• Quelques minutes plus tard, ils passaient la porte du Sweet Dream. Par chance, il n'y avait plus de clients, à l'exception d'un couple qui sirotait un café en devisant gaiement. Mais de toute façon, rien n’aurait pu arrêter les chirurgiens. L’heure du règlement de comptes avait sonné.

    En entendant le grelot de la porte, Cristina et Izzie relevèrent la tête de la nouvelle carte des plats qu'elles étaient en train d'établir. Elles firent plus ou moins la même grimace en reconnaissant leurs visiteurs avant d'échanger un regard où le ras-le-bol se mêlait à de la crainte. Il était certain que la présence des nouveaux amis de Meredith ne devait rien au hasard. Cristina décida pourtant de faire comme si rien n’était. Elle se leva de sa chaise et s'avança vers eux pour les accueillir. Bonjour messieurs. Vous désirez manger ? leur demanda-t-elle avec une amabilité qui n'était qu'apparente.

    Plutôt mourir que d’avaler quoi que ce soit qui vienne de chez vous ! tonitrua Mark, faisant se retourner le couple qui finissait de boire son café. Pressentant une dispute, une bagarre peut-être, l'homme sortit son portefeuille tout en faisant signe à sa compagne de prendre ses affaires. Il l'entraina rapidement au-dehors, après avoir jeté quelques billets sur la table.

    Cristina s'empressa de les ramasser pour aller les mettre dans le tiroir-caisse. Si vous êtes venu pour faire fuir les clients, vous pouvez repartir, lança-t-elle à Mark. Il lui fit un grand sourire moqueur.

    On ne repartira pas tant que je ne vous aurai pas dit ce que j'ai sur le cœur depuis si longtemps, répliqua Derek.

    On est là pour mettre les pendules à l’heure, précisa Mark.

    De quelles pendules vous parlez ? s'enquit Izzie, l'air perplexe.

    Mark crut d’abord qu’elle plaisantait. Mais le front plissé de la jeune femme lui indiqua qu’elle n’avait vraiment pas compris l'expression qu'il avait employée. Mon dieu ! Elle est encore plus conne que ce que je croyais, pensa-t-il. Et dire que c'est cette bécasse qui se permet de donner des ordres à Meredith qui est tellement plus intelligente qu'elle !

    Tout aussi atterrée que lui par la bêtise de sa camarade, Cristina leva les yeux au ciel avant de répondre aux chirurgiens. Je devine pourquoi vous êtes là mais très franchement, je ne vois pas en quoi ça vous regarde. Ça ne concerne que Meredith et nous. Alors désolée, mais on a du boulot. Elle se dirigea vers la table où se trouvait Izzie.

    Derek lui coupa la route en se campant devant elle avec un regard dur qui, malgré l’assurance qu’elle affichait, lui fit baisser les yeux. Je n’ai jamais apprécié la façon dont vous traitiez Meredith, commença-t-il. Ce ton de commandement que vous prenez sans cesse, ce mépris que vous avez pour elle, cette ingratitude… Cristina ouvrit la bouche pour protester. Je n’ai pas terminé, dit-il sèchement en levant la main. J’ai souvent voulu intervenir mais à chaque fois, elle m’en a empêché.

    Elle est bien trop gentille, jugea Mark. Toujours à vous trouver des circonstances atténuantes !

    Qu'est-ce qui se passe ? geignit Izzie, nerveuse. J’ai l’impression d’être au tribunal. Est-ce qu'on peut au moins savoir ce qu'on a fait de mal ?

    Cristina haussa les épaules. Mais rien du tout ! On n'a rien à se reprocher.

