• Le lendemain, à l’aube, Derek avait mis le cap sur les montagnes. Il avait besoin d’être seul pour réfléchir à ce qu’il voulait vraiment. Après avoir mis le week-end à profit pour pêcher et faire le point, il était revenu à Seattle avec la conviction qu’il devait absolument persuader Meredith de revenir sur sa décision. Il arriva à Seattle Grace avec la ferme intention de lui parler.

    Malheureusement, à peine la porte de l’ascenseur s’ouvrit-elle qu’il tomba sur Richard Webber. Ah Derek ! Je suis content de vous voir. Vous au moins, vous ne me faites pas faux bond.

    Que voulez-vous dire ? l’interrogea Derek en pénétrant dans la cabine.

    Cet hôpital part à vau l’eau, déplora Webber en bougonnant. De nos jours, les chirurgiens n’ont plus aucune conscience professionnelle. Ils se laissent déborder par leur vie privée et abandonnent leurs patients devant la table d’opération. Nous avons tous nos problèmes, s’emporta-t-il soudain. Vous… moi … nous en avons eu plus que notre part mais, malgré tout, nous sommes fidèles au poste.

    Mettez-vous à la place de Burke aussi. La perspective de rencontrer Cristina tous les jours et, en plus d’affronter les regards et les questions de ses collègues, lui a semblé intolérable, plaida Derek.

    Richard fronça les sourcils. Alors vous êtes déjà au courant !

    Oui, reconnut Derek. Un peu après avoir quitté la chapelle, Burke m’a prévenu qu’il ne reviendrait pas.

    Richard s’indigna. C’est vraiment aimable à vous de m’avoir tenu au courant !

    Derek ne cacha pas qu’il était embarrassé. Chef… je suis désolé mais ce n’était pas à moi de le faire. Preston m’avait assuré qu’il allait prendre contact avec vous. Je n’avais pas à intervenir.

    Le raisonnement ne convainquit pas le chef qui foudroya son chirurgien du regard. Vous ne m’enlèverez pas de la tête qu’il n’est pas souhaitable que les membres du personnel aient entre eux des relations autres que professionnelles ou amicales. On voit où ça nous mène.

    Effectivement vous savez de quoi vous parlez, Richard, répondit calmement Derek avec un petite sourire ironique.

    Comme vous dites, répliqua Richard à qui le ton légèrement moqueur de Derek avait échappé. Mais vous, les jeunes, vous ne jugez jamais bon d’écouter vos aînés. Vous pensez tout connaître de la vie…

    Malheureusement, on ne peut pas toujours commander ses sentiments, murmura Derek, l’air soudain pensif.

    Richard haussa les épaules. Nous ne sommes plus des adolescents, Derek… Néanmoins… deux chirurgiens qui désertent leur poste, ça me pose un sacré problème.

    Derek eut un léger sursaut. Deux, dites-vous ? Yang aussi ?

    Qui vous parle de Yang ? éructa Webber. Je vous parle d’Addison.

    Les yeux de Derek se plissèrent. Addison ? Que se passe-t-il ?

    Richard le toisa d’un regard suspicieux avant de se détendre un peu. Alors vous ne savez pas ? Je pensais pourtant qu’elle vous aurait mis dans la confidence.

    Richard, je ne sais rien, je vous l’assure.

    Hier soir, Addison m’a appelé pour me prévenir que sa lettre de démission serait sur mon bureau ce matin. Elle avait raison, un coursier vient de me l’apporter. Richard brandit une enveloppe.

    La stupéfaction frappa Derek. Addison ?… Addison est partie ? Mais enfin pourquoi ? Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et il fit signe à son supérieur de sortir le premier.

    A votre avis ? Des raisons essentiellement féminines, mon cher, persifla Richard en avançant dans le couloir d’un pas lourd. Une certaine difficulté à trouver une motivation pour se lever le matin, le fait qu’elle doive slalomer entre ses différents ex-mari et ex-amant, enfin un galimatias de stupidités que j’ai à peine écoutées, je ne vous le cache pas. Quelles que soient ses raisons, elles me plongent dans l’embarras.

