• Depuis trois jours qu’elle était à San Francisco, Meredith avait un rituel. Dès qu’elle était éveillée, elle courait à la fenêtre, ouvrait complètement les volets et restait de longues minutes à profiter de la vue. Elle aimait ce moment où la brume matinale se levait lentement et laissait entrevoir la baie avec l’île d’Alcatraz au loin. C’était l’heure aussi où la ville s’éveillait au milieu des bruits de la circulation. Ce matin là, en entendant les klaxons des voitures, Meredith repensa à l’inconnu en décapotable. Où était-il maintenant ? Allez Meredith. Encore une dure journée en vue ! Tu n’as pas le temps de rêvasser. Elle quitta sa fenêtre à regret et passa à la salle de bains. Après avoir pris une douche rapide, elle revêtit sa tenue habituelle, à savoir un vieux jean élimé, beaucoup trop grand pour elle, et un tee-shirt qui avait été souvent porté. Elle ramassa ses cheveux en une queue de cheval et plaqua les quelques mèches qui dépassaient avec des barrettes en écaille. Elle descendit à la cuisine où elle trouva Cristina et George en train de prendre leur petit-déjeuner. Elle se joignit à eux.

    Ils étaient en train de rassembler leurs affaires dans le hall d’entrée quand Izzie fit son apparition au haut des escaliers. Les trois jeunes gens la regardèrent avec un mélange d’étonnement et de réprobation. La jeune fille était vêtue d’un short ultra court en jeans délavé et d’une blouse blanche aux manches froncées qui lui arrivait au-dessus du nombril. Elle descendit les marches en courant. Voilà, je suis prête.

    Cristina mit ses mains à sa taille. Non, mais c’est une plaisanterie ! Où tu penses qu’on va, là ? A la plage ?

    La mine innocente, Izzie prit son sac et ouvrit la porte. J’aime être à mon aise quand je travaille.

    Cristina ricana. Travailler ? Sapée comme tu l’es ? Prends-moi pour une conne en plus !

    Et ton short est trop court, renchérit George. On voit tes fesses.

    Izzie haussa les épaules et sortit sur le perron. Meredith la suivit. Ils n’ont pas tort, dit-elle à son amie. Ce n’est pas vraiment une tenue pour nettoyer des vitres.

    Si tu as peur de devoir tout faire toute seule, t’inquiète pas, je ferai ma part, répliqua Izzie. Pour le reste, je m’habille comme je veux ! Elle s’installa dans la voiture, le visage fermé.

    Non loin de là…

    Après avoir traversé la ville à tombeau ouvert, Derek tourna le coin de la Jackson Street et arrêta sa Porsche GT3RS devant l'immeuble où Mark résidait, dans le quartier chic de Nob Hill. Il klaxonna à tout rompre, pour prévenir son ami de sa présence, sans se soucier aucunement, en cette heure encore matinale, de réveiller les voisins.

    Un de ceux-ci passa la tête à sa fenêtre. Hé ! C’est pas un peu fini, ce boucan ? Y a des gens qui dorment ici !

    Ta gueule ! répondit Derek avec agressivité. Y a des gens qui bossent !

    Mark sortit de sa demeure et se dépêcha de grimper dans le cabriolet. Ho ho du calme, dit-il à son ami. J’habite ici, moi. Je n’ai pas envie que les voisins fassent une pétition pour exiger mon départ.

    Derek démarra en trombe. Ce n’est pas ma faute si tu vis entouré d’imbéciles.

    Tu as bouffé du lion, ma parole. Mark se tourna vers son ami et vit son air fermé. Il y a quelque chose qui ne va pas. Tu veux en parler ? Derek secoua la tête ce qui n’empêcha pas Mark d’insister. C’est à cause de ce qui s’est passé hier, avec l’infirmière ?

    Je me moque de cette fille comme de ma première chemise, rétorqua Derek.

    Alors qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta Mark. Depuis quelques jours déjà, tu n’es pas à prendre avec des pincettes. Tu es sombre, tu aboies au lieu de parler, même avec moi...

    Derek soupira. Excuse-moi. Tu as raison, je ne suis pas dans mon assiette ces derniers temps… Je ne sais pas trop pourquoi, reconnut-il avec un air soucieux. C’est comme si ma vie ne me plaisait plus, comme si j’attendais autre chose… La clinique, les filles, encore la clinique, puis les mêmes filles… Il se tourna vers son ami. Tu n’as pas l’impression de tourner en rond parfois ?