    Derek ricana. Vraiment ? Et lui envoyer votre copain pour la…

    Cristina l'interrompit aussitôt. Ah non ! Je refuse que vous continuiez à me désigner comme la responsable de cette histoire. La seule erreur que je veux bien reconnaitre, c'est que j'ai sous-estimé le gars. Je n'ai pas vu à quel point il était dingue et dangereux. Mais c'est tout. Le fait que l’ai envoyé à la boutique, c'est un malheureux concours de circonstances. De toute façon, ça n’aurait pas été ce soir-là, il l’aurait attaquée une autre fois. Ceci dit, d'après ce que je vois, elle a l'air de plutôt bien s'en remettre, ajouta-t-elle perfidement. En tout cas, ce n'est pas ça qui l'empêche de vous accompagner à Aspen.

    Ça vous contrarie qu'elle s'amuse un peu ? s'indigna Mark. Vous ne trouvez pas qu’elle en a le droit après ce qu’elle vient de vivre ?

    Je n'ai jamais dit le contraire, bougonna Cristina.

    Derek lui jeta un regard méprisant. Mais vous l'insinuez et en faisant cela, vous mettez en doute sa souffrance. Ça me révolte, surtout de la part d'une femme. Le fait que Meredith soit déterminée à reprendre le dessus n’enlève rien à l’horreur qu’elle a subie. Et je ne vous laisserai pas la salir plus longtemps.

    Je ne salis personne, protesta Cristina. C'est plutôt vous qui me salissez en sous-entendant que je me fous de ce qui est arrivé à Meredith. Je ne m'en fous pas mais je ne vais pas non plus laisser crouler notre boutique à cause de cette regrettable affaire. Alors, je prends les mesures qui s'imposent. C'est pas toujours facile mais je le fais. Et concernant Meredith, sachez que son absence ne change rien. Pour nous, elle fait toujours partie de l'équipe et dès qu'elle sera prête à revenir, elle retrouvera sa place. Ses droits sont garantis.

    Ses droits sont garantis, répéta Mark. Voyez-vous ça ! Oubliant le serment qu’il avait fait à son arrivée, il passa derrière le comptoir pour prendre un morceau de tarte avant de s’installer à une table. Donc, quand vous menacez de la payer au prorata de ses heures de prestation, vous garantissez ses droits ? Il mordit dans la pâtisserie en regardant Cristina avec de grands yeux innocents.


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  • Cela confirma à Cristina ce qu'elle pensait. Meredith avait tout rapporté de leur conversation à ses protecteurs et ceux-ci étaient là pour défendre ses intérêts. Et alors ? riposta-t-elle, résolue à protéger les siens coûte que coûte. Je ne vois pas ce qu'il y a d'anormal. Vous, vous n'êtes pas payé pour les opérations que vous ne pratiquez pas. Eh bien, Meredith, c'est la même chose. Elle sera payée en fonction de ses heures de travail, comme tout le monde.

    Elle n'est pas tout le monde, rétorqua Derek. C'est la patronne.

    Pardon ? cria Izzie d'une voix stridente qui fit sursauter Mark. Qui dit ça ? Meredith ? Elle raconte n'importe quoi. C'est moi, la patronne du Sweet Dream. C'est moi qui lui ai donné ce nom. C'est moi qui ai eu l'idée de venir ici. C'est moi qui ai trouvé le local et c'est mon nom qui est sur le bail, et sur tous les autres documents d'ailleurs. C'est moi qui passe ma journée derrière les fourneaux. Sans moi, il n'y aurait pas de boutique.

    Ah bon argument ! s'exclama Mark, la bouche pleine. Il adorait endormir la méfiance des gens en faisant l’imbécile. Et de fait, croyant avoir réussi à le convaincre, Izzie lui décocha un sourire charmeur. Il lui fit un clin d'œil avant de solliciter l'avis de son ami. Derek, qu'est-ce que tu en penses ?

