• CHAPITRE 1128

    Pas à ma connaissance, répondit Derek sur un ton qui pouvait laisser penser qu’il regrettait de ne pas pouvoir lui répondre positivement.

    Tant pis. Ellis alla s’asseoir à côté d'Anne et s’absorba à nouveau dans la contemplation du bouquet de fleurs offert par Derek.

    En même temps, Shepherd est un nom très courant, fit remarquer Meredith, qui regardait sa tante avec méfiance. Qui savait ce qu’elle allait trouver pour plomber l’ambiance, cette fois ?

    Anne lui fit signe de ne pas insister. Dis-moi, comment ça va se passer pour le SAT ? lui demanda-t-elle. Tu comptes continuer à réviser par toi-même ou bien tu vas t’inscrire au cours de préparation ?

    Je vais sûrement suivre les cours, répondit Meredith tout en cherchant du regard ce qu'elle allait manger parmi les crackers bio qu'elle avait achetés chez Whole Foods lequel, entre parenthèses, avait étonné Anne par la diversité et la qualité de ses produits. Après avoir hésité entre un petit biscuit japonais à base de riz et un petit biscuit sec à l'huile d'olive et au romarin, Meredith en prit un de chaque.

    Ah bon ? s’exclama Derek au comble de l’étonnement. Tu veux aller au cours ? Il eut l’impression d’être mis devant le fait accompli et se sentit un peu mortifié que Meredith ne lui ait pas réservé la primeur de sa décision, à défaut de lui demander son avis. Je ne te conviens plus comme prof ? Même si la première leçon n’avait pas été, il en convenait, des plus enrichissantes d’un point de vue purement scolaire, il ne comprenait pas vraiment ce qui pouvait motiver sa petite amie à refuser son enseignement qui serait à coup sûr supérieur à celui qu’elle pourrait recevoir dans ces écoles de rattrapage.

    Non, t’es viré, répliqua-t-elle sur le ton de la blague. Le rictus de Derek lui indiqua qu’il ne goûtait pas vraiment la plaisanterie. Sérieusement, je sais que je ne pourrais pas avoir de meilleur professeur que toi mais on n’a déjà pas beaucoup de temps à passer ensemble, se justifia-t-elle. Je n’ai pas envie de gâcher ces moments-là avec de la physique ou de la chimie.

    C’est pas faux, dit Derek, plus ou moins convaincu par l’argument.

    Et puis, là-bas, au moins, il n’y aura rien pour me détourner de mes chères études, ajouta Meredith avec un petit sourire, en faisant référence à la façon dont s’était terminée leur première leçon. Derek comprit ce qu’elle voulait dire et sourit aussi. En plus, ça va me remettre dans un rythme scolaire, insista-t-elle. Après deux ans et demi de pause, ce ne sera pas du luxe.

    C’est certain que ça a ses avantages, concéda Derek. De toute façon, je serai toujours là si tu as besoin de cours particuliers. Meredith approuva d’un signe de tête tout en mettant un cracker dans sa bouche

    J’ai eu une amie qui travaillait à Berkeley, laissa tomber Ellis sur un ton détaché. A la bibliothèque des sciences. Elle s’appelait Maureen. Maureen Shand. Anne et Meredith échangèrent un regard intrigué en se demandant où elle voulait en venir. Son mari s’appelait Gary… Elle fronça les sourcils. Ou Garrett ? Ses yeux roulèrent en direction du plafond, de droite à gauche, comme si elle allait y trouver la réponse à son interrogation. Elle est morte maintenant. Après avoir poussé un long geignement plaintif, elle se tourna à nouveau vers Derek avec un regard incisif. Dans un accident de voiture.

    Je suis vraiment désolé, prétendit-il, tout en s’attendant à ce qu’elle l’accuse d’avoir provoqué l’accident en question.

    Ellis, je ne crois pas que cette histoire intéresse Derek, dit Anne de sa voix douce et apaisante. Il n'a pas connu ton amie.

    Cependant, sa belle-sœur ne sembla pas l’entendre. Les yeux maintenant rivés à ses mains qu’elle nouait et dénouait nerveusement, elle poursuivit son récit. Elle a eu une liaison avec un type qui enseignait la médecine à Berkeley. Un vrai salopard, à ce qu’il parait. Elle releva vivement la tête pour s’adresser à Derek. Il s’appelait Shepherd. Ça vous dit quelque chose ? 

    Meredith et sa mère s’apprêtaient à gronder l’indélicate lorsque Derek émit un petit rire. Il y avait une certaine ironie dans le fait que ce jour-là, cette brave dame à qui habituellement, la mémoire faisait si cruellement défaut, se souvienne aussi bien de faits le concernant de près ou de loin, faisant ainsi de lui une cible privilégiée en quelque sorte. Oh oui ! Il s’agit de mon père, très certainement, répondit-il.

    Son père, son père, marmonna Ellis en se tordant les mains. Me souviens de c’t’histoire ! Un salopard !

    Maintenant, tu vas laisser Derek tranquille, exigea Anne avec sévérité. Tu l’ennuies avec tes questions. Prends plutôt un petit biscuit, ajouta-t-elle en faisant glisser le plateau de biscuits apéritifs devant sa belle-sœur, dans l’espoir que manger la calmerait ou du moins la réduirait au silence.

    Sans se soucier de la présence de sa mère – qui de toute façon ne se formaliserait plus pour si peu, après les avoir vus s’embrasser à pleine bouche – Meredith se pelotonna contre Derek, en nouant ses bras autour de sa taille. Tu étais au courant pour ton père et cette Maureen ? demanda-t-elle à mi-voix.

    Il fit signe que non. Jamais entendu parler. Mais bon, je suis loin de tout savoir sur ses aventures. Des maitresses, il en a eu un paquet. Je n’ai pas perdu mon temps à les recenser, persifla-t-il. La jeune fille n’insista pas, comprenant que, bien qu’il assurât le contraire, le sujet était encore sensible.


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