• Hors de question ! Derek secoua la tête avec énergie. Cet argent, tu vas le mettre de côté.

    Ah et je fais quoi à Aspen ? Je skie en jean et en tee-shirt ? rétorqua Meredith, agacée.

    Derek soupira en levant les yeux au ciel. Comme si j'allais te laisser faire ça ! Comprenant qu'il avait l'intention de lui offrir tout son équipement de ski, Meredith se mit à bouder, ce qui fit sourire Mark. Derek préféra faire comme s'il n'avait rien vu. Bon, eh bien moi, je propose qu’on s’en aille ! J’en ai ma claque de cet hôpital et j’ai envie de rentrer. Il s'adressa à son amie. Qu’est-ce que tu en dis ?

    Elle oublia instantanément le motif de sa bouderie et lui décocha un sourire joyeux. Tout à fait d'accord.  

    Tu te sens d’attaque pour le risotto ? demanda Derek. Ou tu préfères qu’on passe chez le chinois ?

    Non, le risotto, ça ira. Mais alors, on doit passer au supermarché. J’en profiterai pour acheter de la glace. Depuis tout à l'heure, j'ai envie d'une Ben & Jerry. La Chocolate Fudge Brownie ou la Chocolate Chip Cookie Dough, je ne sais pas encore.

    On prendra les deux.

    En les entendant établir le programme de leur soirée, comme un vieux couple, Mark se demanda comment il était possible que la vérité ne leur saute pas aux yeux. Il ne devait y avoir qu’eux pour ne pas réaliser à quel point ils étaient follement amoureux l’un de l’autre.

    Derek remarqua l’air pensif de son ami. Et toi, tu as des projets pour la soirée ?

    Mark fit une petite moue. Rien de spécial.

    L’idée qu'il allait passer sa soirée tout seul peina Meredith. Elle s’approcha de lui et posa la main sur son bras. Tu veux venir manger avec nous ?

    S’il y avait bien quelque chose dont il n’avait pas du tout envie, c’était de passer la soirée en compagnie de Romeo et Juliette échangeant des regards énamourés et des baisers intempestifs. C’est très gentil mais non, merci. Je suis un peu crevé. Je vais me faire une soirée télé, je crois.

    Derek ne cacha pas qu’il était sceptique. Une soirée télé, toi ? Tu es malade ?

    Peut-être bien. Mark leur fit un clin d’œil. Allez, filez. Ne vous en faites pas pour moi. Si jamais les programmes sont trop merdiques, je sais où atterrir.

    Passe une bonne soirée, alors. Meredith l’embrassa à nouveau sur la joue. Et encore merci pour tout ce que tu as fait pour moi aujourd’hui.

    C’est plutôt moi qui dois te dire merci. Allez, fous-moi le camp, bougonna-t-il. Et tâche de ne pas être trop fatiguée demain. Y a du boulot qui t’attend.

    Derek regarda Meredith en souriant. Tu ne sais pas où tu as mis les pieds. Il est pénible comme patron.

    Comme toi, quoi ! lui fit-elle remarquer en riant. Ils sortirent du bureau après avoir fait un dernier signe de la main à leur ami.

    Ils avaient à peine franchi la porte que ce dernier sautait sur le téléphone. Allo, Lindsay ? C’est Mark Sloan ! Toujours partante pour notre petite soirée ? Très bien, je passe te chercher dès que j'ai terminé.