    J’en pense que créer une entreprise sans une mise de fonds, c’est impossible, répondit Derek sur un ton sans appel. Et celui qui apporte les fonds a un pouvoir de décision aussi, il ne peut pas être traité comme un employé lambda. Mark l'approuva d'un signe de tête, ce qui ruina les espoirs d'Izzie et lui donna l'impression d'avoir été grugée. Elle lui lança un regard assassin auquel il répondit par un sourire narquois. Pendant ce temps-là, Derek s'était rendu à la machine à café. Une tasse ? proposa-t-il à son ami. Celui-ci marqua son accord en levant son pouce en l’air. Derek servit deux tasses et vint s’asseoir à la même table que Mark, avant de s’adresser à nouveau aux deux femmes. Alors ?

    Cristina enrageait de les voir se comporter comme s’ils étaient chez eux, se servant sans vergogne, en leur faisant, à elle et à Izzie, la morale, comme si elles étaient des moins que rien. L'envie était forte de les jeter dehors. Cependant, elle s'en abstint pour ne pas envenimer la situation, l'important étant que les deux hommes ne mettent pas leur nez dans ses affaires au-delà d'une certaine limite. Alors ? Vous semblez oublier qu'il n'y a pas que Meredith qui a investi dans cette affaire, leur fit-elle remarquer.

    Oui, moi aussi, j'ai investi, signala Izzie. J'ai dépensé tout ce que j'avais pour ouvrir Sweet Dream.

    Et vous ? se renseigna Mark en regardant Cristina avec un air faussement bienveillant.

    Devinant qu'il était déjà au courant grâce à Meredith, elle ne chercha pas à mentir. Malheureusement, je n'ai pas eu la chance de faire un bel héritage ou des défilés de mode, mais…

    Mark lui coupa la parole. Alors, la discussion est close en ce qui vous concerne, annonça-t-il avec un grand sourire. On va continuer avec l’autre patronne. Il se tourna vers Izzie.

    Se sachant intellectuellement incapable de lutter à armes égales avec les deux hommes, celle-ci se mit à paniquer. Il n'y a pas que l'argent qui compte, bafouilla-t-elle en cherchant du regard le soutien de sa camarade. On n'aurait pas pu monter cette affaire sans Cristina. C'est la seule d'entre nous qui avait des notions de gestion et de comptabilité. On avait besoin d'elle, c'est notre tête pensante.

    Ouais, dans votre cas, ça me semble nécessaire, effectivement ! se moqua Mark.

    Izzie ayant pris sa défense, Cristina se sentit obligée de lui rendre la pareille. Contrairement à vous, on n'a pas eu la chance de pouvoir faire de brillantes études, lança-t-elle à Mark. Mais ça ne vous autorise pas pour autant à vous foutre de nous. Et pour ce qui est de cette boutique, chacun y a mis ce qu'il avait. Izzie a apporté son talent culinaire et des fonds pour louer le local et faire quelques travaux. Avec son héritage, Meredith nous a permis d'acheter les meubles et le matériel, et les premières fournitures aussi. En plus, grâce à elle, on habite chez sa tante sans que ça ne nous coûte rien. Moi, mon apport est plus modeste, c'est vrai, mais je crois que sans mon sens des affaires, la boutique n'aurait pas le succès qu'elle a, plaida-t-elle.

    Derek, qui feignait d’être absorbé dans la contemplation du peu de café qui restait dans le fond de sa tasse, ne bougea pas, créant ainsi un silence qui mit les deux filles mal à l’aise. Mark admira la technique de son meilleur ami, lequel n’avait pas son pareil pour créer ce genre d’ambiance qui le mettait en position de force. Effectivement, Cristina ne savait que penser de ce silence qui se prolongeait. A tout prendre, elle aurait préféré que le chirurgien l'insulte. Au moins, elle aurait su comment réagir. Au bout d’un temps qui avait paru à tous être une éternité, Derek releva enfin la tête et darda son regard perçant sur Cristina. Et votre sens des affaires pèse aussi lourd que quinze mille dollars, à votre avis ?

