vêtue. Richard les vit arriver. Ah ! Dr Sloan ! Dr Shepherd ! Venez que je vous présente Madame Jensen, la charmante épouse du Président du Conseil d’administration. Il adressa un sourire rayonnant à la personne en question.

    Voilà donc les deux Fantastiques ! s’écria cette dernière en serrant la main que lui présentaient les deux chirurgiens. Depuis que je suis là, le Dr Webber n’a pas cessé de chanter vos louanges et Larry me dit souvent à quel point la clinique a de la chance de vous compter parmi son personnel.

    Tu m’étonnes ! se dit Derek en souriant aimablement à la dame. C’est grâce à nous qu’il peut t’offrir ces horribles bijoux clinquants que tu portes, sans parler de la fourrure que tu as sur le dos.

    Oh nous ne faisons que notre métier, assura Mark avec une humilité qu’il était loin de ressentir parce qu’effectivement, il était convaincu que son ami et lui étaient les seules raisons du succès du Golden Health Center.  

    C’est à ce moment-là que Meredith pénétra dans la clinique.


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  • Meredith vit Derek dès qu’elle passa la porte. Il était en train de discuter avec ses amis et deux autres personnes qu’elle ne connaissait pas. Elle marcha vers le groupe d’un pas décidé. En temps normal, elle aurait attendu qu’il soit disponible pour s’adresser à lui mais là, elle était tellement énervée et en colère qu’elle en perdait toute patience et toute politesse. Il aurait pu être en compagnie du Président des Etats-Unis que cela n’aurait rien changé. Elle voulait lui dire tout de suite ce qu’elle avait sur le cœur et aussi d’une certaine façon, l’humilier autant qu’il l’avait fait avec elle. Dr Shepherd ! l’apostropha-t-elle d’une voix forte.

    Derek se retourna. Il n’avait pas reconnu sa voix, aussi fut-il étonné de la voir. A l’éclat de ses yeux, il devina qu’elle était folle de rage. Cela le surprit parce que s’il comprenait qu’elle n’ait pas apprécié la façon dont ils s’étaient quittés la veille, il estimait n’avoir rien fait qui suscite une telle colère. Mais il était évident qu’elle était là pour régler ses comptes et Derek tenta non pas de désamorcer la bombe, mais d’en retarder l’explosion. Il avança vers la jeune fille. Désolé mais je n’ai pas le temps maintenant, lui dit-il avec une certaine froideur, autant dans le ton que dans l’attitude.

    Rassurez-vous, je n’en ai pas pour longtemps, répliqua Meredith. Je n’ai qu’une seule chose à vous dire, vous êtes le pire salaud que j’ai jamais rencontré et je ne veux plus jamais avoir affaire à vous !

    Derek fut décontenancé par cette virulence qui restait injustifiée pour lui. Mais il y avait plus urgent que cette énigme. Il fallait empêcher Meredith de continuer à laver son linge sale sur la place publique. J’ai dit, pas maintenant, grogna-t-il entre ses dents serrées. Je travaille ici, alors pas de scandale !

    Son ton menaçant n’impressionna guère Meredith. Je n’ai aucun ordre à recevoir de vous et je ferai un scandale si j’en ai envie, cria-t-elle.

    Dès les premiers mots de Meredith, Richard, qui n’appréciait pas du tout qu’une telle accusation soit portée contre un de ses chirurgiens devant la femme du président du conseil d’administration, s’était tourné vers Mark et Callie. Qui est cette jeune femme ?

    Une petite amie de Derek, avait répondu Callie.

    Une patiente de Derek, avait dit Mark en même temps que son amie. Richard les avait regardés avec un air suspicieux. Pour être tout à fait exact, Derek l’a soignée après qu’elle ait fait une chute, avait alors expliqué Mark. Et il est sorti avec elle par après.

    Apparemment, ça ne s’est pas bien passé, fit remarquer Richard avec un air ironique. Il s’avança vers le couple. Mademoiselle, si vos reproches n’ont rien à voir avec les soins que le Dr Shepherd vous a prodigués, je vous prie de vous en aller. Sinon, je me verrai dans l’obligation de faire venir la sécurité.

    Ce ne sera pas nécessaire, Richard, certifia Derek qui n’avait pas du tout envie d’envenimer la situation. Qui savait quelle serait la réaction de Meredith si on la faisait sortir manu militari ? Je maitrise la situation, je vous assure.