    Un quart d’heure plus tard, Derek et Meredith sortaient de l’ascenseur au rez-de-chaussée, main dans la main, parlant gaiement de leurs projets pour la soirée. Des infirmières, parmi lesquelles Annabel, qui étaient, elles aussi, prêtes à s’en aller, se poussèrent du coude en les voyant apparaître. Les chuchotements commencèrent à bourdonner dans le hall. Derek sentit Meredith se raidir et il vit qu’elle baissait la tête. Il s’en voulut de lui imposer pareille épreuve. S’il y avait bien une chose dont elle n’avait pas besoin en ce moment, c’était d’être l’objet de la curiosité malsaine et de la méchanceté des gens. Le seul moyen de la mettre à l’abri, c’était de montrer clairement l’importance qu’elle avait pour lui. Il redressa la tête et, de son regard d’acier, défia toutes les personnes présentes. Dans le même temps, il lâcha la main de Meredith pour la prendre par la taille et la ramener étroitement contre lui. Il dut se retenir de sourire en voyant des bouches s’arrondir d’étonnement. Sa réputation venait d’en prendre un sacré coup. Mais étrangement, il n’en avait rien à faire. Seul lui importait la frêle jeune fille à ses côtés. On rentre chez nous ? murmura-t-il à son oreille, profitant au passage pour y déposer un baiser. Le "chez nous" ravit Meredith. Cela lui donna la force de relever la tête et d’affronter les regards. Elle croisa celui d’Annabel et y vit la même hostilité que celle que l’infirmière lui avait manifestée dans la chambre de Jimmy. Pour lui montrer qu’elle ne se laissait pas impressionner et surtout faire comprendre qu’elle avait l’intention de défendre chèrement son statut de petite amie, elle enlaça Derek par la taille en glissant la main dans la poche arrière de son jean. Il était à elle et elle ne laisserait personne le lui enlever.


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  • Le lendemain, Meredith s'éveilla dans un tout autre état d'esprit que la veille. Derek n'eut pas le temps d'arrêter l'alarme de son téléphone que la jeune fille était déjà dans la salle de bains. Après avoir pris une douche rapide, elle courut dans le dressing pour s'habiller. Ensuite, elle dévala les escaliers pour se rendre à la cuisine où elle dévora avec appétit un grand bol de céréales. Dix minutes plus tard, elle revenait dans la salle de bains pour se laver les dents. Ne traine pas, lança-t-elle avant de redescendre, à Derek qui était en train de prendre sa douche. Quand il arriva enfin au rez-de-chaussée, elle était prête à partir. Le voyage en voiture jusqu'à la clinique se fit dans une ambiance bien plus détendue que la veille. Meredith chantonna tout du long en accompagnant les chansons qui passaient à la radio. Derek constata avec amusement qu'elle regardait régulièrement sa montre, sans doute parce qu'elle avait peur d’arriver en retard. Et il avait à peine pénétré dans le parking qu'elle défaisait déjà sa ceinture de sécurité. Tu m’as l’air bien impatiente, lui dit-il en lui prenant la main.

    Je le suis, répondit-elle en rougissant légèrement. J'ai des tas d'idées pour le travail que m'a demandé Mark.

    N’oublie tout de même pas que cette semaine est sensée être une semaine de repos, lui rappela Derek sur un ton légèrement sentencieux. Alors, je veux bien que tu t’occupes, mais pas que tu te tues à la tâche.

    Et moi, je ne veux pas que tu me traites comme si j'étais une pauvre petite chose fragile qui ne peut rien faire, répliqua Meredith.

    Ce n'est pas du tout ce que je fais, bébé, protesta Derek. Mais je ne veux pas que tu te fatigues outre mesure, c’est tout.

    Derek, ce n'est pas faire quelques tableaux Excel qui vont me tuer, se défendit la jeune fille.

    Te tuer, non, mais tu t’investis tellement que ça te fatigue, insista-t-il. Hier soir, tu t'es endormie pendant que je rangeais la vaisselle dans le lave-vaisselle. Et tu ne t’es même pas réveillée quand je t’ai mise au lit.

    Meredith prit un air penaud. Je suis désolée. Mais je me suis endormie sans m’en rendre compte.

    Mais je ne te fais pas de reproches, assura Derek. Au contraire, je suis content que tu aies trouvé quelque chose à faire qui t’intéresse autant. Seulement, tu es encore fragile, alors je te demande simplement de te ménager.

    Meredith soupira. Promis. Mais faut pas exagérer non plus, c’est pas très difficile comme boulot et Mark est un patron plutôt cool.

    Derek fit entendre un petit ricanement ironique. Tu es certainement la première personne qui travaille pour lui à penser ça. Mais bon, je te fais confiance. Il gara sa voiture sur son emplacement avant de regarder sa compagne en souriant. Prête à affronter la meute ?