    Elle est rentrée à New-York ? s’enquit Derek, intrigué.

    Non, elle est partie pour Los Angeles. Il semblerait que, lors de son récent séjour, elle ait reçu une offre plus qu’alléchante qu’elle avait d’abord refusée mais que les derniers évènements l’ont finalement incitée à accepter. Il se tourna vers Derek avec un nouveau un air méfiant ? Vous voyez ce dont il s’agit ?

    Derek fit une moue. Non, pas vraiment. Vous savez, Addison et moi, nous n’en étions plus vraiment à l’ère de la communication.

    Et Sloan, il ne vous avait rien dit ? demanda Richard en saluant quelques infirmières.

    A ma connaissance, il n’est pas plus au courant que moi… Qu’allez-vous faire ?

    Excédé par cette question qu’il trouvait plus que stupide, Richard jeta les yeux au ciel. Faire passer des entretiens d’embauche… que voulez-vous que je fasse d’autre ? Je ne peux pas me passer d’un cardiologue et d’un gynécologue. Je sais déjà que j’aurai du mal à en retrouver de la même valeur. Avec vous, au moins, je suis tranquille, grogna-t-il. Vous n’aurez pas la tentation d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Ici, vous avez Meredith.

    Derek sourit tristement. Oui, vous avez raison, ici, il y a Meredith… A propos vous savez où je peux la trouver ?


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  • Le matin, les consultations et les opérations se succédèrent les unes aux autres. Pris dans le feu de l’action, Derek n’eut pas le temps de chercher Meredith. La matinée s’était presque écoulée lorsqu’il eut enfin cinq minutes de répit. Il parcourut les couloirs et les salles, en vain. Pourtant elle était dans les murs de Seattle Grace, Richard le lui avait dit. Il allait recommencer son tour quand il se fit harponner par Mark. Alors mon vieux, ça va mieux ? Tu as arrangé les choses avec ta bien-aimée ?

    Encore faudrait-il que je la trouve ! grommela Derek. Tu ne l’aurais pas vue par hasard ?

    Non. Il faut dire que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de me promener ce matin. Mark prit un air détaché. Dis-moi, en cherchant Meredith, tu ne serais pas tombé sur Addison ?

    Derek regarda son ami d’un air embarrassé. Ah ! Donc… tu n’es pas encore au courant ?

    Au courant de quoi ? Mark s’arrêta devant la machine à café pour s’acheter une boisson. 

    Derek poussa un long soupir. Pourquoi était-ce à lui de devoir annoncer la nouvelle à son ami ? Mark… je ne sais pas comment te le dire… Addison est partie, lâcha-t-il enfin. Puisqu’il n’y avait pas de bonne façon de dire ce genre de choses, autant y aller franco.

    Mark fronça les sourcils. Comment ça, partie ?

    Elle a quitté Seattle ce week-end. Derek fit un signe de dénégation pour refuser le gobelet de café que son camarade lui tendait.

    Encore ! s’exclama Mark. Elle n’en finit plus de prendre des congés, ma parole. Tu sais quand elle revient ?

    Euh… Embêté, Derek grimaça tout en se grattant le cuir chevelu, juste au-dessus de son oreille. En l’occurrence… il ne s’agit pas de congés. Elle ne reviendra pas.

    Mark remua doucement son café à l’aide d’un petit bâton de plastique. Comment ça, elle ne reviendra pas ? demanda-t-il d’un ton qui démontrait qu’il n’avait pas réellement compris la portée des mots que venait de prononcer Derek.

    Celui-ci regarda son ami avec commisération. Non. Elle est partie définitivement… pour Los Angeles.

    Mark devint blême. Elle est partie pour Los Angeles ? bafouilla-t-il. Pour toujours, tu veux dire ? Derek acquiesça. Mais… et son job ici ?

