• CHAPITRE 1014

    Pour vivre avec Abigail, présuma Meredith.

    Derek ricana légèrement. Mais non, jamais de la vie. Tu imagines le scandale ? Un prof qui décide de quitter sa famille pour vivre avec une de ses étudiantes qui en plus, se trouve être la copine de son fils. Ça aurait foutu sa carrière en l’air. Je suis sûr qu’il ne l’a même jamais envisagé. Avec le recul, je crois qu’il voulait simplement que ma mère lui fiche la paix. Il est sûrement parti avec l’intention de revenir le lendemain, ou quelques jours plus tard, histoire de lui donner une bonne leçon. Mais elle, elle a cru qu’il la quittait pour de bon et elle a paniqué. Ma sœur m'a raconté qu’elle l’avait supplié tout le temps qu’il faisait son bagage. Elle lui a présenté des excuses, elle lui a dit qu’elle accepterait tout, même Abigail, pourvu qu’il reste. Elle s’est même mise à genoux. Il souffla de dépit. Toutes ces années plus tard, cela lui faisait encore mal de penser à sa mère comme à une personne qui avait abdiqué toute fierté, au point de ramper aux pieds de l’homme qui n’avait fait que la bafouer durant toute leur vie commune. Le lendemain matin, quand je suis rentré… Il renversa la tête contre le dossier du canapé et fixa le plafond du regard. Ses cris emplissaient toute la maison. Je les entends encore. Les hurlements d’un animal blessé qui va mourir, murmura-t-il. Cela faisait des heures qu’il était parti et elle hurlait encore. Il se redressa et se plongea dans le regard de son amie. Quand elle m’a vu… Il déglutit péniblement. Je n’oublierai jamais la façon dont elle m’a regardé ce jour-là. Il y avait tellement de haine. Les accents douloureux de sa voix firent frémir Meredith. Cette fois, c’est elle qui lui étreignit la main. Elle m'a accusé d'être le responsable, elle m'a traité de tous les noms. Elle a hurlé que tout était ma faute. Elle répétait tout le temps la même chose, c’est ta faute, tu as introduit le loup dans la bergerie. Comme une litanie, tu vois ? Meredith acquiesça. Elle était vraiment hystérique. J’aurais peut-être dû laisser tomber, ne pas discuter mais je ne sais pas me taire, avoua Derek avec un sourire attristé. Je lui ai dit qu’il était temps de voir la vérité en face, que mon père était un immonde salaud et qu’il ne valait pas la peine qu’elle continue à gâcher sa vie pour lui, qu’il ne fallait pas demander qu'il revienne, que son départ, c’était sa chance, notre chance, qu'on devait la saisir. On allait enfin pouvoir être une famille normale, dit-il avec un calme dont il était le premier étonné. Il était en train d’évoquer le drame de sa vie et, pourtant, il arrivait à en parler comme si cela ne le concernait pas vraiment, comme s’il s’agissait de l’histoire d’une autre personne. Et pourtant, Dieu sait à quel point la colère grondait encore en lui lorsqu’il pensait à cette journée. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas d’une famille, et surtout pas de moi, qu’elle ne voulait que mon père, qu’il était son dieu.

    Excédée par ce qu’elle entendait, Meredith leva les yeux au ciel. La mère de Derek devait avoir un sacré problème pour sortir de telles imbécilités, parce que c’était bien d’être folle amoureuse mais, à ce point, cela relevait de la psychiatrie. Cette femme avait vécu entourée de médecins, et pas un n’avait jugé bon, à un moment ou à un autre, de la faire soigner ? Quel gâchis ! On a raison de dire qu’il n’y a pas plus mal chaussé que le cordonnier, pensa Meredith. Pourtant, elle garda ses impressions pour elle. Connaissant Derek, elle savait qu'il s’en voulait déjà suffisamment de n’avoir pas été capable d’empêcher le suicide de sa mère. Elle n’allait pas en rajouter en lui suggérant qu’il n’avait peut-être pas fait tout ce qu’il fallait. Cette femme aurait dû être internée mais ce n’était pas à son fils de prendre l’initiative. Quand bien même l’aurait-il proposé que personne n’en aurait probablement tenu compte !