    Même si c'était logique que Meredith ait parlé à son amant de son investissement dans la boutique, Cristina fut prise au dépourvu quand elle entendit Derek citer le montant exact. Il lui fallut quelques secondes pour rassembler ses idées et contre-attaquer. Tout d'abord, personne ne l'a obligée à donner une telle somme. Si elle l'a fait, c'est parce qu'elle avait confiance en nous et qu'elle savait que ça en valait la peine. La preuve, nos affaires marchent bien même si c'est encore trop tôt pour chanter victoire, argua-t-elle. Dites-vous bien que tout ce que je fais, c'est aussi pour protéger l'investissement de Meredith et faire en sorte qu'un jour, il lui rapporte bien plus que ce qu'elle a donné. Et puis, franchement, il valait mieux qu'elle consacre cet argent à notre boutique plutôt que de le dépenser en fringues pour vous plaire, conclut-elle sur un ton ironique.

    Derek la toisa avec un dédain extrême. Meredith n'aurait jamais fait ça. Elle n'est pas superficielle et surtout, elle sait qu'il faut bien plus qu'une jolie robe pour me plaire.


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  • Et quand bien même ! intervint Mark. C'est son pognon, elle a le droit d'en faire ce qu'elle veut.

    Et ce qu'elle voulait, c'était participer à notre entreprise et faire en sorte que ça soit un succès, insista Cristina.

    Oui, elle était très motivée aussi, ajouta Izzie. Elle voulait quitter Crestwood, comme nous, et réaliser ses rêves grâce à l'argent que la boutique allait lui apporter si ça marchait. C'est pour ça qu'elle nous a donné son héritage. On ne l'a pas forcée.

    Et c'est pour l'aider à réaliser ses rêves plus rapidement que vous lui donnez un salaire de misère ? répliqua Derek.

    Comment ça, salaire de misère ? s’offusqua Cristina. Elle a un salaire tout à fait correct !

    Mille dollars par mois, c’est correct pour vous ? Mark ouvrit de grands yeux. Eh ben, mon vieux !

    Derek regarda les deux femmes, l’une après l’autre. Et vous aussi, vous touchez le même salaire tout à fait correct ?

    Jusqu’à présent, Cristina avait fait des efforts pour rester polie malgré les grands airs des chirurgiens, leurs questions insidieuses, leurs accusations déplacées et leurs leçons de morale. Mais la question de Derek et tout ce qu’elle sous-entendait la mit en colère. Il y a une chose que vous perdez de vue, c’est que toutes les fois où Meredith nous a lâchées pour aller vous retrouver, nous, on a assuré le service. Et tous les soirs, pendant que vous vous envoyiez en l’air, Izzie et moi, on continuait à travailler. Izzie cherchait de nouvelles recettes et moi, je vérifiais les comptes.

    Mark regarda Derek avec un air ébahi. Bientôt, va falloir qu’on les plaigne !

    J’ai pas besoin que vous me plaigniez, aboya Cristina. Tout ce que je dis, c’est que si Meredith n’est pas contente de son salaire, elle n’a qu’à travailler plus.

    Travailler plus ? Derek se leva pour se planter devant la table à laquelle les filles étaient assises. Le matin, quand vous faisiez la grasse matinée pour récupérer de vos soirées passées dans le canapé à chercher des recettes, Meredith se chargeait de la mise en place, affirma-t-il sans craindre de forcer le trait, en visant Izzie. Plus tard, pendant que vous faisiez du charme aux clients, elle se tapait le service. Il s’adressa ensuite à Cristina. Et vous ! Toujours planquée derrière votre caisse enregistreuse à compter et à recompter la recette. Et comme par hasard, vous alliez porter l’argent à la banque au moment où il fallait nettoyer la boutique et rentrer la terrasse, persifla-t-il.

    Et qui était de corvée ? s’écria Mark.

    C’est Derek qui répondit. Meredith ! Et en prime, elle devait subir les agissements ignobles de ce salopard de O’Malley. Alors, je trouve que son salaire était loin d’être correct.