    Surpris, Mark haussa les sourcils. Mais tu es en train de me faire une déprime, là ? Il faut te changer les idées. Direction Marina Boulevard.

    En quoi ça va me changer les idées ? ironisa Derek. C’’est là-bas qu’on va de toute façon.

    Mark sourit. Oui, mais moi, je ne te parle pas de la clinique. Je te parle du voisinage… le voisinage qui bouge… Derek le regarda avec un air perplexe. Tu ne vois toujours pas ? s’étonna Mark. Derek hocha la tête. L’info d’Alex… La petite blonde, bon sang ! s’écria Mark. Quoi de mieux qu’une petite nana bien roulée pour vous mettre de bonne humeur le matin ? Allez, roule, mon vieux, roule. J’ai l’impression d’être dans le tacot de mon vieil oncle John. Derek sourit et appuya sur le champignon. 


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  • Après avoir placé les magazines et journaux du jour sur les étagères de son échoppe, Alex s’assit sur un tabouret pour feuilleter le dernier Playboy en attendant le client. Le bruit d’une voiture qui se garait lui fit relever la tête. Le spectacle d’Izzie qui sortait du véhicule faillit le faire tomber de son siège. Ses yeux se posèrent d’abord sur les deux pieds aux ongles vernis de rouge pour remonter ensuite le long des jambes bronzées avant de s’attarder sur le décolleté. Nom de Dieu ! murmura-t-il. Il se leva et s’approcha de la jeune fille. Salut.

    Flattée de voir l’admiration qui brillait dans les yeux du marchand de journaux, Izzie lui sourit. Salut Alex. Elle s’engouffra dans la boutique, suivie de ses trois camarades.

    Alex ne put s’empêcher de la comparer avec les deux autres filles. Putain, c’est le jour et la nuit ! se dit-il. Encore que l’asiatique, elle a un genre. Mais l’autre, elle ne ressemble vraiment à rien. Elle va finir comme ma tante Sandy, vieille fille. Il retourna à son échoppe sans quitter la boutique voisine du regard, pour ne pas manquer la prochaine apparition de la jolie blonde. Quand la vit sortir avec un tabouret et un seau, il se précipita. Attends, je vais t’aider. Il lui prit le tabouret des mains et l’installa à l’endroit qu’elle lui désignait. Par contre, il ne bougea pas lorsque Meredith sortit du magasin avec une échelle. Pendant que son amie liait conversation avec le jeune homme, Meredith déplia tant bien que mal son échelle. Elle rentra dans le magasin et en ressortit quelques secondes plus tard avec un seau. Elle s’arma de courage et mit un pied sur la première marche. La tâche était compliquée par le fait qu’elle ne pouvait se tenir à l’échelle que d’une seule main, l’autre étant occupée par le seau. Concentrée sur son ascension, elle ne remarqua pas qu’Alex semblait hypnotisé par les fesses d’Izzie. En effet, celle-ci s’était pliée en deux pour plonger son éponge dans le seau, ce qui avait pour effet d’épanouir son postérieur dans le mini short.

    Les filles, hurla Cristina depuis l’intérieur de la boutique. Vous pouvez venir ici deux minutes ? J’ai besoin de votre avis. Meredith, qui n’avait pas encore atteint la troisième marche, descendit de son échelle avec soulagement, trop heureuse d’avoir un motif légitime de ne pas être sur ce fichu instrument de torture. Elle suivit Izzie dans l’arrière-boutique. 

    Quelques minutes plus tard, la voiture de Derek s’arrêtait un peu en contrebas de la boutique. La première personne que les deux hommes aperçurent fut Cristina qui sortait de la boutique pour, apparemment, s’en prendre à un jeune garçon qui portait un bob en toile sur la tête. ça, c’est la mégère, dit Derek.

    Et, lui, c’est le péquenot, c’est sûr, ajouta Mark. Il n’y a plus qu’à attendre la blondinette.

    Meredith ressortit de la boutique. Après avoir imploré ses camarades de mettre fin à leur énième dispute, elle se dirigea vers l’échelle. C’est elle ? demanda Derek, incrédule. Mark lui jeta un regard noir. Ben quoi ? Elle a l’air d’être blonde, lui fit remarquer Derek.

