• Après avoir laissé divaguer son regard sur la baie, Cristina s’adressa à Izzie. Tu as déjà pensé au nom que tu allais donner à ta boutique ?

    Izzie rosit légèrement. Eh bien… en fait, j’ai un nom qui me trotte dans la tête depuis pas mal de temps, confia-t-elle.

    Et c’est quoi ? demanda Cristina, pleine d’impatience.

    Izzie hésita. Je ne sais pas si ça va vous plaire, argumenta-t-elle en triturant sa serviette en papier.

    Meredith l’encouragea. Izzie, je suis sûre que tu as bien choisi.

    Ok, alors j’ai pensé à… Sweet Dream, annonça Izzie d’une voix timide. Sweet à cause des sucreries et dream, parce que cette boutique, c’est mon rêve, expliqua-t-elle.

    Sweet Dream ? répéta Cristina. C’est d’un ridicule !

    Meredith réalisa que ce jugement sans appel peinait Izzie. Moi, je trouve ça très joli. Et en plus, ça a du sens. C’est un très bon choix, Iz. 

    Izzie lui adressa un sourire reconnaissant. Je sais exactement ce que je veux, poursuivit-elle sur un ton plein d’entrain. Une boutique à l’ancienne avec de petites tables rondes recouvertes de jolies nappes à fleurs… Il y aura une terrasse aussi, pour l’été. Et dans les vitrines, des tartes, des gâteaux, des cookies, des muffins, des beignets. Et un coin bonbons avec de grands pots en verre. 

    Cette description enthousiasma Meredith et George. C’est une excellente idée ! C’est super ! Tu pourrais même y mettre tes fameuses sucettes à l’anis que tu réussis si bien.

    Après avoir levé les yeux au ciel, Cristina regarda sa montre. Assez perdu de temps en parlotes ! On a du boulot qui nous attend. Quand ils furent de retour à la boutique, après un passage à la droguerie pour acheter ce dont ils avaient besoin, Cristina ne prit même pas la peine de descendre de voiture. Bon, les enfants, vous savez ce que vous devez faire. Moi je vais faire un tour dans le quartier, histoire de voir qui seront nos concurrents.

    Je crois bien qu’on s’est fait avoir, nota George, une fois qu’elle eut démarré en leur laissant à peine le temps de sortir leurs achats du coffre. Izzie ouvrit la porte du magasin. Après avoir pénétré à l’intérieur, les trois autres se regardèrent avec découragement. Bon, je commence. Cristina est capable de me tuer si elle estime que je n’en ai pas fait assez, dit-il en retroussant ses manches.

    T’inquiète pas, on va t’aider, promit Meredith.

    Ils avaient déjà passé des heures à déblayer et à nettoyer ce qui pouvait l’être lorsqu’Izzie jeta un regard vers l’extérieur. Mais qu’est-ce qu’il fait là, celui là ? Meredith regarda dans la même direction que son amie et aperçut le marchand de journaux qui les observait de l’autre côté de la vitre.

    Hé la petite blonde ! Tu as besoin d’aide ? cria le jeune homme.

    Très digne, Izzie se dirigea vers la porte et la ferma en la claquant. Plutôt crever ! grogna-t-elle entre ses dents.

    C’est une Cristina toute excitée qui refit brusquement son apparition une heure plus tard. Vite, venez, faut que je vous montre quelques chose. Intrigués, ses amis la suivirent sur le trottoir. Regardez là-bas. Elle tendit le bras pour leur désigner un grand bâtiment blanc. Est-ce que vous avez une petite idée de ce que c’est ? Tous trois secouèrent la tête. C’est une clinique ! annonça-t-elle, triomphante.

    Au moins, on sait où aller si on est malade, plaisanta George.

    Cristina lui donna un solide coup sur l’épaule.Tu es vraiment trop con !Cette clinique, ça représente nos futurs clients. Entre le personnel et les visiteurs qui voudront amener des douceurs à leur famille, nous allons faire un tabac ! L’enthousiasme de la jeune femme gagna ses camarades et ils se mirent à danser sur le trottoir. Quand ils rentrèrent dans le magasin, Cristina constata avec satisfaction que la plupart des débris avaient disparu. Vous avez fait du bon boulot, admit-elle. Je ne pensais pas que vous en feriez autant si vite.