    Totalement pris par ses souvenirs, Derek continua sur sa lancée sans se rendre compte que son amie commençait à être sérieusement agacée. Ça a dégénéré. Je l’ai accusée de n’avoir aucune fierté. Je lui ai dit que je ne comprenais pas comment elle pouvait encore aimer un homme qui avait volé la petite amie de son propre fils. Elle m’a répondu que c’était normal qu'Abigail ait préféré mon père, parce qu’il était tellement mieux que moi, que si j’avais été à la hauteur, elle ne m’aurait pas trompée, que je n’étais qu’un raté, enfin, ce genre d’amabilités. Il n’avait pas cru ce que sa mère lui avait dit ce jour-là. Il savait exactement qui il était et ce qu’il valait. Rien ne justifierait jamais ce que son père et Abigail lui avaient fait. Que sa mère ne l’admette pas avait été sans conteste, avec sa mort, un des aspects le plus douloureux dans toute cette histoire.

    Meredith passa la main sur la joue du chirurgien. Elle ne pensait pas ce qu’elle disait. Mets-toi à sa place. Elle avait reçu un choc, elle était perturbée, plaida-t-elle. Ça lui faisait mal au ventre de feindre de comprendre la mère de Derek et de prendre sa défense, alors qu’elle la jugeait indigne. Si elle jouait cette comédie, c’était uniquement pour lui. Elle devinait combien c'était dur pour lui de vivre avec l’idée que sa mère, qu’il semblait avoir adorée, l’avait toujours méprisé et détesté. Elle ne voulait pas que cela continue. Je suis sûre qu’au fond d’elle-même, elle savait que tu étais quelqu’un de bien et qu’elle t’aimait.

    Il soupira. Eh bien, moi, je ne crois pas. Elle me détestait et elle a tout fait pour que je n’en doute pas. Sa mort….

    Meredith lui coupa la parole. Non, Derek, arrête. Tu ne dois pas… Elle ne voulait plus qu’il aborde ce chapitre de son histoire. Bien sûr, elle était curieuse mais pas au point de remuer cruellement le couteau dans la plaie. De toute façon, elle l’aimait, envers et contre tout, et déjà, en venant chez lui, elle savait qu’elle lui donnerait une autre chance. Ce n’étaient pas quelques détails sur son passé qui y changeraient quoi que ce soit. Tu n’as pas besoin d’en dire plus. Je comprends. Je ne veux pas que…

    Il la fit taire en lui posant ses doigts sur les lèvres. Mais moi, je veux. Sa main abandonna la bouche de la jeune fille, descendit jusqu’à son cou pour le contourner et venir enserrer délicatement sa nuque. Ce que je suis devenu, c’est à cause de ce qui s’est passé ce jour-là. Et je crois… je crois qu’une partie de mes problèmes vient du fait que je n’en ai jamais parlé, confessa-t-il soudain. Je ne veux plus avoir de problèmes, Meredith, et certainement pas avec toi. Alors, même si ce n’est pas facile, je veux tout te dire maintenant.

    Si tu crois que ça peut te faire du bien, d’accord, mais ne le fais pas pour moi, le pria-t-elle. Que Derek veuille enfin se confier à elle lui importait plus maintenant que ce qu’il avait à lui dire. Au cas où, elle saurait se contenter de l’intention.


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Vendredi 6 Septembre 2019 à 23:01

    Je suis peut-être cruelle mais j'espère que Derek ne va pas écouter Meredith et qu'il va aller au bout de sa confession, parce que je veux savoir ! bad

    A part ça, je suis d'accord avec Meredith, la mère de Meredith n'était pas bien dans sa tête pour dire de telles horreurs à son fils. Elle aimait son mari, OK, elle était prête à tout accepter, pourquoi pas ? Mais rendre son fils responsable de tout, c'était dégeulasse.

    ça va être dur d'attendre lundi pour lire la suite cry

    2
    Nanouuu
    Samedi 7 Septembre 2019 à 00:19
    Moi j’aimerai bien savoir ce que sont devenues ses soeurs derek ne s’attarde pas trop sur le sujet pourtant il les evoquent plusieurs fois
      • Nadia
        Samedi 7 Septembre 2019 à 17:09

        Oui moi aussi, mais je pense qu'ils vont en parler à un moment ou à un autre, j'espère en tout k 

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