    Alex nous a dit que la blonde était canon, lui rappela Mark. Alors, celle-ci, ça doit être le boudin.

    Oui, tu dois avoir raison, approuva Derek. En tout cas, ça se voit qu’ils débarquent de leur cambrousse. Regarde le chapeau du gars ! Les deux hommes éclatèrent d’un rire moqueur. C’est ce moment que choisit Izzie pour faire son apparition. La voilà ! souffla Derek, admiratif. Alex ne s’est pas foutu de nous.

    Izzie imbiba l’éponge d’eau savonneuse et sauta prestement sur le tabouret tandis que Meredith grimpait péniblement à l’échelle. Nom de Dieu ! s’exclama Mark, presque haletant d’extase. Si Pamela Anderson et Jessica Simpson pouvaient faire une fille ensemble, ce serait elle.

    Oui, approuva Derek, bouche bée. Cette fille est à tomber. Tu as vu ses jambes ?

    Mon vieux, à un tel degré de perfection, je ne fais plus de détail, déclara Mark, les yeux brillants d’excitation. Je prends tout le package. Je viens de trouver mon prochain passe-temps.

    Derek se tourna vers son meilleur ami avec un air goguenard. Tu n’as pas l’impression d’oublier quelque chose ? Si tu crois que je vais te regarder faire sans rien tenter…

    T’as aucune chance sur ce coup-là, répliqua Mark. Cette fille est faite pour moi. Il ne me reste qu’à réfléchir au moyen de nouer subtilement le contact.

    Subtilement ? ironisa Derek. Alors, là, c’est certain que j’ai toutes mes chances.

    Meredith était enfin arrivée au sommet de l’échelle. De plus en plus mal à l’aise, elle plongea son éponge dans le seau et commença à laver la vitre. Après quelques minutes, elle eut la malencontreuse idée de regarder le sol. Elle eut aussitôt l’impression que l’échelle tanguait. Mais plutôt que d’en descendre prestement, elle resta figée sur place, en s’agrippant aux barreaux. Ses jambes se mirent à flageoler et ses mains, à trembler. Sa tête tourna et son corps fut parcouru de frissons tandis qu’une légère transpiration perlait sur son front et au-dessus de sa lèvre supérieure. Ensuite, ses oreilles bourdonnèrent au point que les bruits de la rue lui parvinrent comme assourdis. Et tout à coup, plus rien…


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  • Quand Meredith chuta sur le trottoir dans un bruit de ferraille, Izzie poussa un cri strident. Sautant de son tabouret, elle se précipita vers son amie et se jeta sur elle. Oh mon dieu, Merediiiiith !

    Cristina la poussa rudement. Tire-toi ! ordonna-t-elle. Ça ne sert à rien de couiner comme ça. Elle s’agenouilla auprès de Meredith et lui tapota les joues. Meredith ! Hé, Meredith !

    Alex vint aider Izzie à se relever et en profita pour garder son bras autour de sa taille. Ne vous en faites pas, je vais appeler les secours. J’ai quelques amis très importants qui sont toubibs dans la clinique d’en face.

    Cela ne rassura pas Izzie qui commença à se tordre les mains. C’est de ma faute. Je savais qu’elle avait le vertige. J’aurais dû monter sur l’échelle et lui laisser le tabouret. Et elle, elle n’a rien dit. Elle était si gentille.

    Cristina, toujours à genoux, lui lança un regard assassin. Elle n’est pas morte ! Alors cesse de parler d’elle au passé. Elle reporta ensuite son attention sur Meredith en lui tapotant plus vivement les joues. Enervée parce que son amie ne réagissait pas, elle se mit à la secouer par les épaules. Meredith ! Réveille-toi ! Ce n’est plus drôle maintenant.

    Dans la voiture, les deux chirurgiens avait assisté à la chute.Mark s’esclaffa. Quelle cruche ! Même pas capable de tenir sur une échelle !

    Derek fronça les sourcils. Oui, mais elle ne se relève pas. Je crois qu’on devrait aller voir. Il avait à peine mis la main sur la poignée de la voiture que déjà Mark courait vers le groupe en criant qu’il était médecin. Derek sourit. Mark Tout-fou était de retour.