    C’est grâce à moi ! clama George en bombant le torse.

    Evidemment, Superman ! se moqua Cristina. Elle sortit du magasin et revint avec un paquet enrubanné qu’elle remit à Izzie. Tiens, c’est pour toi. 

    Izzie la regarda avec un air ébahi. Oh merci ! C’est quoi ?

    Ouvre ! grogna Cristina

    Izzie défit le paquet avec fébrilité. Oh c’est magnifique ! Elle sortit une magnifique plaque faite de fer forgé et d’émail blanc avec "Sweet Dream" calligraphié en rose fuchsia. Emue, Izzie serra son amie dans ses bras. Merci, Cristina.

    Celle-ci, qui n’appréciait guère ces manifestations de tendresse, se dégagea brusquement. Bon… On peut y aller… On a suffisamment bossé aujourd’hui.

    Ils étaient déjà tous à côté de la voiture quand Izzie fit demi-tour. Attendez ! Ils la virent accrocher sa plaque derrière la vitre crasseuse. Elle revint près de ses camarades Voilà ! On peut y aller.

    Alex attendit que la voiture ait disparu pour s’approcher. Sweet Dream, lit-il sur la plaque. C’est quoi, ce machin ?


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  • Le lendemain matin, Cristina déposa Meredith au coin de Marina Boulevard, avec la mission de commencer à nettoyer la boutique, tandis que ses camarades iraient choisir la peinture et le papier-peint. Cependant, Meredith décida de flâner un peu dans les rues avoisinantes avant de s’atteler au ménage. C’était la première fois qu’elle se retrouvait seule dans cette grande ville et l’impression de liberté l’emporta sur sa peur. Elle déambula dans le quartier, prenant une rue à droite, une autre à gauche, au gré de ses envies. Elle arrivait à proximité de Sweet Dream quand une devanture rouge vif attira son attention. Poussée par la curiosité, elle s’arrêta devant le magasin et se sentit mal en découvrant la vitrine. Des tourtes, des pizzas, des paninis, tous plus alléchants les uns que les autres, étaient alignés très joliment sur un fond gris, et à l’arrière-plan, il y avait des gâteaux, de toutes les tailles et de toutes les formes. A travers la vitre, Meredith aperçut aussi, au fond du magasin, de grands bocaux de verre rempli de bonbons multicolores, exactement comme Izzie projetait de le faire. On a de la concurrence, se dit Meredith. Le moral en berne, elle poursuivit son chemin et se retrouva devant la clinique dont avait parlé Cristina. Elle s’arrêta pour regarder le ballet permanent des ambulances et des voitures qui entraient dans le parking et en sortaient. Et que dire des allers et venues du personnel et des visiteurs qui passaient par les imposantes doubles portes battantes ! Toute cette agitation ajoutée à celle qui régnait dans la rue la mit mal à l’aise et elle éprouva l’envie soudaine de se réfugier dans la petite boutique. Elle y arriva en un temps record. Après avoir bataillé pour ouvrir la porte, elle la referma derrière elle et s’y appuya, le cœur battant. Il est temps que je me secoue, se fustigea-t-elle. Au boulot ! Après avoir rempli un seau d’eau savonneuse, elle se mit à genoux et commença à frotter énergiquement. Elle avait déjà récuré la moitié de la pièce lorsqu’un vrombissement de moteur, suivi d’un crissement de pneus, la fit se relever. A travers la vitre crasseuse, elle vit qu’une superbe voiture décapotable noire venait de se garer de l’autre côté de la rue, devant l’échoppe du vendeur de journaux. Mais plus que la voiture, c’est le conducteur qui attira son attention, au moment où il sortit de son bolide pétaradant. D’une belle taille, élancé, des cheveux bruns courts et bouclés, des lunettes de soleil complètement opaques alors que le temps n’était pas particulièrement beau, un jean parfaitement coupé, une veste en cuir noir, tout en lui respirait l’assurance et l’aisance financière. Le genre d’homme qu’on ne risquait pas de croiser à Crestwood. Meredith suivit des yeux l’inconnu qui se dirigeait d’une démarche féline vers l’échoppe de journaux.

