Alors que Mark roulait pour sortir du parking de l’aéroport de San Francisco, Derek, qui occupait la place du passager à l’avant, se dit que tout allait vraiment de travers depuis la visite de sa sœur. Et ce week-end, qui devait être synonyme d’amusement et de moments tendres avec Meredith, n’avait été qu’une suite de catastrophes dont la pire avait été certainement la dispute avec la jeune fille. Après cela, il avait passé une nuit blanche durant laquelle il avait ressassé tout ce que Meredith lui avait dit. Cela l’avait amené à réfléchir une fois encore au mariage et à la paternité. Etait-il prêt pour ça ? Sans doute pas mais il avait le sentiment de ne pas avoir le choix. Meredith semblait être vraiment déterminée et il avait la certitude que s’il ne se pliait pas à sa volonté, il allait la perdre, ce qui lui faisait horriblement peur, au moins autant que le mariage et la paternité. Au réveil, l’attitude de sa petite amie ne l’avait pas rassuré. C’est à peine si elle lui avait adressé la parole pendant qu’ils faisaient leurs bagages. Elle n’avait pas été beaucoup plus loquace pendant le petit-déjeuner, auquel elle avait à peine touché, tout comme lui d’ailleurs. Le voyage du retour ne s’était pas mieux passé. Que ce soit dans l’avion qui les avait conduits à l’aéroport de Boston ou dans celui qui les avait ramenés à San Francisco, Meredith avait fermé les yeux, à peine installée, coupant ainsi court à toute possibilité de dialogue, et elle ne les avait rouverts qu’au moment où le train d’atterrissage avait heurté le tarmac alors que, Derek en aurait mis sa main à couper, elle n’avait pas dormi un seul instant. Maintenant qu’ils étaient en voiture, elle gardait les yeux fixés sur le paysage qui défilait, signifiant ainsi qu’elle ne désirait pas être dérangée, et lui, il ruminait ses sombres pensées. Le silence était tellement pesant que Mark se sentait obligé de le meubler en parlant tout seul, de tout et n’importe quoi la plupart du temps.

Ce n’est qu’une fois en ville que la jeune fille desserra les lèvres pour la première fois. Mark, tu peux me ramener chez ma tante, s’il te plait ? Mark lança un petit coup d’œil furtif en direction de son meilleur ami pour voir sa réaction.

Celle-ci fut instantanée. Derek se retourna d’un seul mouvement vers l’arrière du véhicule. Quoi ? Tu ne rentres pas avec moi ?

Non.

La panique s’empara de Derek. Tu me quittes, c’est ça ? demanda-t-il d’une voix mal assurée.

Agacée, Meredith leva les yeux au ciel. Oh pitié ! Arrête de faire ta drama queen ! Mark détourna rapidement la tête vers sa vitre pour que Derek ne voie pas qu’il avait envie de rire. Si j’avais décidé de te quitter, je te le dirais franchement, poursuivit Meredith.

Je ne fais pas ma drama queen, protesta Derek, le cœur un peu plus léger de savoir qu’elle n’était pas en train de rompre avec lui. Je m’étonne simplement que tu aies décidé subitement d’aller voir ta mère alors que c’était prévu que tu reviennes à la péniche avec moi.

Ah parce que je n’ai pas le droit de changer d’avis ? répliqua Meredith sur un ton amer. Et si je le fais, ça veut forcément dire que je veux rompre ? Intéressant !

Pressentant que la discussion allait prendre un tour plus personnel et animé, Mark actionna le clignotant vers la droite pour manifester son intention de se garer. Laissez-moi le temps de sortir de la voiture et vous pourrez continuer cette conversation en tête-à-tête, suggéra-t-il à ses amis.  

Non, ce ne sera pas la peine, dit sèchement Meredith. Je vais aller voir ma mère et si ton meilleur ami a envie d’y voir un sens caché, tant pis pour lui.

C’est à cause de ce que j’ai dit hier sur le mariage et tout ça ? insista Derek. Tu veux me punir ?

Enervée mais voulant à tout prix garder son calme pour ne pas donner à son petit ami la satisfaction de voir à quel point elle était blessée par ce qu’il venait de dire – Le punir ! Comme si j’étais encore une gamine ! Pour qui me prend-t-il ? – Meredith prit une profonde inspiration avant de répondre. Non, Derek, je ne veux pas te punir. Je veux simplement passer du temps avec ma mère. Alors, est-ce que tu veux bien ne pas en faire une affaire d’état ?

Je n’en fais pas une affaire d’état, se défendit Derek. Je m’étonne seulement que tu veuilles subitement aller chez ta mère alors qu’on avait prévu de rentrer ensemble à la péniche. Et avec notre conversation d’hier soir…

J’ai dit que je ne voulais plus en parler, rétorqua froidement Meredith. Elle ressentit un énorme soulagement en voyant que Mark tournait au coin de la California Street pour entrer dans la rue de sa tante, et elle mit sa main sur la poignée de sa portière tant elle était pressée de sortir de la voiture. Elle était à deux doigts d’éclater en sanglots et elle ne voulait pas le faire devant Derek ; elle ne l’avait que trop fait depuis deux jours.

Mais moi, je veux qu’on en parle, riposta-t-il tandis que Mark se garait devant la maison d’Ellis. Il fut stupéfait d’entendre la portière arrière s’ouvrir. Est-ce que tu pourrais arrêter de prendre la fuite quand on discute, nom de dieu ? vociféra-t-il.

Derek, murmura Mark pour l’appeler au calme.

On ne discute pas, aboya Meredith. Tu te fais des films débiles et je n’ai pas du tout envie de débattre là-dessus. J’ai dit tout ce que j’avais à dire et je ne vais pas me répéter indéfiniment. Maintenant, je veux juste rentrer chez moi pour voir ma mère. Elle sortit de la voiture.

Affolé par la sensation qu’elle lui échappait, Derek fit de même. Tu veux te marier ? Eh bien, on va se marier ? Demain, si tu veux ! Je m’en fous, moi ! cria-t-il en jetant les bras en l’air.

Meredith le regarda avec un air triste. Oui, tu t’en fous. C’est bien ça, le problème. Elle prit son bagage que Mark venait de déposer à ses pieds et après avoir embrassé ce dernier sur la joue pour lui dire au revoir, elle se dirigea vers la maison de sa tante.