    Derek haussa légèrement une épaule. Elle a donné sa démission à Richard. Je crois qu’elle a accepté le poste de gynéco que lui avaient offert Sam et Naomi.

    Mais… mais elle a donné une explication ? balbutia Mark qui n’en revenait pas.

    D’après ce que je sais… envie de changer d’air… Je suis désolé, mon vieux.

    Tu le savais ? Elle t’en avait parlé ? questionna nerveusement Mark.

    Derek secoua la tête de gauche à droite. Non. C’est Richard qui me l’a appris ce matin.

    Livide, Mark chercha à sauver les apparences. Bien. C’est mieux comme ça, j’imagine.

    Mark… ne fais pas comme si ça t’était égal. Soudain, Derek aperçut Meredith qui marchait dans le couloir, un dossier à la main. Il se tourna vers son ami. Ecoute, là, je n’ai pas le temps, je dois y aller… On se voit plus tard. OK ? Mark lui fit signe d’y aller. Derek héla la jeune femme. Meredith… Meredith… Comme elle l’ignorait, il la saisit par le bras et l’entraîna dans la cage d’escalier. Meredith… s’il te plaît… juste une seconde. Enfin, elle daigna relever la tête. Je t’ai appelée plusieurs fois, lui rappela-t-il d’une voix lourde de reproches.

    Il était là, à la regarder avec ses beaux yeux bleus et son petit sourire à la fois tendre et douloureux. Mon dieu qu’il était beau ! Tellement beau que Meredith avait du mal à le regarder en face. Elle baissa à nouveau la tête. J’avais pas mal de choses à régler, prétendit-elle d’une voix mal assurée. J’avais demandé à Izzie de prévenir que je ne serais là pour personne.

    Derek eut un léger mouvement de recul. C’est ce que je suis pour toi, Meredith ? Personne ? Elle ne lui répondit pas. Il lui parla doucement pour ne pas l’effaroucher. Où étais-tu ? Je t’ai cherchée partout. Je t’ai laissé un message sur ton portable. Tu aurais pu répondre au moins.

    J’étais avec Cristina… chez Burke.

    Le seul endroit auquel je n’ai pas pensé, soupira Derek. Comment va-t-elle ?

    Ça va… elle encaisse assez bien… Elle va venir habiter à la maison, laissa tomber Meredith de façon presque inaudible.

    Derek fut totalement désarçonné par cette annonce. Oh ! Je vois…

    Meredith ne supporta pas de le voir se décomposer, pas plus que d’entendre le désespoir qui était contenu dans son intonation. C’était trop dur. Il fallait y mettre fin. Elle recula d’un pas. D’ailleurs, à ce propos, si tu pouvais venir chercher tes affaires assez rapidement, ça m’arrangerait.

    Derek eut soudain l’impression de se trouver devant une totale inconnue. Meredith… Tu ne crois pas que nous devrions en discuter ?

    Meredith prit l’air buté que son amant ne connaissait que trop bien. Je ne veux pas en discuter ici, Derek. Je n’ai pas le temps… du travail qui m’attend.

    Alors quand ?

    Jamais, répondit-elle sèchement. Ça ne sert plus à rien. Ma décision est prise. Je ne changerai pas d’avis. Parce qu’il tendait la main vers elle, sans doute pour la retenir, elle lui tourna le dos et partit en courant.  


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  • Le soir même, Derek frappa à la porte de Meredith. Il fut atterré de la voir qui lui tendait directement une caisse en carton dans laquelle elle avait rangé ses affaires. Meredith… laisse-moi au moins entrer, la supplia-t-il.

    Le visage fermé, elle lui mit d’autorité la caisse dans les bras. Je suis certaine de n’avoir rien oublié mais si c’est le cas, tu n’auras qu’à me le dire, dit-elle d’un ton sec et froid.