    Comme pour le contredire, Meredith se tourna vers l’homme qui venait de la menacer. Oh mais vous pouvez appeler votre sécurité. Même la police, tiens ! Je leur raconterai comment vos chirurgiens occupent leur temps libre. Espèces de sales types !

    Comprenant qu’elle était hors de contrôle, Derek la prit solidement par le bras. On va aller discuter de tout ça dehors. Bien qu’elle proteste vigoureusement, il l’entraina rapidement à l’extérieur tandis que Richard s’éloignait avec Madame Jensen. Mark et Callie en profitèrent pour aller se mettre derrière la vitre, afin de pouvoir observer le couple qui poursuivait leur discussion animée et hostile.  

    Mais qu’est-ce qui te prend ? tempêta Derek qui avait emmené Meredith à quelques mètres du bâtiment.

    Ce qui me prend ? cria Meredith, furieuse. Ce qui me prend ? Il me prend que je n’apprécie pas d’avoir appris que tu t’étais fait payer pour sortir avec moi !

    Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles, affirma en toute bonne foi Derek. Mais quoi que ce soit…

    Meredith lui coupa sèchement la parole. Je parle des sept mille dollars que ton ignoble copain – elle pointa le doigt vers Mark et Callie qu’elle avait vus se poster derrière la vitre pour les espionner – voulait te donner pour que tu ailles au gala avec la fille la plus moche de la ville, en l’occurrence moi ! Le visage de Derek se décomposa. Et aussi, poursuivit Meredith, pour que tu lui remettes l’enregistrement de nos ébats.

    Toujours derrière leur vitre, Mark et Callie percevaient de temps en temps des éclats de voix, mais pas assez pour comprendre ce dont il était question. Putain, elle a l’air remontée, déclara Mark. Je me demande ce qui s’est passé. Il vit que Meredith les désignait du doigt. Ah regarde, elle parle de nous. Je me demande ce qu’elle dit. Il colla son oreille à la vitre. Fait chier, grogna-t-il. On n’entend rien.

    Elle est au courant, murmura Callie. Pour le pari.

    Mark prit un air dubitatif. Comment ce serait possible ?

    Callie hocha doucement la tête. Je ne sais pas mais je suis sûre que c’est ça.


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  • Tout à coup, Derek sortit de sa torpeur. Il était inutile de se demander ce qu’il aurait fallu faire. Il fallait agir et essayer de réparer ce qui pouvait l’être. Déterminé, il prit son portable et composa le numéro de la demeure de Meredith. Ce fut Izzie qui décrocha pour lui apprendre que la jeune femme comptait passer le week-end auprès de Cristina pour la soutenir dans ce moment pénible. Elle avait prévenu qu’elle serait injoignable pendant les deux jours à venir. Derek jeta son téléphone sur la table, dans un geste rageur. Qu’il était stupide de se faire encore des illusions ! Comment avait-il pu imaginer que Meredith était en train de se morfondre, comme lui, sur l’échec de leur couple ? Bien entendu, une fois de plus, elle préférait se consacrer à son amie, comme si elle n’avait pas suffisamment de problèmes personnels à résoudre. Il enleva sa veste et défit sa cravate. Il prit une bière dans le frigo et s’allongea pour réfléchir. Il se demanda s’il ne valait pas mieux laisser les choses se tasser un peu avant… avant quoi ? Devait-il encore espérer quoi que ce soit ? Ne valait-il pas mieux tirer un trait sur tout ce gâchis ? Ce furent quelques coups frappés à sa porte qui le tirèrent de sa prostration. Plein d’espoir, il se précipita pour ouvrir et ne cacha pas sa déception quand il découvrit Mark Sloan. Ah c’est toi !

    Ben, cache ta joie, mon vieux. Mark fit son entrée et regarda autour de lui. Donc c’est ici que tu vis depuis que tu as débarqué à Seattle ! Tu n’en finis pas de m’étonner. Ça te change fameusement de la maison de Central Park.

    Que viens-tu faire ici ? aboya Derek.

    Guère impressionné par le ton rageur de son ami, Mark s’installa à son aise. Je veux bien une bière, moi aussi. Derek le servit presque à contrecœur. Tu pourrais m’expliquer ce qui s’est passé tout à l’heure ? Je t’avoue que je n’ai pas tout compris. Je pensais qu’après l’épreuve de la cérémonie, j’allais passer une bonne petite soirée entre le bar et la piste de danse, et finalement, nada. Mark porta la bouteille de Budweiser à sa bouche.

    Derek haussa les épaules. Que veux-tu que je te dise ? Le mariage ne s’est pas fait. 