    C’est même une honte ! renchérit Mark. En plus, compte tenu de l’argent qu’elle a mis dans cette – il regarda autour de lui avec un air écœuré – gargote, elle avait autant le droit de prendre des décisions que vous, si pas plus.

    Si elle avait été là plus souvent, elle aurait pu participer aux décisions, objecta Cristina.

    Votre malhonnêteté me dégoûte, tonna Derek. A vous écouter, Meredith n’était jamais là. C’est faux et vous le savez très bien. A de rares exceptions près, elle passait ses journées ici ; c’est moi qui venais la voir. En fait, vous vous êtes arrangée pour prendre vos décisions quand elle n’était pas là, accusa-t-il. Comme ça, vous avez pu magouiller à votre aise. 

    Cette accusation fit peur à Cristina. Si jamais Derek était réellement convaincu de ce qu’il disait, il chercherait à en savoir plus pour étayer ses soupçons, et elle ne tenait pas à ce qu’il mette son nez dans ses affaires. Non pas qu’elle ait magouillé, comme il l’avait dit – en tout cas, elle n’avait pas volé ses partenaires – mais la façon dont elle gérait Sweet Dream ne plairait pas au chirurgien, c’était certain. Il lui reprocherait d’avoir décidé, sans rien dire à personne, de garder le solde de l’héritage de Meredith pour l’utiliser comme fond de roulement et aussi, le cas échéant, de réserve en cas de coup dur. Il lui reprocherait également d’avoir décidé, de façon tout aussi unilatérale, de s'octroyer une double rémunération – en raison de sa double fonction d'employée et de comptable – alors même que les salaires de ses associées s'élevaient au strict minimum, ou presque, afin de pouvoir mettre de côté le plus d’argent possible. Cristina avait de grandes ambitions, la principale étant de transformer Sweet Dream en une chaine, avec des boutiques dans les plus grandes villes du pays. Si un jour, elle réussissait à réaliser ce rêve, tout le monde crierait au génie. Mais à l'heure actuelle, elle passerait pour une escroc. Alors, il était urgent de calmer le jeu et surtout de calmer les chirurgiens. Je n’ai rien magouillé du tout, certifia-t-elle sur un ton plus calme et plus aimable. Mais là où je peux vous donner raison, c’est que j’ai sans doute été trop dure avec Meredith. J’avoue, ça m’énervait quand je vous voyais débarquer à n’importe quelle heure de la journée, quand ce n’était pas elle qui vous envoyait des texto en plein coup de feu. Alors, je lui ai mis la pression pour qu’elle se recentre sur le travail. Mais j’aurais dû me souvenir comment on est quand on vit sa première relation. Et c’est vrai aussi que je n’ai pas été à la hauteur par rapport à George, reconnut-elle en toute sincérité cette fois. Et Meredith en a payé le prix, de la façon la plus horrible pour une femme. Alors, c’est vrai qu’elle a gagné le droit d’être plus impliquée dans la gestion de la boutique. Quand elle reviendra, on lui demandera son avis sur les décisions qu’on a prises et on en tiendra compte. Et puis, moi, je mettrai de l’eau dans mon vin. Mais de son côté, il faudra que Meredith y mette un peu du sien, conclut-elle avec un petit sourire.


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  • C'est certain, quand elle reviendra, les choses devront changer, confirma Derek. En revanche, je ne suis pas convaincu que ce soit elle qui doive y mettre du sien.

    En parlant de changement, ce serait bien qu'il y ait plus de transparence dans les chiffres, ajouta Mark avec un certain détachement.

    Cristina sentit le rythme de son cœur s'accélérer. Qu'est-ce que vous entendez par là ?