    Meredith haussa les épaules. Je ne crois pas que j’ai vraiment le choix. J’espère seulement que depuis hier, elles auront trouvé un autre centre d’intérêt.

    Derek fit une moue dubitative. Ça, ça m’étonnerait. Il avait raison. Lorsqu’ils entrèrent dans le hall de la clinique, le même groupe que la veille, ou à peu près, était là, attendant leur arrivée. Les mêmes petits sourires moqueurs, les mêmes messes basses, les mêmes regards entendus les accueillirent. Naturellement, Derek réendossa aussitôt son costume de patron. Il regarda ostensiblement sa montre et, sans lâcher la main de Meredith, marcha droit vers le rassemblement. Certaines infirmières n’attendirent d’ailleurs pas qu’il arrive pour prendre la poudre d’escampette. Si je ne me trompe, votre service a commencé depuis un moment, déjà, dit-il d’une voix froide à celles qui étaient restées. Alors, si je ne vous trouve pas à vos postes quand j’arrive dans le service, il y en a qui vont regretter de m’avoir pour patron. Une minute s’était à peine écoulée que le groupe des effrontées s’était éparpillé.

    Meredith ne manqua pas de réprouver son attitude. Je ne crois que ce soit très malin d’avoir fait ça devant moi. Ça ne va certainement pas améliorer mes relations avec elles.

    Ne te fais aucune illusion, l’avertit-il en marchant vers les ascenseurs. Tu ne seras jamais copine avec ces filles-là.

    Pourquoi ? Parce que tu les as un jour mises dans ton lit ? supposa-t-elle sur un ton sarcastique.

    Quelques-unes, oui, reconnut Derek sans hésitation.

    Donc, elles m’en veulent parce que je les ai remplacées dans ta vie, conclut Meredith avec une certaine amertume.

    Elles n’ont jamais eu aucune place dans ma vie, bébé. Sans se soucier de ce qu’on pourrait les voir, Derek la prit par le cou et posa son front contre le sien. Elles ne comptent pas. Elles n’ont jamais compté. Pas une seule seconde. Ne leur donne pas plus d’importance qu’elles n’en ont. Ne les laisse pas tout gâcher.


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  • Meredith soupira encore une fois, plus longuement. Ne t’inquiète pas, elles ne vont rien gâcher du tout. C’est juste qu’elles n’arrêtent pas me regarder. Si c’était juste de la curiosité, je pourrais m’y faire mais je vois dans leurs yeux qu’elles me détestent et je ne sais pas pourquoi. Même si on n’était pas ensemble, tu ne voudrais pas d’elles, souligna-t-elle. Alors, pourquoi est-ce qu’elles m’en veulent autant ?

    Sans doute parce que tu as réussi là où elles ont toutes échoué, présuma Derek en lui caressant la joue.

    Elle plissa le front. Tu veux dire par rapport à toi ? Parce qu’on sort ensemble ? Derek fit signe que oui. Alors, c’est à toi qu’elles devraient en vouloir, lui fit-elle remarquer. Il rit doucement.

    L’ascenseur ouvrit ses portes devant eux. Malheureusement, ils eurent moins de chance que la veille, il était bondé. Derek prit fermement Meredith par la main pour y entrer. Il se retourna pour faire face à la porte, obligeant sa compagne à faire de même, mais regretta immédiatement son initiative. Il sentait peser sur eux les regards de tous les occupants et devina quelques murmures au fond de la cabine. S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait fait volte-face et aurait mis les choses au point sans détours. Mais cela n’aurait fait qu’accroître le malaise de Meredith. Il préféra feindre l’indifférence, se contentant de surveiller du coin de l’œil son amie qui s’obstinait à regarder ses pieds. Je suis désolé, chuchota-t-il une fois qu’ils furent sortis de la cabine. Tout ce que tu dois subir par ma faute…

    C’est rien. C’est pas grave.