    Ça, j’ai vu ! répondit Mark, goguenard. C’est Burke ou Yang qui a reculé devant l’obstacle ?

    C’est Preston. Il m’a téléphoné juste après avoir quitté la chapelle, lui apprit Derek en se laissant tomber sur la banquette, en face de son camarade. Il ne s’est pas vraiment expliqué, il m’a seulement dit qu’ils n’avaient pas les mêmes attentes et qu’il ne reviendrait pas à Seattle Grace.

    Mark ouvrit de grands yeux étonnés. Non, tu plaisantes ? Pour le mariage, je ne lui jetterais pas la pierre… Pour ce qui est de sacrifier son job…

    Je le comprends, fit Derek d’un ton morne. C’est trop difficile de voir son ex tous les jours et de faire comme si de rien n’était.

    Nous le faisons bien, lui fit remarquer son ami. Nous travaillons tous les deux avec Addison et ça ne nous pose pas réellement de problèmes.

    Ça n’a rien à voir, s’exclama Derek. Addison et moi, c’est terminé depuis belle lurette, et vous deux, ça n’a jamais vraiment commencé.

    Sympa ! Mark but une nouvelle gorgée de bière. Toi, si ça devait se terminer avec Meredith, tu plaquerais tout, comme tu l’as fait à New-York ?

    Je te dirai ça lundi.

    Mark le regarda, interloqué. Pardon ? Tu veux dire que…

    Oui. Meredith et moi, c’est terminé, lui annonça Derek avec dépit.

    Depuis quand ?

    Cet après-midi.

    Pour quelle raison ?

    Derek soupira. Je suppose qu’elle ne voyait pas d’avenir pour nous, qu’elle n’avait pas envie de s’investir plus, que sais-je ?

    Mark fronça les sourcils. Donc, si je te comprends bien, c’est elle qui a pris l’initiative de la rupture. Tu en as discuté avec elle ?

    Derek secoua la tête. Pourquoi Mark ? Elle m’a dit d’aller me faire voir, c’est ce que je fais.

    Ce n’est peut-être qu’une crise, temporisa Mark. Ce n’est pas la première entre vous. Meredith va avoir le week-end pour réfléchir et, lundi, elle reviendra toute penaude.

    Je ne crois pas, non. Je ne sais même plus si j’en ai envie, d’ailleurs, reconnut Derek. Je suis fatigué d’être le seul à me battre pour cette relation. Je ne suis plus vraiment sûr que cela en vaille la peine.

    Merde ! Mark regarda son meilleur ami avec commisération. Sincèrement, je suis désolé pour toi, mon vieux. Je sais combien tu tenais à cette fille. Tu n’as pas envie de te changer les idées ? Si tu veux, je suis ton homme. On pourrait aller se saouler quelque part.

    Merci, sans façon. Je préfère rester seul, Mark.

    Comme tu veux… Si tu changes d’avis, fais-moi signe.

    Après le départ de Mark, Derek, toujours aussi déprimé, reprit son téléphone et appela le portable de Meredith. Après quelques sonneries, il tomba sur la boite vocale et se résolut à laisser un message. Bonsoir, c’est Derek. Je pensais que… je voulais savoir comment ça se passe avec Cristina. Elle tient le coup ? Tout est allé tellement vite… D’ailleurs, pour nous, peut-être que… on devrait en discuter, tu ne crois pas ? Il faudrait au moins que tu me dises… quand ça t’arrange que je passe chez toi, si je dois prendre mes affaires. Appelle-moi… Je t’embrasse. Il raccrocha, mécontent. C’était tout le contraire de ce qu’il voulait dire. Il ne termina pas sa bière et déversa ce qui en restait dans l’évier. Il se rassit et prit sa tête dans ses mains.


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  • Derek se sentait très mal à l’aise. Meredith était donc au courant du pari, et bien au courant, jusqu’à connaître le montant exact de l’enjeu, ce qui signifiait que sa source était très bien informée. Meredith, ce n’est pas ce que tu crois, lui dit-il avec un regard où se mêlaient embarras, culpabilité et tristesse.

    Ah vraiment ? Qu’est-ce que c’est alors ? La voix de Meredith s’étrangla. Est-ce que tu te rends compte de l’effet que ça m’a fait quand j’ai appris cette histoire de pari ? Elle lui lança un regard douloureux.

    De la voir ainsi remua Derek bien plus qu’il ne l’aurait cru. Je suis désolé, murmura-t-il. Je n’ai pas voulu… Je n’ai pas pensé… Il soupira. Je ne sais que te dire.