    Par là, j’entends que Meredith a le droit de savoir comment vous avez dépensé son héritage et le retour sur investissement qu'elle peut en attendre dans un avenir plus ou moins proche, expliqua Mark. Il fit un grand sourire à la jeune femme. Mais ne vous en faites pas, vous ne devrez pas vous en occuper. Un bon ami à moi est expert-comptable. Je lui demanderai de passer. Il regardera vos livres pour pouvoir informer Meredith. Et par la même occasion, il pourra vous donner un ou deux tuyaux pour accroitre vos bénéfices.

    Son apparente bienveillance ne rassura pas Cristina, au contraire. Il venait de lui annoncer tout ce qu'elle voulait éviter. Si ce comptable examinait les comptes, il repérerait tout de suite ce qu'elle avait fait. Izzie n'y trouverait probablement rien à redire, mais Meredith, conseillée par ses âmes damnées, s'estimerait sans doute flouée et exigerait la restitution immédiate de son investissement. Cela signifierait la mort de la boutique et l'avortement des beaux projets de Cristina. C'était un risque qu'elle ne voulait pas courir. C'est gentil de votre part, dit-elle simplement en réfléchissant à ce qu'elle allait pouvoir faire pour camoufler les libertés qu'elle avait prises.

    Mais avec plaisir ! s'exclama Mark avec un air réjoui, pour cacher qu'il n'était pas dupe. Il avait vu l'inquiétude dans le regard de Cristina, ce qui avait confirmé ses soupçons. Meredith se faisait sans doute gruger et ce n’était pas le résultat d’une méconnaissance des règles comptables ; c’était voulu. Il se tourna vers son ami. Encore quelque chose à dire, Derek ?  

    Celui-ci joignit ses mains et fit craquer ses doigts. Pour ma part, je vais demander à mon avocat de rédiger un document qui officialisera votre partenariat au sein du Sweet Dream. Je suppose que ça n’a jamais été fait, n’est-ce pas ?

    Ben non. Pourquoi on aurait fait ça ? demanda Izzie, déstabilisée par tout ce qui venait de se passer. On est entre amies, on se connait depuis l'enfance, on a confiance. Et puis, on ne se vole pas entre amies.

    Du moins pas encore ! laissa tomber froidement Derek. Alors, pour éviter toute tentation, il vaut mieux que tout soit écrit noir sur blanc, de façon officielle. La nature de la société, le statut de chacun, le barème salarial et toutes les autres modalités relatives à la gestion dont je ne suis pas vraiment au courant mais que mon avocat se fera un plaisir de vous expliquer, bien sûr. Il nargua les jeunes femmes en posant sur elles un regard dans lequel transparaissaient son mépris et le plaisir qu’il prenait à se jouer d’elles.

    Voilà, voilà, voilà, minauda Mark, la bouche en cœur. Je suis heureux que nous soyons parvenus à un accord. C’est tout de même plus agréable quand on s’entend bien, vous ne trouvez pas ?

    Ça, c'est vrai, approuva Izzie tandis que Cristina esquissait un sourire qui avait tout du rictus. La blonde, ravie que tout se soit arrangé, sourit à Mark. Depuis qu'elle était arrivée à San Francisco, elle se sentait seule et elle enviait Meredith qui n'arrêtait pas de sortir et de voyager avec ses amis. Elle voulait vivre la même chose. Maintenant que tous les malentendus sont éclaircis, on devrait aller boire un verre tous les deux, un de ces jours, proposa-t-elle.  

    Ma belle, quand vous serez aussi vieille que moi, vous saurez qu’il ne faut jamais mélanger le plaisir aux affaires, répondit Mark. Et puisque maintenant nous sommes en quelque sorte associés, je ne peux plus accepter votre charmante invitation. Il poussa un soupir exagérément désolé. Quel dommage ! Vexée, Izzie le fusilla du regard avant de se tourner vers Derek mais le regard de ce dernier la dissuada de tenter quoi que ce soit. Mark claqua ses mains l'une contre l'autre. Eh bien, maintenant on va pouvoir partir en vacances en toute tranquillité. Et vous – il adressa un sourire des plus hypocrites à Cristina – vous allez continuer à faire fructifier cette belle petite affaire, n’est-ce pas ?  