    Le fou en question se précipita sur Izzie et lui tendit la main. Dr Mark Sloan, pour vous servir, belle enfant. Je travaille au Golden Health Center, un peu plus haut.

    Mon Dieu… Mon Dieu, psalmodia Izzie sans l’écouter. Elle est morte et c’est de ma faute ! Si je ne l’avais pas incitée à me suivre, rien ne lui serait arrivé.

    Non mais tu vas la fermer, oui ! hurla Cristina, Elle n’est pas morte ! Elle secoua plus vigoureusement son amie.

    Inutile de paniquer, intervint Mark. Je suis là et j’ai les choses bien en main.

    Sans aucun doute, dit calmement Derek en arrivant près du groupe, mais pas les bonnes. Tous se tournèrent vers lui. Ecartez-vous. Laissez-la respirer au moins. Et ne restez pas là, comme des ballots, vous ne lui êtes d’aucune aide. Et vous, grogna-t-il à l’intention de Cristina, arrêtez de la secouer comme un prunier. Vous voulez lui causer des dommages irréversibles ? Poussez-vous et laissez-moi l’examiner. Bien que le ton qu’il avait employé pour lui parler ne lui plaise pas, Cristina ne dit rien et se releva. George prit Izzie par les épaules pour l’entraîner un peu plus loin. Mark nota le geste avec déplaisir. Ce n’était pas possible que ce falot soit intime avec cette bombe. Derek s’agenouilla auprès de Meredith. Mademoiselle, dit-il avec douceur. Vous m’entendez ? Il n’obtint aucune réaction. Avec précaution, il lui bascula la tête en arrière en appuyant sur le front avec une main et en soulevant son menton avec deux doigts de l’autre.

    Pendant que Derek se penchait vers Meredith pour sentir son souffle, Mark ne pouvait détacher son regard d’Izzie. Cette fille était tout bonnement sublime. Et la panique qu’il lisait dans ses yeux décuplait son charme. Il s’approcha d’elle et lui prit la main. N’ayez pas peur. Il ne peut rien vous arriver tant que je suis là. Je maîtrise la situation.

    Agacé par les fanfaronnades de son camarade, Derek lui lança un regard noir. Elle respire, annonça-t-il.

    Merci mon Dieu ! s’écria George tandis que Cristina et Izzie poussaient à l’unisson un soupir de soulagement.

    Dieu n’a rien à voir avec ça, laissa tomber froidement Derek. Et ce n’est pas parce qu’elle respire que tout va bien. Avec des gestes assurés et rapides, il plaça les pieds de Meredith dans l’axe de son corps et plia son bras droit à angle droit, la paume de sa main tournée vers le haut. Puis il prit son autre bras et appliqua le dos de sa main contre sa joue en la maintenant avec la paume de sa propre main. Il plaça son autre main derrière son genou et la fit tourner doucement sur le côté, en accompagnant sa tête. Il retira alors sa main qui tenait la tête.

    De son côté, Mark tentait toujours de séduire Izzie. Dites-moi, qu’est-ce qu’une beauté comme vous fait dans cette obscure boutique, à part l’illuminer, bien entendu ?

    Des douceurs, répondit distraitement Izzie, toute son attention étant concentrée sur son amie.

    Des douceurs ? s’exclama Mark, comme s’il venait d’apprendre le scoop du siècle. Oh mais dites donc, c’est intéressant, ça. J’adore les douceurs. Moi-même, j’en connais quelques-unes dont je ne demande qu’à vous faire profiter.

    Je ne sais pas si vous êtes un bon toubib mais au niveau lourdeur, vous excellez ! lança Cristina.

    Mark choisit d’ignorer la remarque. Peu lui importait ce que la mégère pensait du moment que la blondinette était réceptive. Ça vous dirait, une petite visite de San Francisco by night ? lui proposa-t-il avec un regard de braise. Je suis le meilleur guide que vous puissiez imaginer… dans tous les domaines. Je suis certain que je peux vous apprendre plein de choses dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Qu’en dites-vous ?

    Hé mec ! cria Cristina au comble de l’énervement. Il y a une blessée ici. Vous n’avez rien de mieux à faire que de jouer les balourds ? 