    Nom de Dieu ! tonna Derek, soudain hors de lui. Je n’en ai rien à foutre que tu aies oublié de mettre quelque chose dans cette foutue caisse. Il déposa cette dernière par terre. Je veux qu’on discute.

    Pour nous faire du mal ? Meredith secoua la tête. Les mots font souvent bien plus de dégâts que les actes.

    Il me semble que je mérite mieux que… ça ! Derek pointa le doigt vers la caisse qui était à ses pieds. Tu crois qu’il te suffit de dire que c’est fini pour que je m’en aille ? Que tu vas t’en sortir sans explication ? Je pense qu’après ce que nous avons vécu, je mérite au moins une rupture digne de ce nom, fulmina-t-il. Si tu ne veux plus de moi dans ta vie, il va falloir que tu me dises pourquoi !

    Tu m’as demandé de te libérer. C’est ce que j’ai fait, se justifia Meredith en évitant de le regarder en face, de peur de flancher encore une fois. L’éclat des yeux de Derek était redoutablement dangereux quand il était en colère.

    Seulement si tu ne voyais pas d’avenir pour nous, lui rappela-t-il. C’est le cas ?

    Je ne vois pas d’avenir pour moi, ni avec toi ni avec quelqu’un autre, avoua Meredith d’un ton las.

    Enervé, Derek leva les yeux au ciel. Je n’ai jamais rien entendu de plus stupide. J’ai eu du temps pour repenser à nous. J’ai eu beau retourner ça dans tous les sens, je n’y comprends rien.

    Il n’y a rien à comprendre. C’est comme ça, c’est tout. Meredith se sentait à bout de forces. Pourquoi Derek ne pouvait-il pas simplement accepter la décision qu’elle avait prise et qui, elle en était persuadée, était la meilleure pour eux, même si elle était douloureuse ?

    Quand je t’ai dit que je t’aimais, tu as souri. Tu étais heureuse que je te le dise, insista Derek. Mais je ne sais pas pourquoi, tu t’es enfuie. Et quelques heures après, tu me plantes là, sans raison. Qu’est-ce qui s’est passé, Meredith ?

    L’amour n’est pas fait pour moi, tout simplement, déclara Meredith avec tristesse.

    Oh bon sang ! Quand cesseras-tu de t’apitoyer sur toi-même et de te complaire dans le malheur ? s’écria Derek au comble de l’exaspération.

    La remarque vexa Meredith. Si tu penses que c’est ce que je fais, alors remercie-moi de te quitter. D’ailleurs, il vaudrait mieux que tu partes maintenant.

    Indigné par autant d’indifférence, Derek s’emporta. Pourquoi ? Je te dérange ? Je dois débarrasser le plancher pour tes amis ? Il se mit à parler de plus en plus fort. C’est ça que tu veux ? Vivre avec Cristina, Alex, Izzie… Tu penses que vous allez rester ensemble éternellement, comme une bande d’adolescents ? Mais tes amis partiront un jour, Meredith, et ce jour-là, tu te retrouveras toute seule.

