• CHAPITRE 962

    Pour mon père, je ne sais pas, répondit Meredith en secouant doucement la tête. J’avais un peu plus de trois ans quand il est mort. Je ne me souviens pas de lui. Tout ce que je sais, c’est ma mère qui me l’a dit.

    Eh bien, dis-nous ce qu’elle t’a dit, insista Derek. Je suis sûr que ce ne sont que des beaux souvenirs pleins d’amour. Il ne pouvait en être autrement. Sinon d’où Meredith aurait-elle tiré toute sa capacité à aimer ?

    Les yeux de la jeune fille se mirent à briller. Sa mère avait passé des heures à lui parler de celui qui avait été son seul amour. Elle avait coutume de dire que tant qu’il y aurait quelqu’un pour se souvenir de lui, il ne serait pas tout à fait mort. Meredith était heureuse de pouvoir, à son tour, faire revivre un peu ce père qui lui avait parfois manqué. Il était très beau, blond avec des yeux verts.

    Comme toi, fit remarquer Derek.

    Meredith rosit de plaisir. Oui, on m’a toujours dit que je lui ressemblais beaucoup. D’après Maman, il était assez intelligent. Bon élève quoiqu’un peu trop rêveur. Je suis un peu comme ça aussi. En revanche, là où je suis très différente, c’est en sport. Elle sourit en se rappelant ses notes exécrables en la matière. Il a fait de l’athlétisme et de la natation. A la maison, il y a ses coupes dans toutes les pièces. Il adorait la musique aussi. Il faisait partie d’un groupe, c’était le batteur, révéla-t-elle, fière de ce père qui avait tant de talents. Mais ce que j’aime le plus chez lui, c’est qu’il s’occupait des gens. Il avait adhéré à certaines associations et il s’impliquait vraiment. Il faisait tout ce qu’il pouvait pour aider ceux qui en avaient besoin. Elle réalisa soudain ce que ce portrait avait de parfait et sourit presque timidement, comme si elle était gênée. Enfin, c’est ce que Maman m’a dit. Elle l’a sans doute un peu idéalisé.

    Je ne crois pas, non. Derek l’enveloppa d’un regard tendre. Sans s’en rendre compte, elle venait de brosser son propre portrait, à quelques détails près.

    En tout cas, peu importe. Ça me plait de penser qu’il était vraiment comme ça, reconnut Meredith. Et puis, il y a leurs photos. Ça se voit qu’ils s’aimaient et qu’ils étaient heureux.

    Comment ils se sont connus ? s’enquit Mark.

    Au collège. Ils avaient quinze ans et ils ont su immédiatement qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Ils ont eu de mauvais moments, bien sûr, comme tout le monde, mais ça n’a jamais remis en cause leur amour. Ils se sont mariés juste après leur diplôme. Et je suis arrivée dans la foulée. Meredith émit un petit rire qui s’éteignit aussi rapidement qu’il était né. Ils ont tout fait très vite, comme s’ils savaient qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps devant eux. Une ombre passa dans ses yeux. Sa mort est tellement stupide. Il est tombé du toit qu’il était en train de réparer, expliqua-t-elle à l’intention de ses camarades qui semblaient suspendus à ses lèvres. Elle se tut avant de laisser échapper un gros soupir. C’est dingue quand on y pense. Un jour, on se lève, on part travailler et trois heures plus tard, tout est terminé.

    Et ta maman ? la questionna Jackson.

    Elle ne s’est jamais consolée. Elle va souvent le voir, au cimetière. Elle lui apporte des fleurs pour son anniversaire et la Saint Valentin. Elle lui parle de moi, de ce que je fais. Elle lui donne des nouvelles des gens qu’il aimait. Une certaine gêne s’inscrivit sur le visage de Meredith. Il y a beaucoup de gens qui la critiquent pour ça. Certains pensent qu’elle est un peu folle. D’autres trouvent ça morbide.

    Non, pas du tout, protesta Derek. Je trouve ça très beau. Pour lui, dont les parents n’avaient jamais été capables de s’aimer, cette histoire tenait du conte de fées. Comme cela devait être agréable pour Meredith de savoir qu’elle était l’enfant d’un tel amour !

    Et elle ne s’est jamais remariée ? s’étonna Mark. Elle était très jeune quand ton père est décédé.

    Non, elle n’a même jamais connu personne après lui. Mon grand-père le lui a souvent reproché, d’ailleurs, ajouta Meredith, un brin amère. Elle se souvenait parfaitement de ces discussions animées qui opposait son impétueux aïeul à sa mère si douce, mais non moins déterminée. Il trouvait qu’elle se sacrifiait pour moi et qu’elle gâchait sa vie. Un jour, je devais avoir dix ans, j’ai dit à ma mère qu’il fallait qu’elle se trouve un nouveau mari, que je ne voulais pas qu’elle soit malheureuse par ma faute. Elle leva des yeux emplis de larmes sur ses amis mais ces derniers n’y virent aucune tristesse, uniquement une infinie émotion. Elle m’a répondu qu’elle avait tellement aimé mon père qu’elle ne pouvait pas le remplacer et que, même si cela n’avait pas duré longtemps, elle avait fait une telle provision de bonheur en étant avec lui, qu’elle en avait assez pour tenir jusqu’à sa mort. Elle baissa la tête et se tut, attendant le verdict des trois hommes qu’elle n’osait plus regarder, de peur de lire la désapprobation dans leurs yeux.

    C’est une belle histoire, conclut Mark sans trop d’enthousiasme pourtant. Belle histoire, certes, néanmoins il trouvait dommage qu’une femme aussi jeune se soit condamnée à la solitude et à la chasteté. Pas un instant, il ne s’imaginait vivre un jour la même chose. Aimer un fantôme, très peu pour lui !

    Ouais, c’est clair, approuva sobrement Jackson. Tout cela était un peu trop romantique à son goût. Amants éternels, oui, bien sûr, mais tant qu’à faire, autant s’aimer vivant. Il était sincèrement amoureux de Jonas, vraiment, et pourtant, s’il devait arriver quelque chose à ce dernier, il ne jouerait pas les veufs éternels. Pour lui, vivre dans le culte d’un mort n’était pas la vraie vie.

    Derek, lui, resta silencieux. Mais ses yeux parlaient pour lui. Voilà, c’était cela qu’il voulait connaître, la mort en moins bien entendu. Lui, ce qu’il voulait, c’était vivre, vivre longtemps, vivre heureux, et surtout vivre avec Meredith. Et aussi partager le même amour que celui qui avait uni ses parents. Un amour absolu qui se suffirait à lui-même et qui pourrait défier le temps !


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mercredi 26 Juin 2019 à 21:26

    Pas étonnant que Meredith soit aussi idéaliste avec une maman comme ça ! Mais peut-être que c'ts pas vraiment un choix de la part d'Anne Grey, peut-être qu'elle n'a rencontré personne qui lui fasse oublier son mari, tout simplement

    Quant à Derek, il n'arrête pas de me surprendre. Qui aurait cru, au début de la fic, qu'il évoluerait autant ! 

     

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