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  • En temps normal, Mark se serait fait le plaisir de réduire cette furie au silence. Mais il devinait que pour avoir Izzie dans son lit, il ne devait pas se mettre ses amis à dos. Ne vous en faites pas, jeune fille, dit-il sur un ton rassurant. Mon ami s’occupe d’elle. Il n’est pas mauvais dans son domaine, précisa-t-il, légèrement condescendant. Il va vous la remettre sur pied en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il plongea ses yeux dans ceux d’Izzie. Et pendant ce temps-là, je peux me consacrer entièrement à vous.

    Ben voyons, bougonna George. L’attitude arrogante de ces deux médecins commençait à lui taper sérieusement sur le système.

    Je connais un excellent restaurant dans le quartier de Colombus Avenue, l’Alfred’s Steakhouse, poursuivit Mark, totalement hypnotisé par sa voisine. On y mange le meilleur T-bone que je connaisse. Nous pourrions y aller un de ces soirs. Et après, je vous pourrais vous faire visiter mon loft.

    Derek ne put retenir un sourire devant le manque de subtilité de son meilleur ami. Quand il en aurait fini avec la blessée, il n’aurait aucun mal à gagner les bonnes grâces de la jolie blonde. Il se concentra à nouveau sur la jeune femme évanouie. Après avoir stabilisé sa position en posant son genou du dessus sur le sol, il s’apprêtait à ouvrir sa bouche en prévision d'éventuels vomissements lorsqu’elle ouvrit légèrement les yeux. Il lui parla à voix basse, pour ne pas l’effrayer. Mademoiselle, vous m’entendez ? Meredith hocha doucement la tête. Vous pouvez parler ? Comment vous appelez-vous ?

    Meredith Grey, répondit George à la place de son amie.

    Derek le fusilla du regard. Je me moque de savoir comment elle s’appelle. Ce que je veux, c’est qu’elle me le dise elle-même.

    Meredith, ânonna péniblement la jeune fille. Elle referma les yeux.

    Soucieux, Derek souleva une paupière de la jeune fille pour examiner son œil. Il se tourna vers les jeunes gens. J’aurais besoin d’une lampe. George se précipita à l’intérieur de la boutique et revint avec une lampe torche. Vous n’auriez pas le modèle en dessous ? persifla Derek. Je veux juste vérifier les réactions pupillaires, pas visiter les égouts de San Francisco.

    Cristina, que le comportement des deux médecins commençait à énerver, elle aussi, arracha la lampe des mains de George et la tendit brusquement à Derek. Ce n’est pas un cabinet médical ici ! Alors, si vous êtes aussi doué que vous semblez le croire, vous vous en contenterez. Elle le défia du regard. Sinon, on peut faire appel à un autre médecin.

    George sauta sur ce qui lui semblait être l’occasion de se débarrasser de ces deux prétentieux qui le faisaient paraitre encore plus benêt qu’il ne l’était. J’y vais ! J’appelle les secours.

    Les yeux de Derek foudroyèrent instantanément les deux sceptiques. Vous pouvez appeler tout le corps médical de San Francisco si ça vous chante mais vous ne trouverez personne de meilleur que moi. Alors, si vous avez du temps à perdre, allez-y. N’hésitez pas. Je céderai ma place bien volontiers. Il fit mine de se relever.

    Non ! cria Izzie se précipitant vers lui. Restez, le supplia-t-elle. Elle se tourna ensuite vers les deux autres et se mit à les tancer. Maintenant, ça suffit ! Meredith est presque morte et vous êtes là, à vous comporter comme des imbéciles !

    Alex, qui s’était mis un peu en retrait à l’arrivée des chirurgiens, se rapprocha d’elle. Panique pas ! Ta copine est entre de bonnes mains avec lui. Il a sa tronche à la première page de tous les journaux du pays. T’as entendu parler de l’opération des siamoises il y a quelques jours ? Izzie fit signe que non. Eh ben, c’est lui qui l’a fait et il a sauvé leur vie.

    Il est vétérinaire ? demanda George, le front plissé par la perplexité.

    Alex le regarda avec incrédulité. Vétérinaire ? Il lui fallut quelques secondes pour comprendre. T’es vraiment con ou tu le fais exprès ? se moqua-t-il, hilare. Les siamoises, ce sont des gamines, des vraies, comme toi et moi… enfin, tu me comprends. Ce mec, c’est un des plus grands neurochirurgiens du pays. Il se mit à rire tout seul. Qu’est-ce qu’il est con, celui-là ! George se renfrogna.