    Alex accueillit chaleureusement l’homme, comme il le faisait avec ses meilleurs clients. Hé, Docteur Shepherd ! Alors, prêt à affronter la gloire ?

    Salut, Alex, dit Derek, un sourire quelque peu suffisant sur les lèvres. Quelque chose d’intéressant, ce matin ? 

    Je veux ! s’exclama Alex. On ne parle que de vous dans tous les journaux. Il prit une pile de journaux qu’il avait préparés. Vous et le Docteur Sloan avez les honneurs de la presse nationale. Et je vous ai vus à la télé hier soir. C’est géant, votre truc-là… l’intervention sur les siamoises… Ça m’en a bouché un coin.

    Derek prit un air blasé. Oh ça ! Bah c’est peu de chose… La chance était avec nous, voilà tout. Il feuilleta d’un air faussement distrait les journaux qu’Alex lui avait donnés. 

    Le marchand de journaux prit un air outré, comme s’il n’acceptait pas que le chirurgien diminue ses mérites.Il savait que tous ces gens de la haute aimaient bien être flattés même s’ils voulaient faire croire le contraire. Ben, la chance était avec elles surtout… parce que sans vous, bonjour les monstres ! 

    De là où elle était, Meredith ne distinguait pas vraiment les traits de l’inconnu mais le peu qu’elle voyait lui permettait de penser qu’elle se trouvait en présence du plus bel homme qu’elle avait jamais vu. Elle aurait donné n’importe quoi pour voir de près son visage et surtout, ses yeux, dont on lui avait toujours dit qu’ils étaient le miroir de l’âme ou encore qu’ils étaient liés au cœur. 

    A part ça, quoi d’autre ? continua Derek. 

    Britney Spears continue de se promener le cul nu. Un sacrée garce, celle-là, dit Alex en montrant la couverture d’un tabloïd où l’intimité de la chanteuse était exposée aux yeux de tous. 

    Toujours prête à l’emploi, nota Derek. Si toutes les filles pouvaient être comme elle, notre vie en serait facilitée. Alors, ne sois pas trop dur avec cette fille. 

    Ouais, pas faux… Encore que vous, vous n’avez pas trop de quoi vous plaindre avec les filles, plaisanta Alex. Je les entends, vos infirmières, quand elles viennent acheter leurs magazines. Elles rêvent toutes de vous passer la bague au doigt.

    En attendant, elles devront se contenter de passer dans mon lit, commenta Derek avec cynisme. 

    Alex éclata d’un gros rire gras. Elle est bien bonne, celle-là ! Tiens, en parlant de filles, j’ai un scoop… 

    Derek lui coupa la parole. Tu me raconteras ça une autre fois parce que, là, je n’ai pas le temps… J’ai une intervention dans une heure. Combien je te dois pour tout ça ? s’enquit-il en désignant le tas de quotidiens qu’Alex lui avait remis. 

    6,25 $. Je vous apporterai à la clinique tout ce qui doit encore sortir, promit Alex. Ça me donnera l’occasion de voir vos nouvelles assistantes et de vous faire profiter de mon scoop. Ça va vous intéresser, j’en suis sûr.

    Meredith regarda le bel inconnu qui regagnait sa voiture, ses journaux sous le bras. Elle ne put retenir une petite exclamation de surprise quand elle le vit sauter par-dessus sa portière pour s’installer derrière le volant. Beau mais frimeur ! se dit-elle.La voiture repartit comme elle était arrivée, dans un bruit assourdissant de moteur et un crissement de pneus. La jeune femme quitta la vitre et reprit sa place, à quatre pattes, récurant le sol avec entrain, l’esprit envahi de temps en temps par des images du bel inconnu. 