    Il n’y a rien à dire, rétorqua Meredith. Je te faisais confiance et maintenant, je… je… Derek avança vers elle, la main en avant. Elle recula vivement. Ne me touche pas, tu me dégoutes. Il accusa durement le coup. Comment peux-tu être médecin et faire autant de mal aux gens? lui reprocha-t-elle. Tu devrais prendre soin d’eux mais au lieu de ça, tu les démolis.

    Derek pouvait supporter beaucoup de choses de sa part, compte tenu des circonstances, mais pas qu’elle remette en cause sa vocation. Ça n’a rien à voir, ne mélange pas tout, répliqua-t-il sèchement. Je suis un bon médecin, excellent même. Quant à ce qui s’est passé, le pari, je te promets de tout t’expliquer mais pas ici et pas maintenant. Il voulut une fois encore la ramener à de meilleurs sentiments. Quand tu sauras la vérité, tout ça ne te paraîtra plus aussi dramatique.

    Mais je sais déjà la vérité, cria Meredith sans s’occuper des regards que leur lançaient toutes les personnes qui entraient ou sortaient de la clinique. Toi et ton ami, vous avez parié de l’argent sur le fait que tu coucherais avec moi. Qu’est-ce qu’il y a à savoir de plus ? Derek ne dit rien. C’est honteux, gémit-elle. Et moi qui te parlais du grand amour pour lequel je voulais rester vierge ! Ça a dû bien t’amuser.

    Pas du tout, protesta Derek avec force. Ça ne m’a pas amusé. Au contraire !

    Elle ricana méchamment. Pourquoi ? Parce que ça ruinait ton projet pourri ?

    Elle semblait tellement malheureuse que Derek eut envie de la prendre dans ses bras mais il ne le fit pas, parce qu’il savait qu’elle le repousserait encore. Non, je n’ai pas pensé au pari, répondit-il. Parce qu’à ce moment-là, il n’y avait plus de pari. Il n’était plus question de ça. Ecoute, Meredith – il fit un pas vers elle, elle recula aussitôt – il faut qu’on parle de tout ça. Je t’expliquerai et…

    L’impression qu’il voulait encore la manipuler fit exploser Meredith. Mais tu ne comprends pas ? Tes explications ne m’intéressent pas. Je ne veux plus écouter ton baratin. Et je ne veux plus jamais te voir ! hurla-t-elle avant de partir en courant.   

    Choqué par la véhémence qu’elle avait mise dans ses propos, Derek resta pétrifié sur place. Mark et Callie s’empressèrent de le rejoindre. Callie posa sa main sur le bras de Derek. Ça va, toi ? lui demanda-t-elle avec tendresse.

    Elle est au courant pour le pari, murmura Derek, totalement défait.

    Mark donna une légère tape sur l’épaule de Callie. Ah tu vois ! s’exclama-t-il sur un ton triomphant. Je le savais.

    Derek se tourna vers lui avec un air méfiant. C’est toi qui lui en as parlé ?

    Ça ne va pas, non ? s’écria Mark, sincèrement scandalisé que son meilleur ami puisse le suspecter d’une telle chose. Pour qui tu me prends ?

    Elle a bien dû l’apprendre par quelqu’un tout de même ! Derek regarda dans la direction par laquelle Meredith s’était enfuie. Elle était déjà hors de vue. Elle connait même certains détails.

    Mais qui était au courant ? se renseigna Callie.

    A part toi, personne justement, répondit Derek en lui jetant un regard soupçonneux.

    Dis donc, tu ne crois tout de même pas que c’est moi qui ai vendu la mèche ? s’indigna la jeune femme. Derek haussa les épaules. En cet instant, tout lui était égal, tout sauf la jeune fille qui courait dans la rue.

    Bon, on se calme, décréta Mark. De toute façon, ce qui est fait est fait. Plus moyen de revenir en arrière ! Il donna un coup de coude dans les côtes de Derek. En tout cas, on a eu tort sur un point, elle est loin d’être godiche. Il se mit à rire. Putain, qu’est-ce qu’elle t’a mis !

    Derek le repoussa violemment. Oh ta gueule ! C’est de ta faute tout ça ! Il s’élança en courant dans la même direction que Meredith.

    Interloqué, Mark se tourna Callie. Mais qu’est-ce qu’il a ?

    Elle sourit tristement. Je crois qu’il a trouvé sa gentille fille.


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