    Tu vois, je te l’avais dit, nous allons finir par dire des choses blessantes. Va-t-en. Ça vaut mieux pour tous les deux. Meredith sentit les larmes lui monter aux yeux et voulut refermer la porte mais Derek mit son pied pour empêcher celle-ci de se claquer. Comprenant qu’il n’abandonnerait pas, elle le laissa là et fit demi-tour pour s’enfuir à l’intérieur de la maison. Il la suivit et la rattrapa alors qu’elle était déjà au milieu de l’escalier qui menait à l’étage. Il l’attrapa par la cheville pour l’arrêter, ce qui la déséquilibra. En glissant sur les marches, elle l’entraîna dans sa chute. Il se retrouva allongé sur elle et, craignant qu’elle ne veuille fuir à nouveau, la saisit par les poignets. Lâche-moi, cria-t-elle en se débattant pour se dégager. Il resserra un peu plus encore son étreinte et plongea son regard dans celui de la jeune femme. Fou d’amour et de désir, il prit le visage de celle-ci dans ses mains et se jeta sur sa bouche pour l’embrasser sauvagement. Quand elle répondit avec ardeur à son baiser, il crut que son cœur allait exploser et plus encore quand il sentit qu’elle insinuait sa main entre eux pour ouvrir sa braguette. Il se souleva légèrement pour lui faciliter la tâche, profitant en même temps de l’occasion pour abaisser à mi-genoux le pantalon et le string de sa partenaire. Après avoir sorti son sexe en érection, il le guida vers elle qu’il pénétra d’un coup sec, sans ménagement. Elle s’accrocha à lui et mordit sa lèvre pour ne pas crier. Sous ses gémissements, il la fouilla à grands coups de butoir, ce qui leur fit dévaler une ou deux marches d’escalier à chaque mouvement. La colère jusque là contenue se confondit avec leur désir. Ils étaient partagés entre l’envie de se faire du mal et celle de se prouver leur amour. La jouissance les atteignit rapidement au milieu de leurs cris et geignements. Ils restèrent ainsi quelques instants, à bout de souffle.

    Meredith… mon amour, murmura Derek.

    Contre toute attente, Meredith le repoussa durement. Va-t-en. Tu as eu ce que tu voulais. Va-t-en maintenant.

    Derek ne fut pas certain d’avoir bien compris ce qu’elle disait. J’ai eu ce que je voulais ? Qu’est-ce tu veux dire ? Il se releva pour rajuster ses vêtements tout en la regardant avec incrédulité.

    Meredith se leva à son tour et remonta son pantalon. Tu n’as plus rien à faire ici, cria-t-elle cette fois en le poussant vers la sortie. Va-t-en, je t’en prie.

    Tu ne peux pas me jeter à la porte comme un vulgaire domestique, protesta Derek sans toutefois résister à la pression qu’elle exerçait sur lui pour le faire avancer. Pas après ce qui vient de se passer.

    Ça n’arrivera plus jamais, lui promit Meredith en lui lançant un regard dur comme de la pierre. Elle rouvrit la porte. C’est une regrettable erreur que je vais m’empresser d’oublier. Tu devrais en faire autant. D’une dernière poussée, elle le jeta dehors et lui referma la porte au nez.


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  • Une fois la porte fermée, Meredith ne put retenir ses larmes plus longtemps. Elle se maudit d’avoir accepté, non, provoqué la partie de jambes en l’air dans l’escalier. Comment, après ça, faire croire à Derek qu’elle n’éprouvait plus rien pour lui ? Voilà trois jours qu’elle essayait de prendre ses distances et il avait suffit d’un baiser pour que tous ses efforts soient réduits à néant. Elle grimpa l’escalier quatre à quatre et s’enferma dans la salle de bains. Elle se déshabilla en toute hâte, fit couler l’eau et se précipita sous la douche. Elle se sentait sale après ce qui venait de se passer. Incapable de maîtriser ses pulsions, elle avait sauté sur Derek comme un animal en rut et après, elle lui avait fait du mal pour qu’il s’en aille. Puisqu’elle était incapable de lui résister, elle devait prendre les mesures qui s’imposaient, éviter tout contact avec lui en dehors du cadre strictement professionnel, et même dans ce cas, rester à une distance respectable, ne pas l’approcher à moins d’un mètre… non, disons même deux. Il avait trop d’emprise sur elle et ça ne semblait pas près de s’arranger.