    Vous pouvez compter sur nous, déclara-t-elle avec le même rictus que celui qu'elle avait fait plus tôt. Mais il y a encore un point pour lequel on doit trouver un arrangement. Elle ne put se retenir de sourire de contentement en voyant l'air perplexe des chirurgiens. On fait quoi pour Tatie Zinzin ? lança-t-elle avec insolence.

    Je suppose que vous parlez de la tante de Meredith, dit Derek, le regard sévère, pour lui faire sentir qu'il n'appréciait pas le manque de respect qu'elle avait envers Ellis Grey et donc, indirectement, envers Meredith.

    Cristina acquiesça d'un signe de tête. C'est bien joli de partir en vacances, mais ce n'est pas à nous de nous occuper tout le temps de la tante, estima-t-elle. On l'a fait depuis que Meredith est partie, et c'était de bon cœur, parce qu'on savait qu'elle avait besoin de changer d'air à cause de ce qui lui était arrivé. Mais si ça doit se prolonger…

    Vous voulez que je vous dédommage ? demanda Derek.

    Non, je ne veux pas de votre argent, assura Cristina. Je veux une solution pour que je ne sois plus obligée de passer mes soirées à la maison. Après tout, ce n'est pas ma tante.

    Ni la mienne ! intervint Izzie. Nous aussi, on est jeune et on a envie de vivre notre vie, comme Meredith.


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  • Vous avez raison, admit Derek. Je vais vous fournir une infirmière à domicile. Elle viendra aussi souvent que vous le désirez, de jour comme de nuit, en semaine ou le week-end. Et ne vous en faites pas, tous les frais seront à ma charge. La seule chose que je vous demande, c'est de ne pas en parler à Meredith.

    D'accord, fit Cristina sans poser plus de questions, même si elle se demandait pour quelle raison Meredith ne devait pas être au courant de quelque chose d’aussi insignifiant.

    Merci, ajouta Izzie.

    Sans plus s’occuper d'elles, comme s’il ne les voyait déjà plus, Derek fit signe à Mark de le suivre. Ils étaient déjà à la porte quand il se ravisa. Ah j’allais oublier ! D’un pas flegmatique, il revint derrière le comptoir et ouvrit la caisse.

    Cristina se précipita vers lui. Qu’est-ce que vous faites ?

    Derek brandit une liasse de billets et l’agita légèrement. Je prends ce qui revient à Meredith, Vous savez, pour compenser les petites retenues que vous avez cru bon de faire et qui, à mon sens, n’avaient pas lieu d’être. Il se mit à feuilleter les billets pour les compter.

    Cristina, qui comptait en même temps que lui, crut défaillir en constatant qu'il avait pris quasiment la totalité de la recette du jour. S’il n'y avait pas eu la menace de voir débarquer l'avocat et l’expert-comptable, elle l'aurait insulté copieusement. Alors qu'elle se mordait l'intérieur des joues pour ne pas hurler, Izzie se tourna vers elle, l'air inquiet. Il a le droit de faire ça ?

    J'ai tous les droits puisque je suis mandaté par Meredith, rétorqua Derek. Mais si vous le désirez, je peux vous signer un reçu et Meredith établira un décompte des heures prestées pendant que vous courriez la campagne à la recherche de vos carottes bio. Il fit mine de réfléchir quelques instants. D’ailleurs, je suis en train de me demander… Etant donné que son agression a eu lieu sur le lieu de son travail et pendant ses heures de prestation, est-ce qu’elle ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts ?

    Cristina y vit une menace à peine déguisée. Si ce chirurgien de malheur arrivait à convaincre Meredith d’intenter un procès à ses amies, elle pourrait dire adieu à ces rêves d’expansion. Je suppose que oui, concéda-t-elle enfin avant de partir dans la cuisine. Elle en revint après quelques secondes avec une épaisse liasse de billets de cinquante dollars qu'elle remit à Derek. Vous lui donnerez ça aussi. Je pense que ça devrait couvrir au moins une partie de ses frais médicaux.