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  • Alex pénétra dans le hall de la clinique, une pile de magazines sous le bras. Ce n’était pas la première fois qu’il y venait, mais à chacune de ses visites, il était frappé par l’effervescence qui y régnait. Il observa les allers et venues des secrétaires et du personnel soignant, presque exclusivement féminin. Les yeux du jeune homme brillèrent. Ma parole, se dit-il, il faut avoir fait la page centrale de Playboy pour être engagé ici. Il se dirigea vers l’accueil et demanda qu’on lui indique où trouver les Dr Shepherd et Sloan avec qui il avait rendez-vous. Il parcourut le dédale des couloirs en laissant ses yeux vagabonder, ne sachant très vite plus où donner de la tête pour ne rien perdre de la vision quasi féerique qui s’offrait à lui. Mais d’où sortaient donc toutes ces jolies filles ? Il arriva enfin devant le bureau que la réceptionniste lui avait indiqué. Il frappa à la porte et entra après y avoir été invité. Il aperçut les deux chirurgiens penchés sur une revue médicale.

    Mark le salua en premier. Ah Alex ! Qu’est-ce que notre livreur de journaux préféré a pour nous ?

    Alex s’approcha de la table et y déposa les revues qu’il avait apportées. Voilà. C’est tout ce que j’ai trouvé pour le moment. A votre place, je commencerais par l’article du USA Today.

    Derek saisit le journal et commença sa lecture à voix haute. Hier, à San Francisco, les docteurs Derek Shepherd et Mark Sloan, du Golden Health Center, ont changé la vie des petites Amy et Emily Johnson… Mark but chacune de ses paroles jusqu’à ce qu’il entende la fin de l’article. Il est clair que cette intervention hors du commun doit sa réussite au talent du Dr Shepherd qui s’inscrit d’ores et déjà comme le digne héritier de l’éminent Benjamin Carson.

    Et moi ? s’écria Mark. Je compte pour des prunes ?

    C’est qui l’éminent… machin ? demanda Alex.

    C’est un des plus grands, si pas le plus grand neurochirurgien du pays, se rengorgea Derek. Il a été le premier à tenter et à réussir la séparation de jumeaux reliés par la tête.

    Et moi ? insista Mark. Ils ne disent rien sur moi ?

    Derek se replongea dans l’article. Quant au Dr Sloan, sa technique d’extension de la peau est révolutionnaire et lui assure une place de choix dans le Who’s Who de la chirurgie plastique. Aux anges, Mark frappa dans ses mains.

    Ben voilà, vous êtes célèbres maintenant, conclut Alex. Les deux docteurs échangèrent un regard où se mêlaient une extrême satisfaction et une totale incrédulité. Le vendeur de journaux avait raison, en une journée, ils étaient devenus des stars ! Alex, que ce jargon médical avait prodigieusement ennuyé, voulut ramener la conversation à un niveau qu’il maîtrisait. Vous êtes au courant que le voisinage va subir des changements ?

    Non, répondit distraitement Mark en continuant de parcourir la presse. Qu’est-ce qui se passe ?

    Vous savez, la vieille boutique qui est au n° 10 ? Celle qui était abandonnée depuis si longtemps… Pour que sa révélation ait plus d’effet, Alex attendit quelques secondes pour la délivrer. Eh bien, elle est reprise !

    Ah bon ? dit Derek, manifestement peu intéressé par la nouvelle.

    Ouais, elle est reprise par quatre bouseux du Kentucky. Déçu par le peu d’impact qu’avait eu son annonce, Alex décida de frapper un grand coup. Dans la bande, il y a une blonde… Mamma mia !

    Mark leva enfin les yeux. Une blonde ? Quel genre ?

    Un canon ! affirma Alex, ravi d’avoir enfin su éveiller l’intérêt d’un des deux compères. Elle a tout ce qu’il faut là où il faut.

    Ça vaut la peine qu’on se déplace ? demanda Derek.

    Ah ouais ! Vous verriez la paire de nichons ! Et un de ces culs ! Alex dessina dans les airs la silhouette avenante d’Izzie.

    Et les autres ? se renseigna Mark.

    Alex fit une moue. Laissez tomber ! Il y en a une, c’est pas une nana mais une mégère, et l’autre, un thon mal fagoté.

    Et la quatrième ? questionna Mark, excité par la perspective d’avoir un nouveau gibier à chasser.