    Il essaya de blaguer pour la détendre un peu. On n’a pas eu de chance, c’était la grande foule dans l’ascenseur. On devrait peut-être envisager de venir à l’aube demain. A cette heure-là, les ascenseurs sont vides.

    Meredith le regarda avec un air ironique. J’ai une meilleure idée. Demain, on prendra les escaliers.

    Tes désirs sont des ordres. Apparemment, elle ne lui en voulait pas et il en était heureux. Mais il était conscient que cette situation ne pouvait pas durer. Meredith ne pouvait pas continuer à venir à la clinique en ayant l’impression qu’elle était dans une zone de guerre. Il allait devoir trouver une solution. Tu as envie d’un café ? proposa-t-il à la jeune fille en passant devant le distributeur de boissons chaudes.  

    Elle allait accepter quand elle surprit des regards à la fois curieux et railleurs qui se posaient sur eux. Non, merci, dit-elle en tirant Derek par la main. Je préfère me mettre au travail directement. Il la suivit docilement en se promettant de lui apporter un café dès qu’elle serait à l’abri dans son bureau. Quand elle le fut, elle se laissa tomber sur le canapé en soufflant. Ça me sidère que des gens censés être altruistes et intelligents se comportent de cette façon. Elles n’ont rien de plus intéressant à faire que de m’observer tout le temps ? Elles n’en ont pas marre ?

    Faut croire que non, bougonna Derek en allant accrocher sa veste au porte-manteau. Mais ça va changer, fais-moi confiance. Son regard se durcit. Je vais leur donner tellement de boulot qu’elles ne vont même plus avoir le temps de penser.

    Meredith lui décocha un regard menaçant. Tu ne vas rien faire du tout. Si tu prends des sanctions quelles qu’elles soient, tout le monde saura que c’est à cause de moi. Et ça ne fera qu’empirer les choses. Elle quitta le fauteuil pour venir se blottir dans les bras de son amant. Laisse-les me regarder et se moquer de moi. Ça n’a aucune importance. Dans quelques jours, nous serons à Aspen. Ce sera la meilleure des vengeances !

    Oui, c’est vrai, mais avant d’être à Aspen, tu vas devoir passer le reste de la semaine ici, lui rappela Derek en la ramenant au canapé. Tu vas forcément les croiser. Ça va aller ?

    Mais oui, ne t’en fais pas. Après ce que je viens de vivre, ce ne sont pas quelques médisances qui vont m’atteindre, prétendit-elle alors qu’en son for intérieur, elle devait admettre que l’agressivité et la moquerie dont elle était l’objet lui faisaient mal.

    Vous êtes une étonnante petite bonne femme, Meredith Grey ! Attendri, Derek se pencha vers elle jusqu’à ce que leurs nez se touchent. Hier soir, j’étais un peu déçu quand je t’ai trouvée endormie. Comment as-tu osé me laisser en plan, petite peste ?

    Je veux éviter que ton ego enfle trop fort, le taquina-t-elle.  

    Il fit semblant de ne pas comprendre. Quel ego ? Il la prit dans ses bras et se laissa aller en arrière, l’entraînant avec lui, jusqu’à se retrouver à moitié allongés sur le canapé. J’ai été floué alors maintenant je veux une compensation.

    Quel genre de compensation ? demanda Meredith avec un air espiègle.

    Derek fit une moue en dodelinant légèrement de la tête de gauche à droite. Hmm… un baiser, par exemple. Un long, un interminable baiser. Il prit le sourire de Meredith pour un consentement et posa ses lèvres sur les siennes, prenant un malin plaisir à les pincer puis à les mordiller pour finalement les ouvrir et, dans un gémissement, fouiller sa bouche avec sa langue. Tu n’étais pas là pour travailler ? murmura-t-il avec des yeux rieurs, quand il libéra la jeune fille.

    Oh, je ne suis pas à cinq minutes près, chuchota-t-elle en lui tendant de nouveau ses lèvres. Il s’empressa de les reprendre pour un nouveau baiser plein de passion.


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  • Tu ne crois tout de même pas que c’est avec un petit baiser que tu vas m’avoir ? se moqua Derek quand leurs bouches se furent séparées. J’te rappelle que tu as là pour bosser, ma fille.