    Très bien. Derek prit un sachet d'emballage et y glissa l'argent qu'elle lui avait donné, ainsi que celui qu'il avait pris d'autorité. Mais je vous rassure, Meredith n'a pas eu à payer les frais médicaux. Je les ai pris à ma charge.

    Comme c'est généreux de votre part, persifla Cristina qui regrettait déjà sa trop grande générosité. Derek ne réagit pas. Son sachet à la main, il sortit du magasin et rejoignit Mark qui l'attendait sur le trottoir.

    Izzie les observa à travers la vitre de la boutique. Oh là là, ils m’ont foutu la trouille, geignit-elle dès qu’ils eurent disparus de son champ d’horizon. Et tu as vu tout l'argent qu'ils nous ont pris ?

    Bien sûr que je l'ai vu, grommela Cristina. Je ne suis pas aveugle. Mais qu'est-ce que je pouvais faire ? Me battre avec eux ? Appeler la police ? Ça n'aurait fait qu'envenimer la situation. J'espère que maintenant ils vont nous lâcher. Parce que je n'ai pas envie de voir débarquer leur comptable et leur avocat.

    Mais on n'a rien à cacher, objecta Izzie.

    Evidemment qu'on n'a rien à cacher ! prétendit Cristina. Mais quand tu veux trouver de la merde, tu y arrives toujours. Et à mon avis, c'est pour ça que les toubibs veulent nous les envoyer. Comme ça, après, ils pourront dire qu'on n'est pas capable de gérer la boutique. Et alors, ils exigeront qu'on rembourse Meredith ou pire, qu'on se retire pour lui laisser l'affaire. En jouant sur la corde sensible d'Izzie, qui tenait plus que tout à sa boutique et à son statut de patronne, Cristina était sûre de s'en faire une alliée inaliénable.

    Meredith ne ferait jamais ça ! assura Izzie.

    La Meredith qu'on a connue, non, mais maintenant elle est sous l'influence de ces chirurgiens de malheur, rappela Cristina. Et ils sont capables de lui faire faire même des trucs dont elle n'a pas envie.

    Izzie prit un air pensif. J'aimerais quand même bien savoir ce qui se passe exactement entre eux. Connaissant Meredith, je dirais qu'elle est toujours avec Derek mais quand je vois comment Mark s'implique dans ses affaires, et la façon dont ils se comportent quand ils sont tous les deux, je me pose des questions. Tu crois qu'ils forment un ménage à trois ?

    Cristina fit une moue dubitative. Je ne sais pas. C'est difficile à croire de la part de Meredith mais en même temps, on a connu la Meredith qui était vierge. Peut-être qu'avoir fait l'amour l'a transformée de bête assoiffée de sexe. Izzie pouffa de rire. Quoi ? On ne sait pas ! insista Cristina. Ou bien peut-être que les mecs ont signé un pacte et que pour rester avec l'un, tu dois coucher avec l'autre. Mais tu l'as dit toi-même, le Mark, il est très, très impliqué par tout ce qui la concerne, souligna-t-elle. Trop pour quelqu'un qui ne serait qu'un ami. Mais bon, moi, ce qui se passe dans leur lit, je m'en fous. Tout ce que je veux, c'est qu'ils nous fichent la paix. Et pour ça, il n'y a qu'un seul moyen, rembourser Meredith le plus vite possible pour que tu deviennes la seule patronne du Sweet Dream. Une patronne docile et pas trop fûtée qui la laisserait faire tout ce qu'elle voulait et le jour où elle réussirait à réaliser ses ambitions, elle pourrait dévoiler ses prétentions et prendre la place qu'elle estimait mériter pleinement.


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