• CHAPITRE 963

    Derek resserra le nœud de sa cravate et, après avoir jeté un dernier coup d’œil à son reflet dans le miroir, sortit de sa chambre pour rejoindre le grand salon où la dépouille de Momsy reposait dans un cercueil capitonné de blanc. Sur le seuil de la pièce, il chercha Meredith des yeux et l’aperçut en train de discuter avec Taylor. Il la trouva magnifique, vêtue d’une robe noire toute simple qui faisait ressortir sa minceur. Si les circonstances avaient été autres, il ne se serait pas gêné pour le lui faire savoir. Il traversa la pièce, saluant au passage des personnes qui lui souriaient et dont le visage lui semblait vaguement familier, des relations de Momsy qui l’avaient connu plus jeune, très certainement. Après avoir échangé un regard amical avec Mark qui recevait les condoléances des invités, il arriva enfin près de Meredith et lui signala sa présence en lui passant furtivement une main dans le dos, juste au-dessus de la chute de reins. Elle se retourna et le gratifia d’un faible sourire. Il la sentit fragile, sur la corde, prête à craquer au moindre incident. Meredith, ça va ? lui demanda-t-il, sans chercher à cacher son inquiétude.

    Ça ira mieux quand on en aura fini avec tout ça, répondit-elle en soufflant. Le défilé constant des gens qui venaient s’incliner une dernière fois devant la défunte, le fait que celle-ci soit encore exposée aux yeux de tous, la cérémonie qui allait suivre, tout la rendait nerveuse. Elle aurait tellement voulu oublier que Momsy n’était plus là. Depuis le matin, elle s’était arrangée pour ne pas venir au salon. Et maintenant qu’elle était obligée d’y être, elle évitait soigneusement de regarder dans la direction du cercueil. Elle ne voulait pas garder de la vieille dame l’image d’un cadavre outrageusement maquillé pour camoufler les premiers outrages de la mort. Et ce temps qui ne passe pas ! se plaignit-elle en se tordant les mains. Elle repoussa Derek qui voulait lui en prendre une pour la forcer à arrêter. Laisse-moi.

    Elle est énervée parce que l’avocat est venu lui parler de l’héritage, expliqua Taylor au chirurgien. Vous auriez vu de quelle manière elle l’a jeté !

    Il n’a eu que ce qu’il méritait, déclara Meredith. C’était indécent de venir me parler de ça, ici et maintenant. Elle lança un regard noir à l’homme de loi qui conversait un peu plus loin avec le médecin de Momsy.

    Il faudra bien te décider un jour, objecta Derek.

    Je ne veux pas parler de ça maintenant, répliqua sèchement Meredith. Cette histoire d’héritage lui posait toujours un réel problème de conscience. Quels que soient les angles par lesquels elle l’examinait, elle restait convaincue qu’on n’acceptait pas une telle somme quand on n’avait rien fait pour la mériter. Ce n’était pas la première fois, depuis la lecture du testament, que Derek, ainsi que Mark, tentait de la convaincre d’accepter le généreux cadeau que lui avait fait Momsy. A chaque fois, sa réponse était du même acabit : pas maintenant, plus tard, un autre jour… Elle ne faisait que reculer l’échéance, elle en était consciente, mais elle avait tellement de problèmes qu’elle n’arrivait plus à établir une priorité. Alors, elle les repoussait comme si cela allait lui permettre de les faire disparaître. Et puis, ça ne te regarde pas ! asséna-t-elle en voyant que Derek ouvrait la bouche.

    Comme tu voudras, dit simplement ce dernier, blessé par cette nouvelle rebuffade. Mais tu ne pourras pas éviter éternellement le sujet, que ce soit avec moi ou un autre. Meredith avança les lèvres en une moue boudeuse, se détournant légèrement pour lui faire comprendre qu’elle n’était plus disposée à l’écouter.

    Qui est-ce ? se renseigna Taylor, le regard fixé sur la porte. 

    Meredith et Derek se retournèrent en même temps pour découvrir Callie qui se tenait timidement à l’entrée de la pièce. Elle est là, celle-là ? s’étonna Meredith avec du dépit dans la voix, et même un brin d’agressivité. Malgré tous ses efforts, le courant n’était jamais vraiment bien passé entre elles et ce n’était pas les derniers évènements qui allaient arranger les choses. La complaisance avec laquelle Callie avait écouté Derek lui confesser son infidélité avait profondément choqué Meredith. Bien sûr, elle était consciente que leur amitié durait depuis longtemps et que Callie aurait toujours une certaine indulgence envers Derek. Mais elle aurait aimé que, dans cette histoire en particulier, Callie joue la carte de la solidarité féminine en prenant son parti tout comme elle-même l’avait fait quand Mark s’était mal comporté. Depuis l’épisode de la clinique, elle avait catalogué la chirurgienne dans la catégorie des garces et décidé qu’elle ne ferait plus jamais aucun effort pour s’entendre avec elle. Je ne savais pas qu’elle devait venir, ajouta-t-elle, énervée.

    Derek la regarda, surpris par cette aigreur qui ne lui ressemblait pas. Il se demanda un instant si elle était au courant pour lui et Callie, pour aussitôt repousser cette éventualité, peu probable, préférant attribuer la mauvaise humeur de Meredith au fait que l’arrivée de Callie lui avait rappelé les conditions de leur rupture. C’est normal qu’elle soit là. Mark est son meilleur ami, souligna-t-il calmement.

    Taylor tiqua. D’après sa propre expérience, elle avait quelques difficultés à croire en l’amitié entre un homme et une femme, à moins que l’un des deux ne soit gay. Avec défiance, elle suivit l’intruse du regard jusqu’à ce que celle-ci arrive près de Mark et le prenne dans ses bras pour l’embrasser. Elle comprit aussitôt qu’elle avait eu raison de douter. Il y avait quelque chose, dans l’expression de leurs corps, qui n’était pas du registre de l’amitié. Je n’aime pas ça, murmura-t-elle si bas que personne ne l’entendit. Mais alors là, pas du tout.

    Derek fit un geste en direction de ses amis. Il faudrait que j’aille lui…, commença-t-il à l’intention de Meredith.

    Elle lui coupa la parole avec brusquerie. Mais tu fais ce que tu veux, Derek. Je te l’ai déjà dit, tu n’as pas de comptes à me rendre. Elle lui tourna ostensiblement le dos pour lui signifier que la conversation était close. Il n’insista pas, pour éviter un esclandre, et s’éloigna en soupirant. Il n’en pouvait plus de cette ambiance à couteaux tirés qui régnait entre eux.

    Cette fois, ce fut lui que Taylor observa tandis qu’il rejoignait ses amis. En voyant le trio réuni, la façon dont Callie regardait les deux hommes, leur connivence évidente, elle fronça les sourcils. Mais c’est qui, cette nana ?


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