    Pourtant, à leur première rencontre, elle ne s’était pas méfiée. Il l’avait accostée au comptoir, chez Joe. Il était beau gosse. Il avait joué de son regard et de son sourire, à tel point qu’elle avait imaginé qu’il était un dragueur professionnel. Il avait de l’esprit, il l’avait fait rire. Surtout il l’avait fait boire. Non, là encore, elle était injuste, il avait bu autant qu’elle. Et de toute façon, elle n’avait jamais eu besoin de personne pour se saouler. Les nuits passées dans les bars qui s’achevaient à l’aube, aux côtés d’un inconnu, avec la gueule de bois, elle ne connaissait que trop bien. Et Derek n’avait pas fait exception à la règle ! Elle s’était réveillée sur le canapé et l’avait trouvé en train de dormir, nu, à ses pieds, à même le sol. Elle s’était vaguement souvenue de la rencontre de la veille et n’avait eu aucun mal à imaginer comment la soirée s’était terminée. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire : se débarrasser de ce bel inconnu au plus vite. Elle avait rougi quand il lui avait tendu le soutien-gorge qui traînait par terre, et aussi quand il lui avait proposé de reprendre leurs ébats là où ils en étaient restés. Après avoir échangé quelques paroles désolantes de banalité, elle l’avait laissé, certaine de ne plus jamais le revoir. Aussi avait-elle été plus que surprise quand, lors de sa première journée d’internat au Seattle Grace, elle l’avait aperçu parmi les membres du corps médical. Cerise sur le gâteau, il était un de ses professeurs. Elle avait eu l’impression qu’elle se vidait de son sang et elle avait voulu fuir pour reprendre ses esprits et mettre au point un plan d’action. Mais on n’échappait pas à Derek Shepherd, elle l’avait appris à ses dépens. Il l’avait poursuivie et elle s’était retrouvée avec lui dans la cage d’escalier, tentant de le persuader qu’il n’y aurait désormais plus d’autres contacts entre eux que ceux strictement exigés par l’exercice de leur métier. A partir de là, il ne l’avait plus lâchée. Quoiqu’il en dise, il avait été le chasseur, elle avait été la proie. Après avoir faiblement résisté, elle était tombée dans ses filets et n’en était plus ressortie.

    C’est qu’il savait y faire, le séduisant Dr Shepherd. Des yeux bleus qui exprimaient toute la palette des émotions, un sourire à faire se damner la Vierge Marie, un corps musclé juste ce qu’il faut, des cheveux épais dans lesquels il faisait bon passer la main… Il n’y avait rien à jeter chez cet homme-là. Ajoutez à tout cela de l’humour, de la sensibilité, une incroyable humanité, un sens profond du devoir, une intégrité absolue et tous les ingrédients étaient réunis pour donner l’homme parfait selon Meredith Grey.

    Il y avait encore un élément qui était loin d’être négligeable pour expliquer le pouvoir que Derek exerçait sur elle ; il l’avait révélée en tant que femme. Certes, quand elle l’avait rencontré, elle n’était plus vierge, loin s’en faut. Très jeune déjà, elle avait eu des relations sexuelles avec ses petits amis du collège d’abord, de l’université ensuite. Son voyage en Europe aussi lui avait permis d’explorer d’autres lits. Si elle n’avait jamais été dégoûtée par l’amour physique, elle n’y était pas non plus accro. La multiplication de ses amants ne s’expliquait pas par un appétit sexuel hors normes, mais plutôt par le besoin de susciter chez l’autre l’intérêt dont elle avait manqué quand elle était enfant. Etre désirée par un homme s’apparentait en quelque sorte à la reconnaissance et l’affection que ses parents lui avaient toujours refusées.

    Puis Derek était apparu dans sa vie et tout avait changé.

    Il ne lui restait que très peu de souvenirs de leur première nuit ensemble et, étrangement, ils ne concernaient pas la partie horizontale. Vu l’état d’ébriété avancée dans lequel ils étaient tous les deux, l’étreinte avait dû être plus que furtive, du moins elle le supposait. La seconde fois avait eu lieu dans la voiture de Derek, devant la maison de Meredith. Là encore, les fées ne s’étaient pas penchées sur leur cas. Elle, elle était saoule, une fois de plus. Lui, son grand corps était à l’étroit dans l’habitacle. Et tous les deux étaient stressés d’être découverts dans une situation aussi compromettante. Ils avaient fait l’amour en étant sans cesse aux aguets. Les quelques petites secondes durant lesquelles ils avaient baissé leur garde avaient d’ailleurs suffi pour que Miranda Bailey les surprenne. Elle ne leur avait pas caché sa désapprobation. Ils en avaient fait les frais pendant les quelques semaines qui avaient suivi.