    Il faudrait déjà que tu me dises où sont tes dossiers, répliqua Meredith.

    Derek se leva et alla à son bureau pour téléphoner. Bonjour Darlene. C’est moi. Est-ce qu’on vous a apporté mes dossiers ? Il écouta la réponse de son interlocutrice. Très bien, je vous attends. Il raccrocha et se tourna vers Meredith. Ma secrétaire va les apporter, l’informa-t-il.

    Il avait à peine terminé sa phrase que la porte de son bureau s’ouvrit sur une femme tirant un chariot de transport sur lequel il y avait deux caisses. Meredith ressentit un grand étonnement en découvrant la secrétaire de Derek. Elle s’attendait à une femme jeune et très jolie et elle se trouvait face à une femme d’une bonne quarantaine d’années plutôt quelconque, à l’air assez sévère et avec une certaine raideur dans l’attitude. L’étonnement fit place au soulagement. En voilà au moins une avec qui Derek n’avait pas couché ! Ce dernier fit les présentations. Darlene, je vous présente mon amie, Meredith Grey. C’est elle qui va se charger du travail dont je vous ai parlé. Meredith, voilà Darlene, ma secrétaire.

    Tandis que Meredith la saluait d’un sourire timide, Darlene s’avança vers elle, la main tendue. Ravie de faire votre connaissance. J’ai beaucoup entendu parler de vous. Pas par lui, évidemment, ajouta-t-elle en pointant son pouce vers Derek qui se trouvait derrière elle. Plutôt par les bruits de couloirs.

    Darlene, grogna Derek pour la mettre en garde.

    Vous savez que vous ne me faites pas peur, Docteur, alors ne vous fatiguez pas, riposta Darlene avant de s’adresser à nouveau à Meredith. Rassurez-vous, je n’accorde pas beaucoup de crédit aux bruits de couloir. Je préfère me faire ma propre opinion. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à me demander. Mon bureau est juste à côté.

    Meredith lui sourit encore. Merci beaucoup mais j’essaierai de vous déranger le moins possible, promit-elle.  

    Darlene lui fit un petit signe de tête et se dirigea vers la porte. Docteur, vous êtes attendu en salle de réunion dans un quart d’heure. Tâchez de ne pas être en retard, recommanda-t-elle avant de sortir.

    Meredith pouffa de rire. Eh bien, elle, elle n’a pas peur de toi !

    Derek sourit. Darlene n’a peur de personne. Par contre, tout le monde a peur d’elle.Toi aussi ?

    Disons que j’évite de la contrarier. Derek poussa le chariot de transport devant son bureau. Voilà, tout est là. Il ouvrit les caisses et en sortit tous les dossiers pour les ranger en pile sur le meuble.

    Il y a beaucoup moins de dossiers que chez Mark, constata Meredith.

    C’est normal. J’ai fait sortir seulement les dossiers des patients qui ont eu affaire à d’autres chirurgiens que moi, expliqua Derek. Le reste était parfaitement en ordre. Je suis désolé.

    Oh c’est pas grave. Ça m’arrange même, avoua Meredith. Comme ça, j’aurai plus de temps pour travailler pour Mark.

    Derek prit un air outré. J’y crois pas. Tu es pressée d’en avoir fini avec moi pour être avec Mark ? Tu me lâches pour lui ?

    Meredith leva les yeux au ciel en souriant. Je ne te lâche pas puisque je vais faire tes dossiers. Mais c’est pas de ma faute si tu es trop bien organisé. Elle le prit par les épaules et le guida délicatement vers la sortie. Maintenant, tu vas aller à ta réunion sinon tu vas te faire gronder par Darlene.