    Derek se releva. Elle me semble aller bien mais je préfère procéder à des examens plus pointus, dit-il aux amis de sa patiente. Elle n’est pas à l’abri d’une commotion. Et d’autres organes pourraient être touchés. Nous allons l’emmener à la clinique, ajouta-t-il à l’intention de Mark. Ici, je ne peux rien faire de valable, je n’ai pas le matériel adéquat.

    Mark le regarda d’un air goguenard. Eh bien, vas-y. Tu es un excellent docteur, tu sauras te débrouiller sans moi. Il se tourna vers Izzie. Il y a ici des personnes qui ont plus besoin de mes soins que ta patiente. 

    Cristina se précipita sur la porte de la boutique qu’elle ferma à clé. On vient avec vous, annonça-t-elle à Derek.

    Celui-ci darda sur elle son regard métallique. Hors de question ! Je suis médecin, pas moniteur de colonie de vacances. Si vous voulez de la distraction, la ville regorge de possibilités. Mon ami se fera d’ailleurs un plaisir de vous les renseigner. Il aperçut le regard embué de larmes d’Izzie et vit là une bonne occasion de se faire bien voir. Il lui adressa son sourire le plus charmeur. Excusez-moi si je suis un peu rude, lui dit-il d’une voix suave. C’est parce que je suis inquiet pour votre amie. Evidemment, s’il n’y a qu’une personne qui l’accompagne… vous, par exemple… Vous êtes toute fine, vous arriverez bien à vous faufiler dans ma Porsche.

    Mark sentit le danger dès qu’il vit le beau visage d’Izzie s’illuminer. Mais vous n’y pensez pas ! Ce serait de l’inconscience. Vous êtes encore toute tremblante. Il ne manquerait plus que vous fassiez un malaise. Il se tourna vers Derek. Et tu te retrouverais avec deux malades. Tu n’y penses pas sérieusement ? Tu devrais plutôt te consacrer à la demoiselle là, dit-il en désignant Meredith, toujours assise par terre, auprès de laquelle George s’empressait déjà. Il prit Izzie par le bras. Nous, on va se boire un bon petit café. Esbroufeur, il sortit un billet de cinquante dollars de sa poche et le tendit à Alex. Tiens et ramène donc du café pour tout le monde. Asseyez-vous ici, dit-il à Izzie en l’aidant à s’installer sur le tabouret. Et racontez-moi donc qui vous êtes, ma belle.


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  • Derek pesta intérieurement. Mark l’avait joué finement sur ce coup-là. Et maintenant, insister pour que la blonde accompagne sa copine à la clinique paraîtrait suspect aux yeux de tous. Autant prendre son mal en patience et jouer les gentils docteurs attentionnés pendant que Mark continuerait à faire le joli cœur. Derek avait le pressentiment que la mégère, avec ses commentaires perfides, ne faciliterait pas la tâche de Mark. Rirait bien qui rirait le dernier. C’est presque le cœur léger qu’il se tourna vers Meredith. Comment vous sentez-vous ? Vous pensez pouvoir marcher jusqu’à la voiture ?

    La jeune fille, qui était encore allongée sur le trottoir, opina de la tête. Consciente que tout le monde avait les yeux rivés sur elle, elle tenta de prendre une voix ferme. Je vais très bien. Ce n’est vraiment pas la peine d’aller à l’hôpital, ce n’est qu’un petit bobo de rien du tout. Elle s’assit péniblement. Vous avez certainement autre chose à faire que de vous occuper de moi. Et puis, j’ai du boulot ! rappela-t-elle en montrant la vitrine.

    Tu ne vas pas remonter sur cette échelle, protesta Izzie. George va nettoyer les vitres à ta place. Attends, je vais t’aider à te mettre debout. Elle se précipita sur son amie.

    Derek sourit. Voilà qui faisait ses affaires ! D’ailleurs, il constata que Mark faisait grise mine. Il s’approcha d’Izzie et posa une main pleine de sollicitude sur son bras. Vous allez bien, mademoiselle ? Vous êtes toute pâle. C’est peut-être vous qui auriez besoin d’un sérieux examen ? Il sentit peser sur lui le regard furibond de son ami.

    Mais non, je vais très bien, répondit Izzie, sans même daigner lui accorder un regard. En cet instant, il n’y avait qu’une seule chose qui la préoccupait, la santé de Meredith.