    La véritable révélation avait eu lieu le lendemain. Toute la journée, par peur des conséquences sur son internat, Meredith avait hésité à poursuivre sa nouvelle relation. Finalement elle avait décidé de tenter sa chance et à la fin de la journée, elle avait attendu Derek devant son véhicule, sous la pluie, une bonne bouteille de vin à la main. Il l’avait emmenée dans un charmant petit hôtel. Meredith sortit de l’eau et s’assit, drapée dans une serviette de bain, sur le rebord de la baignoire. Tout en se séchant les cheveux, elle se souvint… Les mains de Derek qui parcouraient son corps au fur et à mesure qu’elles le dénudaient, sa bouche qui en explorait le moindre recoin, ses doigts qui s’aventuraient dans ses plis les plus intimes… Et elle, délicieusement affolée par ce plaisir inconnu qui montait en elle, comprenant enfin le véritable sens du mot volupté. Jamais homme avant lui n’avait été si attentif à son bien-être, si soucieux de sa jouissance. La violence de son orgasme l’avait surprise à un tel point qu’elle, d’habitude peu démonstrative, avait crié son plaisir à la face du monde. Avant cette nuit-là, elle n’avait jamais imaginé que le plaisir puisse être si intense.

    Meredith se leva pour se regarder dans le miroir. La seule vision de sa figure devenue écarlate à l’évocation de ce moment suffit à lui faire comprendre qu’elle restait un oiseau pour le chat et que, si elle n’y prenait pas garde, Derek n’éprouverait aucune difficulté à la ramener dans son lit.


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  • Pétrifié devant la porte qui venait de lui être claquée au nez, Derek n’en crut pas ses oreilles. Abasourdi, il se baissa, tel un robot, pour ramasser sa caisse avant de retourner à sa voiture. Au fur et à mesure qu’il s’en approchait, il sentit la rage monter en lui. Il envoya ses affaires valser dans le coffre et démarra sur les chapeaux de roues. Quelques rues plus loin, sa colère était déjà retombée, laissant place au désespoir. Le cœur brisé, Derek réalisa que son univers venait de s’écrouler. Il ne put se résoudre à affronter le silence de sa caravane et prit la direction de l’Emerald City Bar.

    A peine entré, il repéra Mark au comptoir. Manifestement, son ami n’en était pas à son premier verre. Derek le rejoignit et leur commanda un whisky. Mark releva la tête. Qu’est ce que tu fous ici ? ânonna-t-il. Tu ne devrais pas être chez Meredith, en train de la convaincre que tu es l’homme de sa vie ?

    Je sors de chez elle, lui apprit Derek en s’installant sur le tabouret voisin.

    Oh ! Mark se tourna vers son camarade. Si tu es ici, c’est que ça ne s’est pas bien passé. Je me trompe ?

    Derek donna l’impression de se parler à lui-même plutôt qu’à son ami. On a fait l’amour…

    T’as été si mauvais ? ricana Mark.

    Derek ne releva pas. Après, elle m’a regardé et… j’ai eu l’impression que je venais de la violer.

    Et ce n’était pas le cas ? Mark prit le verre que Joe venait de déposer devant lui et le vida à moitié.

    Derek sembla se réveiller. Pour qui me prends-tu ? s’indigna-t-il. Bien sûr que non. Elle était consentante. C’est même elle qui a pris l’initiative… Et après… après, elle m’a fait me sentir plus bas que terre, murmura-t-il avec une voix atone.