    C’est un mec, un demeuré qui veut se donner des airs de garde du corps, lui apprit Alex. Mais vous n’avez rien à craindre. Ce n’est pas lui qui vous fera de l’ombre.

    Ah mais c’est une bonne nouvelle, ça ! se réjouit Mark. On va aller voir la blondinette un de ces quatre. Ça nous fera de la distraction. 

    Vous ne serez pas déçus, assura Alex. Et avec votre statut, votre renommée, vous n’aurez aucun mal à conquérir cette paysanne.

    Et quand on lui aura brisé le cœur, tu pourras toujours la consoler, laissa tomber froidement Derek.


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  • Il était déjà tard quand les jeunes Kentuckiens laissèrent tomber éponges et serpillières. Sur le seuil du local, Meredith regarda avec satisfaction le carrelage. Après avoir passé la journée à quatre pattes, elle était exténuée, ne sentant plus ni ses genoux, ni son dos. Mais elle était contente d’elle car les dalles beiges veinées de rose avaient retrouvé tout leur éclat. Izzie vint à côté d’elle et manifesta son admiration. Tu as fait de l’excellent travail. C’est magnifique.

    En entendant les éclats de voix qui résonnaient dans la pièce voisine, elles échangèrent un regard amusé. George et Cristina se prennent encore la tête, constata Meredith.

    Izzie acquiesça d’un signe de tête. Il y a des choses qui ne changeront jamais, j’en ai peur. Elle prit la main de son amie. Tu regrettes d’être venue ici, Mer ? 

    Meredith la regarda avec étonnement. Non, pas du tout ! Pourquoi, toi, oui ?

    Izzie secoua énergiquement la tête. Non, au contraire ! J’ai enfin l’impression de faire quelque chose de ma vie. Tu imagines, on est à deux mille trois cents miles de Crestwood, et pourtant, on est chez nous. C’est dingue, non ?

    Pour toute réponse, Meredith serra la main de son amie. Effectivement, c’était dingue. Surtout pour moi, songea-t-elle. Elle, qui était si peureuse et peu sûre d’elle, avait réussi à faire un premier pas vers l’indépendance. Et pour l’instant, elle s’en sortait plutôt bien. George et Cristina finirent par les rejoindre tout en continuant de se chamailler. Mais ce n’est pas fini, vous deux ? s’exclama Meredith.

    Goofy ne veut pas faire ce que je lui demande, répondit Cristina, contrariée.

    Tu m’exploites ! répliqua George. Et arrête de m’appeler Goofy, bordel ! cria-t-il, au comble de l’énervement.

    Sans lui prêter attention, Cristina se tourna vers Izzie et Meredith pour les informer du planning qu’elle avait prévu pour le lendemain. Demain, avec George, on attaque le lessivage des murs. Vous deux, vous vous occuperez des vitres. L’annonce donna des sueurs froides à Meredith. Les vitrines du magasin étaient particulièrement hautes. Il était impossible de les laver sans utiliser une échelle. Or, Meredith était sujette au vertige et la perspective de passer la journée perchée en hauteur ne la ravissait guère. Cependant, elle préféra taire ses appréhensions plutôt que d’affronter les moqueries de Cristina. Bon, on y va ? J’ai une faim de loup, clama cette dernière.

    Dorénavant, la route de Marina Boulevard jusqu’au quartier de Nob Hill n’avait plus de secret pour eux et il ne leur fallut pas longtemps pour arriver à destination. Cristina monta directement pour prendre une douche, Izzie s’enferma dans sa chambre tandis que Meredith et George se dirigeaient vers la cuisine. Ils y retrouvèrent Gloria en train de servir le café à Ellis, laquelle regardait d’un œil gourmand une tarte aux pommes recouverte d’un monceau de crème. Bonsoir, firent les deux jeunes gens. Gloria leur sourit chaleureusement.

    Ellis releva sa tête vers sa nièce. Bonsoir ma chérie. Ta journée a été bonne ?

    Très bonne, Tante Ellis, répondit Meredith. On a bien travaillé.