    Oui, elles vont très bien, renchérit George avec hargne. Il bomba le torse. Et je suis là, moi. Alors vous pouvez y aller, on ne vous retient pas plus longtemps. Derek pointa sur lui son regard glacial avant de le détourner sur les jeunes filles.

    Grâce à Izzie, Meredith avait réussi à se relever. Mais elle était à peine sur ses deux pieds qu’elle porta la main à son front, victime d’un nouvel étourdissement. Derek se précipita pour la soutenir. Non, ça ne va pas si bien que ça. Meredith fit mine de protester. Jeune fille, vous n’avez plus droit au chapitre, dit-il sur un ton faussement sévère. Je vous emmène à la clinique, un point c’est tout. Il passa un bras autour de sa taille et s’étonna de sa finesse. Les vêtements amples que la jeune fille portait lui avaient laissé croire à un léger embonpoint. Il sentit qu’elle fléchissait sur ses jambes. Vous voyez… vous avez besoin que je m’occupe de vous. Je vais vous aider.

    Impressionnée par le ton du médecin, Meredith se laissa faire. Derek souleva la frêle jeune fille dans ses bras. Mais vous êtes aussi légère qu’une plume, ne put-il s’empêcher de remarquer. Il regarda Izzie avec un sourire désarmant de douceur. N’ayez plus peur. Je m’occupe de votre amie et je vous la ramène, sitôt l’examen terminé.

    Pour la première fois, Meredith regarda attentivement son sauveur. Elle eut la sensation qu’il lui était familier, comme si elle l’avait déjà rencontré. Pourtant, ce n’était pas le cas. Elle s’en serait souvenue. Un homme aussi magnifique ne passait pas inaperçu et il était du genre qu’on n’oublie pas une fois qu’on l’avait vu. Ce n’est que lorsqu’elle aperçut la voiture de sport qu’elle comprit. Elle était dans les bras de son bel inconnu à la décapotable ! Elle se mit à trembler et cette fois, le vertige n’en était pas le responsable.

    Derek la déposa avec précaution sur le siège passager avant de prendre le volant. Il démarra sur les chapeaux de roues pour s’arrêter quelques minutes plus tard devant la grande entrée de la clinique. Il descendit de son véhicule et avisa un groupe d’infirmiers qui papotaient devant la porte. D’un claquement sec des doigts, il attira leur attention. Hé toi là-bas, amène-moi un fauteuil roulant et plus vite ça, dit-il sèchement à l’un d’entre eux. Le jeune homme courut à l’intérieur de la clinique.

    Mal à l’aise à cause de la façon d’agir du médecin, Meredith baissa la tête pour ne pas avoir à croiser le regard des autres infirmiers. Mais je vais bien, protesta-t-elle d’une toute petite voix quand Derek l’aida à sortir de la voiture. Et je peux très bien marcher toute seule. Il ne faut pas déranger votre personnel pour moi, ajouta-t-elle, gênée de susciter autant d’embarras.

    Il y a quelques minutes, vous avez fait une sérieuse chute et vous vous êtes évanouie, lui rappela Derek. Ne prenez pas cela à la légère. Il fit signe à l’infirmier d’avancer le fauteuil roulant. Je comprends que vous aimeriez que je continue à vous porter, plaisanta-t-il, mais cela ferait jaser. Alors, grimpez là-dedans. 

    Meredith remarqua que tous ceux qui étaient là les regardaient avec curiosité. Je vous assure que le fauteuil n’est pas nécessaire, s’obstina-t-elle, mortifiée d’être le point de mire.

    Derek se raidit imperceptiblement tandis que son sourcil gauche se soulevait légèrement. Je me vois obligé d’insister, jeune fille. Même si vous êtes tout à fait capable de marcher, vous devez vous asseoir dans ce fauteuil, c’est le règlement qui l’exige, pour des questions d’assurance. Et si vous persistez à refuser, je me verrai contraint d’utiliser la force. Alors on y va ? s’impatienta-t-il.

    L’infirmier présenta le fauteuil à Meredith qui s’y assit en soupirant. Gentille fille, c’est bien, dit Derek sur un ton paternaliste. Puisque vous êtes sage, je vais pousser moi-même votre chaise et croyez-moi, c’est un honneur que je vous fais. 


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