• CHAPITRE 960

    Ne dis pas ça, le gronda doucement Meredith. Tu es un type super, Jackson. Moi, je trouve qu’au contraire, ça aurait été dommage pour tout le monde que tu ne sois pas là. N’est-ce pas, Mark ? insista-t-elle lourdement.

    L’intéressé éluda prudemment la question. Il était évident que Meredith appréciait Jackson et qu’elle prendrait son parti contre lui, dans cette histoire. De toute façon, Momsy ne l’aurait jamais laissée avorter. C’était pas le genre de la maison. La vie était sacrée pour ma grand-mère et elle partait du principe que, si tu faisais une connerie, tu devais l’assumer. Elle a toujours reproché à ma mère le choix qu’elle avait fait. Il prit le whisky des mains de Derek et en but une gorgée.

    Et elle avait raison ! asséna Meredith, en se serrant un peu contre Jackson, pour permettre à Derek de se rasseoir près d’elle.

    Je n’ai jamais dit le contraire ! aboya Mark, qui n’appréciait guère de se voir donner des leçons devant son ennemi. Lui aussi aurait préféré que sa mère s’en aille avec son amant de pacotille. Momsy n’aurait pas recueilli leur rejeton de malheur et lui ne devrait pas, aujourd’hui, supporter la présence de ce frère qui n’en était pas un.

    Jackson reposa son verre sur la table. La dernière fois que ta mère est venue, c’était il y a trois, quatre ans, je pense, laissa-t-il soudain tomber en relevant la tête vers Mark. Elle était venue parler à Momsy de je ne sais quoi et ça a dégénéré comme d’habitude. Comme on entendait que ça criait pas mal, on est venu, mon frère et moi, pour voir ce qui se passait. Il se tourna vers Meredith. Elle nous a regardés, tous les deux, et j’ai vu dans ses yeux qu’elle se posait la question.

    Elle se demandait lequel de vous deux était son fils, chuchota Meredith, à la limite de l’incrédulité.

    Jackson acquiesça avec un petit rire sarcastique qui fit mal au cœur de la jeune fille. C’était dingue. C’est vrai que Nick ressemble vraiment beaucoup à notre père. Mais moi, moi…

    Jackson est le portrait craché de sa mère, expliqua Derek à l’intention de Meredith. Vraiment, il n’y a pas de doute possible. Il regarda en direction de Mark et ne fut pas surpris de le voir avec la mâchoire serrée. Entendre Jackson évoquer sa filiation et revendiquer, d’une certaine façon, son appartenance à la famille était douloureux pour lui. Cependant, Derek trouvait tout à fait légitime que Jackson le fasse. Aussi n’intervint-il pas.

    Ça a rendu Momsy folle de rage, continua Jackson. Elle s’est mise à l’insulter.

    Oh ça, je l’entends d’ici, dit Mark, soudainement attendri.

    Ouais, elle s’en est donné à cœur joie, renchérit Jackson, avec un sourire ému. D’ailleurs, elle l’a foutue à la porte à coups de canne. Il a fallu la retenir, sinon elle l’aurait tuée. Malgré la tension et le drame qui régnaient dans la pièce, Meredith se mit à rire, aussitôt imitée par les trois hommes. C’était comme si la scène était en train de se dérouler sous leurs yeux, la vieille dame pourchassant l’indésirable à grands coups de bâton. J’en ris maintenant, mais à l’époque…, reprit Jackson, une fois l’hilarité calmée. Enfin, ce n’était pas facile à vivre.

    Ça ne l’a été pour personne, laissa tomber Mark sur un ton à nouveau sec. On a tous notre croix à porter. Il commençait à regretter amèrement de s’être laissé embarquer dans ce jeu de la vérité. Que Derek éprouve le besoin de se confesser pour reconquérir Meredith, il le concevait très bien. Mais que Jackson en profite pour jouer les victimes, là, il n’était pas du tout d’accord.

    Oui, mais il y a des croix qui sont plus lourdes que d’autres, répliqua Jackson. Craignant que la conversation tourne au pugilat, Meredith adressa un regard inquiet à Derek. Il la rassura d’un sourire. Il connaissait bien les deux hommes. Vifs, certes, emportés parfois, mais pas violents. Toi, tu avais ton père, et Momsy, et ta mère, quoique tu en dises, argumenta Jackson. Quand elle venait te voir pendant les vacances…

    Elle l’a fait quatre ou cinq fois, pas plus, bougonna Mark.

    C’est mieux que rien, mec, s’exclama Jackson. Moi aussi, j’étais son fils et pourtant, je n’avais droit à rien. Un jour, j’avais sept ans, je m’en souviens très bien. Elle est arrivée et elle a annoncé à Momsy qu’elle emmenait les enfants manger une glace chez Baskin Robbins. Les enfants… – il prit Meredith à témoin – j’ai cru qu’elle parlait de moi aussi. Devinant ce qui allait suivre, la jeune fille sentit quelques larmes perler à ses cils. Alors, je suis allé dans ma chambre pour mettre mes plus beaux vêtements. Je ne voulais pas lui faire honte. Jackson ricana, se moquant de lui-même, petit enfant naïf qui avait cru pouvoir entrer dans le cercle des privilégiés. Quand je suis revenu, vous étiez déjà partis, dit-il en s’adressant à Derek plus particulièrement. Atterrée, Meredith se serra contre lui, tandis que Derek et Mark se regardaient, déconcertés. Ils ne se souvenaient pas du tout de ce moment. Evidemment, pour eux, une glace chez Baskin Robbins n’avait rien d’exceptionnel. Comme je pleurais, Momsy m’a emmené au magasin de jouets et j’ai pu choisir celui que je voulais. Au moment de terminer son récit, Jackson planta son regard dans celui de son demi-frère. Mais, moi, j’aurais préféré aller manger une glace avec vous.

    C’est tellement triste, murmura Meredith, au comble de la tristesse. Elle ne devait faire aucun effort pour imaginer le sentiment que le petit garçon de sept ans avait dû éprouver en comprenant qu’il ne serait jamais considéré comme un membre de la famille.

    Je ne me rappelle pas du tout ça, se désola Derek. Si on avait su…

     


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mardi 25 Juin 2019 à 20:50

    Pauvre Jackson, son histoire est poignante, j'ai l'impression que la mère de Mark était une sacrée garce !

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