    Ellis la regarda avec un air profondément compatissant. Tu as l’air bien fatiguée. Tes professeurs te donnent beaucoup de devoirs à faire ? Meredith et George échangèrent un regard entendu. Il était maintenant évident que la maladie déconnectait souvent Ellis de la réalité.

    Gloria posa une maison sur le bras de la malade. Mais enfin, Ellis, Meredith n’est plus à l’école. Elle va ouvrir une boutique de douceurs avec ses amis, vous savez bien. Elle sourit aux jeunes gens. Vous voulez du café ? Je viens de le faire.

    Avec plaisir. Après avoir interrogé George du regard pour savoir s’il en voulait aussi, la jeune fille ouvrit une armoire pour prendre deux tasses.

    Elle se pétrifia sur place en entendant la voix coupante de sa tante. Je t’interdis de toucher à mes affaires, sale petite garce !

    Gloria intervint aussitôt. Voyons, Ellis, c’est votre petite Meredith qui veut prendre une tasse pour elle et son ami. Il ne faut pas lui parler comme ça. Elle fit un clin d’œil aux jeunes gens. Il ne faut pas faire attention à ce qu’elle dit, elle ne se rend pas compte. Elle se mit à couper la tarte en quartiers. Maintenant, on va goûter. N’est-ce pas, Ellis, on va manger un bon morceau de tarte !

    Cependant, Meredith préféra décliner l’invitation, pour ne pas risquer d’assister à une autre crise de sa tante. Elle passa au salon et George la suivit, trop heureux de se retrouver en tête-à-tête avec elle. Il attendait ça depuis leur arrivée à San Francisco. Cela faisait des années, depuis qu’il avait atteint l’âge de s’intéresser aux filles en fait, qu’il était amoureux d’elle et s’il avait accepté de quitter son Kentucky natal pour la Californie, c’était avant tout parce qu’il espérait que cela permettrait enfin à Meredith de ne plus le voir uniquement comme le gentil cousin d’Izzie. Mais pour cela, il fallait qu’il lui montre l’homme qu’il était devenu et ça, ça n’arriverait jamais tant que Cristina serait dans les parages, en s’obstinant à l’appeler Goofy. Il fallait qu’il crée des occasions où il serait seul avec Meredith. Et pourquoi pas un restaurant ? Excellente idée ! Il s’approcha de son amie, sans se rendre compte qu’il était aussi rouge qu’une écrevisse. Meredith… je pensais… je me disais...  

    L’arrivée d’Izzie et de Cristina le stoppa net. Quand est-ce qu’on mange ? demanda Cristina. Je crève la dalle. Pas vous ?

    Meredith interrogea George du regard. Laisse tomber, grommela-t-il entre ses dents.


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  • Quand elle était sortie de la salle de bains, après y être seulement restée quelques minutes pour se laver les mains et vérifier son apparence dans le miroir, Rose avait été stupéfaite de constater qu’elle était seule dans la chambre d’hôtel. Derek s’était évaporé. Un coup de fil à la réception avait appris à la jeune femme que le Dr Shepherd venait de quitter l’établissement après avoir réglé la note. Le réceptionniste lui avait annoncé, comme s’il s’était agi d’un insigne privilège, qu’elle pouvait donc profiter de l’endroit pour la nuit. Jamais Rose ne s’était sentie aussi humiliée. Le lendemain, elle était arrivée à la clinique avec la ferme intention de demander des explications à Derek mais elle avait dû rapidement se rendre à l’évidence. Il avait laissé des consignes pour qu’elle ne puisse pas l’atteindre. Devant son insistance, la secrétaire du chirurgien avait reconnu, du bout des lèvres, qu’il avait ordonné qu’on décourage toutes les tentatives d’approche de l’infirmière. C’est le cœur gros que celle-ci était repartie travailler.

    Ainsi donc, la rumeur disait vrai. La beauté de Derek Shepherd n’avait d’égal que son profond mépris à l’égard de la gente féminine. Depuis qu’elle avait été engagée au Golden Health Center, Rose avait entendu divers bruits de couloir selon lesquels les deux plus proches collaborateurs du Dr Webber étaient de vils séducteurs, laissant tomber leurs conquêtes sitôt après les avoir abusées. Derek Shepherd, surtout, était connu pour ne jamais accorder de second rendez-vous, quelle que soit la façon dont le premier s’était déroulé. Dans sa grande naïveté, Rose avait cru pouvoir échapper à la norme. Mais elle n’avait pas failli à la règle, elle venait d’en faire l’amère expérience.