    Mark secoua lentement la tête avec un air dégouté. Tu veux que je te dise, mon vieux ? Les nanas, toutes des salopes ! éructa-t-il. Regarde Addison… Je lâche tout pour cette femme ! New-York, la ville que j’aime le plus au monde, mon cabinet, mes copains, mon club de tennis, mes habitudes… Je viens la rejoindre dans ce trou pourri. Je remets mon cœur entre ses mains, cria-t-il avec emphase, et tout ce qu’elle en fait… Tu veux savoir ce qu’elle en fait ? Mark leva le doigt vers le ciel. Elle le piétine, mon vieux, elle le piétine !

    Tu l’as un peu cherché !

    Celui-ci fit légèrement dodeliner sa tête de droite à gauche. Ouais… peut-être un peu… Mais ce qu’elle vient de faire… partir pour l’autre bout du pays… sans un mot d’explication, sans même me prévenir… Mark regarda son meilleur ami avec un air de petit garçon désorienté. Est-ce que je suis un si mauvais gars que je ne mérite pas un meilleur traitement ?

    Tu n’es pas mauvais, Mark, le rassura Derek. Tu es particulier. Je suppose qu’elle a eu peur que tu cherches à la convaincre de rester.

    Elle disait qu’on était des amis… des amis ! Tu parles ! brailla Mark sans se soucier des autres clients. Des amis de merde, oui !

    Tu sais, je suis à la même enseigne que toi en ce qui la concerne, lui rappela Derek avant de boire une gorge de son whisky.

    Ouais. Nous revoilà compagnons d’infortune. On aura au moins gagné ça… Mark vida la moitié restante de son verre. Alors, Meredith ? Qu’est-ce que tu comptes faire ?

    Je ne sais pas, admit Derek avec dépit. Je ne sais plus ce que je dois faire. Je l’aime mais…

    Mark lui coupa vivement la parole. Tu veux un conseil d’ami ? Laisse tomber ! Les femmes, c’est jamais qu’un sac d’embrouilles ! Il faut les fréquenter pour l’hygiène mais une fois que les sentiments s’en mêlent, c’est foutu.

    Sur un signe de tête de Mark, Joe vint leur servir un autre verre. Alors Messieurs, des soucis avec vos dames, à ce que j’entends ?

    Présentement, tu as devant toi deux nouveaux célibataires, lui expliqua Mark, la bouche pâteuse. On vient de se faire jeter comme des malpropres.

    Oh, je ne m’en fais pas pour vous, Doc, dit Joe qui avait souvent vu Mark trainer dans son bar en galante compagnie. Ça va vite s’arranger.

    Mark fit la moue. J’ai des doutes. La femme que j’aimais vient de mettre les bouts pour Los Angeles. Quelle bonne blague, hein ? Il eut un rire mauvais. Joe, tu ne sais pas la chance que tu as de ne pas avoir de femme. Une femme, une seule je veux dire, ce n’est qu’ennuis et compagnie.

    Joe sourit. Vous savez, Walter n’est pas toujours facile.

    Mark balaya d’un revers de la main cette objection. Oui mais les mecs, ce n’est pas la même chose… Nous, on fait moins de chichis. Il se tourna vers Derek qui, en pleine déprime, ne suivait que très peu ses délires. Je me demande si on ne devrait pas essayer…

    Quoi donc ? demanda distraitement son ami.

    Mark se pencha vers lui en parlant à voix basse. On devrait peut-être … tu sais… virer notre cuti… comme Joe.

    Derek fronça les sourcils. Qu’est-ce que tu racontes ? le gronda-t-il. Tu déconnes !

    Hé, je cherche une solution ! protesta Mark.

    Joe se mit à rire. Si vous voulez, je peux vous présenter des copains. Vous devriez leur plaire. Sam surtout. Vous êtes tout à fait son genre.

    Ce fut comme si ces mots faisaient enfin apparaitre à Mark tout ce que son projet impliquait. Euh non. On va laisser tomber. C’est pas une bonne idée finalement.


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