    Alors, tu te souviens, si tu veux me joindre…

    Je sais. Tu m’as déjà tout expliqué hier. Va travailler maintenant. Elle ouvrit la porte et après avoir effleuré les lèvres de Derek, elle le poussa dehors. Ensuite, elle s’installa dans le grand fauteuil de Derek. C’est alors qu’elle remarqua à sa gauche une petite table basse recouverte de revues médicales. En couverture de celle qui était au sommet de la pile, un des titres faisait référence à l’opération que Derek et Mark avaient pratiquée sur les sœurs siamoises. Meredith prit la revue et consulta rapidement la table des matières pour trouver l’article. Elle le lut sans rien comprendre aux parties techniques. Par contre, elle nota que l’auteur ne tarissait pas d’éloge sur les chirurgiens, vantant plus particulièrement leur côté visionnaire et leur altruisme. Elle en tira une grande fierté. Mais elle fut un peu déroutée par les images qui illustraient l’article, parce que même si Derek était magnifique dans sa tenue de chirurgien, elle ne reconnut pas celui qu’elle aimait dans l’homme hautain qui apparaissait sur les photos. Elle referma la revue pour se mettre au travail.


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  • Meredith avait déjà réorganisé une douzaine de dossiers quand elle tomba sur le sien. Cela l’intrigua. Pourquoi son dossier était-il dans la pile alors qu’il n’y avait que Derek qui s’était occupé d’elle ? Elle hésita à le lire parce qu’elle ne savait pas si elle pouvait le faire, mais la curiosité fut la plus forte et elle ouvrit le dossier, en se disant qu’elle avait parfaitement le droit de consulter des données qui concernaient sa santé. Elle décida de prendre connaissance des pièces du dossier par ordre chronologique. Le plus ancien document était le compte-rendu rédigé par Derek lors de la toute première visite qu’elle avait faite à la clinique, le jour où elle était tombée sur le trottoir devant la boutique. La note ne relatait rien d’extraordinaire mais Meredith la lut avec un petit sourire nostalgique, parce qu’elle symbolisait le début de sa relation avec le chirurgien. Suivaient ensuite deux pages couvertes de l’écriture fine et serrée de Derek, qui dataient du jour où elle avait fait cet horrible malaise à la boutique. Il était mentionné que les symptômes faisaient penser à un abus de benzodiazépines, substances auxquelles la patiente avait par ailleurs manifesté précédemment une forte intolérance. Cependant, avait écrit Derek, la patiente, qui a refusé de faire une prise de sang, nie formellement avoir pris des médicaments d’aucune sorte. Après avoir indiqué qu’il n’avait aucun moyen de prouver qu’elle mentait – Meredith tiqua en lisant ce passage – il concluait qu’elle souffrait vraisemblablement de surmenage et d’un état de faiblesse générale

    Et puis, il y avait eu l’épisode de la détresse respiratoire, quand elle avait cru mourir d’asphyxie, ce qui avait amené George à reconnaitre qu’il avait sans doute maladroitement interverti leurs tasses de café. Dans son compte-rendu, Derek ne cachait pas qu’il ne croyait pas du tout à cette version. Les analyses du prélèvement de sang avaient révélé un taux de benzodiazépines beaucoup trop élevé que pour résulter d’une erreur fortuite. Derek croyait au contraire qu’il s’agissait de la conséquence d’une absorption régulière de ces substances. Il avait écrit en toutes lettres qu’il soupçonnait George de droguer intentionnellement son amie depuis un certain temps. En lisant cela, Meredith ressentit de la contrariété. Pourquoi ne lui avait-il pas confié ses soupçons ? Pourquoi ne l’avait-il pas mise en garde plus nettement que ce qu’il avait fait ? S’il lui avait fait clairement part de ce qu’il soupçonnait, analyses de sang à l’appui, elle aurait été beaucoup plus prudente et elle se serait méfiée de George bien plus qu’elle ne l’avait fait.