    Elle avait presque abandonné l’idée d’avoir une explication lorsque, en fin de journée, au détour d’un couloir, elle aperçut le beau chirurgien qui sortait du bloc, en compagnie de ses amis, les Dr Sloan et Torres. Ils riaient et parlaient fort. Manifestement, leur intervention avait été une réussite, encore une ! A les voir ainsi, tous les trois, on avait l’impression que le monde leur appartenait.

    Mue par une impulsion soudaine, Rose se précipita à la rencontre du trio. Derek… Derek, je voudrais te parler. Le regard que le chirurgien lui jeta lui donna envie de disparaître sous terre. Derek, je t’en prie…

    Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble, dit froidement Derek. Pour vous, ce sera le Dr Shepherd, jusqu’à nouvel ordre.

    Mais… mais, bafouilla la jeune femme. Hier…

    Derek lui coupa à nouveau sèchement la parole. Hier était un autre jour.

    Bien que décontenancée par sa froideur et le regard goguenard que lui lançaient les deux autres médecins, Rose insista pourtant. J’ai droit à une explication, tout de même.

    Derek souffla bruyamment. S’il y avait bien une chose qui l’horripilait, c’était ces gonzesses qui osaient lui demander de se justifier. Pourquoi ? Comment ? Pfft ! A quoi tout cela servait-il ? Ils avaient passé un moment ensemble. Après, lui, il passait à autre chose. Ne pouvaient-elles donc pas faire de même ? Il saisit vivement l’infirmière par le bras et l’entraîna un peu plus loin, à l’abri des oreilles indiscrètes. Quelle explication ? aboya-t-il.

    Je ne mérite pas que tu me traites de la sorte, protesta Rose.

    Derek la prit de haut. Te traiter comment ? J’ai payé la chambre, me semble-t-il.

    Je n’y suis pas restée ! s’écria Rose.

    Eh bien tu as eu tort, répliqua Derek. A part ça, il n’y a rien de plus à dire. Me faire une fellation ne te donne aucun droit sur moi, surtout de la manière dont tu l’as faite. Roseblêmit. Pour ma part, l’incident est clos, asséna-t-il.

    Il voulut s’éloigner mais Rose le retint par la manche. Tu es vraiment un immonde personnage, chouina-t-elle.

    Dans ce cas, tu devrais me remercier de ne pas t’imposer ma présence plus longtemps. La vue de la jeune femme en larmes excéda Derek au plus haut point. Oh et cesse de pleurer, par pitié. Mais qu’est-ce que tu as cru, franchement ? Que j’étais ton grand amour ? Que nous allions nous marier et avoir une ribambelle d’enfants ? Arrête de rêver. Nous nous sommes parlé cinq fois tout au plus et tu acceptes de me suivre dans une chambre d’hôtel. Tu n’as eu que ce que tu méritais. Il la planta là et alla rejoindre ses amis qui l’attendaient à l’endroit où il les avait laissés.

    Et un cœur brisé, un ! claironna Mark.

    La solidarité féminine m’oblige à dire que vous êtes de beaux salauds, tout de même, dit Callie, en tentant de garder son sérieux.

    Tu parles ! s’exclama Mark. Tu es pire que nous. Il se tourna vers Derek qui restait renfrogné. Qu’est-ce que tu as ? Ne me dis pas que tu as des remords.

    Derek haussa légèrement les épaules. Non. Pourquoi j’en aurais ? Mark et Callie n’insistèrent pas. Ils connaissaient assez leur ami pour savoir quand il valait mieux le laisser tranquille. Ah ça me fait chier, tout ça ! éructa soudain Derek. Elles se donnent des airs émancipés, elles veulent se la jouer femme moderne et ce sont les premières à t’inviter dans leur lit, mais après elles se conduisent comme des vierges offusquées. N’y en a-t-il donc pas une pour rattraper les autres ? 


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