• CHAPITRE 1012

    Derek haussa les épaules. Disons plutôt que ça commençait à le devenir, mais pas au point de déjà faire les présentations officielles. Si mon père ne l'avait pas exigé, je ne l'aurais pas fait. C'était un peu rapide pour moi. Mais j’étais amoureux, oui. Je croyais que tout allait bien, on avait des projets. Qui de lui ou d’Abigail avait parlé en premier de s’associer pour ouvrir un cabinet, une fois leur diplôme obtenu ? Il ne s’en souvenait plus vraiment mais il savait qu’ils en parlaient souvent. Comment avait-il pu être aussi bête ? Je n’ai rien vu venir, reconnut-il

    C’est Mark qui a découvert la vérité ? demanda Meredith.

    Hmm hmm… Il l’a détestée dès le premier jour, lui apprit Derek. Et c’était réciproque. Ils ne se supportaient pas. Ils n’arrêtaient pas de se chamailler et moi, j’étais toujours entre les deux. Il me disait de me méfier mais… Il prit la main de Meredith et, après en avoir embrassé doucement la paume, plaça celle-ci contre sa joue. Il ferma les yeux tout en continuant de bécoter l’intérieur du poignet de la jeune fille, heureux qu’elle le laisse faire. Quand il était avec elle, il ne ressentait ni peur ni haine, mais seulement de la sérénité. On a raison de dire que l’amour rend aveugle, dit-il en rouvrant les yeux. Il la laissa retirer la main de son visage mais la lui reprit, à peine posée sur le fauteuil.

    Et Mark, comment il l’a su ? Meredith commençait à s’en vouloir vraiment d’obliger Derek à se remémorer ces mauvais souvenirs, mais son envie de savoir et de comprendre était la plus forte.

    Comme il allait arriver au moment le plus glauque de son récit, Derek se sentit devenir un peu plus nerveux et se dit qu’un petit verre ne lui ferait pas de mal. Il se leva et repartit une fois encore à la cuisine. Un de nos copains lui a dit qu’il avait surpris une conversation entre deux filles, dont l’une était la colocataire d’Abigail. Elle la soupçonnait de coucher avec mon père. Il retira de son sachet la bouteille avec laquelle il était revenu et la montra à Meredith. Elle secoua la tête avec une grimace. Après ses excès de la veille, elle n’était pas prête à boire à nouveau de l’alcool. Il revint près d’elle avec la bouteille et un verre. Au début, Mark n’y a pas cru. Il n’aimait pas Abigail et il savait ce dont mon père était capable, mais ça… c’était vraiment difficile à avaler. Il remplit son verre à moitié. Mais le copain était digne de confiance et il avait l’air sûr de lui, alors Mark a mené son enquête. Il avala le bourbon cul-sec. Et quelques jours plus tard, il m’a annoncé que ça faisait un bon moment que mon père baisait ma copine et que pas mal de monde sur le campus était déjà au courant. Il se resservit un autre verre.

    Tu l’as cru immédiatement ? Meredith essayait de se mettre à sa place et elle se disait que, si quelqu’un, fût-ce son meilleur ami, lui avait fait une telle révélation, elle aurait eu au moins un moment de doute.

    Derek but le deuxième verre aussi vite que le premier. C’était Mark, et il était question de mon père. J’ai tout de suite su que c’était la vérité. Il se penchait en avant pour reprendre la bouteille lorsque Meredith lui posa la main sur le bras. Il se retourna et vit la petite lueur de reproche qui dansait dans ses yeux. Il s’excusa avec un sourire et renonça au bourbon. Il avait espionné Abigail et il avait remarqué qu’elle se rendait au bureau de mon père, tous les jours, à la même heure. Donc, je me suis invité. Ses jambes se mirent soudain à fourmiller. Il se mit debout et alla coller son nez à la fenêtre, pour suivre les lumières des quelques embarcations qui rentraient au port de plaisance. Je suis entré et… Il soupira. Elle avait le sexe de mon père en bouche. J’ai été tellement… – il ne trouva pas de mot pour qualifier son état d’esprit à ce moment – je n’ai rien dit, je n’ai pas bougé. Ses souvenirs étaient tellement précis qu’il avait l’impression, alors que douze années s'étaient écoulées, de vivre la scène comme si elle était en train de se dérouler sous ses yeux. La porte qui s’ouvre avec un léger grincement, Abigail à genoux en train d’avaler goulument la verge de son professeur lequel, alerté par le bruit, se tourne vers la porte avec un regard où brille une lueur de panique, aussitôt remplacée par un intense soulagement lorsqu’il reconnait son fils, sa main sur la tête d’Abigail pour la maintenir en place pendant qu’il jouit dans sa bouche avec ce râle de plaisir que Derek pouvait encore entendre. Ne désirant pas s’étendre sur le sujet, il passa directement à l’épilogue. Mon père a tourné la tête vers moi et il a joui. Epouvantée, Meredith porta la main à sa bouche. Comme si le fait que je sois là avait déclenché son orgasme, supposa Derek dont la voix était devenue plus grave. Il se tourna vers la jeune fille. Et tu sais ce que j’ai pensé en cet instant précis ? lui demanda-t-il avec un petit rire cynique. Elle secoua la tête, incapable de prononcer un mot. Qu’elle faisait avec lui ce qu’elle n’avait jamais fait avec moi. C’est ridicule, non ? Penser à ça dans un tel moment. Comme si c’était ça qui était important.

    Meredith se tut, ne sachant que lui répondre. Elle avait beaucoup de mal à imaginer ce qu’on pouvait ressentir en de telles circonstances, à part un immense dégout et un sentiment d’horreur. Que Derek ait alors eu des pensées hors de propos ne l’étonnait pas. Qui n’aurait pas été chamboulé en découvrant une telle trahison ? Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?

    Mon père, ça a été un truc du genre, désolé que tu l’aies appris comme ça. Elle ? Rien. Logique, elle avait encore la bouche pleine, railla Derek avec une intonation caustique. Je suis sorti et, à peine dehors, j’ai vomi.

    Meredith se leva d’un bond et courut le prendre dans ses bras. C’est horrible. Je n’imaginais pas à quel point… Il l’enlaça et, les yeux fermés, nicha son visage dans son cou en humant le parfum de sa peau. Elle lui passa tendrement les doigts dans les cheveux, retrouvant avec plaisir des sensations du passé. Je suis désolée de t’avoir obligé à revivre tout ça, lui murmura-t-elle à l’oreille. Je comprends un peu mieux maintenant pourquoi tu avais tellement peur de retomber amoureux. Mais je te jure, Derek, que jamais, jamais, je ne ferais…

    Il se redressa et lui prit le visage entre ses mains. Je sais. Je sais, mon amour. J’ai toujours su que tu n’étais pas comme elle. Il rêvait de l’embrasser mais se retint. Il savait que s’il se laissait aller à son désir, il n’aurait plus ni l’envie ni la force d’aller au bout de sa confession.


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mercredi 4 Septembre 2019 à 21:27

    Effectivement, assister à ce genre de scène, ça doit être traumatisant. Cette Abigael n'était pas quelqu'un de bien mais que dire du père de Derek ???? Qui peut faire ce genre de chose à son enfant et en plus, réagir comme il l'a fait quand on se fait prendre la main dans le sac ? 

    Cela dit, je reste convaincue que ce n'est pas seulement pour ça que Derek a agi comme il l'a fait pendant une 10aine d'années. Tout réside dans la mort de la mère, j'en suis certaine et j'ai hâte de savoir ce qui s'est vraiment passé

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