    Les derniers documents étaient relatifs à son agression. Callie avait consigné leur conversation et les constatations qu’elle avait faites lors de l’examen succinct qu’elle avait pratiqué. Mark en avait fait de même pour les lésions de son visage. Meredith lut leurs notes en diagonale, sachant qu’elle n’apprendrait rien qu’elle ne savait déjà. Elle fut nettement plus intriguée par le document suivant, parce qu’il portait l’en-tête de la police de San Francisco. Le premier paragraphe lui apprit qu’un capitaine de police s’était rendu à la boutique quelques heures à peine après son agression, afin de réunir un maximum de preuves dans le cas où la victime, c’est-à-dire elle, déciderait de porter plainte. Il avait pris des photos des lieux avant de relever les empreintes et de faire divers prélèvements, comme les traces de sang sur les meubles et sur le sol, ainsi que le contenu des tasses de café. C’est avec un grand intérêt que Meredith lut que le café contenait une quantité encore élevée de flunitrazepam. Bien qu’elle se doutât de ce que c’était, elle tapa le terme dans Google. Une multitude de liens apparut dans le moteur de recherches. Le premier qu’elle choisit lui apprit tout ce qu’elle voulait savoir. Le flunitrazépam est un médicament de la famille des benzodiazépines commercialisé sous le nom de Rohypnol. Ses puissantes propriétés hypnotiques et le risque de dépendance auquel il expose le font réserver aux cas d'insomnies sévères, et sa prescription est limitée. Ce produit est parfois utilisé par les abuseurs sexuels parce que ses effets sédatifs annihilent les défenses de la victime, l’empêchant de résister, et lui font perdre la mémoire. Les médias le surnomment la drogue de viol.

    Meredith referma la page en tremblant. Ce qu’elle venait de lire confirmait ce que son instinct lui avait soufflé ce soir-là, quand elle avait vu George mettre la main dans la poche de son pantalon, alors qu’il était en train de lui servir une tasse de café. Il voulait la droguer pour en faire un objet de plaisir soumis à ses moindres désirs. Mais ce qu’elle avait appris surtout de la lecture de son dossier, c’était qu’il préparait son coup depuis longtemps, en fait depuis que la relation qu’elle avait avec Derek avait pris un tour sérieux. Il n’avait pas supporté qu’elle lui échappe alors il avait voulu la prendre de force. L’idée que son ami d’enfance avait projeté pendant des semaines et des semaines de la violer bouleversa la jeune fille. Elle se mit à pleurer. Comment George avait-il pu changer à ce point ? Pourquoi en était-il arrivé à vouloir commettre une telle ignominie ? Comment l’amour qu’il disait éprouver pour elle avait-il pu se transformer en une telle haine ? Cela dépassait l’entendement. L’incrédulité et la tristesse firent rapidement place à la colère, d’abord envers elle qui avait été tellement naïve, ensuite envers Derek et Mark, mais Derek surtout, parce que s’il avait été totalement honnête avec elle, et qu’il lui avait dit directement tout ce qu’il savait, les choses ne se seraient sans doute pas passées de la même façon. Bien sûr, elle était consciente qu’il avait agi ainsi uniquement pour la protéger, mais à force de la traiter comme une pauvre petite chose fragile qu’il fallait ménager, il l’avait mise en danger.

    Elle prit un nouveau dossier devant elle pour continuer son travail mais elle se rendit compte rapidement qu’elle n’était plus capable de se concentrer sur ce qu’elle faisait, parce qu’elle était obnubilée par une seule pensée : si Derek avait été plus franc avec elle, le drame aurait pu être évité et leur couple ne serait pas au bord de l’explosion. Car tout prévenant qu’il était, Derek ne supporterait pas longtemps de rester abstinent. Cette éventualité, qui était pour elle une évidence inévitable, la plongea dans le plus grand des désespoirs. Craignant que Derek débarque à l’improviste et la trouve dans cet état, elle choisit de se réfugier aux toilettes. Elle sortit du bureau et longea les couloirs, la tête baissée pour qu’on ne remarque pas son émoi, ne la relevant que pour se repérer. En entrant dans les toilettes, son regard tomba sur son reflet dans un miroir et ce qu’elle vit l’horrifia. Son visage était rouge et ses yeux gonflés d’avoir trop pleuré. Elle se précipita sur un lavabo. Elle était en train d’asperger sa figure d’eau froide quand elle entendit des voix de femme qui se rapprochaient. Elle n’eut que le temps d’entrer dans une cabine. 


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