• CHAPITRE 917

    Oh il ne paraît pas ! C’est le cas. Et comme il sait s’en servir, vous imaginez… Meredith pouffa de rire en se rendant compte de ce qu’elle venait de dire. Son hilarité redoubla en voyant que Momsy aussi était secouée par les rires. Il leur fallut un certain temps pour se calmer. Ensuite, elles recommencèrent à passer l’album en revue, découvrant le petit Mark sur un vélo, à la plage, à cheval, jouant au ballon, assis dans une petite voiture, ou absorbé par un jeu de construction. C’est vous qui avez pris toutes ces photos ? questionna Meredith.

    Oui. S’il avait fallu compter sur sa mère, maugréa Momsy. Ah là, c’est le jour où il est rentré à l’école maternelle. Il a absolument voulu que je prenne une photo à la maison et devant l’établissement. Meredith sourit devant l’image du petit garçon de trois ans, portant avec assurance son cartable sur le dos, vêtu de ce qui ressemblait à un uniforme, et la tête coiffée d’une casquette marquée au logo de ce qui était certainement une école privée. Regarde comme il est heureux ! nota Momsy. Il voulait tellement aller à l’école comme les grands. Il n’a même pas pleuré.

    Meredith reconnut la fierté dans la voix de la vieille dame. Cela l’émut. Il était super, votre petit-fils et il l’est toujours. Ça n’a pas changé, dit-elle en serrant Momsy dans ses bras. On continue ?

    Si tu n’en as pas marre…

    Oh non, j’adore. Suivirent ensuite quelques photos prises à l’école, Mark posant seul assis à son banc, absorbé par un dessin à colorier, soufflant sur les bougies d'un gâteau d'anniversaire, entouré d’une bande de bambins tous habillés comme lui, ou lors de la représentation d’un spectacle de fin d’année. Oh il est déguisé en Robin des Bois, souligna Meredith, tout attendrie, en pointant le doigt sur une photo. Il est vraiment trop mignon. Elle tourna la page et le petit Mark tout souriant lui apparut, assis aux côtés d’un très sérieux petit garçon aux boucles brunes et aux yeux bleus perçants, dont l’identité ne lui laissa aucun doute.

    Tu l’as reconnu, je suppose, demanda Momsy d’une voix douce.

    Oui, bien sûr, c’est Derek. Même si elle n’y avait pas pensé en commençant à regarder les photos d’enfance de Mark, Meredith n’était pas étonnée que Derek soit présent dans l’album. Autant Mark que lui avaient toujours insisté sur l’ancienneté de leur amitié, depuis leur naissance, disaient-ils toujours. C’est à l’école qu’ils se sont connus ? 

    Oh non, bien avant ça. A l'époque, leurs parents étaient voisins, précisa Momsy. Leurs mères se sont retrouvées enceintes plus ou moins en même temps alors, ça a créé des liens entre elles. Après la naissance des petits, elles ont pris l’habitude de se retrouver tous les après-midis, l’une chez l’autre, avec les gamins. Petit à petit, leurs relations se sont refroidies, beaucoup à cause de la conduite de ma belle-fille, je dois bien l’avouer. Mais les garçons… Momsy pensa avec ravissement à ce lien fort et unique qui était né entre ces deux êtres et qui, surtout, ne s’était jamais brisé. Ils ne supportaient pas de ne pas être ensemble, un peu comme des vrais jumeaux, vois-tu. Une année, à la rentrée, ils étaient dans des classes différentes. Je te dis pas la crise. Il a fallu les réunir. Elle se mit à rire doucement.

    Touchée malgré elle, Meredith sourit. Oui, s’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas reprocher à ces deux-là, c’est de ne pas avoir le sens de l’amitié. Elle l’aurait nié si on le lui avait demandé mais elle était heureuse de découvrir par le biais de ces photos tout un pan de la vie de Derek. Ils étaient sortis ensemble pendant des mois mais elle ne savait rien de lui en dehors de ce qu’ils avaient partagé. Elle était convaincue qu’une partie du mystère Derek trouvait son origine dans son enfance. Peut-être que ces quelques images et les commentaires de Momsy lui permettraient d’y voir plus clair. Elle regarda les clichés suivants avec une attention accrue et fut très vite frappée par un détail récurrent. Comme il a l’air triste ! Derek, je veux dire.

    Momsy laissa échapper un gros soupir. Faut dire qu’il était pas à la fête tous les jours, le pauvre ! Mon petit poussin, au moins il avait son père pour s’occuper de lui, en tout cas quand il était petit. Après… Elle fit un geste vague de la main. Ensuite, la dépression avait pris le dessus, plongeant Andrew Sloan dans les médicaments et l’alcool, avec la mort comme seule issue. Et puis, j’étais là aussi, reprit-elle, refusant de s’appesantir sur ces moments douloureux. Derek, lui, il était tout seul.

    Tout seul ? répéta Meredith sur un ton étonné. Et ses parents ?

    Pfft ! C'est eux qui ont fait celui qu'il est devenu. Ils l’ont démoli. Momsy se tut, pour se replonger dans le passé, à cette époque où elle était devenue une mère de substitution pour ces deux enfants, essayant, en les gâtant horriblement, de leur faire oublier les problèmes, les drames parfois, qu’ils vivaient au quotidien. Jouets, spectacles, cinéma, cirques, visites au zoo, petites excursions, elle n’avait pas lésiné, tout en n’étant pas dupe. Rien de ce qu’elle faisait ne compenserait jamais le désert affectif dans lequel ils grandissaient tous les deux, Derek surtout. C’était un brave petit, tu sais, assura-t-elle avec une tendresse infinie dans la voix. Vraiment un charmant enfant, gentil, poli, affectueux, avec le cœur sur la main. Et à côté de ça, un vrai petit diable qui était capable des pires bêtises. Mais c’était impossible de lui en vouloir. Il mettait tout le monde dans sa poche avec son regard charmeur et son sourire. Meredith soupira. Elle voyait très bien ce à quoi Momsy faisait allusion. Elle ne l’avait que trop souvent expérimenté elle-même. Quand il arrivait chez moi, il se précipitait pour que je le prenne dans mes bras et que je l’embrasse, expliqua Momsy. Encore des câlins, Momsy, qu’il criait. Encore… Il ne connaissait pas ça chez lui. Tu te rends compte ?

    Mais pourquoi ? Ses parents ne l’aimaient pas ? interrogea Meredith, interloquée.

    Le mépris s’inscrivit sur le visage de Momsy. Son père n’aimait personne, à part lui-même. Quant à sa mère… Je crois qu'elle l'a aimée au début. En tout cas, elle s’est occupée de lui quand il était bébé, comme le faisait les femmes de son milieu, bien sûr, c'est-à-dire en laissant les corvées à la nounou. Mais enfin, elle s’en occupait. Trop aux yeux de son mari. Cet imbécile a estimé que le temps qu’elle consacrait à Derek, elle le lui volait. Alors, il l’a forcée à choisir entre lui et le petit. Elle a fait son choix, sans hésiter, déplora la vieille dame. Et du jour au lendemain, elle a quasiment abandonné son gamin.


  • Commentaires

    1
    Mdbailey
    Mercredi 24 Avril 2019 à 22:59
    Oh ben après tu comprends mieux les réactions de Derek il a tjs manque d'amour.
    2
    Butterfly
    Jeudi 25 Avril 2019 à 22:33

    la description de l'enfance de Derek m'a fendu le coeur. Pas étonnant qu'il soit devenu cynique et désillusionné erf

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