• CHAPITRE 1010

    Ça a été un choc très certainement, mais pas un drame, s’entêta Meredith. Ta naissance a contrarié ses projets mais un bébé, surtout aussi mignon que toi, n’est jamais un malheur ! Et je suis sûre que pour tes parents aussi, ça a été un moment très heureux. Elle n’avait aucune certitude, bien sûr – ces gens étaient tellement bizarres, si différents de tout ce qu’elle avait connu – mais elle trouvait insupportable que Derek puisse penser que, jamais, il n’avait été désiré et aimé. L’idée qu’il avait grandi avec cette vision des choses la faisait frémir.

    Ah pour mon père, c’est certain, persifla Derek. Avec moi, il a remporté le jackpot. Je lui ai ouvert toutes les portes, à commencer par celles de l’église. Ils se sont mariés à la va-vite. Ma mère a encore vaguement suivi les cours à la fac jusqu’à son accouchement. Quand je suis né, il l’a convaincue de mettre ses études entre parenthèses parce que, bien sûr, un bébé a besoin de sa maman.

    Et pourquoi elle ne les a pas reprises après ?

    Il laissa échapper un ricanement nerveux. Parce qu’il lui a bourré le crâne avec ses boniments sur la famille idéale, les enfants qui se suivent de près pour créer des liens étroits entre eux et la maman dévouée et aimante qui se consacre à leur éducation, tandis que papa travaille pour le bien-être de tous. Sa bouche se déforma en un rictus de dégoût. Il pouvait se montrer tellement persuasif. Elle l'a écouté. Elle a eu ma première sœur, et puis la deuxième. C’était fini, elle était foutue.

    Et ton grand-père, il a réagi comment ? se renseigna Meredith.

    Ce mariage, ce que sa fille était devenue, tout ce qu’elle acceptait… Derek secoua la tête avec un air affligé. Bien sûr, il savait que mon père la trompait. Tout le monde le savait d’ailleurs. Ça l’a dévasté. Il est mort d’une crise cardiaque un peu avant la naissance de ma première sœur. J’avais environ trois ans. Émue, Meredith se serra contre lui, en nouant ses mains autour de son bras. Il posa les lèvres sur les cheveux de la jeune fille, au sommet de son crâne. Je ne me souviens pas du tout de lui. C’est dommage. Il paraît que c’était quelqu’un d’exceptionnel. Et lui, il n’aurait pas permis que mon père nous traite comme il l’a fait. 

    Meredith se redressa pour prendre le verre d’eau et but le reste de son contenu. Ton père… Momsy m’a dit que c’était terrible entre vous. Les disputes…

    Hmm… Les lèvres de Derek s’étirèrent en un sourire insolent. Je lui ai donné du fil à retordre, c’est vrai. Mais pas encore assez. Si c’était à refaire, je le ferais crever, ce salaud, gronda-t-il, à nouveau sérieux.

    A cause de ce qui s’est passé avec Abigail ? demanda Meredith. Elle mourait d’envie que ce chapitre de l’histoire, qui était de loin celui qui l’intéressait le plus, soit enfin abordé.

    Ouais, répondit Derek sans trop de conviction. Ça et tout le reste.

    Oui mais Abigail ? insista Meredith, n’arrivant plus à brider son impatience.

    Derek eut un petit rire moqueur. Ça te tracasse, cette histoire, hein !

    Meredith haussa les épaules mais ne le contredit pas. Il haussa les sourcils, avec un air un peu supérieur. Oh ça va, ronchonna-t-elle. Bien sûr que ça me tracasse !

    Il s’esclaffa. Petite sotte ! Il passa son bras autour du cou de la jeune fille et l’attira à lui. Je t’assure qu’il n’y a pas de quoi. Tu es bien plus importante pour moi qu’elle ne l’a jamais été. Cette fois, il s’enhardit à essayer de lui voler un baiser.

    Elle se déroba en tournant la tête. Ne va pas trop vite en besogne, toi. Elle lui lança une œillade coquine. Je n’ai pas encore décidé de ton sort.

    Son attitude, ses paroles apportèrent à Derek la quasi-certitude qu’il avait remporté, si pas la guerre, du moins une victoire très importante. Il s’en sentit tout ragaillardi. Alors, Abigail ! commença-t-il de façon détachée, un peu trop pour être totalement sincère. Quoi qu’il en dise, le sujet restait délicat et douloureux. Eh bien, on s’est rencontré à la fac…

    Les lèvres pincées, Meredith lui coupa directement la parole sur un ton un peu acide. Un vrai canon, bien sûr.

    Il nota avec plaisir qu’elle était jalouse mais ne le lui fit pas remarquer. Un canon, non, mais elle était plutôt jolie, c'est vrai. Il se leva et rejoignit la cuisine pour préparer du café.

    Fébrile, Meredith poursuivit son interrogatoire. Et elle, tu as une photo ?

    Derek secoua la tête. Non. Tu sais, je ne suis pas vraiment le genre de gars qui prend des photos de ses copines. Je l’ai regretté d’ailleurs. Quand on était séparé, j’aurais aimé en avoir de toi. Ça me manquait tellement de ne plus te voir. Touchée, Meredith lui adressa un tendre sourire et il dut résister à l’envie de courir vers elle pour la renverser sur le divan et lui faire l’amour. Et concernant Abigail, reprit-il, elle était sur quelques photos de groupe qu’on avait fait avec notre bande de copains mais j’ai tout jeté. Elle n’a rien fait qui, au bout du compte, m’ait donné envie de garder des souvenirs. Il rit doucement en voyant la mine déconfite de son amie. Bébé, tu verrais ta tête !

    Meredith comprit qu’il se moquait un peu d’elle. Quoi ? riposta-t-elle. J’ai envie de savoir à quoi elle ressemble. C’est normal, non ?

    Il ne la contredit pas. A quoi elle ressemble… Pas très grande, à peu près comme toi, un peu plus ronde, presque pas de poitrine, ce qui est un bon point pour toi. Meredith le fusilla du regard.


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mardi 3 Septembre 2019 à 21:24

    J'aime comme Meredith arrive à trouver les mots pour réconforter Derek à propos de l'attitude de ses parents. 

    Maintenant on va enfin savoir ce qui s'est passé  avec Abigael ! money

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