Meredith ! vociféra Derek en la voyant ouvrir la porte de la maison. La jeune fille pénétra à l’intérieur sans un regard pour lui. Hors de lui, il voulut la suivre.

Derek, non ! Mark s’interposa entre son ami, dont il ignora le regard hostile, et la porte. Qu’est-ce que tu comptes faire ? Rentrer de force et t’engueuler avec elle devant sa mère et sa tante ? C’est sûr que ce serait génial pour redorer ton blason. Réalisant qu’il avait raison, Derek baissa la tête et ses épaules s’affaissèrent. Bon sang, qu’est-ce qui te prend ? s’inquiéta Mark. Pourquoi tu piques une crise parce qu’elle veut passer la soirée avec sa mère ? T’es devenu dingue ou quoi ? Il le poussa vers le Hummer.

Ces remontrances firent prendre conscience à Derek qu’il était en train de faire n’importe quoi. Je sais, je sais, j’ai pété les plombs, reconnut-il en reprenant place dans le véhicule. Il attendit que son meilleur ami en fasse autant pour poursuivre. Mais j’ai peur. Hier, on s’est disputé et…

Je sais, je vous ai entendus.

Cette histoire de mariage… J’ai peur qu’elle me quitte, Mark.

Mais elle ne te quittera pas, certifia Mark en redémarrant. Elle est folle de toi. Mais là, tu l’as un peu poussée à bout. D’ailleurs, à ce sujet, je me demande bien pourquoi tu me demandes des conseils si c’est pour ne pas les suivre, ironisa-t-il. Je t’avais dit d’attendre avant de faire ta demande mais il a fallu que tu le fasses maintenant. Et quelle demande ! Du grand art, vraiment ! C’est sûr que ça donne envie.

J’ai paniqué, avoua Derek. Je voulais qu’elle reste avec moi et il n’y a que ça qui m’est venu à l’idée.

Mark pouffa de rire. Ah c’est sûr que dire que t’en as rien à foutre de te marier, ça allait la motiver à rester avec toi.

Derek soupira en se passant la main dans les cheveux. Tu as raison, je suis trop con. Il prit son téléphone dans la poche arrière de son jean pour envoyer un message à Meredith mais tout ce qui lui vint en tête lui sembla maladroit ou inadéquat. Désolé de m’être comporté comme un connard. Je t’aime. Appelle-moi quand tu veux, se contenta-t-il d’écrire. Il ne reçut pas de réponse, ce qui le stressa encore plus, même s’il s’y attendait. Il se tourna vers Mark. On va boire un verre ?

Mark grimaça. Il n’avait qu’une envie, rentrer chez lui, prendre une douche et s’affaler, en survêtement, devant la télévision avec une pizza qu’il se ferait livrer. Ça ne me dit pas trop. Mais je peux te déposer quelque part si tu veux.

OK, dit Derek, manifestement désappointé.

Tu ne vas pas faire de conneries, n’est-ce pas ?

Qu’est-ce que tu veux dire ?

Tu ne sors pas pour te trouver une gonzesse ?

Non, non, bien sûr que non ! s’écria Derek, horrifié. Ça ne m’est même pas venu à l’esprit. C’est juste que je n’ai pas envie de rentrer chez moi tout de suite. En fait, je n’ai pas envie de rentrer sans Meredith, confessa-t-il. Je sais, je suis pathétique.

S’il n’y a que ça, tu peux dormir chez moi, proposa Mark.

Derek parut soulagé. Ouais, je veux bien. Merci. Mais j’ai quand même envie d’aller boire un verre, ajouta-t-il après quelques secondes.

Tu as l’intention de te saouler ? demanda Mark.

Peut-être. Un peu.

Mark renonça à son projet de soirée tranquille, parce qu’il ne voulait pas courir le risque de laisser Derek livré à lui-même. Qui sait ce qu’il pourrait faire une fois ivre, malgré toutes ses bonnes résolutions ? OK, alors, on va aller au Zeki’s. C’est sympa et c’est juste à côté. Il tourna à droite pour remonter vers la California Street.

Quelques minutes plus tard, les deux hommes pénétraient dans un établissement assez sombre pour garantir une certaine intimité et avec un nombre impressionnant de bouteilles d’alcool exposées derrière le comptoir, ce qui réjouit Derek. Tu as raison, c’est sympa ici, et il y a de quoi faire, dit-il en pointant son menton vers le bar.

C’est pas demain que tu dois voir ton père pour lui donner ta réponse ? demanda Mark sur un ton moqueur. Ce serait peut-être mieux que tu ne sois pas trop bourré, tu ne crois pas ?

Ça dépend de quel côté on se place, répliqua Derek en s’asseyant à une table au fond de l’établissement. Il vaudrait peut-être mieux au contraire que je sois tout à fait dans le cirage. Il fit signe à la serveuse de venir à leur table.

Mark le regarda avec compassion. Pourquoi tu t’infliges ça, Derek ?

Celui-ci fit une moue. Parce qu’il est très malade. Condamné même. Parce que je suis médecin et que j’ai la possibilité de le sauver. Parce que mes sœurs comptent sur moi. Parce que, malgré tout, ça reste mon père.

Ça t’a perturbé de le revoir, hein ? présuma Mark. Derek haussa les épaules sans toutefois nier. C’est pour ça que tu te comportes comme un con, avec tes grandes déclarations sur l’horreur du mariage et tout ça ? insista Mark, une fois qu’ils eurent passé leur commande.

Ça se pourrait. Quand je l’ai revu, tout m’est revenu en pleine gueule, admit Derek. Les engueulades, les coups, ma mère… Depuis, je n’arrête plus de penser à elle, à la façon dont elle est morte. Il frissonna.